[6,7] LETTRE VII. Grégoire à Candide. « Nous désirons de votre affection, à laquelle a été confié, avec l'aide de Notre-Seigneur Jésus-Christ, le contrôle d'un patrimoine dans la Gaule, que vous achetiez, avec les pièces d'argent que vous avez reçues, quelques vêtements pour les pauvres, ou que vous les appliquiez au rachat de jeunes Anglais de dix-sept à dix-huit ans, dans le but de les élever pour le service de Dieu. De cette manière, la monnaie des Gaules, qui n'a pas cours chez nous, sera placée utilement et d'une manière convenable. Si, en outre, vous pouvez réaliser quelque chose des revenus qui, dit-on, ont été retirés, faites-le, et vous répondrez à nos désirs, en les employant soit à en acheter aussi des vêtements pour les pauvres, soit, comme nous l'avons déjà dit, à racheter des esclaves anglais qui seraient élevés dans le service du Dieu Tout-Puissant. Comme ceux néanmoins que vous pourrez acheter seront païens, je désire qu'un ecclésiastique les accompagne, car ils pourraient tomber malades en route, et dans ce cas, si leur maladie venait à paraître mortelle, il serait de son devoir de les baptiser. Nous nous en rapportons à voire affection pour mettre nos désirs à exécution, et cela en toute hâte. » [6,51] LETTRE LI. AUX FRÈRES EN ROUTE POUR L'ANGLETERRE. « Grégoire, serviteur des serviteurs de Dieu, à ses frères, serviteurs de Notre-Seigneur Jésus-Christ. « Il eût été mieux de ne pas s'engager dans une bonne entreprise, que de songer à reculer après l'avoir commencée. Aussi me parait-il convenable, mes très chers fils, que vous exécutiez avec la plus grande célérité possible la bonne œuvre entreprise par vous avec l'assistance de Notre-Seigneur. Réalisez avec ardeur et zèle ce que l'inspiration de Dieu vous a suggéré, et songez que plus grands seront vos travaux, plus brillante sera la gloire de votre récompense éternelle. Augustin, votre prieur, retourne à vous, autorisé à vous gouverner en qualité d'abbé. Obéissez-lui en toutes choses avec humilité ; soyez assurés que tout ce que vous ferez conformément à vos ordres, tournera au profit de vos âmes. « Que le Tout-Puissant vous protège de sa grâce, et m'accorde le fruit de vos travaux dans notre patrie éternelle ! Quoique privé de prendre part à vos labeurs, que je puisse être associé à votre récompense, car si j'étais maître de mes désirs, j'aurais partagé vos travaux. Que Dieu, mes très chers fils, vous ait en sa sainte garde. « En date du vingt-troisième jour de juillet, quatorzième année du règne de notre très religieux empereur, notre seigneur Maurice Tibère Auguste, la treizième de son consulat, et la quatorzième de l'indiction. » [6,52] LETTRE LII. Grégoire à Pelage, évêque de Tours, et à Sérène, évêque de Marseille, tous deux en France. — Par Duplicata. « Quoique des religieux n'aient pas besoin de recommandation auprès de bons prêtres, pleins de la charité que Dieu demande, cependant, comme l'occasion d'écrire est opportune, nous avons jugé convenable de vous adresser cette communication, afin de vous faire savoir qu'Augustin, porteur de la présente, serviteur de Dieu (dont l'affection nous est garantie), a été choisi par nous, avec l'assistance du Tout-Puissant, et dans l'intérêt des âmes, ainsi que d'autres serviteurs de Dieu, pour faire une mission lointaine. Votre Sainteté doit l'aider de sa bonté de prêtre, et ne mettre aucun retard à lui procurer les consolations en son pouvoir. Afin de vous disposer à lui accorder le bienfait d'un intérêt tout amical, il a des instructions de nous, pour vous communiquer avec précision les détails de son voyage ; nous sommes convaincu, dès qu'ils vous seront connus, que vous vous prêterez, avec dévouement pour Dieu, aux circonstances urgentes qui rendent vos encouragements nécessaires à notre envoyé. » [6,56] LETTRE LVI. Grégoire à Etienne, Abbé. Augustin, serviteur de Dieu, porteur de la présente, a réjoui notre cœur par ce qu'il nous a dit de votre vigilance active et louable, et en nous apprenant que les prêtres, les diacres et la communauté vivent ensemble en hommes pénétrés du même esprit. Comme la bonne harmonie du corps dépend des vertus du supérieur, nous prions le Dieu Tout-Puissant de daigner, dans sa miséricorde, allumer en vous le feu des bonnes œuvres, et de préserver tous ceux confiés à vos soins, des tentations du démon. Nous lui demandons de leur donner à tous un vif amour pour vous, et des sentiments selon ses vues. Il paraît d'après cela, dit l'éditeur bénédictin de Saint- Grégoire, qu'il y avait dans ce monastère, comme dans d'autres, plusieurs ecclésiastiques ne faisant pas partie de la communauté. Mais comme l'ennemi du genre humain ne cesse de tendre des pièges pour notre ruine, et qu'il travaille assidûment à séduire, en les prenant par leur côté faible, les âmes engagées à Dieu, nous vous exhortons, très cher frère, à exercer sans relâche vos soins vigilants, et à veiller, par vos prières et vos prévoyances actives, afin que le loup ravisseur ne trouve pas l'occasion de mettre en pièces votre troupeau. Quand vous aurez rendu sain et sauf à Dieu le dépôt que vous en avez reçu, qu'il lui plaise, dans sa grâce, de vous accorder la récompense de vos travaux, et d'augmenter vos aspirations vers la vie éternelle. « Nous avons reçu les cuillers et les plats que vous nous avez expédiés, et nous vous remercions de témoigner ainsi votre amour des pauvres, en nous envoyant des objets pour leur usage. » [6,58] LETTRE LVIII. Grégoire A Théodoric Et Théodebert, Frères, rois Des Francs. —Par Duplicata. « Depuis que le Dieu tout-puissant a favorisé votre royaume de l'orthodoxie de la foi, et permis qu'il devînt célèbre dans les autres nations par la pureté avec laquelle il garde la religion chrétienne, nous avons conçu la vive espérance que vous désireriez voir tous vos sujets embrasser la croyance, qui est le lien de vos rapports avec eux, comme leurs seigneurs et gouverneurs. « Nous avons appris que la nation anglaise a été amenée, par la miséricorde de Dieu, à soupirer ardemment après sa conversion à la foi de J.-C., mais que les prêtres des pays voisins sont négligents, et n'alimentent pas la flamme de ces saints désirs, à l'aide des exhortations qu'ils pourraient employer. C'est pour ces raisons que nous avons pris des mesures, afin d'envoyer aux Anglais Augustin, porteur de cette lettre, serviteur de Dieu (dont le zèle et l'affection nous sont assurés), en compagnie d'autres serviteurs de Dieu. Nous leur avons, en outre, donné avis d'emmener avec eux quelques prêtres du pays voisin, dont le secours leur sera utile pour sonder les dispositions du nouveau peuple et seconder leurs bonnes intentions, autant que Dieu leur en donnera le pouvoir. Afin qu'ils soient capables de remplir ce ministère, nous invitons Votre Excellence, que nous saluons de notre affection paternelle, d'accorder à ceux chargés de notre message le bienfait de l'assistance que vous jugerez pouvoir leur être utile. Et comme il s'agit d'une affaire où le salut des âmes est intéressé, que votre influence les protège et les aide, afin que Dieu tout-puissant, qui sait que vous leur accorderez cette consolation d'un cœur dévoué et avec un zèle pur pour sa sainte cause, vous prenne sous sa protection et vous conduise saufs, à travers la puissance terrestre, à son royaume des cieux. » {- - -} [6,59] LETTRE LIX. Grégoire à Brunehaut, reine Des Francs. « Votre chrétienne Excellence nous est si bien connue, que nous ne pouvons en rien douter de votre bonté. Nous regardons au contraire comme certain que vous coopérerez dévotement et ardemment avec nous, et que vous fournirez avec la plus grande abondance les consolations que nous avons raison d'attendre de votre religion si sincère. Dans cette confiance, nous vous saluons de notre affection paternelle, et vous faisons connaître que la nation anglaise, suivant les rapports qui nous ont été faits, a, sous l'inspiration de Dieu, le désir de devenir chrétienne ; mais que les prêtres du pays voisin manquent pour elle de sollicitude pastorale. « En conséquence, en vue d'arracher ces âmes à la perdition éternelle, nous avons commissionné Augustin, serviteur de Dieu et porteur de la présente (dont le zèle et l'affection nous sont assurés), en compagnie d'autres serviteurs de Dieu. Nous sommes désireux de connaître par eux les dispositions du peuple anglais, et de prendre, avec votre assistance, les moyens (autant que cela est praticable) d'assurer sa conversion. Nous leur avons dit aussi qu'il serait de leur devoir de mener avec eux quelques prêtres du pays voisin. « Votre Excellence, qui est disposée à favoriser toutes les bonnes œuvres, condescendra-t-elle, en considération de notre demande et par crainte de Dieu, à regarder notre envoyé comme lui étant recommandé pour toutes choses? Consentirez-vous à lui accorder avec empressement la grâce de votre protection, et l'avantage de votre patronage dans ses travaux? Et afin que votre récompense puisse être complète, voulez-vous lui fournir un sauf-conduit pour faire route vers la nation anglaise? Que Dieu, qui vous a comblée dans ce monde de bonnes œuvres qui lui sont agréables, vous accorde ici-bas, et dans le lieu du repos éternel, la grâce de vous réjouir avec ses saints. » {- - -} [6,66] LETTRE LXVI. Grégoire, évêque, à son très illustre et très excellent fils Ethelbert, roi d'Angleterre. « Le but dans lequel le Dieu tout-puissant élève, dans sa bonté, certains hommes au gouvernement de son peuple, c'est de pouvoir répandre par leur canal les bienfaits de sa miséricorde sur ceux qu'il les appelle à gouverner. Nous apprenons que telle est sa volonté touchant la nation anglaise sur laquelle Votre Excellence a été appelée à régner, afin qu'à l'aide des avantages dont vous avez été favorisé, les bienfaits de la grâce divine puissent être répandus sur la nation confiée à votre gouvernement. Gardez donc, nous vous en supplions, illustre fils, avec toute la sollicitude possible, la grâce qui vous a été accordée d'en haut; ne perdez pas de temps à répandre la foi du Christ parmi vos sujets; redoublez de zèle pour leur conversion ; détruisez le culte des idoles ; renversez leurs temples, et habituez vos sujets à la plus grande pureté de vie par vos exhortations et vos menaces, par la bienveillance, la correction, et surtout par vos bons exemples, afin que vous receviez dans les cieux la récompense de Celui dont vous aurez répandu sur la terre le nom et la connaissance. En outre, il rendra le nom de Votre Excellence plus grand dans la postérité, en proportion que vous aurez mieux cherché et maintenu son honneur dans ce monde. « C'est ainsi que, dans les temps anciens, l'excellent empereur Constantin arracha la république romaine au culte corrompu des idoles, la soumit à Notre-Seigneur, et se donna de tout son cœur, lui et son peuple, à Jésus-Christ, le Dieu tout-puissant. Aussi il arriva que ce même empereur surpassa, par la grandeur de ses actes, la réputation des princes qui l'avaient précédé. Puisse Votre Excellence se hâter, de la même manière, d'implanter dans le cœur de tous les rois et peuples, vos sujets, la connaissance d'un Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, de sorte que votre gloire surpassera en mérites et en renommée celle de tous les anciens rois de votre nation, et de plus, en proportion que vous servirez davantage d'instrument pour laver les péchés des autres parmi vos sujets, vous vous assurerez devant le trône du jugement le pardon de ceux que vous- même aurez commis. « Prêtez une oreille complaisante aux conseils de notre très révérend frère Augustin, évêque; suivez ses instructions avec toute la dévotion possible, et gravez-les avec soin dans votre mémoire. Il est bien versé dans la règle monastique, plein de la science des saintes Ecritures, et riche, par la grâce de Dieu, de toutes les bonnes œuvres. Plus volontiers vous lui prêterez attention quand il vous parlera des choses du Dieu tout-puissant, plus vite le Seigneur écoutera ses prières en votre faveur. Si (que Dieu vous en garde!) vous ne teniez aucun compte de ses paroles, comment pensez-vous que Dieu écoutât ses prières pour vous, en voyant que vous refusez de l'entendre quand il parle pour Dieu? Ainsi donc, avec son secours, attachez-vous de tout votre esprit à redoubler de zèle pour la foi, et correspondez à ses efforts en vertu de la puissance que Dieu vous donne d'en haut, afin qu'il vous fasse partager son royaume éternel, Celui dont vous aurez fait recevoir et garder la foi dans votre royaume terrestre. « Nous désirons toutefois que Votre Excellence sache, ainsi que nous l'apprenons par les paroles du Seigneur tout-puissant, dans les saintes Ecritures, que le monde actuel approche de sa fin, et que le royaume des saints, qui ne finira jamais, arrive. Comme preuve que ladite fin du monde approche, plusieurs signes se manifestent et nous menacent, qui n'existaient pas auparavant : tels que des bouleversements soudains de température, des signes terribles dans le firmament, des tempêtes hors de saison, des guerres, des famines, des pestes et des tremblements de terre. Non que toutes ces choses s'accomplissent en un jour, mais la génération future les verra se réaliser. Maintenant, si quelqu'un de ces prodiges arrivait dans votre pays, que votre cœur n'en soit pas troublé, car ces signes de la fin du monde sont envoyés à temps, pour que nous songions aux affaires de nos âmes, et que nous soyons trouvés pleins de crainte à l'heure de la mort, préparés par toutes les bonnes œuvres à l'arrivée de notre juge. Très excellent fils dans la foi, je vous ai exprimé ces choses en peu de mots, afin que, lorsque la foi du Christ se sera répandue et aura prévalu dans votre royaume, l'influence de nos exhortations puisse prévaloir aussi avec vous d'une manière de plus en plus étendue, et que nous puissions vous parler de tout plus librement, dans la joie sans cesse croissante de notre cœur, en songeant à l'entière conversion de votre peuple. « Je vous ai envoyé, comme témoignage de mon estime, quelques petits présents que vous ne regarderez cependant pas comme futiles, quand vous réfléchirez qu'ils vous arrivent portant avec eux la bénédiction de saint Pierre. Que le Dieu tout-puissant daigne garder dans votre cœur et conduire à perfection la grâce qu'il vous a donnée; qu'il prolonge votre vie durant bien des années encore, et qu'après un long séjour sur la terre, il vous reçoive dans la congrégation de sa patrie céleste. Mon bon seigneur et cher fils dans la foi, puisse Votre Excellence être gardée en sûreté par la grâce d'en haut. « En date du vingt-deuxième jour de juin, dix-neuvième année du règne de notre seigneur, le très religieux empereur Maurice Tibère, la dix-huitième du consulat du même seigneur, et la quatrième de l'indiction. »