[1,11] Chapitre 11. De la guérison de l'estomac. S'ensuit après que nous ayons grand soin de l'estomac, de peur que jamais la satiété n'apporte mal de coeur ni crudité et n'offense la tête. Deux fois de jour il faut prendre de la viande légère et en petite quantité, modérément assaisonnée de cannelle, de macis et de noix muscade. Toutefois il faut que toujours la viande sèche surmonte en poids les aliments mous et le boire, voire si nous ne redoutions grandement la sècheresse de l'humeur noire. Que la viande (s'il se peut commodément faire) attende la faim et le boire la soif. Que l'avidité de l'un et de l'autre demeure encore à la table. Soient loin chassés arrière la satiété et le remplissement du ventre jusques à contre-coeur. Il convient de s'abstenir et de garder des choses, qui pour leur trop grande humidité ou pour leur matière vénéneuse jointe et glueuse, lâchant l'estomac, le débilitant ou même qui sont froides ou trop chaudes ou qui par leur dureté se cuisent et digèrent malaisément. Et que les choses qui sont telles ne rendent longtemps depuis être sorti de table un goût et une saveur ennuyeuse et déplaisante au palais, soit qu'elles enflent, soit qu'elles remplissent la tête de plusieurs vapeurs, et singulièrement il faut s'abstenir de toutes choses, lesquelles dehors ou dedans le ventre se pourrissent facilement. Nous n'approuvons aucunement les saveurs douces ou aigres, si elles sont seules, ainsi nous voulons que les douces soient tempérées de quelque suc aigret, ou agu ou sec. Le mastic, la menthe sèche, la sauge nouvelle, les raisins confits, les pommes de coin cuites assaisonnées de sucre, la chicorée, la rose, le coral, les câpres lavés et trempés en vinaigre, sont fort amis et agréables à l'estomac. En outre les pommes de grenade d'un goût entre l'aigre et le doux, et en somme toutes choses qui sont modérément aigrettes et quelque peu sûres, que les médecins appellent styptiques, ou bien celles qui sont quelque peu agues ou épicées. Sur toutes lesquelles choses les myrobalans excellent. Aussi fait le vin clairet plutôt que le blanc d'un goût déclinant aucunement à l'amertume, et sera fort bon (voire si la chaleur ou distillation ne le requiert autrement) de boire le vin pur peu à peu. Or faut-il du tout prendre premièrement les viandes liquides que les dures. Et depuis avoir pris la viande, convient la coriandre, les pommes de coin confites en sucre, les grenades, les poires aigrettes, les nèfles, les persiques sèches et autres semblables fruits. Et il convient de les mâcher exactement avant que les avaler. S'il est besoin de réchauffer- l'estomac par dehors, cela se doit faire avec du mastic, des roses, de la menthe et du coral. Il se faut bien garder que deux ou trois heures après le repas nous ne travaillions à bon escient ou à quelque pensée difficile, ou bien à la lecture des livres, par aventure qu'il sera besoin de prendre quatre heures de relâche, si on a pris la viande ou le breuvage en plus grande abondance ou si la viande est plus dure. C'est chose mauvaise que le ventre soit tendu de viande et de breuvage et très mauvaise à l'estomac, étant ainsi tendu de pourpenser desseins de difficile recherche. Donc prenez ou la nourriture fort légère, ou l'ayant prise, entremettez l'étude jusques à tant qu'elle soit cuite et digérée. Et il ne faut pas dormir à midi après dîner, si une fort grande nécessité ne nous y contraint, encore faut-il que ce soit après que nous aurons veillé deux heures. Toutefois la nuit après souper il suffit de donner une heure à la veille. L'acte vénérien est surtout dommageable à l'estomac, principalement à qui l'exerce incontinent, après qu'il est saoul ou bien alors qu'il a faim. L'estomac s'attriste d'oisiveté, se réjouit d'exercice sinon alors qu'il est plein de viande. Incontinent après la viande prise, il est bon de se promener un peu, puis tout soudain se rassoir.