[11,29] (saint) GREGOIRE (Ier) LE GRAND. LETTRES DIVERSES SE RAPPORTANT A AUGUSTIN. LETTRE XXIX. Grégoire à Berthe, reine des Anglais. « Ceux qui sont désireux d'obtenir, au terme de leur puissance terrestre, la gloire d'un royaume céleste, doivent mettre la plus grande activité à gagner des âmes au Créateur, afin d'arriver au but de leur désir par la voie des bonnes œuvres. Nos fils dévoués, Laurent, prêtre, et Pierre, moine, nous ont fait connaître, à leur retour près de nous, les gracieuses dispositions et l'aimable conduite de Votre Excellence envers notre très révérend frère et collègue Augustin, ainsi que les grandes consolations qu'il a tirées del'affection de Votre Excellence. Nous avons adressé nos remercîments au Dieu tout-puissant, de ce que, dans sa miséricorde, il a daigné réserver la conversion de la nation anglaise comme votre récompense. De même que ce fut par Hélène, de précieuse mémoire, mère du très religieux empereur Constantin, que les cœurs des Romains furent allumés à la foi du Christ, nous pensons que c'est par le zèle de Votre Excellence que sa miséricorde s'est mise à l'œuvre dans la nation anglaise. Vous avez, en vérité, senti depuis longtemps qu'il était de votre devoir d'user, en vrai chrétienne, de toute votre influence pour toucher le cœur de votre époux, notre illustre fils dans la foi, en vue de lui faire embrasser la religion que vous suivez, dans l'intérêt du salut de son royaume et de son âme, et afin que, par lui et avec son aide, une récompense convenable pût accroître pour vous les joies du ciel, en raison de la conversion de la nation anglaise. Quand une fois, ainsi que nous l'avons dit, Votre Excellence a été fortifiée dans la foi et douée d'une science convenable, il n'y avait plus rien dans cette tâche qui vous fût ennuyeux ou difficile. Attendu que, selon la volonté de Dieu, la saison actuelle paraît être favorable, redoublez d'efforts afin de recouvrer avec surcroît : le secours de la grâce divine, ce que vous avez pu perdre par négligence. « Disposez donc, par des exhortations assidues, le cœur de votre illustre époux à l'affection pour la foi du Christ. Que votre sollicitude soit un moyen d'accroître en lui l'amour de Dieu, et d'embraser son âme d'une nouvelle ardeur pour la conversion de la nation confiée à ses soins, de manière à ce que, par l'effet de votre zèle, il offre au Tout-Puissant un grand sacrifice, et que les bons rapports qui nous ont été faits de vous puissent encore s'accroître et être confirmés de toutes les manières. Ce ne sont pas seulement les Romains qui parlent du bien que vous opérez, et qui offrent de puissantes prières pour la conservation de votre vie; mais on en parle dans les diverses parties du monde, et votre réputation est allée jusqu'à Constantinople, où elle est arrivée aux oreilles de notre gracieux empereur. De même que les consolations que nous a causées Votre chrétienne Excellence, ont été pour nous le sujet d'une grande joie, puissent aussi les anges avoir une cause de réjouissance dans le perfectionnement de l'ouvrage que vous avez commencé ! « Employez tout votre zèle et toute votre dévotion à venir en aide à notre très révérend frère et collègue Augustin, et aux serviteurs de Dieu que nous avons choisis, pour accomplir la conversion de l'Angleterre, afin qu'après avoir régné heureusement avec notre illustre fils, votre époux, et avoir atteint un long terme d'années, vous puissiez entrer dans les joies de la vie à venir qui n'a pas de fin. Nous prions le Tout-Puissant d'embraser le cœur de Votre Excellence avec le feu de sa grâce, afin que nos paroles se réalisent et qu'il vous accorde une récompense éternelle comme fruit de bonnes œuvres qui lui sont agréables. » [11,58] LETTRE LVIII. Grégoire à Mennas de Toulon, Sérène de Marseille, Loup de Chalons, Aigulfe de Metz, Simplicius de Paris, Mélantius de Rouen, et Licinius, évêques des Francs. « Quoique la charge dont vous êtes investis vous dise assez que vous devez assister de tout votre pouvoir des religieux, surtout lorsqu'ils travaillent pour le salut des âmes, il n'est cependant pas inutile de presser votre sollicitude par une lettre spéciale ; car, de même que le vent active l'action du feu, de même les exhortations viennent en aide à un esprit honnête. « Par la grâce de notre Rédempteur, la nation anglaise retourne en si grand nombre à la foi chrétienne, que notre très révérend frère et collègue dans l'épiscopat, Augustin, nous apprend que ceux qui sont avec lui ne peuvent suffire aux exigences de cette œuvre dans les diverses localités. C'est pourquoi nous avons pris des mesures pour lui envoyer quelques moines avec nos bien-aimés fils Laurence, prêtre, et Mellite, abbé. « En conséquence, nous vous demandons de leur témoigner un amour convenable, et de les seconder en tout ce qui peut leur être nécessaire, afin qu'aidés de votre secours, ils n'éprouvent pas de retard et qu'ils reçoivent la joie et le bonheur par l'assistance que vous leur donnerez ; en leur témoignant ainsi votre bonté, vous coopérerez au succès de la cause dans laquelle ils sont engagés. » [11,61] LETTRE LXI. Grégoire à Clotaire, roi des Francs. « Depuis que, par vos bonnes actions, vous êtes montré tel que nous pouvons attendre encore mieux de vous, nous éprouvons le besoin de vous demander ce qui contribuera à augmenter votre récompense. Quelques-uns des missionnaires partis pour l'Angleterre avec Augustin, notre frère et collègue dans l'épiscopat, nous ont dit, à leur retour, la charité avec laquelle Votre Excellence les a assistés durant leur séjour près de vous, la générosité avec laquelle vous les avez secourus et leur êtes venu en aide. Comme leur amour continue à être agréable à Dieu, et que le Tout-Puissant encourage le bien qu'ils ont commencé, nous vous saluons de notre affection paternelle, et vous prions de regarder comme vous étant recommandés d'une manière particulière les moines porteurs de la présente, que nous envoyons à notre frère Augustin, avec nos fils bien-aimés Laurence prêtre, et Mellite abbé. Accordez plus abondamment à ceux-ci la bonté que vous avez déjà témoignée aux premiers, et augmentez ainsi la haute estime que nous avons de vous, afin que, tandis qu'ils accompliront avec votre assistance le voyage qu'ils ont entrepris, Dieu tout-puissant, qui est votre gardien dans la prospérité et votre secours dans l'adversité, puisse vous récompenser de vos bonnes actions. » {- - -} [11,62] LETTRE LXII. Grégoire à Brunehaut, reine des Francs. « Nous rendons des actions de grâces au Dieu tout-puissant, qui, parmi les dons accordés à Votre Excellence, a daigné lui inspirer un tel amour de la religion chrétienne, que vous ne cessez de travailler avec dévouement et piété à tout ce que vous savez devoir tourner au bien des âmes et à la propagation de la foi. La bonté avec laquelle Votre Excellence a assisté notre très révérend frère et collègue dans l'épiscopat, Augustin, lorsqu'il était en route pour l'Angleterre, est venue jusqu'à nos oreilles, et, plus tard, les moines qu'il a envoyés vers nous nous ont rapporté ces choses en détail. Une conduite si chrétienne de votre part pourra étonner ceux qui ne savent pas vos bonnes œuvres ; mais pour nous, qui les connaissons par expérience, elles sont moins une occasion de surprise qu'un sujet de joie et d’admiration, vu qu'en secourant les autres, vous vous assistez vous-même. Votre Excellence sait déjà les grands miracles que notre Rédempteur a opérés en convertissant la nation anglaise. Vous devez être remplie de joie, en songeant que les secours que vous avez fournis réclament pour vous une part de coopération dans cet événement, car c'est par votre assistance, après celle de Dieu, que la parole divine a été prêchée en Angleterre. Quiconque prend part à la bonne œuvre d'un autre, a le mérite de se l'approprier. « Afin que votre récompense puisse être de plus en plus abondante, nous vous demandons d'accorder votre secours aux moines porteurs des présentes, que nous envoyons avec nos bien-aimés fils Laurence prêtre, et Mellite abbé, à notre révérend frère et collègue Augustin, vu ce qu'il nous dit que ceux dont il est secondé ne peuvent suffire à cette tâche. Daignez les aider en toutes choses, afin que le bien si généreusement commencé par Votre Excellence soit continué, et que ces religieux n'éprouvant ni retard ni embarras, vous puissiez mériter la miséricorde de Dieu pour vous et vos petits-fils, qui nous sont chers, en proportion que son amour vous rend plus généreuse dans des circonstances comme celles-ci. » [11,76] LETTRE LXXVI. Grégoire, serviteur des serviteurs de Dieu, à son très cher fils Mellite, abbé. « Après le départ de notre congrégation, qui se trouve maintenant avec vous, l'absence de tout renseignement sur la prospérité de votre voyage nous a occasionné de grandes incertitudes. Dès que le Dieu tout-puissant vous aura conduit sain et sauf auprès de notre très révérend frère Augustin, communiquez-lui le résultat de ma longue délibération au sujet de l'Angleterre, à savoir que les temples des idoles existants dans ce pays ne doivent pas être détruits; mais, après la destruction des idoles qu'ils renferment actuellement, il faudra bénir de l'eau, faire des aspersions dans les temples, puis ensuite y élever des autels où l'on déposera des reliques. Car, si les temples en question ont été bien construits, on doit les faire passer du culte des idoles au service du vrai Dieu, afin que le peuple, observant le respect des chrétiens pour ses monuments religieux, soit porté à chasser l'erreur de son cœur, et qu'après avoir connu le vrai Dieu, il aille plus facilement aux temples avec lesquels il est familier. Néanmoins, comme le peuple est dans l'habitude d'égorger des bœufs dans les sacrifices de ses diables, il faudrait substituer quelque chose à cette solennité. En conséquence, le jour de la dédicace de l'Eglise ou celui de la fête des Martyrs, dont les reliques y seront déposées, le peuple pourrait construire ses tentes avec des branches d'arbres dans le voisinage de ces mêmes églises en qui les vieux temples ont été convertis, et y célébrer leur fête avec une joie religieuse, ne sacrifiant plus les animaux au diable, mais les tuant pour leur propre usage et à la gloire de Dieu ; ils remercieront de cette abondance le distributeur de toutes choses, et ils devront être d'autant mieux disposés aux satisfactions intérieures, que leurs fêtes innocentes seront encouragées avec plus d'indulgence. « Un fait indubitable, c'est qu'il est impossible de façonner tout à la fois des esprits durs. Celui qui s'efforce d'atteindre un lieu élevé y monte lentement, et non en courant. Ainsi Notre- Seigneur s'est fait connaître en Egypte au peuple d'Israël, lorsqu'il s'est réservé pour lui-même l'honneur des sacrifices qui étaient auparavant offerts au démon, et qu'il ordonna les sacrifices d'animaux, comme faisant partie du culte religieux. Par ce moyen, les cœurs étant changés, ils purent abandonner quelque chose des sacrifices et en retenir partiellement l'usage, offrant les mêmes animaux qu'auparavant, mais avec un but différent; et par conséquent ce n'étaient plus les mêmes cérémonies. Telles sont les instructions qu'il est nécessaire que vous transmettiez à notre frère Augustin, afin que lui, qui est sur les lieux, considère comment les choses pourraient être organisées. « En date du dix-septième jour de juin, la dix-neuvième année de notre seigneur Maurice Tibère. » [11,28] LETTRE XXVIII. Grégoire à Augustin, évêque des Anglais. « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté! car le grain de froment qui est tombé sur la terre est mort et a produit des fruits abondants, afin qu'il ne régnât pas seul dans les cieux Celui dont la mort nous fait vivre, dont la faiblesse nous fortifie, dont la passion nous a arrachés aux souffrances, dont l'amour nous a conduits à chercher dans la Bretagne des frères que nous ne connaissions pas, et dont la faveur nous a fait trouver ceux que nous cherchions dans l'ignorance. Mais qui pourrait dire la joie qui a éclaté en ce lieu, dans le cœur de tous les fidèles, depuis que la nation anglaise a été, par l'opération de la grâce du Tout-Puissant, arrachée aux ténèbres de l'erreur et éclairée de la lumière de la sainte foi ? Depuis que ce peuple foule aux pieds, avec une parfaite connaissance de cause, les idoles auxquelles il se soumettait auparavant dans la folie de ses superstitions; depuis que les Anglais adorent Dieu dans la pureté de leur cœur; depuis qu'arrachés à leurs mauvaises actions, ils sont liés par les règles d'un saint enseignement ; depuis qu'ils se soumettent de tout leur esprit aux préceptes divins, et qu'ils sont fortifiés par la parfaite intelligence de ces préceptes ; depuis qu'ils sont humiliés jusqu'à la poussière, et qu'ils demeurent en esprit prosternés à terre? De qui tout ceci est-il l'ouvrage, si ce n'est de Celui qui dit : Mon père agit continuellement, et moi aussi ? Lui qui, afin de montrer son désir de convertir le monde, non par la puissance de l'homme, mais lui-même, par sa propre force, a choisi des hommes sans science pour les prédicateurs qu'il devait envoyer dans le monde. Il a fait la même chose dans ce cas-ci, en ce qu'il a daigné opérer des œuvres puissantes chez la nation anglaise, en se servant pour cela de l'infirmité d'un homme faible. Mais il y a, très cher frère, dans ce don céleste, de quoi nous causer, au milieu de notre joie, des craintes sérieuses. Je sais bien que le Dieu tout-puissant a opéré par vos mains de très grands miracles dans la nation qu'il lui a plu de se choisir. Il est, par suite, nécessaire, touchant ce don céleste, que vous vous réjouissiez en même temps que vous craignez, et que vous craigniez en même temps que vous vous réjouissez. Vous pouvez assurément vous réjouir de ce que les âmes des Anglais ont été, par des miracles extérieurs, amenés à la grâce intérieure; mais vous devez craindre aussi, de peur que dans les signes opérés par vous, votre faible esprit ne se laisse aller à la présomption, et qu'en proportion de votre élévation dans les honneurs extérieurs, il ne tombe intérieurement dans la vaine gloire. Nous devons ne pas perdre de vue que lorsque les disciples retournèrent pleins de joie de leur prédication, ils dirent à leur maître : « Seigneur, les démons même nous sont soumis quand nous invoquons votre nom, » et il leur fut répondu : « Ne vous réjouissez pas de cela, mais plutôt de ce que vos noms sont écrits dans les cieux. » En se réjouissant des miracles, leur joie était particulière et temporelle ; mais ils furent avertis de substituer une joie publique à leur joie privée, et une satisfaction éternelle au contentement temporel qu'ils éprouvaient, quand le Seigneur leur dit : « Réjouissez-vous de ce que vos noms sont inscrits dans les cieux. » Tous les élus ne font pas des miracles, et cependant leurs noms sont inscrits au ciel. Pour des disciples de la vérité, il ne devrait y avoir d'autre joie que celle qu'ils éprouvent en commun avec d'autres, et sur des sujets qui peuvent inspirer une joie sans fin. « Il faut donc, très cher frère, au milieu des choses que vous opérez extérieurement par la puissance de Dieu, que vous ne cessiez jamais de vous juger intérieurement avec modestie, et que vous distinguiez deux choses qui vous concernent : qui vous êtes, et en même temps combien la grâce abonde envers cette nation, pour la conversion de laquelle le pouvoir de faire des miracles vous a été accordé. Si vous vous rappelez avoir jamais transgressé en paroles ou en actes les préceptes de notre Créateur, ayez continuellement votre faute présente à la pensée, afin que le souvenir de votre faiblesse puisse arrêter l'orgueil de votre cœur. Quel que soit le pouvoir que vous receviez ou avez déjà reçu de faire des miracles, ne regardez pas cela comme un don accordé à vous-même, mais plutôt comme une grâce qui vous est faite en faveur de ceux dont Dieu veut assurer le salut. « Et tandis que ce sujet nous occupe, il est impossible de ne pas se rappeler ce qui arriva dans l'exemple d'un des serviteurs de Dieu, d'un serviteur qui avait un grand mérite à ses yeux. Quand Moïse conduisit le peuple d'Israël hors de l'Egypte, il opéra, comme Votre Fraternité le sait, un grand nombre de prodiges. Dans son jeûne de quarante jours, sur le mont Sinaï, il reçut les tables de la loi au milieu des éclairs et des tonnerres ; et pendant que tout le peuple était épouvanté, lui seul tenait une conversation intime et familière avec le Dieu tout-puissant. Ensuite il ouvrit une route à travers la mer Rouge, et eut un nuage en forme de colonne pour le guider dans son chemin. Quand le peuple eut faim, il fit descendre la manne du ciel, et, par un miracle, il put satisfaire ses désirs, même avec excès, par l'abondance qu'il leur procura dans le désert. Puis, dans un moment de sécheresse, il vint près d'un rocher, et sa foi lui fit défaut, car il douta s'il pourrait en tirer de l'eau ; mais, sur l'ordre du Seigneur, il frappa le rocher, et l'eau en jaillit par torrents. Qui pourrait dire ou découvrir le nombre de miracles qu'il a opérés durant trente-huit ans qu'il passa dans le désert? Chaque fois qu'une affaire douteuse embarrassait son esprit, il entrait dans le tabernacle,interrogeait Dieu en secret, et était instruit de ce qu'il désirait savoir. Quand le Seigneur était irrité contre son peuple, il l'apaisait par l'intervention de ses prières; et il fit engloutir, dans un précipice formé par la terre qui s'entrouvrit à dessein, ceux qui s'élevaient avec orgueil et semaient la division dans le peuple. Il fatiguait l'ennemi par ses victoires et opérait des miracles fréquents. Mais quand il arriva à la terre promise, il fut appelé au sommet de la montagne, et on lui rappela le péché qu'il avait commis trente-huit ans auparavant, lorsqu'il douta de sa puissance à faire jaillir l'eau du rocher, et il apprit que cette faute l'empêchait d'entrer dans la terre promise. Nous voyons, par cet exemple, combien le jugement de Dieu est une chose terrible, puisqu'il se souvint si longtemps de la faute de son serviteur, par qui il avait opéré tant de miracles. « Ainsi donc, très cher frère, si nous devons reconnaître que celui spécialement choisi de Dieu pour opérer de si grands prodiges, est mort à cause de son péché sans entrer dans la terre promise, que n'avons-nous pas à craindre, nous qui ne savons pas si nous sommes au nombre de ses élus? « Touchant les miracles faits par des réprouvés, que puis-je vous dire, à vous, qui connaissez si bien les paroles de la vérité dans l'Evangile? Beaucoup de gens me diront, y est-il écrit : Seigneur, Seigneur, n'avons-nous pas prophétisé en votre nom? n'avons-nous pas chassé les démons en votre nom, et n'avons-nous pas participé à la grandeur de son exaltation. La grâce des miracles est accordée pour gagner des âmes, et en vue de la gloire de Celui par la puissance de qui ils sont opérés. « Le Seigneur nous a donné cependant un signe extérieur auquel nous pouvons nous réjouir d'une joie vive, et par lequel nous pouvons distinguer en nous la gloire d'élection : — « La marque à laquelle tout le monde reconnaîtra que vous êtes mes disciples, c'est si vous vous entr'aimez. » Ce signe, le prophète le demandait quand il disait : « Montrez-moi, Seigneur, quelque signe pour le bien, afin que ceux qui me haïssent puissent le voir et en être confondus. » « Je dis ces choses parce que je désire que l'esprit de celui qui m'entend s’abaisse dans l'humilité. Mais je sais que votre humilité a une juste confiance. Je suis moi-même un pécheur, et je regarde comme une chose certaine que, par la grâce de Dieu, notre Créateur, et de Jésus-Christ, notre Rédempteur, vos péchés ont déjà été oubliés, et que vous êtes, en conséquence, au nombre des élus, de sorte que les péchés des autres pourront être pardonnés par vos mérites. Votre culpabilité ne causera aucun chagrin dans les temps à venir, parce que vous donnerez de la joie dans le ciel par la conversion d'un grand nombre d'âmes. Notre même Créateur et Rédempteur dit, en parlant de la pénitence de l'homme : « Je vous dis qu'il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui fait pénitence que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas besoin d'en faire. » Si un pécheur pénitent cause tant d'allégresse dans le ciel, quelle ne doit pas être la joie qui y est produite, quand une nation nombreuse est convertie de son erreur, et vient à la foi, condamnant, par son repentir, tout le mal qu'elle a commis! Unissons-nous à cette joie des anges des cieux, en concluant par les mots qui ont commencé notre lettre : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ! »