[3,0] LIVRE III. FÉVRIER. [3,1] Il faut garder et fumer les prairies. I. Au mois de février on commence à garder les prairies dans les climats tempérés, après les avoir saturées, si elles sont maigres, d'un engrais dont il faut les couvrir au premier quartier de la lune. Plus le fumier sera nouveau, plus il fournira d'aliment aux herbes. On l'étendra sur l'endroit le plus élevé du sol, afin que les sucs se répandent dans toutes les parties. [3,2] Il faut Labourer les collines. II. Dans les pays chauds, ou lorsque le temps est doux et sec, labourez, même à cette époque, les collines grasses. [3,3] De l'ensemencement trimestriel. III. Tout ensemencement trimestriel a lieu ce mois-ci. [3,4] Des lentilles et de la gesse. IV. Semez à cette époque les lentilles dans un terrain maigre et léger, ou même gras, mais très sec, parce qu'un excès de végétation et l'humidité leur sont funestes. On les sème à propos jusqu'au douzième jour de la lune. Si on veut qu'elles poussent et grandissent promptement, il faut d'abord les mêler avec du fumier sec. Ce n'est qu'après les avoir ainsi laissées reposer quatre ou cinq jours, qu'il faut les confier à la terre. Un seul boisseau de lentilles suffit pour un arpent. Semez aussi en février la gesse, en vous conformant à la nature du sol et à la méthode que j'ai indiquée. [3,5] Du chanvre. V. C'est à la fin de ce mois que vous sèmerez le chanvre dans un terrain gras, fumé, entrecoupé d'eaux vives, ou dans une plaine humide et profondément défoncée. On en met six grains dans un pied carré. [3,6] De la luzerne. VI. Nous parlerons des qualités de la luzerne, quand il sera question de la semer. Maintenant il convient de labourer, d'épierrer et de herser avec soin le champ qui doit la recevoir. Après l'avoir bêché, vers les calendes de mars, comme la terre d'un jardin, vous y ferez des planches longues de cinquante pieds sur dix de large, afin qu'on puisse aisément les arroser, et en arracher, de chaque côté, les mauvaises herbes. Alors vous y répandrez du terreau, et vous les tiendrez ainsi prêtes pour le mois d'avril. [3,7] De l'ers. VII. On peut encore semer l'ers dans tout le courant de ce mois. Semé en mars, il serait pour le menu bétail un aliment nuisible et rendrait les boeufs furieux. [3,8] Des soins qu'exigent la vigne et les arbres fruitiers, et de l'orge de Galatie. VIII. Si l'on verse à présent de la vieille urine au pied des arbres fruitiers et des vignes, ils se couvriront de superbes fruits. Il est bon, surtout pour les oliviers, d'y mêler du marc d'huile sans sel quand les jours sont encore froids, et avant que la chaleur ne commence. Dans les pays froids, on sème aussi à cette époque, vers les calendes de mars, l'orge de Galatie, qui est un grain lourd et blanc. [3,9] De la plantation des vignes. IX. À cette époque on couvre toute espèce de sol façonné de vignes, qu'on plante dans les tranchées ou dans les fosses. Bien appropriée à la nature des climats et des terrains, la vigne les supporte tous. En conséquence, plantez en rase campagne l'espèce qui résiste aux gelées et aux brouillards; sur les coteaux, celle qui brave la sécheresse et les vents; dans une terre grasse, les vignes grêles et peu fécondes; dans une terre maigre, les vignes fertiles et robustes; dans une terre compacte, les vignes fortes et feuillues; dans une terre froide et sujette aux brouillards, celles qui, par une prompte maturité, préviennent les mauvais temps, ou celles qui, ayant le grain dur, fleurissent même sous un ciel nébuleux; dans une terre exposée aux vents, les vignes fermes et solides; dans une terre chaude, celles dont le grain est tendre et humide; dans une terre sèche, celles qui ne peuvent supporter la pluie; en un mot, choisissez les espèces dont les défauts vous avertissent qu'elles se plaisent dans des lieux opposés à ceux où elles ne pourraient résister. Un ciel doux et serein fait sûrement prospérer toute espèce de vignes. Il n'est pas nécessaire de les détailler toutes. On sait que les raisins qui se distinguent par leur grosseur et leur beauté, et qui ont le grain dur et sec, sont réservés pour la table, et que les vignes fécondes dont les grappes ont la peau tendre et le goût fin, surtout celles qui perdent promptement leurs fleurs, doivent être gardées pour la vendange. Le sol change la nature de presque toutes les vignes. Il n'y a que les Aminées qui donnent partout d'excellent vin. Elles supportent une exposition plutôt chaude que froide, et ne peuvent passer d'un sol gras dans un terrain maigre, sans le secours du fumier. Il y en a de deux espèces, la grande et la petite. Celle-ci perd mieux et plus promptement sa fleur ; elle a aussi les entre-nœuds moins longs et le grain plus petit. Jointe à un arbre, elle veut une terre grasse; alignée, elle en demande une médiocre. Elle brave les pluies et les vents qui nuisent souvent à la grande, lorsqu'elle est en fleur. Le raisin muscat est également distingué. Il suffit de citer ces espèces. Un agronome intelligent choisira les meilleures vignes, et, pour conserver à chacune sa qualité, ne les confiera qu'à des terres qui aient un certain rapport avec celles d'où le plant a été tiré. Mais il vaut mieux transplanter un cep ou un arbuste d'un sol maigre dans un terrain gras; la méthode contraire ne peut produire d'heureux résultats. Les ceps qu'on doit planter seront choisis dans le milieu de la souche, et non dans le haut ni dans le bas. On les tirera du bois vieux, à partir du cinquième ou du sixième bourgeon. Pris à cet endroit, ceux qu'on transplante ne dégénèrent pas facilement. Ils seront coupés sur une vigne féconde. Ne regardez pas comme fertiles des branches qui ont porté une ou deux grappes, mais celles qui plient sous le poids de leur fécondité; car sur une souche fertile, il peut se trouver des branches plus productives que d'autres. On reconnaît encore là fertilité d'une souche quand elle porte des fruits sur quelque endroit de son bois dur, et quand les surgeons de la partie inférieure en sont couverts. C'est une chose à signaler par une marque dans le temps des vendanges. On choisira, pour la planter, une jeune branche dont le bois ne soit ni vieux ni dur; car l'un, en se pourrissant, gâte souvent l'autre. On dédaignera le bout des fouets et les pousses qui n'auront pas donné quoique venues en bon lieu. Un rejeton feuillu qui provient du bois dur, eût-il même porté des fruits, ne doit pas être regardé comme productif; car sa mère le féconde dans la place qu'il occupe mais si on le transplante, il conservera la stérilité qui tient à sa nature. Il ne faut ni tordre ni tourmenter d'aucune manière la tête du cep en le plantant, de peur que si la partie féconde était tout enterrée, il ne restât plus hors du sol que ce qui avoisine la partie stérile. On ne pourrait même le tordre sans préjudice, et la partie dont on attend des racines ne doit être exposée à aucune injure dont elle soit obligée de se défendre avant qu'elle ait pris dans le sol. On plantera les vignes par un jour calme et tempéré, et l'on prendra garde que les sarments ne soient desséchés ni par le soleil ni par le vent. On les plantera sur-le-champ ou on les recouvrira de terre pour les planter plus tard. C'est dans ce mois et dans tout le cours du printemps qu'on plante la vigne dans les pays froids et brumeux, dans les plaines grasses et clans les cantons humides. Les ceps auront une coudée de long. Quand la terre est grasse, on laisse de grands intervalles entre eux, et de petits espaces quand elle est maigre. C'est pour cela que, en alignant des ceps sur la surface entière d'un terrain façonné, quelques-uns laissent entre eux trois pieds dans tous les sens. D'après cette méthode, on plantera par arpent trois mille six cents ceps. Si l'on veut mettre un intervalle de deux pieds et demi entre chaque cep, on en plantera quatre mille sept cent cinquante-trois dans la même étendue. Voici la manière dont on s'y prend pour les planter. Afin d'observer les distances qu'il convient de leur donner, on indique une ligne avec des marques blanches ou de toute autre couleur. Ensuite, après l'avoir prolongée jusqu'au bout du terrain, on fiche en terre des baguettes ou des roseaux à l'endroit de chaque rejeton. La surface sera ainsi couverte d'un nombre de jalons égal à celui des ceps, et le planteur placera, sans se tromper, les ceps déposés près des jalons. Outre cela, ne couvrez pas tout terrain façonné d'une seule espèce de vignes, de peur qu'une mauvaise année n'anéantisse tout espoir de vendange. Plantez donc quatre ou cinq ceps d'excellente qualité, en ayant soin surtout de ranger les espèces par planches et de les disposer en échiquier, à moins que vous ne reculiez devant la difficulté du travail. Si le vignoble est vieux, vous pourrez l'entrecouper par planches de ceps de chaque espèce, et vous pratiquerez facilement ce genre de culture qui est beau et utile. Ainsi la maturité et la floraison, qui, pour chaque espèce, ont lieu à des époques différentes, arriveront plus sûrement au temps qui leur est propre. Il serait d'ailleurs onéreux de faire cueillir le raisin mûr au milieu de celui qui ne l'est pas; et si, d'un coté, il est mauvais de mêler la vendange à son point à celle qui est encore verte, de l'autre il est préjudiciable d'attendre que cette dernière soit mûre pour attaquer la première. Joignez à cet avantage que les vendanges se succédant par degrés, selon la différence du plant, il faudra moins d'ouvriers pour faire la récolte et serrer les raisins par espèces, et qu'on pourra conserver son goût à chaque vin, dont la nature ne sera ainsi combattue par aucune autre. Si cette pratique vous paraît difficile, au moins ne plantez pas ensemble d'autres vignes que celles dont le goût, la floraison et la maturité s'accordent entre eux. Cette méthode convient aux terrains renouvelés et aux tranchées; quant aux fosses, vous y planterez un cep à chaque coin. Suivant Columelle, vous y étendrez alors du marc de raisin mêlé avec du fumier, et, si le sol est maigre, vous y mettrez de la terre grasse ou de la terre rapportée. Quand vous planterez des ceps ou des marcottes dans un terrain moite, mais plutôt sec que bourbeux, plantez-les obliquement, en laissant deux bourgeons à fleur de terre : ils prendront ainsi plus aisément. [3,10] Comment on marie les vignes aux arbres X. Aimez-vous à marier les vignes aux arbres, élevez des ceps féconds que vous transférerez, avec leurs racines, dans des fosses creusées près des arbres. Nous appelons pépinière, une planche labourée uniformément à la profondeur de deux pieds et demi. Dans cette planche, dont l'étendue sera proportionnée au nombre de vignes ou de tout autre plant, placez les ceps à très peu de distance les uns des autres. Si elle est dans une vallée ou dans une plaine humide, laissez aux ceps trois bourgeons, indépendamment des petits qui se trouvent au bas. Dès qu'ils seront forts, transplantez, au bout de deux ans, les jeunes ceps ou les jeunes arbres garnis de racines. Quand vous les mettrez dans leur fosse, vous les réduirez à un seul jet, en retranchant toutes les parties galeuses, et en écourtant même les racines qui pourraient être endommagées. Pour marier les vignes aux arbres, déposez dans une fosse deux ceps garnis de racines, et pour éviter que les racines ne se touchent, séparez-les avec des pierres d'environ cinq livres pesant. Magon prétend que, la première année, il ne faut pas combler la fosse, mais la remplir par degrés, afin que les racines de la vigne se fixent plus avant. Cette méthode convient peut-être aux pays secs; mais, dans les cantons humides, le plant pourrirait dans l'eau, si l'on ne comblait sur-le-champ la fosse. Faites-vous un plant de vignes unies aux arbres, cultivez l'orme et le peuplier, si vous pouvez en couvrir la plaine, et le frêne, dans les terrains âpres et montagneux, où l'orme ne réussit point. Columelle recommande d'élever aussi ces arbres dans une pépinière; mais, comme il n'y a point de canton qui ne produise naturellement quelqu'une de ces espèces, il me semble qu'il faut, à cette époque, déposer, près de la fosse destinée aux ceps, ces arbres même grands, transportés de quelque lieu que ce soit, ou leurs troncs garnis de racines. Le sol où vous disposez votre plant est-il fertile en blé, laissez, pour qu'on puisse l'ensemencer, quarante pieds entre les arbres, ou la moitié, s'il est maigre. Dans la fosse, le cep sera éloigné d'un pied et demi de son arbre ; s'il en était trop voisin, l'arbre l'étoufferait eu grossissant. Environnez-le aussi de tuteurs pour le protéger contre les attaques des troupeaux avides, et attachez-le de bonne heure à son arbre. Voici encore une autre méthode facile pour transplanter les vignes mariées. Faites une corbeille d'osier qui ait un pied ou un peu moins de circonférence. Portez-la près de l'arbre auquel la vigne est unie, et percez-la au milieu du fond pour donner passage à un cep. Après y avoir introduit le cep de la vigne dont vous voulez tirer des plants, suspendez-la à quelque endroit de l'arbre, et remplissez-la de terre végétale, afin que le cep, que vous aurez tordu auparavant, soit entièrement enfoui. Ainsi renfermé, il poussera des racines au bout d'un an. Alors vous le couperez au-dessous de la corbeille pour le porter, garni de racines, dans la corbeille même, à l'endroit que vous voulez remplir de vignes à marier, et vous l'y enterrerez près des racines de l'arbre auquel il doit s'unir. Par ce moyen vous transplanterez autant de ceps qu'il vous plaira, sans avoir à craindre qu'ils ne prennent point. [3,11] Des vignobles de province. XI. En province on fait les vignes de beaucoup de manières; mais la meilleure consiste à dresser les ceps sur une jambe courte, comme des arbustes. Un roseau leur sert d'appui jusqu'à ce qu'ils se soient affermis. Ils ne doivent pas avoir plus d'un pied et demi de haut. Quand ils sont forts, ils se tiennent seuls. Suivant une autre méthode, on entoure la vigne de roseaux auxquels on attache les sarments pour les arrondir en cercles continus. La pire des positions pour la vigne, est d'être renversée et couchée par terre. Toutes ces différentes espèces se plantent dans des fosses et dans des tranchées. [3,12] De la taille des vignes. XII. Il est à propos, dans ce mois, de tailler la vigne dans les lieux un peu froids et dans les pays tempérés. Quand il y a beaucoup de vignes, on taille au printemps celles qui sont au nord, et en automne, celles dont l'exposition est plus favorable. Attachez-vous toujours, dans la taille, à fortifier le pied de la vigne, et ne laissez jamais deux bois durs à un jeune cep, tant qu'il est faible. Élaguez les rameaux errants, tonus, débiles, nés dans un mauvais endroit. Retranchez également celui qui naît au milieu d'une branche bifurquée. Mais s'il a pris du développement aux dépens d'une des jumelles, coupez-en une pour qu'il la remplace. Un habile émondeur, pour renouveler la vigne, ménagera toujours le sarment inférieur qui sera né dans un bon endroit, et le laissera sur le cep, en le taillant jusqu'au premier ou au second bourgeon. Dans un terrain bien exposé, on permet à la vigne de s'élancer plus haut; on la tient plus basse dans un sol maigre, brûlant, incliné, ou sujet aux orages; dans un sol gras, on laisse deux fouets à chaque branche. Un agronome doit connaître la force d'un vignoble. Si vous faites monter la vigne dans un terrain fécond, elle n'aura pas plus de huit branches à fruits, sans compter le courson que l'on conserve toujours à la partie inférieure. Coupez tout ce qui croît autour d'elle, à moins qu'elle n'ait besoin d'être renouvelée. Si le tronc est creusé par le soleil, par les pluies ou par des animaux nuisibles, enlevez tout le bois mort, et enduisez la plaie de marc d'huile et de terre : cette précaution obviera aux accidents dont j'ai parlé. Faites aussi disparaître l'écorce qu'on a coupée et qui reste suspendue au cep : par là vous diminuerez la lie du vin. Ratissez la mousse partout où il s'en trouve. Les incisions faites à la vigne sur son bois dur seront obliques et rondes. Coupez , comme je l'ai dit, tous les sarments vieux ou de mauvaise venue, conservez les jeunes et ceux qui portent du fruit. Retranchez aussi les ergots secs des coursons, ceux qui ont un an, et tout ce que vous trouverez de vieux ou de galeux. Les vignes que vous voulez arrondir en berceau ou faire monter le long d'une perche, dès qu'elles seront élevées de quatre pieds au-dessus du sol, doivent avoir quatre branches. Si la vigne est maigre, laissez-lui un fouet par branche, et deux si elle est grasse. Veillez à ce que les sarments que vous conservez ne soient pas tous du même côté ; dans ce cas, la vigne se dessèche, comme si elle était frappée par la foudre. Ne laissez de sarments ni sur le bois dur ni sur la cime, parce que les premiers, tels que les ceps feuillus, produisent moins de fruits, tandis que les seconds chargent la vigne d'une fécondité excessive, et la font monter trop haut. Laissez donc au milieu de la souche les sarments de réserve. Ne faites pas l'incision près d'un bourgeon, mais un peu au-dessus et du côté opposé, à cause de la larme qui en découle. [3,13] De la taille de la vigne unie aux arbres. XIII. Quand une vigne est mariée à un arbre, coupez le premier bois jusqu'au second ou au troisième bourgeon. Ensuite, chaque année, laissez croître un peu de bois à travers les branches qui élancent toujours un fouet vers la cime de l'arbre. Ceux qui visent à la quantité du vin, dirigent plusieurs fouets à travers les branches ; ceux qui songent à la qualité, font courir les sarments vers la cime. Couvrez de sarments les grosses branches; mettez-en peu sur les petites. Voici comment on taille la vigne unie aux arbres. Coupez tous les anciens sarments auxquels a été suspendu le fruit de la première année, et laissez les nouveaux, après avoir élagué les tendrons et les surgeons inutiles. Mais ayez soin de délier et de relier annuellement la vigne pour la rafraîchir. Disposez les branches des arbres tuteurs de manière que l'une ne suive pas la direction de l'autre. Dans un terrain gras, choisissez un ormeau de huit pieds de haut; dans un terrain maigre, un ormeau sans branches qui ait sept pieds. Dans un sol exposé à la rosée et aux brouillards, les branches de l'arbre tuteur seront dirigées par la taille au levant et au couchant, afin que ses flancs nus étalent toutes les parties de la vigne aux rayons du soleil. Faites en sorte que les vignes ne soient pas trop fournies sur les arbres. Quand ceux-ci viendront à manquer, remplacez-les par d'autres. Maintenez les branches plus bas dans un terrain en pente, plus haut dans un sol plat et marécageux. N'attachez pas à l'arbre les rameaux fertiles avec un osier dur, de peur que ce lien ne les coupe ou ne les use. Sachez bien que le sarment ne revêt de fruits que la partie qui dépasse la ligature, et qu'il réserve la partie inférieure pour donner du bois l'année suivante. [3,14] De la taille des vignes on province. XIV. Voulez-vous, comme dans les provinces, élever des vignes qui se tiennent droites comme des arbustes, ainsi que je l'ai dit, laissez-leur des branches des quatre côtés, et conservez à celles-ci le plus de sarments que la vigne pourra comporter. Les vignes qu'on arrondit à l'aide de roseaux, se tailleront comme celles qui s'appuient sur des pieux ou sur des échalas. Celles qui rampent sans soutien, ce qu'il ne faut souffrir qu'en raison de dépenses qu'on ne peut faire ou des exigences des localités, auront deux bourgeons la première année, et ensuite un plus grand nombre. Les vignes de cette espèce doivent être taillées de près. [3,15] De la taille des jeunes vignes. XV. Suivant Columelle, dès la première année on ne doit laisser aux jeunes vignes qu'un seul jet, et il ne faut pas, comme en Italie, les tailler entièrement au bout de la seconde année. Ainsi taillées, elles périssent ou produisent des sarments stériles qui , étant écimés, sont forcés de sortir d'une partie du bois dur, à la manière des rameaux feuillus. Aussi nous pensons qu'il faut laisser un ou deux bougeons auprès de la commissure même du vieux sarment. C'est justement la méthode qu'on doit suivre à l'égard d'une jeune vigne un peu forte, en l'aidant avec des roseaux ou de petits pieux, afin qu'elle puisse en recevoir de plus gros la troisième année. À quatre ans, si le terrain est gras, ou devra la contraindre à nourrir trois rejetons. Aussitôt après la taille, on retirera des vignobles les sarments coupés, les ronces et tout ce qui embarrasse l'ouvrier. [3,16] Des provins. XVI. Faites aussi des provins ce mois-ci. Il sera mieux, comme le dit Columelle, de renouveler avec des sautelles les vignes vieilles et cariées, dont le bois dur s'est trop étendu, que de les enterrer tout entières. Cette dernière méthode déplaît aux cultivateurs. On nomme sautelle une espèce d'arc qui reste hors de terre quand on a enfoui une partie du cep. En effet, comme l'observe Columelle, lorsque les vignes sont entièrement couchées, les nombreuses racines qui sortent de tout leur corps les fatiguent. Au bout de deux ans, on coupe les sautelles juste au milieu de l'endroit qui est hors de terre, sans déranger les ceps. Mais, suivant les cultivateurs, si l'on fait cette opération au bout de deux ans, ils poussent ordinairement de faibles racines et périssent immédiatement après. [3,17] Des différentes sortes de greffe. XVII. Ce mois est très favorable à la greffe dans les terrains chauds et exposés au soleil. Elle se fait de trois manières. Deux seulement sont praticables à cette époque; la troisième est réservée pour l'été. On greffe sous l'écorce, sur le tronc et en écusson. Pour greffer sous l'écorce, on scie le tronc d'un arbre ou l'une de ses branches, sans enlever l'écorce, à un endroit qui soit lisse et sans cicatrice; ensuite on polit la plaie avec un instrument tranchant; puis, de peur que la ligature de l'écorce n'éclate, on enfonce avec précaution, à la profondeur d'environ trois doigts, entre le bois et l'écorce, une espèce de coin mince de fer ou d'os, surtout d'os de lion. Après l'avoir retiré avec le même soin, on insère aussitôt dans la fente un scion qu'on a taillé d'un côté sans attaquer la moelle, ni endommager du côté opposé l'écorce, qui doit s'élever de six ou huit doigts au-dessus de l'arbre. Suivant sa qualité, un arbre reçoit deux, trois, ou un plus grand nombre de greffes, séparées de quatre doigts ou davantage. Alors on les resserre avec du jonc, de l'ormeau ou de l'osier, on les enveloppe de boue couverte de mousse, et on lie le tout, en sorte que le rejeton puisse s'élever de quatre doigts au-dessus. La plupart aiment mieux fendre l'arbre par le milieu, le serrer étroitement, et y enfoncer, sans toucher à la moelle, des scions sphénoïdes, à l'aide d'un petit coin, afin que, lorsqu'on le retire, la greffe puisse être resserrée par le bois qui revient sur la plaie. On emploie les deux méthodes au printemps, lorsque la lune est dans son croissant et que les arbres commencent à bourgeonner. Les scions qu'on doit greffer seront jeunes, féconds, noueux, tirés d'un sarment nouveau, coupé, sur le côté de l'arbre qui regarde le levant, de la grosseur du petit doigt, à deux ou trois fouets, et couverts de nombreux bourgeons. Voulez-vous greffer un petit arbre évidemment susceptible d'un beau développement, coupez-le près de terre, et, suivant la meilleure méthode, insérez les scions entre le bois et l'écorce; puis liez-les. Quelques-uns implantent au milieu de l'arbre un scion sphénoïde proportionné à sa grosseur, de manière que l'écorce de l'un s'adapte également partout à celle de l'autre. Si l'arbre est jeune, on remue la terre et on l'entasse jusqu'à la greffe : par là on le garantit du vent et de la chaleur. Un cultivateur habile m'a assuré que toute greffe prend sans difficulté, lorsqu'après avoir déposé les scions, on garnit uniformément la plaie de glu non détrempée, comme d'une espèce de colle qui amalgame les sucs de l'un et de l'autre bois. Nous parlerons de la greffe en écusson dans le mois qui lui convient. Columelle donne une quatrième manière de greffer, que voici : Percez un arbre jusqu'à la moelle avec une tarière gauloise, en obliquant un peu en dedans; nettoyez bien le trou, et enfoncez-y solidement un cep ou un sarment sans écorce, proportionné à la grandeur de l'ouverture, humide et plein de sève, montrant au dehors un ou deux bourgeons; puis recouvrez soigneusement d'argile et de mousse la place de la greffe. On peut greffer ainsi la vigne sur l'ormeau. Un Espagnol m'a enseigné le nouveau genre de greffe qui suit, en m'assurant qu'il en avait fait l'essai sur un pêcher. Percez avec une tarière le milieu d'une branche de saule grosse comme le bras, longue de deux coudées ou plus ; dépouillez de tous ses rameaux un jeune pêcher à l'endroit même où il est planté, en ne lui laissant que la tête, et faites-le passer à travers le trou du saule; courbez la branche de saule en forme d'arc, enfoncez-la en terre par ses deux extrémités, et bouchez le trou de chaque côté avec de la boue et de la mousse que vous serrerez bien; ensuite, au bout d'un an, quand la tête du pêcher sera tellement unie à la moelle du saule, que les deux corps n'en feront plus qu'un, vous couperez le pêcher en dessous, vous le transplanterez , et vous couvrirez de terre l'arc du saule et la tête du pêcher: cette opération donnera au pêcher des fruits sans noyaux; mais elle ne réussit que dans les terrains humides ou entrecoupés d'eaux vives: on doit même aider le saule par des irrigations, afin que son bois, qui aime l'humidité, se fortifie et communique l'exubérance de sa sève à des bourgeons qui ne sont pas les siens. [3,18] Les plants d'oliviers. XVIII. C'est à cette époque qu'on forme les plants d'olivier dans les pays tempérés. On les placera autour des quinconces, dans un terrain renouvelé, ou bien on leur affectera un terrain particulier. Si on les plante dans une terre renouvelée, on battra d'abord le sol avec une pièce de bois; puis on coupera la tête et les branches aux oliviers. Ainsi réduits à un tronc de la hauteur d'une coudée et d'un palme, ils seront déposés avec leurs racines dans une fosse où on aura répandu du fumier. On mettra dessous une couche de grains d'orge, et, après en avoir retranché toutes les parties sèches ou pourries, on couvrira de boue et de mousse leurs têtes coupées, et on les serrera avec des liens d'ormeau ou avec quelque autre attache solide. Mais on favorise surtout leur développement si, au moyen de marques faites avec de la sanguine, on les maintient dans la même exposition qu'ils avaient avant d'être transplantés. Ils seront à quinze pieds de distance les uns des autres. On arrachera de temps en temps les herbes qui croissent autour d'eux, et, quand il aura plu, on excitera la sève en remuant souvent le sol à peu de profondeur; quelquefois aussi on retirera la terre du tronc, on la mêlera et on l'entassera jusqu'à une certaine hauteur. Désirez-vous faire une plantation d'oliviers dans un endroit à part, choisissez un terrain graveleux ou argileux ramolli par le sable, ou un sablon gras, ou un sol compacte et humide. Rejetez absolument la terre argileuse du potier, la terre marécageuse et celle où l'eau séjourne, le sable maigre et le gravier pur ; quoique l'olivier y vienne, jamais il n'acquiert de vigueur. Vous pouvez aussi le planter dans un sol qui aura porté des arbousiers ou des yeuses; mais le cerris et le petit chêne coupés laissent dans la terre des racines funestes dont le suc tue l'olivier. Dans les climats brûlants, il se plaît sur des coteaux au nord; dans les climats froids, au midi; dans les climats tempérés, sur un sol en pente. Il ne s'accommode ni des terrains bas, ni des terrains escarpés; il préfère de petites collines, comme celles du pays des Sabins ou de la Bétique. On compte beaucoup d'espèces d'olives. Elles ont plusieurs noms, tels que Pausia, Orchis, Radius, Sergia, Licinia, Cominia, et d'autres qu'il est inutile d'indiquer. L'huile de la Pausia est excellente, tant qu'elle est verte; mais elle ne tarde pas à se gâter. Celle de la Licinia est exquise; celle de la Sergia est abondante. Il suffira de dire, en général, au sujet de toutes ces espèces d'olives, que les grosses sont bonnes à manger, et les petites propres à faire de l'huile. Si le terrain destiné aux oliviers est fertile en blé, éloignez les arbres de quarante pieds les uns des autres, et de vingt-cinq, si le sol est maigre. La meilleure exposition est celle du couchant. Quand vous les planterez, mettez-les dans des fosses sèches de quatre pieds de profondeur, où vous mêlerez du gravier, à défaut de pierres, et du fumier. Si le lieu est clos, les cimes seront à fleur de terre. Si vous craignez les troupeaux, vous élèverez davantage les tiges. Il sera bon de les arroser dans les pays secs, quand la pluie viendra à manquer. S'il n'y a pas d'oliviers dans le canton, et si l'on ne sait où trouver des rejetons, on fera une pépinière, c'est-à-dire qu'on creusera une planche, comme je l'ai dit plus haut, pour y planter, d'après l'avis de Columelle, des branches d'un pied et demi coupées avec une scie; au bout de cinq ans, on pourra en transférer de forts rejetons et les planter ce mois-ci dans les pays froids. La plupart, je le sais, suivant une méthode plus facile et plus avantageuse, ont coutume de mettre dans une pépinière, ou dans un plant d'oliviers, suivant leur goût, après les avoir réduites à une coudée, des racines d'oliviers qu'on trouve communément dans les forêts ou dans les lieux déserts, et d'en aider le développement en mêlant du fumier à la terre. Ainsi, des racines d'un seul arbre naît une foule de rejetons. [3,19] Du terrain propre aux arbres fruitiers. XIX. On peut aussi, dans les terrains renouvelés, disposer au nord les arbres fruitiers sur lesquels nous donnerons des préceptes particuliers qu'il faudra spécialement retenir. Le même sol convient aux arbres fruitiers et aux vignes; mais donnez aux premiers des fosses plus grandes pour favoriser l'arbre et les fruits. Si vous faites un verger, laissez trente pieds d'intervalle entre les rangées d'arbres. Les rejetons seront plantés avec leurs racines : cette méthode est la meilleure. Empêchez que la main des hommes et la dent des animaux ne nuisent à leur développement. Assignez un ordre à chaque espèce d'arbres, pour que les plus faibles ne soient pas étouffés par les plus forts. Marquez-les aussi, afin de leur conserver l'exposition qu'ils avaient avant le transfert. D'une pente aride et maigre, transportez-les dans un terrain uni, gras et humide. Si vous voulez planter des arbres faits, élevez-les de trois pieds environ au-dessus du sol. En mettant deux tiges dans une seule fosse, prenez garde qu'elles ne se touchent; car les vers les feraient périr. Mais, comme le dit Columelle, les arbres qui proviennent de graille, c'est-à-dire des noyaux, produisent plus que ceux obtenus par des rejetons ou de boutures. Dans les pays secs, aidez-les à croître en les arrosant. [3,20] Des soins qu'exigent la vigne et les arbres. XX. Il faut à présent fouir les vignobles dans les pays chauds et voisins de la mer, ou les labourer, si c'est l'usage du canton. Il faut aussi échalasser la vigne et la lier avant que les bourgeons ne paraissent ; car si on les secoue ou si on les brise, il en résulte un grand dommage. C'est maintenant qu'on fume les oliviers et les autres arbres, au décours de la lune. Une charretée de fumier suffira pour un grand arbre, et une demie pour un petit. On enlève d'abord la terre du pied de l'arbre et on la mêle avec le fumier, puis on en recouvre les racines. On fouit encore dans ce mois les plants d'arbres qui se trouvent dans les pépinières, et l'on en coupe les branches superflues ou les petites racines qui ont poussé hors de terre autour des troncs. [3,21] Des roses, des lis, du safran et des violettes. XXI. Faites, dans ce mois, des plants de rosiers, soit par la bouture, soit au moyen de la graine, dans une petite tranchée ou dans des fosses. Mais ne pensez pas que les graines de roses soient ces étamines de couleur d'or qui occupent le milieu de la fleur; la rose donne des baies semblables à une petite poire et remplies de graines qui mûrissent après la vendange. Leur maturité se reconnaît à leur mollesse et à leur couleur foncée. Si vous avez d'anciens plants, remuez la terre à l'entour avec le sarcloir ou le hoyau, et coupez tout ce qui est sec. Renouvelez aussi, avec de jeunes branches que vous coucherez en terre, les rosiers qui sont trop clairsemés. Si vous voulez avoir des roses hâtives, faites une fosse circulaire à deux palmes des rosiers, et arrosez-les d'eau chaude deux fois par jour. Plantez aussi à présent des oignons de lis, ou sarclez avec le plus grand soin les lis que vous aurez eus précédemment, afin de ne pas endommager les boutons nés autour de leurs racines, ni leurs petits caïeux qui, séparés de leur mère et disposés sur d'autres rangées, formeront de nouveaux plants. Plantez encore des pieds de violettes et des bulbes de safran, ou remuez légèrement la terre autour de ceux qui existent. [3,22] Du lin. XXII. Pendant ce mois, quelques-uns répandent, dans un terrain gras, dix boisseaux de graine de lin par un arpent, et récoltent un lin très fin. [3,23] Des plants de cannes et d'asperges. XXXIII. Faites dans ce temps-ci des plants de cannes en creusant de petites fosses, et en mettant dans chacune des boutons de cannes que vous espacerez d'un demi-pied les uns des autres. Si le pays est chaud et sec, disposez les plants dans des vallées humides ou entrecoupées d'eaux vives; s'il est froid, exposez-les à une douce température, dans des lieux engraissés par le fumier des métairies. On peut aussi semer de la graine d'asperges entre les cannes, afin qu'elles viennent ensemble, parce que les premières se cultivent et se brûlent comme les secondes. Mais si les plants de cannes sont vieux, ce sera le moment de les sarcler, après avoir purgé les racines en coupant ce qui est pourri, étriqué, improductif. On plante à présent les saules et tous les arbres qui servent d'appui aux vignes mariées, ou, à leur défaut , des genêts. On fait aussi des pépinières avec des baies de myrte et de laurier, ou bien on cultive celles qui existent. [3,24] Des jardins. XXIV. Vers les ides de février, faites des haies de jardin avec de la graine de prunellier semée sur des cordes, comme je l'ai dit en parlant de la manière de clore les jardins. Les Grecs conseillent aussi de couper une grosse branche de ronce en petits morceaux, de les enterrer dans des fosses d'un palme, et de les entretenir chaque jour en creusant la terre et en les arrosant jusqu'à ce que le feuillage paraisse. On sème la laitue dans ce mois-ci, afin de pouvoir la transplanter au mois d'avril. On sème aussi le cardon, le cresson, la coriandre, le pavot, comme au mois de novembre, ainsi que l'ail ordinaire et l'ail d'Afrique. On sème la sarriette dans un terrain gras, non fumé, mais exposé au soleil, ou, ce qui est encore mieux, voisin de la mer, et on l'entremêle de ciboules. On sème également la ciboule ce mois-ci ; mais on la sème en automne comme au printemps. La semence confiée à la terre donne une grosse bulbe, mais peu de graines; la bulbe plantée compense l'amaigrissement de la racine par une graine abondante. Les oignons demandent une terre grasse, bien travaillée entrecoupée d'eaux vives et fumée. On leur fera des planches purgées de toutes sortes d'herbes et de racines. On les sèmera par un temps calme et serein, surtout par un vent d'est et de sud. Ceux qu'on sème au décours de la lune sont plus petits et plus âcres, tandis qu'au premier quartier ils sont plus gros et plus doux. Il faut les semer clair, les dégager et les sarcler souvent. Si l'on veut qu'ils aient de grosses bulbes, on leur enlèvera les feuilles : tous les sucs se porteront alors en bas. On soutiendra sur des appuis les oignons dont on doit recueillir la graine dès que leur tige commencera à monter. Lorsque la graine deviendra noire, ce sera l'indice de sa maturité. On arrachera les tiges à demi sèches avec la graine, et on les fera sécher ainsi au soleil. C'est dans ce mois-ci que l'on sème l'aneth dans les pays froids. Il supporte tous les climats; mais il préfère un pays chaud. On l'arrose quand il ne pleut pas. On le sème clair. Quelques jardiniers n'enterrent pas la graine, s'imaginant qu'aucun oiseau n'y touche. On peut aussi semer à présent la moutarde. On sèmera encore, dans ce mois, les choux, que l'on peut également semer dans tout le cours de l'année. Ils aiment un sol gras et suffisamment travaillé; ils craignent l'argile et le gravier. Ils ne se plaisent ni dans le sablon ni dans le sable, à moins qu'il ne s'y trouve de l'eau courante. Ils supportent tous les climats, mais préfèrent les pays froids. Exposés au sud, ils produisent plus tôt; au nord, plus tard. Le chou, venu au nord, a plus de goût et de vigueur. Ce légume affectionne les pentes; aussi faut-il le planter sur l'ados des planches. Il aime à être fumé et sarclé. Quand il est clairsemé, il acquiert de la force. Il cuit plus tôt sans rien perdre de sa verdeur, lorsqu'à l'époque où il a trois ou quatre feuilles, on le saupoudre, avec un petit crible, de nitre broyé, afin de lui donner ainsi la couleur d'un charbon ardent. Il faut, dit Columelle, pour lui conserver sa verdeur, envelopper les racines d'algue marine, et les couvrir en même temps de fumier. Les choux que l'on transplante doivent être assez forts; alors ils prennent plus tard, mais acquièrent plus de vigueur. On les plante en hiver, à la chaleur du jour; en été, vers le coucher du soleil. Ils deviennent énormes, s'ils restent constamment enterrés. La graine de chou, quand elle est vieille, produit des raves. On commencera, après les ides de ce mois, à former de nouvelles griffes d'asperges avec la graine de ce légume, ou à en planter d'anciennes. Une autre méthode, qui me paraît également utile et prompte, consiste à entasser dans un terrain cultivé ou pierreux, un grand nombre de racines d'asperges sauvages. Elles donneront aussitôt du fruit sur ce terrain vierge , et l'on en brûlera les rafles, chaque année, pour rendre les pousses plus fortes et plus abondantes. Cette espèce est la plus savoureuse. On peut aussi semer à présent la mauve. On plantera de même la menthe, un pied ou en racines, dans un sol humide ou le long des eaux. Elle veut un terrain exposé au soleil, qui ne soit ni gras ni fumé. On sèmera, ce mois-ci, le fenouil dans un terrain exposé au soleil et légèrement pierreux. Dans les premiers jours du printemps, on sème le panais en graine, ou on le plante en pied, dans un terrain gras, léger et remué profondément. Il faut lui laisser beaucoup d'emplacement pour qu'il prenne des forces. On sème encore à cette époque l'origan, et on le cultive de la même manière que l'ail ou la ciboule. À présent aussi on sème le cerfeuil dans les pays froids, après les ides. Il exige un sol fertile, humide et fumé. On sème la poirée dans ce mois-ci, quoiqu'on puisse également la semer dans tout le courant de l'été. Elle aime un terrain léger, humide et fertile. On la transplante quand elle a quatre ou cinq feuilles, après avoir frotté les racines de fumier nouveau Elle demande à être fréquemment bêchée et abondamment fumée. Il faut semer le poireau ce mois-ci. Si vous voulez qu'il soit sectile, deux mois après qu'il aura été semé, vous pourrez le couper sur sa planche. Columelle assure que le poireau sectile est plus vivace et meilleur, si on le transplante, et si, après l'avoir tondu, on l'arrose et on le fume. Si vous voulez qu'il soit bulbeux, vous le sèmerez au printemps, et le transplanterez au mois d'octobre. Il doit être semé dans un terrain fertile, surtout plat, sur une planche unie, remuée profondément, depuis longtemps préparée et fumée. On le sème dru, si l'on désire qu'il soit sectile, et plus clair, pour qu'il soit bulbeux. Les poireaux demandent à être sarclés souvent et purgés de mauvaises herbes. Lorsqu'ils ont un doigt d'épaisseur, on en coupe d'abord les feuilles par le milieu et on raccourcit les racines ; puis on les transplante. Après les avoir garnis de fumier liquide, on les espace de quatre ou cinq doigts. Lorsqu'ils prennent racine, on les saisit, et on les soulève légèrement avec le sarcloir, afin que cette suspension les force à remplir par la grosseur de leur bulbe le vide qui se trouve au-dessous d'eux. Pareillement, si l'on sème plusieurs graines liées ensemble, il naît de ce tout un énorme poireau. De même encore si, avant de le planter, on insère dans sa bulbe de la graine de raves sans employer d'instrument de fer, il acquiert, dit-on, un développement considérable. Il croît davantage si l'on répète plusieurs fois cette opération. On sème l'année dans ce mois où l'on forme des plants de cannes. Ainsi que les roseaux, on la propage au moyen d'yeux, qu'il faut couper et couvrir légèrement de terre dans un sol bêché et bien remué, après les avoir alignés sur des planches tirées au cordeau. On les espace de trois pieds entre eux. On plante, ce mois-ci, les bulbes de colocasie. Elles aiment un sol humide, gras et surtout entrecoupé de ruisseaux. Elles se plaisent autour des fontaines, et s'inquiètent peu de la qualité du sol, pourvu qu'elles ne manquent jamais d'humidité. Elles peuvent presque toujours donner des feuilles, si on les abrite contre le froid, comme on le fait pour les plants de citronniers. On sème encore à présent le cumin et l'anis dans une terre bien remuée et mêlée de fumier. Une fois semés, il faut les débarrasser sans cesse des mauvaises herbes. [3,25] Des arbres fruitiers. XXV. On plante le poirier en pied, dans les pays froids, au mois de février, et dans les pays chauds, au mois de novembre. Mais, au mois de novembre, il faut en semer les pépins dans les pays tempérés, afin qu'ils trouvent un terrain arrosé d'eaux vives : les arbres qui en proviennent se couvrent d'une grande quantité de fleurs et portent des fruits énormes. Malgré leur prédilection pour le sol que nous avons assigne aux plants de vigne, un terrain gras les rend plus vigoureux et en multiplie les fruits. Semées dans une terre molle, les poires pierreuses perdent, dit-on, leur défaut. Les poiriers qu'on plante en pied tardent un peu à venir. Mais ceux qui préfèrent cette méthode, afin que des plants d'excellente qualité ne contractent aucune âpreté sauvage, planteront dans de grandes fosses, comme on le fait pour les oliviers, des poiriers de deux ou trois ans, garnis de leurs racines, en laissant dépasser la tige de trois ou quatre pieds au-dessus du sol, après en avoir coupé la cime, et l'avoir recouverte d'argile et de mousse. Si l'on sème des pépins de poires, ils viendront sans doute, parce que la nature ranime les principes de ses produits, et qu'aucun retard ne peut la rebuter dans sa multiplication éternelle ; mais l'homme se lasserait à les attendre, à cause de leur croissance tardive et de leur abâtardissement, il vaudra donc mieux planter en novembre des pieds de poirier sauvage, garnis de leurs racines, dans des fosses bien remuées, afin de les greffer ensuite quand il y auront pris. Les poiriers venus de plants conservent, aux fruits leur douceur et leur tendreté; mais ils durent peu, tandis que les poiriers greffés vivent longtemps. On laissera entre eux trente pieds d'intervalle. Pour qu'ils profitent, il faut souvent les arroser, et travailler sans cesse la terre à leurs pieds. Aussi croit-on que si on leur prodigue ces soins à l'époque de la floraison ils ne perdent pas une seule des fleurs venues. Il est très avantageux, après un an, de leur donner du fumier, peu importe de quelle espèce. On prétend néanmoins que celui de boeuf fait grossir et multiplie les fruits. Quelques-uns y mêlent de la cendre dans la persuasion qu'elle donne aux poires un goût délicat. Je crois qu'il est inutile de détailler toutes les variétés de poires, puisqu'elles ne diffèrent en rien quant à la plantation et à la culture. Lorsqu'un poirier languit, déchaussez-le, percez sa racine avec une tarière, et enfoncez-y une cheville de bois; ou bien introduisez dans le tronc, après l'avoir pareillement percé, un coin de pin, ou, à son défaut, un coin de chêne. On tue les vers qui s'attachent à cet arbre, et on les empêche d'y naître, en répandant souvent sur les racines du fiel de taureau. De même, en arrosant les racines pendant trois jours de lie fraîche de vin vieux, à l'époque de la floraison, on évite à l'arbre un long travail. Lorsque les poires sont pierreuses, retirez avec soin la terre qui se trouve en contact avec l'extrémité des racines; enlevez en même temps toutes les petites pierres; puis substituez-leur une autre terre passée au crible et prise dans le même sol. Mais ce remède n'est efficace qu'autant que l'arbre est constamment arrosé. C'est aux mois de janvier et de février qu'on greffe le poirier, sous l'écorce et sur le tronc, de la manière que j'ai indiquée en parlant de la greffe. Il se greffe sur le poirier sauvage et sur le pommier; suivant quelques-uns, sur l'amandier et le prunellier; selon Virgile, sur l'orne, le frêne et le cognassier; selon d'autres, sur le grenadier, mais en fente. Le scion du poirier, que l'on greffe avant le solstice, doit avoir un an, et, avant de l'insérer, on le dépouille de ses feuilles et de son bois tendre; mais si on le greffe après le solstice, on y insère un scion qui porte les derniers bourgeons. Le poirier se greffe de toute manière. Il faut confire les poires par un temps calme, au décours de la lune, depuis son vingt-deuxième jour jusqu'au vingt-huitième. On les fera sécher après les avoir cueillies de deux heures à cinq ou de sept à dix; puis on séparera soigneusement celles qui seront tombées de celles qui sont saines, presque dures et un peu vertes; ensuite on les renfermera dans un vase poissé qu'on recouvrira et qu'on enterrera, l'orifice en bas, dans une petite fosse près de laquelle coulera une source d'eau vive. De même, après avoir entassé des poires qui ont la pulpe et la peau dures, on les mettra, dès qu'elles commenceront à s'amollir, dans un vase de terre bien cuite et bien poissée, dont on enduira le couvercle de plâtre, et qu'on enterrera dans une petite fosse creusée en un lieu où le soleil donnera tous les jours. Beaucoup de gens conservent les poires dans de la paille ou dans du blé. Les uns, aussitôt après les avoir cueillies avec leurs queues, les renferment dans des cruches poissées qu'ils bouchent avec du plâtre ou de la poix, et les enfouissent en plein air dans du sablon. Les autres les conservent dans du miel sans qu'elles se touchent. On fait aussi sécher au soleil des quartiers de poires auxquelles on a ôté les pépins. Quelques-uns écument de l'eau salée qui commence à bouillir sur le feu, et, quand elle est refroidie, y plongent les poires qu'ils veulent conserver. Bientôt après, ils les retirent pour les renfermer dans une cruche bien bouchée, où ils les conservent; ou bien ils les plongent, un jour et une nuit, dans de l'eau salée, les laissent tremper deux jours dans de l'eau pure , et les gardent ensuite dans du sapa, dans du passum ou dans du vin doux. Pour faire du vin de poires, écrasez ces fruits, mettez-les dans un sac à mailles serrées, et comprimez-les avec des poids ou à l'aide du pressoir. Cette boisson se conserve en hiver, mais s'aigrit au printemps. Le vinaigre de poires se fait ainsi : Laissez en tas, pendant trois jours, des poires sauvages ou âcres qui soient mûres, et mettez-les dans un vase avec de l'eau de source ou de pluie; ce vase restera couvert pendant trente jours. Remplacez successivement par autant d'eau le vinaigre que vous tirerez pour votre usage. Voici la manière d'obtenir avec les poires une liqueur rafraîchissante : Écrasez tout entières avec du sel des poires très mûres. Dès qu'elles seront broyées, renfermez-les dans des bassins ou dans des vases de terre poissés. Au bout de trois mois, au moyen d'une légère pression, elles rendront une liqueur savoureuse, riais blanchâtre. Pour lui donner de la couleur, vous mêlerez un peu de vin noir aux fruits quand vous les salerez. On plante les pommiers en février et en mars, et, si le climat est chaud et sec, en octobre et en novembre. Il est inutile d'en énumérer les nombreuses espèces. Ils aiment un sol gras et fertile, humecté plutôt naturellement que par des irrigations. S'ils sont plantés dans l'argile ou dans le sable, ils ont besoin d'être arrosés. Dans les pays montagneux, ils doivent être exposés au midi. Ils croissent aussi dans les pays froids, si on les garantit de la rigueur du climat; ils ne refusent même pas de venir dans les lieux âpres et humides. Un sol maigre et aride rend les pommes véreuses et les fait tomber. On les plante de toute manière, comme les poiriers. Ils n'ont besoin ni de la charrue ni de la houe: aussi les prés leur conviennent-ils plus que tout autre terrain. Ils n'exigent pas le fumier de brebis, mais ils s'en accommodent volontiers, même lorsqu'il est mêlé de cendres. Ils aiment à être arrosés modérément. Il est bon de les tailler, surtout pour les débarrasser des branches sèches ou de mauvaise venue. Cet arbre vieillit de bonne heure, et dégénère dans sa vieillesse. Fendez-en la racine, et mettez-y une pierre pour retenir les fruits quand ils menacent de tomber. Frottez-en la cime de fiel de lézard vert, et il ne se pourrira point. On en tue les vers avec de la fiente de porc mêlée d'urine humaine, ou avec du fiel de boeuf. Y en eût-il des milliers autour de l'arbre, il ne s'en montrera plus, si on les racle avec un grattoir d'airain, et si l'on enduit de bouse de vache l'endroit d'où on les a fait tomber. Les branches du pommier sont-elles surchargées de fruits, enlevez ceux qui sont gâtés pour répartir la sève aux autres, et reporter sur les bons fruits l'abondance des sucs que l'arbre distribuait en pure perte à une foule de mauvais. Le pommier se greffe sur les mêmes espèces que le poirier. Comme lui, on le greffe en février et en mars, ainsi que dans les autres mois, sur le pommier, le poirier, le prunellier, le prunier, le sorbier, le pêcher, le platane, le peuplier et le saule. Choisissez avec soin les pommes que vous voulez garder. Couvrez de paille une claie, et rangez-les par tas séparés dans des lieux obscurs où l'air ne pénètre point. Ces tas devront être petits. On suit diverses méthodes pour conserver les pommes. Quelques-uns les enferment une à une dans des vases de terre poissés et bouchés, ou les enveloppent d'argile, ou en frottent seulement la queue de craie, ou les rangent sur des planches entre deux couches de paille. On peut, sans aucun soin, conserver toute l'année les pommes rondes qu'on appelle orbiculaires. D'autres renferment les pommes dans des vases de terre, poissés et bouchés hermétiquement, qu'ils plongent dans un puits ou dans une citerne. D'autres, après avoir cueilli des pommes intactes et en avoir trempé la queue dans de la poix bouillante, les rangent sur des planches recouvertes de feuilles de noyer. La plupart répandent entre les pommes de la sciure de peuplier ou de sapin. Il faut les poser, la queue renversée, et n'y pas toucher avant qu'elles paraissent bonnes à manger. On fait du vin et du vinaigre avec les pommes, par les mêmes procédés que j'ai indiqués en parlant des poires. Les auteurs ne s'accordent pas sur l'époque où l'on doit planter les cognassiers. Pour moi, je sais par expérience que des cognassiers, plantés avec leurs racines aux environs de Rome, au mois de février ou au commencement de mars, dans un terrain renouvelé, ont pris si heureusement, que souvent ils ont abondamment donné des fruits dès l'année suivante, quand ils avaient été plantés déjà grands. Plantez les cognassiers , dans les pays secs et chauds, à la fin d'octobre ou au commencement de novembre. Ils aiment un sol froid et humide. S'ils sont plantés dans un terrain chaud, il faut les aider par des arrosements. Ils supportent néanmoins une température moyenne, ils viennent également dans un sol plat ou en pente; mais ils préfèrent un terrain qui s'incline et qui penche. Quelques-uns plantent les cognassiers en cimes et en boutures; mais ils tardent à venir des deux manières. Il faut les espacer largement, afin que, si le vent les secoue, l'eau de l'un ne dégoutte pas sur l'autre. Quand ils sont petits, ou quand on les plante, ils ont besoin de fumier. Quand ils sont grands, on répand, une fois l'an, sur leurs racines de la cendre ou de la craie en poudre. L'humidité constante hâte la maturité des coings et les rend plus gros. On les arrose quand il ne pleut pas, et l'on en bêche le pied, dans les pays chauds, en octobre ou en novembre; dans les pays froids, en février ou en mars. Si l'on ne remue constamment le sol qu'ils recouvrent , ils deviennent stériles, ou leurs fruits dégénèrent. Les cognassiers veulent être taillés (j'en ai fait l'expérience), et délivrés de tout ce qui peut leur être défavorable. Si vous en avez un de malade, versez sur ses racines du mare d'huile mêlé avec partie égale d'eau, ou enduisez le tronc, soit de chaux vive détrempée avec de la craie, soit de résine de larix mêlée avec de la poix liquide; ou bien, après l'avoir déchaussé, mettez autour de ses racines un nombre impair de coings proportionné à sa grandeur, et fixez-les en les couvrant de terre. Cette pratique, renouvelée chaque année, préserve l'arbre de maladie, mais nuit à sa durée. On greffe les cognassiers au mois de février, plutôt sur le tronc que sous l'écorce. Ils reçoivent presque toutes sortes de greffes, celle du grenadier, du sorbier et de tous les pommiers qui donnent les meilleurs fruits. Jeunes et pleins de sève, on les greffe sous l'écorce; quand ils sont grands, il vaut mieux les greffer vers la racine, parce que la terre qui s'y attache rend leur écorce et leur bois humides. Cueillez les coings quand ils sont mûrs. On les conserve, soit en les mettant entre deux tuiles unies de tous côtés avec de la boue, soit en les faisant bouillir dans du defrutum ou du passer. D’autres les conservent, quand ils sont gros, en les enveloppant dans des feuilles de figuier. D'autres les serrent simplement dans des endroits secs, où l'air ne pénètre point. D'autres, après les avoir coupés par quartiers avec un roseau ou un couteau d'ivoire, et en avoir ôté le coeur, les déposent dans un vase d'argile contenant du miel. D'autres les mettent aussi tout entiers dans le miel; mais alors, quand on veut les confire, on doit les choisir assez mûrs. D'autres les couvrent de millet, ou les placent séparément dans de la paille. D'autres les renferment dans des amphores remplies d'excellent vin, ou les conservent dans un mélange à parties égales de vin et de defrutum. D'autres les plongent dans des vaisseaux contenant du moût et qu'ils bouchent ensuite, ce qui parfume le vin. D'autres enfin les rangent à part sur un plat neuf qu'ils couvrent de plâtre sec. On sème ou on plante le caroube aux mois de février et de novembre. Le caroubier aime les pays voisins de la mer, chauds, secs et plats ; mais, comme je l'ai éprouvé, on augmente sa fécondité dans les pays chauds, si l'on prend la peine de l'arroser. Il vient aussi de bouture. Il demande une large fosse. Quelques-uns croient qu'on peut le greffer, même au mois de février, sur le prunier ou sur l'amandier. On en conserve très longtemps les siliques en les étalant sur des claies. Le mûrier est ami de la vigne. Il vient de graine; mais alors son fruit et son bois dégénèrent. Il faut le planter en boutures ou en cimes, mais mieux en boutures d'un pied et demi, aiguisées de chaque côté, et enduites de fumier. Après avoir fait un trou avec un pieu, on y met les boutures, et on les recouvre de cendres mêlées de terre, qu'on ne doit pas entasser à plus de quatre doigts. On les plante depuis le milieu de février jusqu'à la fin de mars; dans les pays chauds, à la fin d'octobre, ou au commencement de novembre, surtout au printemps, le neuf des calendes d'avril. Le mûrier se plaît dans les terrains chauds, sablonneux, et ordinairement voisins de la mer. Il prend difficilement dans le tuf et l'argile. On croit que l'humidité continuelle lui est peu convenable. Il aime à être foui et fumé. Après trois ans, il faut en élaguer les branches sèches et pourries. On en transfère les plants, s'ils sont forts, en octobre ou en novembre; s'ils sont jeunes, en février et en mars. Ils exigent des fosses profondes, et beaucoup d'emplacement, pour que l'ombrage de l'un n'incommode pas l'autre. Ils deviennent plus fertiles et s'élèvent davantage, suivant quelques auteurs, lorsqu'on perce leur tronc de part en part, et qu'on y insère d'un côté un coin de térébinthe, de l'autre un coin de lentisque. On doit les déchausser vers les calendes d'octobre, et verser sur leurs racines de la lie fraîche de vin vieux. On les greffe sur le figuier et sur eux-mêmes, seulement sous l'écorce. On peut le greffer sur l'orme, mais on n'obtient alors que de misérables rejetons. On sème les avelines en nature, en observant de ne pas les recouvrir de plus de deux doigts de terre. J'ai cependant éprouvé qu'elles viennent mieux de plant et de rejetons. C'est au mois de février qu'on les plante ou qu'on les sème. Elles se plaisent dans un terrain maigre, humide, froid et sablonneux. Elles sont mûres vers lus nones de juillet, au moins dans les pays chauds. C'est à présent qu'on sème les noyaux de sébestes dans un vase; on les y laisse jusqu'à ce que la tige ait acquis de la force. Le sébestier exige un climat chaud, un sol léger et médiocrement humide. On le greffe au mois de mars, sur le sorbier ou le prunellier. C'est maintenant aussi qu'on sème et qu'on greffe les pèches-noix, qu'on sème les noyaux de presses, qu'on plante et qu'on transplante les pieds d'arbres qui les produisent, et qu'on peut les greffer. On greffe également le néflier, et l'on met en terre les noyaux de prunes. On peut encore planter à cette époque le figuier, dans les climats tempérés, semer la sorbe, enterrer les amandes dans des planches; greffer l'amandier, au commencement de ce mois, dans les climats tempérés, et, à la fin, dans les climats froids, pourvu qu'on le fasse avant la germination des greffes. On peut de même planter le pistachier ou le greffer, semer les châtaignes, faire des pépinières de noyers, greffer le noyer lui-même, et former des plants de pins dans les pays froids et humides. [3,26] Des porcs. XXVI. C'est surtout à présent qu'il faut faire couvrir les truies. Choisissez à cet effet des verrats au corps vaste et bien développé, mais moins allongé qu'arrondi, au ventre et aux fesses larges, au groin court, au cou bien fourni de glandes, lascifs, âgés d'un an : ils peuvent saillir jusqu'à quatre. Que les truies aient les flancs allongés, et le ventre d'une ampleur capable de soutenir le fardeau de leur portée; pour le reste, qu'elles ressemblent aux verrats. Dans les pays froids, ces animaux doivent avoir les soies épaisses et noires; dans les pays chauds, la couleur est indifférente. On devra faire couvrir les femelles jusqu'à l'âge de sept ans, et pas avant la première année. Les truies mettent bas au bout de quatre mois, c'est-à-dire au commencement du cinquième. On leur donne le mâle, comme je l'ai dit, au mois de février, pour que leurs petits puissent se nourrir d'herbes déjà fortes et de la paille qui leur succédera. Quand on peut s'en défaire en les vendant à mesure qu'ils naissent, les mères sont plus vite en état de donner une nouvelle portée. On peut élever partout les porcs; néanmoins à une plaine aride on doit préférer un terrain marécageux, surtout s'il est couvert d'arbres fruitiers qui, par une maturité successive, leur fournissent une pâture dans chaque saison. Ils profitent beaucoup dans les herbages, en mangeant des racines de canne et de jonc. Quand la pâture leur manque en hiver, donnez-leur de temps en temps des glands, des châtaignes et des épluchures de toutes sortes de fruits, surtout au printemps, où les tiges laiteuses des herbes nouvelles les incommodent. On ne renferme pas plusieurs truies ensemble, comme cela se pratique pour les bestiaux; mais on fait des loges sous des appentis où l'on met chaque mère à part, afin qu'étant elles-mêmes à l'abri, elles puissent garantir du froid leur portée. Ces loges seront découvertes dans le haut, pour que le porcher surveille aisément les petits, et vienne souvent à leur secours en les retirant de dessous leur mère, qui pourrait les étouffer. Il aura soin de renfermer les petits avec leur propre mère. Suivant Columelle, une truie ne doit pas nourrir plus de huit petits. Pour moi, je crois, d'après mon expérience, qu'il vaut mieux ne lui en laisser que six au plus, quand la pâture est abondante. En effet, quoiqu'elle puisse en élever davantage, elle dépérit, si elle en nourrit un plus grand nombre. Il y a un autre profit à retirer des pourceaux. Envoyés dans les vignes, avant qu'elles bourgeonnent, ou après la vendange, ils font la guerre aux herbes, et jouent ainsi le rôle d'un journalier diligent. [3,27] Autre manière de faire le vin de myrte. XXVII. Au commencement de ce mois on fait autrement le vin de myrte. Voici comment : Mettez dans une amphore dix setiers de vin vieux, et mêlez-y cinq livres de baies de myrte. Au bout de vingt-deux jours, durant lesquels vous aurez eu soin d'agiter journellement le vase, vous passerez le tout à travers une corbeille de palmier, et vous mêlerez, avec les dix setiers, cinq livres d'excellent miel fortement battu. [3,28] De la vigne thériacale. XXVIII. Voici, pour faire la vigne thériacale, une recette si salutaire, que le vin, le vinaigre, le raisin ou la cendre des sarments guérira de la morsure de toutes les bêtes. Pratiquez, au bas du sarment que vous voulez planter, une fente de trois doigts, et retirez-en la moelle en y substituant de la thériaque; ensuite plantez-le en le serrant soigneusement avec un lien. Quelques-uns, après avoir saturé le sarment de thériaque, l'enfoncent dans une scille, et le plantent comme on l'a dit. D'autres versent une infusion de l'antidote sur les racines de la vigne. Si vous prenez un sarment de cette vigne pour le transplanter, il perdra la propriété médicale de sa mère. Il faudra, pour rappeler cette vertu qui se dissipe, arroser assidûment le cep d'une infusion de thériaque. [3,29] Du raisin sans pépins. XXIX. Il y a une belle espèce de raisin sans pépins. Aussi peut-on sans difficulté en avaler avec délice une grappe entière, comme si ce n'était qu'un fruit d'une seule pièce. Suivant les auteurs grecs, on l'obtient de la manière suivante, grâce à la nature qui vient au secours de l'art : Ne fendez du sarment que vous voulez planter que la partie qui doit être enterrée ; puis, après en avoir ôté toute la moelle et l'avoir gratté avec soin, rajustez les deux pièces du sarment, serrez-les avec un lien, et plantez-les. Selon ces auteurs, il faut que le lien soit de papyrus, et que le sarment soit déposé dans un sol humide. Quelques-uns, après avoir bien lié le sarment sur toute la longueur de la fente, l'enfoncent dans un oignon de scille, prétendant qu'avec son aide toutes les plantes prennent plus aisément. D'autres, à l'époque de la taille, creusent, en retirant la moelle, aussi profondément qu'ils le peuvent, un sarment à fruits, sans le fendre, sur la vigne même qu'ils ont taillée, et l'attachent à un roseau solide pour qu'il ne puisse être renversé. Ensuite ils introduisent dans la partie creusée une liqueur que les Grecs appellent suc de Cyrène, après l'avoir épaissi comme du sapa, et recommencent cette opération tous les huit jours, jusqu'à ce que les nouveaux bourgeons de la vigne paraissent. Les Grecs assurent qu'on peut également appliquer ce procédé aux grenadiers et aux cerisiers. Il faudrait en faire l'essai. [3,30] Des vignes pleureuses. XXX. Lorsque les vignes se dessèchent à force de pleurer, et qu'elles privent ainsi leurs fruits de sève, les Grecs prescrivent d'en ouvrir le tronc pour y pratiquer un exutoire. Si ce moyen ne réussit pas, coupez-en la plus grosse racine pour trouver un remède dans cette plaie. Ensuite faites bouillir jusqu'à réduction de moitié du marc d'huile sans sel; lorsqu'il sera refroidi, frottez-en la plaie, et versez-y du vinaigre concentré. [3,31] Autre recette pour faire le vin de myrte. XXXI. Voici la recette des Grecs pour faire le vin de myrte : Mettez dans un linge huit onces de haies de myrte mûres, et broyées après les avoir fait sécher à l'ombre; suspendez le sachet dans du vin, puis couvrez et lutez le vase. Quand les haies seront restées ainsi plusieurs jours, on les retirera du vin pour en faire usage. D'autres foulent ou expriment les baies de myrte après les avoir cueillies mûres, par un temps sec, dans un sol aride, et en mettant huit cotules de jus par amphore de vin. Ce vin s'emploie aussi eu médecine comme astringent. Il fortifie les estomacs défaillants, arrête les crachements de sang, guérit la diarrhée, et durcit efficacement les matières clans la dysenterie. [3,32] Des vins d'absinthe, de rose et de violette. XXXII. On prétend que les vignes donnent d'elles­mêmes du vin d'absinthe, de rose ou de violette (la nature fournit ainsi ce qu'on doit ordinairement à l'art), si l'on plonge des sarments dans un vase à moitié rempli de ces sortes de vins, en y faisant dissoudre, comme dans une lessive, de la terre végétale, et si on les y laisse jusqu'à ce que les bourgeons commencent à poindre. Quand ils paraîtront, plantez les sarments, comme les autres vignes, où il vous plaira. [3,33] Des raisins noirs et des raisins blancs sur une même tige. XXXIII. Pour qu'une vigne puisse porter à la fois des raisins blancs et des raisins noirs, voici la méthode que prescrivent les Grecs : Si une vigne qui produit du raisin blanc et une vigne qui donne du raisin noir sont voisines, fendez, à l'époque de la taille, des sarments pris sur chacune d'elles, et ajustez-les de manière que les bourgeons de chaque espèce semblent n'appartenir qu'à un seul sarment; ensuite liez-les ensemble avec du papyrus souple et ferme, en ayant soin de les enduire de terre humide, et de les arroser tous les trois jours, jusqu'à ce que paraisse le germe de la feuille nouvelle. À la fin de ce mois, vous pourrez, s'il vous plaît, appliquer cette méthode à plusieurs sarments. [3,34] Des heures. XXXIV. Ce mois s'accorde avec celui de novembre pour la durée des heures. Les voici réunies dans le tableau suivant : Ie et XIe heures XXVII pieds. IIe et Xe heures XVII pieds. IIIE et IXe heures XIII pieds. IVe et VIIIe heures X pieds. Ve et VIIe heures VIII pieds. VIe heure VII pieds.