[1,11] La Fortune, qui avait été si contraire à Louis, par les succès de Ferdinand, le trahit encore dans le Milanais. Dès le commencement de son règne, il avait fait prisonnier à Novarre Ludovic Sforce abandonné des Suisses, et son frère le cardinal Ascagne, et il s'était rendu maître de Milan et de Gènes. De si heureux commencements faisaient présumer que non seulement il conserverait ses conquêtes, mais qu'il y ajouterait encore celles qui avaient été enlevées à son prédécesseur. Mais trois ans après il fut chassé du royaume de Naples, et il reconnut alors qu'en s'associant avec le roi d'Espagne pour le partage de ce royaume, il s'était associé avec le Lion. Il conserva néanmoins ce qu'il avait conquis dans le Milanais et il soumit même les Génois, qui profitant de ses malheurs, s'étaient soustraits à son obéissance. Ensuite s'étant uni, par la ligue de Cambrai, avec le Pape, l'Empereur et le roi d'Espagne, contre les Vénitiens, il tailla en pièces leur armée sur les bords de l'Adda, fit prisonnier leur général Barthelemi d'Aviano, et se rendit par là formidable à toute l'Italie. Jules II, alarmé de ces exploits, malgré sa qualité de père commun, malgré sa vieillesse et sa caducité, malgré les obligations qu'il avait à la France, ne songea qu'à allumer partout le feu de la guerre et se croyant assez vengé des Vénitiens, il tourna toute son indignation contre les Français. Il commença donc par se réconcilier avec la république de Venise, qu'il avait excommuniée ; puis il déclara la guerre au duc de Ferrare et excommunia à leur tour les Français, qui soutenaient son parti. Non content de nous avoir rendus odieux en Italie, pour une conduite qui devait nous y procurer des avantages et des amis, ce vieillard ingrat suborna l'Empereur Maximilien, à qui Louis, après la bataille de Ghiaradadda, avait fait rendre par les Vénitiens toutes les places que ceux-ci retenaient à la maison d'Autriche et il engagea encore dans sa querelle Ferdinand, qui n'avait jamais manqué une occasion de nuire à la France, même contre la foi des traités, et qui venait de cimenter la paix par une nouvelle alliance. [1,12] Ces princes armèrent à frais communs et choisirent pour généralissime Raimond de Cardone Espagnol. Louis de son côté se prépara à tirer raison de cette perfidie. Après avoir assemblé une nombreuse armée, il en donna le commandement à Gaston de Foix son neveu. Gaston signalant également sa valeur et son activité, en moins de quinze jours délivre Bologne, que le roi d'Espagne et le Pape tenaient assiégée; défait en chemin les Vénitiens; reprend les villes de Bresse et de Bergame, qui s'étaient soulevées, et le jour même de Pâque, l'an 1512, il gagne sur les troupes espagnoles jointes à celles du Pape la fameuse bataille de Ravenne. Mais ayant voulu pousser avec trop d'ardeur un bataillon espagnol, qui se retirait après la défaite de toute l'armée, il perdit la vie au milieu de sa victoire, et nous en fit perdre en même-temps tout le fruit. Peu de temps après, les alliés ayant reçu un renfort de Suisses, chassèrent entièrement de l'Etat de Milan les Français, qui en avaient été les maîtres durant treize ans et l'évêque de Sion ayant remis les clefs de la Capitale à Maximilien Sforce, fils de Ludovic, il fut reconnu duc de Milan par les alliés. Louis XII, qui avait été excommunié par le Pape, dont il était extrêmement haï, fit passer de nouvelles troupes en Italie, sous la conduire -de Louis de la Trimouille, dans le dessein de reconquérir le Milanais. Mais les Suisses gagnèrent sur ce général la sanglante bataille de Novarre et les Français se virent forcés d'abandonner presque toute l'Italie. [1,13] C'est ainsi que le nom Espagnol, à peine connu auparavant dans les pays voisins, commença alors à s'illustrer par Ies armes et à devenir formidable à tout l'Univers. Il est vrai qu'environ trois siècles auparavant, Pierre d'Arragon s'était emparé de la Sicile et en avait chassé les Français, mais ce fut moins l'effet de la valeur des Espagnols que de la trahison et de la révolte des Siciliens. Ce prince avait un prétexte et un droit apparent d'envahir ce royaume, parce qu'il avait épousé Constance, fille de Mainfroi, à qui Charles d'Anjou avait injustement, selon lui, enlevé la couronne. Pour ce qui est d'Alfonse, qui a le premier établi la maison d'Arragon en Italie (ayant été adopté par Jeanne II, reine de Naples, qui avait succédé à son frère Ladislas) il fut déshérité pour son ingratitude et Louis III, duc d'Anjou, fut adopté en sa place. Il se maintint toutefois dans la possession du royaume et le transféra même à ses successeurs, jusqu'à Frédéric dont j'ai parlé, moins par le secours des Espagnols que par la faction des grands de l'état et en vertu de son prétendu droit héréditaire. Mais si depuis Pierre d'Arragon, qui vivait plus de cent ans avant Alfonse, nous remontons jusqu'à l'origine de la nation Espagnole, nous trouverons que leur gloire a toujours été bornée par l'océan, par la mer Méditerranée et par les Monts-Pyrénées, et que loin d'avoir fait aucunes conquêtes hors de leurs pays, ils ont été eux-mêmes exposés aux invasions des nations étrangères. [1,14] Car quoique d'anciens auteurs aient écrit que l'Espagne a été le premier pays attaqué et le dernier conquis par les Romains, elle a néanmoins toujours été asservie à des peuples étrangers ou elle a pris les armes pour eux. Les Carthaginois la subjuguèrent les premiers et on sait qu'au commencement de la seconde guerre Punique, les habitants de Sagonte, après avoir extrêmement souffert, furent fidèles jusqu'à la fin à la République Romaine et ne purent être domptés que par la faim. Elle fut ensuite réduite en partie sous l'obéissance des Romains par le courage et la douceur de P. Cornelius Scipion, et le reste se rendit à lui volontairement, quatorze ans après le commencement de cette guerre et cinq ans après que ce grand homme eût été envoyé en Espagne. Le roi Indibilis ayant alors été vaincu, et étant devenu ensuite l'allié du peuple Romain, l'Espagne demeura paisible sous la domination Romaine, et cette tranquillité ne fut troublée que par la révolte d'un berger de Lusitanie nommé Viriatus, qui s'étant rendu chef de brigands, fut assassiné par ces brigands mêmes, qui ensuite furent entièrement défaits par Q. Cépion. La ville de Numance fit aussi des efforts pour défendre la liberté de l'Espagne, et secouer le joug Romain : mais Scipion l'Africain, après avoir rétabli la discipline parmi les soldats, vint assiéger cette ville, la réduisit par la famine, la rasa, et reçut ensuite en son obéissance tout le reste de l'Espagne, l'an 620 de la fondation de Rome. Cinquante ans après, Q. Sertorius qui suivait le parti de Marius, quitta l'Italie après la victoire de Sylla, passa jusqu'aux îles fortunées (îles Canaries), et souleva dans la suite les Espagnols, dont le courage fut aisément excité par celui de ce grand capitaine. Rome crut devoir lui en opposer deux et pour cela elle joignit Cn. Pompeius à Metellus, fils de Metellus le Numidien. Sertorius succomba moins à la valeur de ces deux généraux, qu'à la méchanceté de ceux qu'il commandait. Ainsi finit cette guerre causée par la proscription de Sylla. Les Cantabres, qui n'avaient encore pu être domptés, le furent enfin sous Auguste et alors toute l'Espagne devint tributaire. Elle a toujours été depuis soumise à l'empire Romain et lui a même donné trois empereurs, Trajan, Adrien et Théodose. Mais sur le déclin de l'empire, les Vandales, les Suèves, et les Alains, attirés dans la Gaule par Stilicon, et chassés ensuite par Ataulfe et Vallia, rois des Gots, à la sollicitation de l'empereur Honorius, se retirèrent au-delà des Monts-Pyrénées l'an 410, et se rendirent maîtres de l'Espagne, qu'ils enlevèrent aux Romains. Ils en furent ensuite chassés par les Gots, qui avaient été chassés eux-mêmes de la Gaule par les Français et tous les Suèves furent alors exterminés. L'Espagne fut longtemps possédée par les Gots, dont elle reçut la foi chrétienne, qui y avait déjà été prêchée en quelques endroits et scellée du sang de quelques martyrs ; mais elle adopta en même temps l'Arianisme dont les Gots faisaient profession. C'est de ces Gots dont la plus grande partie de la noblesse Espagnole tire aujourd'hui son origine. [1,15] Enfin l'an 720, les Sarrasins, ayant traversé le détroit de Gibraltar, entrèrent dans l'Espagne, la ravagèrent, et s'en rendirent les maîtres par la trahison de Julien, qui leur livra l'Andalousie, dont il était gouverneur, pour se venger du roi Rodéric, qui avait abusé de sa fille. Les Gots, qui purent échapper à leur fureur, s'étant retirés sur les montagnes des Asturies, de Biscaye et de Galice, commencèrent peu à peu à reconquérir les provinces, les villes et les places qu'ils avaient perdues jusqu'à ce qu'enfin Ferdinand V, fils de Jean d'Arragon et frère d'Alfonse, que Jeanne reine de Naples avait adopté, contraignit les Sarrasins ou Maures de se retirer dans l'Andalousie, et vint à bout de les chasser entièrement de l'Espagne l'an 1492 et 774 ans après l'invasion de ces barbares. [1,16] Cette année n'est pas moins célèbre dans l'histoire par la navigation de Christophe Colomb, qui le premier ouvrit aux Espagnols le chemin d'un nouveau monde, dans la mer Atlantique. Il est juste néanmoins que les Français partagent un peu cette gloire avec les Espagnols. Car il est certain et ceux-ci même en conviennent, que Bethencourt gentilhomme Normand, s'étant saisi des îles Açores ainsi appelées du nom des autours qui y sont en abondance, les vendit aux Espagnols, et qu'à son retour, il répandit l'idée d'un nouveau continent du côté du couchant. La découverte de Colomb fit beaucoup d'honneur à Ferdinand et à Isabelle; ce fut sous leurs ordres qu'Améric Vespuce Florentin découvrit au-delà de la ligne équinoxiale un vaste pays, auquel il donna son nom. Emmanuël, roi de Portugal, frappé de cet exemple et piqué d'émulation, résolut aussi d'envoyer à la découverte des nouvelles terres, du côté de l'Inde Orientale, et y envoya en effet la même année une flotte commandée par Vasquez de Gama. [1,17] Mais de peur qu'il ne semblât que ces princes fussent uniquement guidés, dans ces conquêtes éloignées et difficiles, par l'intérêt ou par l'amour de la gloire et négligeassent d'autres conquêtes plus aisées et plus avantageuses au Christianisme, Ferdinand prit en Afrique la ville d'Oran avec une armée commandée par Pierre de Navarre et levée par l'ordre du roi, aux dépens de François Ximenez, archevêque de Tolède, pour diminuer l'envie qu'on lui portait à cause de ses richesses immenses. Emmanuël fortifia aussi Ceuta sur le rivage d'Afrique pour la mettre en état de résister aux Maures. Au reste tant d'états, qui ont été réunis et confondus par le mariage de Ferdinand d'Arragon et d'Isabelle de Castille, et les vastes provinces que Philippe, Archiduc d'Autriche, héritier des Pays-Bas, a détachées de l'Allemagne et de la France, auxquelles elles étaient anciennement unies, pour les accumuler sous la couronne d'Espagne, ont beaucoup contribué à l'accroissement énorme de la puissance de cette vaste monarchie. Aussi Charles, fils de Philippe, héritier des Pays-Bas, du chef de son père, de l'Espagne et d'une grande partie de l'Italie, du chef de sa mère, et d'un grand domaine en Allemagne, par l'empereur Maximilien son aïeul, auquel il était vraisemblable qu'il succéderait, semblait par sa destinée, par sa puissance et par ses grands projets, appelé à la monarchie universelle. [1,18] Mais quoiqu'il régnât sur tant de nations éloignées les unes des autres et si différentes de moeurs et de langage, quoiqu'il fût originaire d'Allemagne, né et élevé en Flandre, il choisit néanmoins l'Espagne pour son séjour ordinaire et y résida, lorsque la guerre ne l'appela point ailleurs. Il confia presque toujours le commandement de ses armées à des généraux Espagnols, qui remportèrent de grandes victoires et, ayant enfin abdiqué l'empire et renoncé à toutes ses couronnes, il se retira en Espagne et y vécut jusqu'à sa mort (en 1558) comme un particulier. Philippe, son fils, fut plus attaché encore à son royaume d'Espagne, où il se retira après la paix de Sercamp. Depuis ce temps-là, soit dans la paix, soit dans la guerre, il ne confia les emplois importants presque qu'aux Espagnols et ne revêtit qu'eux de ces grandes dignités, que l'empereur Charles conférait également aux Allemands, aux Flamands, et aux Italiens, comme leur prince commun. [1,19] Mais c'est assez parler de l'origine et des progrès de la nation Espagnole. Pour le parallèle, parlons aussi de notre Nation, qui, de tout temps célèbre dans l'Univers par ses vertus et par ses exploits, a conquis et peuplé des pays voisins et d'autres très éloignés, et dont la générosité a souvent été l'asile des princes malheureux, qui ont imploré son appui. On sait que les Romains, selon le témoignage de leurs historiens, faisaient la guerre contre les autres nations pour la gloire et ne la faisaient contre les Gaulois que pour leur défense et leur sûreté. Si l'on en croit Appien, l'âge de 60 ans, qui dispensait les Romains du service militaire, ne les exemptait point de porter les armes dans la guerre contre les Gaulois et les prêtres mêmes étaient alors obligés de s'enrôler. Que de colonies Gauloises répandues sur la terre ! La plus grande et la plus fertile partie de l'Italie a porté le nom de Gaule Cisalpine. Nous rejetons l'origine fabuleuse des Romains, qui se sont vantés de descendre des Troyens mais nous ne pouvons douter que les Vénitiens ne tirent leur origine de ceux du pays de Vannes en Bretagne, comme Strabon l'assure, et non des Hénètes en Paphlagonie, comme César {en fait, Tite-Live} l'a écrit sans aucune vraisemblance. D'où viennent en Italie les noms Gaulois de plusieurs peuples qui l'habitent, si ce n'est parce que les Gaulois se sont autrefois rendus les maîtres de ces contrées ? Mais tournons les yeux vers l'Allemagne : Tacite ne dit-il pas que les Bavarois tirent leur origine des Boïens, peuple de la Gaule ? César assure qu'il y a eu un temps que les Gaulois étaient plus belliqueux que les Germains. Les Celtibériens, qui en Espagne ont si longtemps résisté aux Romains, étaient Gaulois d'origine, comme l'étaient aussi ceux qui ont occupé la Lusitanie, appelée depuis le Portugal. Que dirai-je de l'expédition du célèbre Brennus, qui après avoir réduit Rome aux dernières extrémités, marcha contre les Dardaniens, et après avoir ravagé la Grèce, s'empara de la Thrace, et passa ensuite en Asie ? De là vinrent les Gaulois de Grèce, les Troèmes qui habitaient le rivage de l'Hellespont ; les Tolistoboges qui s'étaient emparés de l'Éolide et de l'Ionie ; et les Tectosages qui se retirèrent dans le milieu des terres de l'Asie. Mais quoique les peuples les plus belliqueux et les plus féroces se laissent d'ordinaire amollir, lorsqu'ils sont transplantés dans des pays délicieux, où les plaisirs les environnent, les Gaulois étaient tellement nés pour les armes, que rien ne put les faire dégénérer dans le voluptueux séjour de l'Asie et ce ne fut que 300 ans après que Brennus les y eût établis, qu'ils furent enfin défaits par Cn. Manlius. Mais pour nous borner aux Gaulois qui ont resté dans leur pays, il fallut à Jules César dix années pour les soumettre, soit par la douceur, soit par la force. Les Héduens et les Séquaniens étaient appelés amis du peuple Romain : la République donnait même le titre de frères aux Auvergnats, et sous ces noms, la Gaule, comme indépendante, conservait au milieu de l'empire Romain une espèce de liberté. Mais après la mort de Théodose, l'empire d'Occident ayant été déchiré d'abord par Gildon et Rufin et ensuite par Stilicon, les Visigots, les Francs, ou Français, s'emparèrent de la Gaule. Honorius ayant fait la paix avec Vallia, elle fut entièrement réunie à l'empire Romain, à l'exception d'Aquilée. Attila roi des Huns fut ensuite défait dans les campagnes de Châlons par Aëtius, secondé des Visigots et des Français. Mais ce général, qui en était considéré et aimé, ayant été tué par l'ordre de l'empereur Valentinien,. la Gaule se lassa du joug des Romains; les Gots furent chassés de l'Aquitaine, dont ils s'étaient emparés ; et alors commença, sous Childéric et son fils Clovis, la monarchie des Gallo-Francs, ou Français, vers l'an 480 de l'ère chrétienne; monarchie illustre et toujours florissante, établie sur les débris de l'empire Romain, environ 30 ans après la mort de Pharamond, roi des Français. Que de grands princes ont gouverné cette nation dans les trois races de ses rois! Dans la deuxième, on a vu un Charles Martel qui tailla en pièces les Sarrasins et remporta sur eux cette victoire si mémorable; un Pépin, qui chassa les Lombards d'Italie; un Charlemagne, fondateur de l'empire d'Occident, qui affermit le royaume que son père avait commencé d'établir en Italie. Je ne dois pas oublier la Sicile conquise sous la troisième race, par de braves aventuriers Normands, dont la postérité a régné sur cette île depuis Tancrède jusqu'à Henri VI, fils de Frédéric Barberousse, qui par son mariage avec Constance, fille de Roger dernier prince Normand, succéda à cette couronne. De lui étaient sortis Mainfroi le Bâtard, et Conradin petit-fils de l'empereur Frédéric II. Après leur mort, Charles, comte de Provence, frère du roi Louis IX, s'empara du royaume de Naples, fondé sur une espèce de droit héréditaire à cette couronne, dévolu aux princes Français. [1,20] Nous avons aussi plusieurs fois donné des rois à l'Angleterre : Guillaume le Bâtard, duc de Normandie, ayant passé dans cette île, suivi de plusieurs seigneurs Normands, défit et tua Harald, son compétiteur et se rendit maître de toute l'Angleterre l'an 1066. Ses enfants, Guillaume le Roux et Henri Ier, régnèrent après lui successivement. La couronne passa ensuite à Étienne de Blois, qui avait épousé leur soeur Adèle mais il fut obligé de la céder à Mathilde, fille de Henri Ier et femme de l'empereur Henri V. Après la mort de l'empereur, comme si la petite-fille d'un prince Français n'eût dû prendre un mari qu'en France, elle épousa Geoffroi Plantagenet, comte d'Anjou, de qui sont sortis un grand nombre de rois d'Angleterre, qui ont régné successivement sans interruption jusqu'à Jean Plantagenet, fils d'Edouard III, chef de la maison de Lancastre, et auteur de la faction de la Rose rouge, combattue si longtemps par la faction de la Rose blanche, dont l'auteur fut le duc d'York, Edmond Plantagenet, second fils d'Edouard III. Ces factions n'empêchèrent point que la couronne ne demeurât toujours dans la maison des Plantagenets mais elles produisirent des troubles également pernicieux aux deux partis. Car Richard, duc de Glocestre, qui avait ôté la vie à son frère George, fit encore mourir en prison ses deux neveux Edouard V et Richard mais il ne survécut pas longtemps à ces horribles parricides ; Henri Tudor, père du roi Henri VIII et aïeul d'Élisabeth, qui règne aujourd'hui, lui fit perdre bientôt et la couronne et la vie. Ce prince, qui fut depuis Henri VII, était petit-fils d'Otwen Thierry, ou Teuder, qui étant d'une naissance fort inégale, fut redevable à son mérite et à sa figure du bonheur qu'il eut d'épouser Catherine, fille de Charles VI, roi de France et veuve de Henri V, roi d'Angleterre, dont il eut Edmond qui épousa Marguerite Plantagenet, la dernière héritière de la branche de la Rose rouge. Henri épousa depuis Élisabeth Plantagenet, dernière héritière de la branche de la Rose blanche. Ainsi finirent les deux branches des Plantagenets, qui avaient été sur le trône d'Angleterre pendant l'espace de 400 ans; par une succession masculine continuée depuis Geoffroi.