[2,106] CVI (X). L’intronisation du pape Calixte. En ces jours l’empereur Frédéric demeura en Italie et écrasa les rébellions Lombardes par la crainte de sa valeur. Il démolit de nombreuses cités peuplées et fortifiées et harcela la Lombardie plus que ses prédécesseurs pendant plusieurs jours. Il se tourna vers Rome afin de mettre en fuite Alexandre et d’instaurer Calixte; car Pascal était mort après n’avoir vécu que peu de temps. Tandis qu’alors, le César assiégeait Gênes, partisane d'Alexandre, il envoya à l’avant Rainald de Cologne et Christian de Mayence ; il ordonna à une partie de son armée d’ouvrir la voie vers Rome. Ils vinrent à Tusculum peu éloignée de Rome. Quand les Romains apprirent leur venue, ils arrivèrent avec une immense armée afin de se battre pour Alexandre ; Rainald et la chevalerie allemande allèrent de l’avant et les combattirent, une poignée contre une armée. Ils surpassèrent les Romains, frappèrent environ douze mille d'entre eux, et poursuivirent ceux qui avaient fui jusqu'aux portes de la Ville. La terre fut corrompue par les cadavres des morts, et les femmes des Romains restèrent veuves alors pendant de nombreuses années parce qu'on manqua d'hommes parmi les habitants de la Ville. Le jour même où ces actes se produisirent à Rome, César combattit les Génois et obtint une victoire qui fit de lui le maître de la cité. Avec son armée, alors, il se rendit à Rome où il trouva Rainald et la force qu’il avait envoyée en avant, se réjouissant de sa sécurité et de la ruine des Romains. Il avança avec l'armée pour s'emparer de Rome, prit d'assaut la cathédrale Saint-Pierre, parce qu'il y avait en elle une garde de Romains, il incendia les portails par en dessous et il chassa les Romains enfumés dans les tours. Il prit le temple et remplit l'église de morts. Puis il installa Calixte sur le trône et il célébra la fête de Saint-Pierre aux chaînes. Quand il dirigea ses forces vers le peuple du Latran pour les détruire, ils lui ont donné en échange de leurs vies, ainsi que pour leur cité, tout ce qu'il exigeait. Sommés d’appréhender Alexandre, ils en furent incapables parce qu'il s’était enfui pendant la nuit. Et Frédéric prit comme otages les fils des nobles, afin qu’à l'avenir, ils obéissent à Calixte avec une fidélité irréfragable. Une calamité soudaine suivit ces actes fortunés de César; car éclata tout à coup à Rome une telle peste qu’en quelques jours presque tous périrent. On dit qu’au mois d’août des brouillards pestilentiels surgissent dans ces endroits. Rainald de Cologne et Hermann de Verden, moururent de ce fléau ; ils étaient les dirigeants du conseil ; ainsi que le plus noble des jeunes gens, le fils du roi Conrad, qui avait épousé la fille unique de notre duc Henri. En outre, de nombreux évêques, princes et nobles périrent en même temps. Avec ce qui resta de l'armée, César retourna en Lombardie. C’est là qu’il entendit parler de l'insurrection en Saxe et envoyant d'une ambassade, il vérifia le flot montant de la sédition par de fréquentes trêves jusqu'à ce que le temps passât et qu’il fut lui-même libre de son expédition italienne. Pendant ce temps Henri, duc de Bavière et de Saxe, envoya des légats en Angleterre ; ils ramenèrent la fille du roi d'Angleterre, avec de l'argent, de l'or, de grands trésors, et le duc la prit pour épouse. Car il avait été séparé de sa première épouse, dame Clementia, au dire de leur consanguinité. Il avait cependant eu une fille d’elle, et il la donna en mariage au fils du roi Conrad, qui survécut, mais peu de temps. Comme on l’a dit précédemment, il décéda d’une mort prématurée lors de l'expédition italienne. [2,107] CVII (XI). Accord entre les princes et le duc. Après ces événements, il ne se passa pas longtemps avant que les Lombards, s'apercevant que les piliers du royaume s’étaient écroulés et que la force de l'armée manquait, complotèrent ensemble contre le César et se proposèrent de le tuer. Pressentant des tromperies, il quitta les Lombards à leur insu et rentra en terre germanique où il proclama une diète à Bamberg, donnant ordre à tous les princes de Saxe d’y assister. Il les accusa de violer la paix et déclara que la sédition en Saxe avait donné une occasion de défection aux Lombards. Aussi, après de nombreux délais, les différends existant entre les princes et le duc cessèrent, entraînant une convention de paix, résultat d’une grande prudence et de la sagesse. Tout se passa comme le duc le souhaitait et, sans rien perdre de son côté, les princes ne purent le circonvenir. Le seigneur archevêque de Hambourg fut rappelé à son siège, mais tomba malade et mourut quelques jours plus tard. Sa mort mit fin à la vieille controverse sur le comté de Stade, dont le duc s'empara à ce moment sans la moindre contestation. Conrad, évêque de Lübeck, grâce à l’intervention de César, fut également autorisé à retourner dans son diocèse, à condition toutefois d’abandonner sa vieille obstination et de rendre au duc son serment d’allégeance. Après être revenu dans la faveur du duc, il devint un autre homme, car ce qu'il avait souffert lui apprit à avoir compassion pour ses frères et après cela il fut plus enclin à se dévouer à sa charge. Il n’en défendit pas moins le clergé des manœuvres des princes et des puissants, et en particulier de Henri, comte de Thuringe, qui, ne craignant ni Dieu ni homme, convoitait les biens des prêtres. Quand, cependant, par la grâce de Dieu, tous les troubles de la guerre eurent fait place à la tranquillité sereine de la paix, Widukind de Dasenburg récusa la réconciliation dont les princes avaient parlé. Prompt à mal faire dès sa jeunesse, il avait toujours perverti sa vocation de la chevalerie par des rapines, mais même s'il ne pouvait faire le mal qu'il voulait, le duc le tenait très strictement en laisse. Car une fois, après avoir été capturé et mis aux fers, il avait donné sa parole pour l'avenir de s'abstenir de rapines et d'attendre les injonctions du duc dans une obédience honnête. Mais quand l'orage de la guerre arriva, il oublia sa promesse et se déchaîna contre le duc pire que tous les autres. Ces derniers contraints à la paix, le duc assiégea cet homme singulièrement féroce dans son château de Dasenburg. Comme la hauteur de la montagne empêchait tout assaut des assiégeants et toute la puissance des machines, le duc appela des mineurs du Harz qui entreprirent silencieusement la tâche difficile de creuser la base de la montagne. Ces mineurs défoncèrent le puits qui fournissaient de l’eau à la garnison de la forteresse. Quand ils l'eurent bouché, les défenseurs manquèrent d'eau, et alors Widekind et les siens se virent forcés contraints par la soif de se livrer eux, la citadelle et tout ce qu’elle contenait au pouvoir du duc, et les autres se dispersèrent, chacun vers sa propre terre. [2,108] CVIII (XII). Zvantovit, idole des Rugiens. À cette époque, Valdemar, roi du Danemark, rassembla une forte armée et une flotte considérable pour aller sur la terre des Rugiens afin de se la soumettre. Se joignirent à lui : Pribizlas, prince des Obodrites, Casimir et Bogislas, princes de Poméranie, avec leurs corps de troupes, car le duc avait ordonné aux Slaves de soutenir le roi du Danemark, lorsqu’il entamerait la conquête des peuples étrangers. Son opération réussie, le roi du Danemark s'empara de l'île, et les habitants, pour se racheter, consentirent à tout ce qu'il demanderait. Il fit donc apporter une très ancienne idole de Zvantovit qui était adorée par toute la nation des Slaves, ordonna, sous les yeux des Rugiens, de lui passer une corde au cou, de la couper en morceaux et de la jeter au feu. Il détruisit son sanctuaire, tout son culte, et pilla son riche trésor. Il ordonna aux insulaires de reconnaître leurs erreurs, et de s’initier au respect du dieu véritable. Il mit en place des moyens pour construire des églises. Douze églises furent élevées sur la terre des Rugiens et on ordonna des prêtres qui s’occuperaient du peuple pour toutes les affaires spirituelles. Il y avait là les évêques Absalon de Roskilde et Bernon de Mecklenburg. Ils prêtèrent leur concours au roi afin de mettre en place la maison de notre Dieu parmi cette génération dévoyée et dépravée. À cette époque le prince des Rugiens était un noble nommé Jaromar, qui, ayant compris le culte du dieu véritable et la foi catholique, accepta ardemment le baptême, ordonnant à tous les siens de se renouveler avec lui dans le baptême sacré. Devenu chrétien, il fut aussi ferme dans sa foi qu’en sermonnant, de sorte qu’on vit en lui un second Paul, appelé le Christ. En accomplissant la tâche de l'apôtre, il s’acquitta parmi ce peuple ignorant et cette populace sauvage, en partie par un sermon continuel, en partie par des menaces, de les convertir à la nouvelle religion. De toute la nation des Slaves, qui est divisée en provinces et en principautés, celle des Rugiens fut la plus obstinée dans les ténèbres de l’infidélité; elle y persista jusqu'à nos jours. Une vieille légende raconte que Louis, fils de Charles, offrit autrefois la terre des Rugiens au bienheureux Vitus de Corvey, parce qu'il était le fondateur de ce monastère. Des prédicateurs venus de cette abbaye convertirent, dit-on, le peuple des Rugiens et fondèrent chez lui un oratoire en l'honneur du martyr Vitus, au culte duquel la province fut consacrée. Bientôt les Rugiens abandonnèrent la lumière de la vérité et tombèrent dans une erreur pire que la première; car, ce même saint Vitus que nous appelons le serviteur de Dieu, ils se mirent à l’adorer comme un dieu, lui faisant une grande statue, et ils servirent la créature plutôt que le créateur. Or cette superstition s'établit si bien que Zvantovit, dieu de la terre de Rügen, devint le premier dieu des Slaves, plus clair dans la victoire, plus convaincant par ses réponses. De nos jours encore, non seulement le pays des Wagriens, mais toutes les provinces slaves lui envoyaient leurs tributs annuellement et le reconnaissaient pour le dieu des dieux. Le roi jouit chez eux d’une estime plus modeste que celle attribuée au prêtre. Car ce dernier recherche soigneusement les oracles et interprète les événements fixés par le sort. Parmi les diverses victimes, ils sacrifiaient parfois un chrétien et affirmaient que les dieux étaient surtout réjouis par le sang chrétien. Voici ce qui arriva il y a quelques années quand un grand nombre de marchands se réunirent ici pour la pêche. Car en novembre, quand les vents soufflent plus fort, on peut trouver là une grande quantité de harengs, et alors on donne libre accès aux marchands, si cependant ils paient ce qui est dû au dieu de cette terre. Il y avait alors là par hasard un certain Godescalc, un certain prêtre invité Dominus de Bardewich qui fit l'office divin devant une telle foule. Mais cela se fit longtemps en secret du prêtre des païens. Ce dernier, appelant le roi et le peuple, leur annonça que les dieux étaient fortement irrités contre eux et qu’on ne pourrait apaiser leur volonté, qu’en offrant le sang de ce prêtre, qui avait fait parmi eux le sacrifice selon un rite étranger. Alors, frappé de terreur, le peuple païen convoqua la foule des marchands et lui demanda de leur donner le prêtre pour qu’il fût apporté à leur dieu en qualité de victime. Devant l’opposition des chrétiens, ils leur offrirent en prime 100 marks. Mais comme rien ne put les décider, ils commencèrent le lendemain à user de la force et à leur déclarer la guerre. Alors les marchands, ayant chargé leurs navires la nuit même, s’enfuirent et, confiant les voiles au vent arrière, libérèrent le prêtre de cet horrible danger. Bien que la haine du christianisme et la stimulation de la superstition soient plus forts chez les Ranes que chez d'autres Slaves, ils possédaient cependant de nombreuses qualités naturelles. Car l'hospitalité leur est naturelle dans une large mesure, et ils donnent aux parents le respect nécessaire. Parmi eux on ne peut trouver nulle part un pauvre ou un mendiant car, dès que l’un d'eux s'affaiblit à cause de la maladie ou vieillit en âge, on le confie en toute hâte aux soins des héritiers pour que ces derniers s’en chargent avec la plus grande bienveillance. Car l'hospitalité et le soin des parents occupent chez les Slaves la première place parmi les vertus. En outre, la terre rugienne est riche en fruits, en poisson et en bêtes sauvages. La principale ville de cette terre s'appelle Arkona. [2,109] CIX (XIII). La transmutation du corps et du sang. En l'année du Verbe Incarné 1168 fut fondé un nouveau foyer de la foi au pays des Rugiens ; on construisit des églises et on les éclaira par la présence de prêtres. Ils payèrent un tribut au roi du Danemark qui prit en otages des fils de nobles et les emmena avec lui dans son pays. Ces choses-là se produisirent à un moment où les Saxons géraient leurs guerres internes. Après que le Seigneur eut rétabli la paix, le duc envoya immédiatement des messagers au roi, exigeant le retour des otages et la moitié des tributs payés par les Ranes, car il avait été convenu et scellé par serment que si le roi du Danemark voulaient soumettre certains peuples, le duc participerait à ses efforts et partagerait avec lui les profits. Et quand le roi refusa, les ambassadeurs revinrent excités, le duc, remué par la colère, appela les princes slaves et ordonna qu'on inflige une punition aux Danois pour se venger. Il les convoqua et ils dirent: « Nous sommes prêts » et ils obéirent volontiers à celui qui les envoya. Et des verrous et des portes furent soustraits, alors qu’ils étaient déjà fermés à la mer depuis quelque temps, et il {le duc} se précipita, allant de tous côtés, inondant et menaçant de détruire de nombreuses îles et des zones côtières Danoises. Et les pirates renouvelèrent leur flotte et occupèrent les îles les plus riches du pays des Danois. Et après une longue famine, les Slaves furent rassasiés par les richesses des Danois, alourdis, que dis-je, engraissés, dilatés! En revenant, j'ai entendu dire que, dans Mecklenburg, les jours de marché, il y avait 700 prisonniers Danois, tous à vendre, si le nombre d'acheteurs était suffisant. Une telle calamité et de si grandes destructions furent précédées de certains présages. En effet, un certain prêtre de la province danoise, appelé Alfsen, debout devant le saint autel, alors qu’il soulevait le calice pour prendre l'hostie, eut une vision dans le calice d’une apparence de chair et de sang. Quand il eut repris ses esprits après sa frayeur, n'osant retenir la vision de cette apparence insolite, il alla chez l'évêque et montra le calice au clergé assemblé. Maintenant, alors que beaucoup firent valoir que c’était un signe du ciel pour renforcer la foi du peuple, l'évêque s’éleva contre cela, et, ayant une intelligence supérieure, il dit : un grave tourment menace l'Église et sera l’occasion de nombreux effluves de sang chrétien. Car toutes les fois que le sang des martyrs va couler, le Christ sera à nouveau crucifié dans ses membres. En outre, cette prophétie ne se trompait pas. Car à peine se fut écoulé le 14e jour que soudainement surgit l'armée des Slaves ; elle occupa le pays, détruisit les églises, captura les gens et passa tous ceux qui résistaient au fil de l'épée. Longtemps le roi des Danois garda le silence, cachant la ruine à son peuple. En effet, les rois des Danois, nonchalants et différents, peuvent un jour difficilement ressentir les coups des blessures. Enfin, comme s'il se réveillait de son sommeil, le roi du Danemark réunit une grande armée, et pilla une petite partie de la région des Circipani. Et le fils d'une concubine du roi, du nom de Christophe, vint avec 1000 hommes armés à Oldenburg, appelée Brandenhuse par les Danois, où il pilla la zone côtière. Mais l'Eglise, que servait le prêtre Bruno, ne laissa pas faire le mal, ni toucher aux possessions du prêtre. Mais les Danois se retirèrent, ils furent suivis à pied par les Slaves, ils compensèrent leurs dommages en se vengeant au décuple. Le Danemark est dans sa plus grande partie composé d'îles, qui se jettent dans la mer, et il ne peut pas se protéger facilement contre les incursions des pirates, car il y a des criques qui peuvent contenir des Slaves très bien cachés, et d'où ils passent alors inaperçus, pour envahir et piller les imprudents ; car les Slaves sont particulièrement doués pour les attaques surprises. Par conséquent, jusqu'à récemment, cette pratique de brigandage était si commune parmi eux que, au mépris total des avantages de l'agriculture, ils étaient toujours prêts avec leurs armes de combat à des attaques navales, basant leur espoir et toutes leurs richesses dans la construction de navires. Mais cela ne les empêchait pas de construire des maisons, préférant assembler des huttes de branchages, contraints par la nécessité à se protéger des tempêtes et des pluies. Et quand retentit le bruit de la guerre, toute la production de paille est mise par terre, ils ensevelissent dans des trous tous leurs biens propres, céréales, or, argent, et toutes choses précieuses. Femmes et enfants sont envoyés dans des forteresses ou au moins dans les bois, afin que l'ennemi n’ait plus rien à piller, - seulement des cabanes, dont ils supportent facilement la perte. Les attaques des Danois ne mènent à rien, ils considèrent au contraire que c'est un plaisir de livrer bataille avec eux. Le duc seul est pour eux source d’effroi, il a écrasé la force des Slaves avec plus de succès que tous les ducs qui le précédèrent, supérieur même au célèbre Otton ; il musèle leur mâchoire et les dirige où il veut. S’il parle de paix, ils obéissent; s’il demande la guerre, ils disent : « Nous sommes prêts ». [2,110] CX (XIV). Réconciliation entre le roi des Danois et le duc. Quand il contempla l’infortune de son peuple, le roi des Danois se rendit enfin compte que la paix était une bonne chose ; il envoya alors des messagers au très vaillant duc, en lui demandant une conférence amicale sur l'Eider. Le duc vint à l'endroit souhaité par le roi le jour de la Nativité de Saint Jean Baptiste. Le roi des Danois le rencontra et se montra favorablement disposé à chaque proposition du duc. Il concéda à ce dernier une moitié du tribut et des otages que les Rani lui avaient donnés et une part identique du trésor du temple; le roi se conforma pieusement à chacune des exigences du duc. Leur amitié fut renouvelée et les Slaves, à l'avenir, auraient l’interdiction d’attaquer le Danemark. Le fait est que la mine des Slaves devint relativement chagrine à cause de l'accord des princes. Le duc et le roi envoyèrent ensemble leurs messagers sur la terre des Rani et les Rani lui rendirent hommage, en lui versant un tribut. Le roi des Danois demanda au duc d’accorder sa fille, veuve de Frédéric, le très noble prince de Rothenburg, comme femme à son fils, déjà désigné comme roi. Après l’avis des grands princes, le duc y consentit et envoya sa fille au royaume des Danois. Et tous les peuples des nations du Nord se réjouirent beaucoup; joie et paix commencèrent en même temps. Le froid glacial du nord céda la place à la douceur du vent du sud, la mer cessa d’être contrariante et les ouragans des tempêtes diminuèrent. Et la route devint sûre pour ceux qui voyageaient entre le Danemark et la Slavie; les femmes et les petits enfants purent y aller parce que les obstacles furent enlevés et que les voleurs avaient disparu. Toute la région des Slaves, depuis l'Eider qui est la frontière au royaume des Danois et s'étend entre la Mer Baltique et l'Elbe par une très vaste terre jusqu'à Schwerin, redoutant auparavant les embuscades et presque totalement dévastée, était maintenant, grâce à la clémence de Dieu, complètement transformée en une colonie des Saxons; il y a des villages et des villes établies et le nombre d'églises et de serviteurs du Christ se multiplie. Pribizlav renonça à sa longue rébellion obstinée ; il resta tranquille et se contenta de son sort. Il fit construire les forteresses de Mecklenburg, Ilow et Rostock et installa des populations slaves dans leurs limites. Et, comme des bandits slaves inquiétaient les voisins allemands de Schwerin, Guncelin, préfet du château, ordonna aux siens d'arrêter tous les Slaves qu'ils rencontreraient voyageant dans des lieux divers et de les pendre immédiatement. Ainsi furent supprimés les vols et les brigandages des Slaves.