[3,0] LIVRE 3. [3,1] Chapitre premier. 1. Lorsque, contre toute espérance, les hébreux eurent ainsi été sauvés, ils furent de nouveau cruellement en peine, tandis qu'on les menait vers le mont Sinaï. La contrée était absolument déserte, dénuée de toute production propre à leur subsistance et extrêmement pauvre en eau ; non seulement elle ne pouvait rien fournir aux hommes, mais elle n'était même pas capable de nourrir aucune espèce animale ; en effet, c'est une terre sèche, d'où ne sort aucune humidité propice à la végétation. C'est par un tel pays qu'ils étaient contraints de cheminer, aucune autre route ne leur étant ouverte. Des lieux antérieurement parcourus ils avaient emporté de l'eau, selon l'ordre de leur chef, et, quand cette eau fut épuisée, ils essayèrent d'en retirer de puits. Ce fut un travail pénible à cause de la dureté du sol ; mais ce qu'ils trouvaient était amer, non potable et, au surplus, en quantité très minime. En marchant ainsi, ils arrivèrent aux approches du soir à Mar, localité qu'ils appelèrent de ce nom à cause de la mauvaise qualité de l'eau - en effet, l'amertume se dit mar - ; et là, épuisés par cette marche ininterrompue et par le manque de nourriture – à ce moment ils n'en avaient plus du tout -, ils font halte. Un puits se trouvait là, c'était une raison de plus pour y demeurer ; sans doute, il ne pouvait à lui seul suffire à une si grande armée, cependant c'était un léger encouragement pour eux de l'avoir trouvé dans de tels parages ; car ils avaient ouï dire à ceux qui allaient aux informations qu’ils n'en rencontreraient plus aucun en poursuivant leur route. Mais cette eau-là était amère, et non seulement les hommes ne pouvaient la boire, mais les bêtes de somme même ne la supportaient pas. 2. Moïse, voyant leur découragement et l'inefficacité des paroles en une telle circonstance, - car ce n'était pas une armée véritable, capable d'opposer à la contrainte de la nécessité la force virile ; l'élan généreux de leurs sentiments était enrayé par la foule des enfants et des femmes, qui n'étaient pas de force à recevoir les enseignements de la raison -, Moïse donc était dans le plus grand embarras, parce qu'il faisait siennes les souffrances de tous. En effet, on n'avait recours à personne qu'à lui ; tous l'adjuraient, les femmes pour leurs enfants, les maris pour leurs femmes, de ne pas se désintéresser d'eux, mais de leur procurer quelque moyen de salut. Il se met alors à supplier Dieu de débarrasser l'eau du mauvais goût qu'elle avait et de la rendre potable. Et comme Dieu consentit à lui faire cette faveur, ayant saisi l'extrémité d'un bâton qui se trouvait sur le sol à ses pieds, il le fendit par le milieu,dans le sens de la longueur, puis, l'ayant jeté dans le puits, il persuada aux hébreux que Dieu avait prêté l'oreille à ses prières et avait promis de rendre l'eau telle qu'ils la désiraient, pourvu qu'ils exécutassent ses ordres, non avec mollesse, mais avec ardeur. Ceux-ci demandant ce qu'il leur faudra faire pour que l'eau s'améliore, il ordonne à ceux qui étaient dans la force de l'âge de tirer l'eau du puits, en leur disant que ce qui resterait au fond, quand ils en auraient vidé la plus grande partie, serait potable. Ils se mirent à l’œuvre, et l'eau travaillée et purifiée par leurs coups incessants devient bientôt bonne à boire. 3. Partis de là, ils arrivent à Elis ; de loin, cette localité avait belle apparence, car elle était plantée de palmiers, mais, quand on en fut près, on se convainquit, au contraire, que c'était un méchant lieu ; car ces palmiers, qui n'étaient pas plus de soixante-dix, croissaient péniblement et demeuraient tout au ras du sol, faute d'eau, tout l'endroit étant sablonneux. Même des sources qui se trouvaient là, au nombre de douze, il ne jaillissait pas assez d'eau pour les arroser ; et comme rien n'en pouvait sourdre ni s'élever en l'air, elles ne donnaient que de rares filets de liquide et l'on creusait le sable sans rien rencontrer ; encore le peu d'eau qu'ils parvenaient à recueillir goutte à goutte se trouvait impropre à tout usage, tant il était trouble. Et les arbres étaient trop débiles pour porter des fruits, faute d'eau pour leur donner de la vigueur et de l'élan. Aussi incriminait-on le chef et l'accablait-on d'injures : ces misères, ces épreuves malheureuses, c'était par lui qu'on les endurait, disaient-ils. Ils en étaient à leur trentième jour de marche ; les provisions qu'ils avaient emportées étaient complètement épuisées, et, comme ils ne trouvaient rien en route, ils désespéraient complètement. Tout à la pensée de leur malheur présent, qui les empêche de se souvenir des bienfaits qu'ils doivent à Dieu d'une part, à la vertu et à l’intelligence de Moïse de l'autre, ils n'ont pour leur chef que de la colère, et s'élancent pour le lapider, comme s'il était le plus responsable de leur détresse actuelle. 4. Mais lui, devant cette foule ainsi surexcitée et animée contre lui de sentiments violents, fort de l'appui de Dieu et de la conscience qu'il a d'avoir veillé sur ceux de sa race, s'avance au milieu d’eux tandis qu'ils vocifèrent et tiennent encore des pierres dans leurs mains ; avec son aspect si agréable et son éloquence si persuasive pour la foule, il commence à apaiser leur colère, les exhorte à ne pas oublier, sous l'impression des difficultés actuelles, les bienfaits antérieurs, et à ne pas chasser de leurs pensées, parce qu'ils souffrent présentement, les grâces et les faveurs considérables et inespérées qu'ils avaient reçues de Dieu. Ils doivent compter qu'ils seront tirés aussi des embarras actuels, grâce à la sollicitude divine, car, vraisemblablement, c'était pour éprouver leur vertu, pour savoir de quelle force d'âme ils étaient doués, quelle mémoire ils conservaient des services déjà rendus, et s'ils n'y reporteraient point leur pensée sous l'influence des maux actuels, que Dieu les accablait maintenant de ces tourments. Il leur reproche de ne savoir ni les endurer, ni se souvenir d'un heureux passé, en faisant si peu de cas de Dieu et du dessein selon lequel ils ont quitté l'Égypte, et en montrant tant d'humeur contre lui-même, serviteur de Dieu, lui qui ne leur a jamais menti, ni dans ses discours, ni dans les ordres qu'il leur a donnés selon les instructions divines. Puis il leur énumère tout, comment les Égyptiens ont été détruits en voulant les retenir de force contre la volonté de Dieu, comment le même fleuve se changea pour ceux-là en sang, de sorte qu'ils ne purent boire de ses eaux, tandis que pour eux-mêmes elles restaient potables et douces, comment, traversant la mer qui s'écartait d'eux au loin en leur ouvrant un chemin tout nouveau, ils y trouvèrent le salut pour eux-mêmes, tandis qu'ils voyaient leurs ennemis périr ; comment, lorsqu'ils manquaient d'armes, Dieu leur en procura abondamment ; enfin il leur dit toutes les circonstances où, quand ils paraissaient à deux doigts de leur perte, Dieu les avait sauvés à l'improviste, quelle puissance était la sienne, qu'il ne fallait donc pas non plus désespérer maintenant de sa providence, mais patienter sans colère, en songeant que le secours ne peut tarder, même s'il ne vient pas immédiatement, avant toute épreuve fâcheuse, et considérer que ce n'est pas par indifférence que Dieu temporise, mais bien pour éprouver leur courage et leur amour de la liberté, « afin de savoir, dit-il, si, à l'occasion, vous pourriez supporter généreusement pour elle la privation d'aliments et le manque d'eau, ou si vous préférez l'esclavage, comme les bêtes que leurs maîtres domptent et nourrissent copieusement en vue des services qu'ils en attendent ». Il ajoute que, s'il craint quelque chose, ce n'est pas tant pour sa propre sécurité, - car ce ne sera pas un malheur pour lui de mourir injustement -, que pour eux-mêmes ; il a peur qu'en lançant des pierres contre lui, ils n'aient l'air de mépriser Dieu. 5. Il les calme ainsi, arrête leurs bras prêts à le lapider et les amène à se repentir de l'acte qu'ils allaient commettre : mais, ayant songé que cette agitation provoquée par la nécessité n'était pas déraisonnable, il réfléchit qu'il devait aller supplier et invoquer Dieu, et, monté sur un observatoire élevé, il lui demande de procurer quelque secours au peuple et de l'arracher à sa détresse, - car c'était en lui que se trouvait leur salut et en nul autre -, et de pardonner au peuple ce qu'il venait de commettre sous l'empire de la nécessité, car la race des hommes est naturellement portée à se plaindre et à récriminer dans la mauvaise fortune. Dieu promet de prendre soin d'eux et de leur fournir ces ressources tant souhaitées. Moïse, ayant entendu cette réponse de Dieu, retourne auprès du peuple. Ceux-ci, en le voyant tout réjoui des promesses divines, passent de l'abattement à une humeur plus gaie, et lui, debout au milieu d'eux, dit qu'il vient leur apporter de la part de Dieu un secours contre les embarras présents. Et, peu après, une quantité de cailles (cette espèce d'oiseaux abonde, plus que toute autre, dans le golfe Arabique) traverse ce bras de mer et vient voler au-dessus d'eux ; et, fatiguées de voler, habituées, d'ailleurs, plus que les autres oiseaux à raser la terre, elles viennent s'abattre sur les Hébreux. Ceux-ci, les recueillant comme une nourriture préparée par Dieu, soulagent leur faim. Et Moïse adresse des actions de grâce à Dieu pour les avoir secourus si vite et comme il l'avait promis. 6. Aussitôt après ces premiers secours en vivres, Dieu leur en envoya une seconde fois. En effet, tandis que Moïse élève les mains en prière, une rosée tombe à terre, et, comme elle adhérait en se coagulant à ses mains, Moïse, soupçonnant que c'était là un aliment envoyé par Dieu, la goûte, et, charmé, tandis que le peuple, dans son ignorance, la prend pour de la neige et l'attribue à l'époque de l'année où l'on se trouvait, il leur apprend que cette rosée descendue du ciel n'est pas ce qu'ils supposent, mais qu'elle est destinée à les sauver et à les nourrir ; en la goûtant, ils s'en convaincraient. Ceux-ci, imitant leur chef, eurent plaisir à manger de cette substance, car elle tenait du miel par sa saveur douce et délicieuse et ressemblait à cette espèce d'aromate nommée "bdella" ; la grosseur était celle d'une graine de coriandre. Ils mirent à la récolte une ardeur extrême. Mais il leur était recommandé à tous également de n'en récolter chaque jour qu'un assaron (c'est le nom d'une mesure), cet aliment ne devant jamais leur faire défaut ; c'était là une précaution afin que les faibles ne fussent pas empêchés d'en prendre par les forts, qui profiteraient de leur vigueur pour faire une récolte plus copieuse. Ceux qui, néanmoins, recueillaient plus que la mesure prescrite n'avaient aucun avantage pour la peine qu'ils se donnaient, car ils ne trouvaient rien de plus qu'un assaron ; et tout ce qu'on mettait de côté pour le jour suivant ne servait plus à rien : les vers et l'amertume l'abîmaient, tant cet aliment était divin et extraordinaire. Il remplaçait pour ceux qui en mangeaient tous les autres aliments absents. Et encore aujourd'hui tout ce lieu est arrosé d'une pluie semblable à celle que jadis, par faveur pour Moïse, Dieu envoya pour leur servir de nourriture. Les Hébreux appellent cet aliment manna, car le mot "man" est une interrogation dans notre langue et sert à demander : « Qu'est-ce que cela ? » Ils ne firent donc que se réjouir de cet envoi du ciel et ils usèrent de cette nourriture pendant quarante ans, tout le temps qu'ils furent dans le désert. 7. Lorsque, partis de là, ils arrivèrent à Raphidin, tourmentés par une soif extrême, -car après avoir dans les premiers jours rencontré quelques sources, ils se trouvaient maintenant dans un pays absolument dépourvu d'eau -, leur situation était pénible et ils recommençaient à s'irriter contre Moïse. Mais lui, échappant à grand peine aux transports de la foule, se met à prier Dieu, et lui demande, de même qu'il leur avait donné à manger dans le besoin, de leur procurer aussi à boire, car c'en était fait de leur reconnaissance pour la nourriture qu'ils avaient reçue, si la boisson leur faisait défaut. Dieu ne différa pas longtemps d'accorder cette faveur ; il promit à Moïse de produire une source abondante qui jaillirait d'un endroit imprévu. Et il lui commande de frapper de son bâton la roche qui se trouvait là devant leurs yeux ; c'était d'elle qu'ils recevraient en abondance tout ce qu'ils désiraient ; il veillerait aussi à ce que l'eau leur apparût sans peine ni travail. Moïse, ayant reçu ces promesses de Dieu, revient auprès du peuple, qui était dans l'attente et tenait les regards fixés sur lui ; car on l'avait déjà aperçu qui descendait vivement de la colline. Dès qu'il arrive, il leur dit que Dieu voulait les délivrer aussi de cette détresse et qu'il daignait même les sauver d'une façon inespérée ; de la roche jaillirait pour eux un courant d'eau. Tandis que cette nouvelle les stupéfie à la pensée d'être encore obligés, tout épuisés qu'ils sont par la soif et le voyage, à tailler dans le rocher, Moïse le frappe de son bâton ; celui-ci s'entrouvrant, il s'en échappe une eau abondante et parfaitement limpide. Eux sont frappés de l'étrangeté de ce spectacle et rien qu’à son aspect, leur soif se calme déjà ; ils en boivent, et ce liquide leur parait agréable et délicieux et tel qu'un vrai présent de Dieu. Ils en conçoivent aussi de l'admiration pour Moïse, si fort en honneur auprès de Dieu et ils offrent des sacrifices pour remercier Dieu de la providence dont il les a entourés. L'écrit déposé dans le temple atteste que Dieu avait prédit à Moïse qu'il ferait ainsi sortir de l'eau du rocher. [3,2] Chapitre II. 1. Comme le renom des Hébreux s'était déjà fort répandu partout et qu'on parlait beaucoup d'eux, il advint que les gens du pays ne furent pas médiocrement effrayés. S'envoyant mutuellement des députations, ils s'invitent à repousser et à tenter d'exterminer ces intrus. Les instigateurs de cette entreprise étaient les habitants de la Gobolitide et de Pétra, qui s'appellent Amalécites ; c'était le plus belliqueux des peuples de ce pays. Leurs rois, par des messages adressés des uns aux autres ainsi qu'aux peuples voisins, s'exhortent à faire la guerre aux Hébreux ; une armée d'étrangers, disaient-ils, qui s'étaient dérobés à la servitude des Égyptiens, s'installait près d'eux pour leur nuire : « On aurait tort de les mépriser ; c'est avant qu'ils se fortifient et que leurs ressources augmentent, et qu'ils commencent à nous attaquer, se sentant encouragés en ne nous voyant opposer aucune résistance, qu'il est prudent et sage de les défaire en les punissant de leur agression et de ce qu'ils y ont commis, et non lorsqu'ils auront mis la main sur nos villes et nos richesses. Ceux qui tentent de ruiner la puissance naissante de leurs ennemis font preuve de plus de sagacité que ceux qui s’opposent à son accroissement après qu'elle a déjà progressé ; car ceux-ci semblent ne s'indigner que de l'excès de leurs avantages, mais ceux-là ne leur laissent jamais prendre barre sur eux ». Après ces avis adressés aux peuplades voisines ainsi qu'entre soi, on décida d'entrer en lutte avec les Hébreux. 2. Comme Moïse ne s'attendait à aucune hostilité, il éprouva de l'embarras et de l'inquiétude devant cette attitude des gens du pays ; et, alors que ceux-ci étaient déjà prêts au combat et qu'il fallait affronter le péril, la foule des Hébreux se trouva dans une vive agitation ; manquant de tout, elle allait se battre avec des gens équipés de tout à merveille. Moïse alors entreprend de les consoler, les exhorte à reprendre courage en se fiant au suffrage de Dieu ; élevés par lui à la liberté, ils triompheraient de ceux qui se disposaient à les attaquer pour la leur disputer. Ils devaient considérer leur armée comme assez nombreuse et pourvue d'armes, d'argent, de vivres, de tout ce dont la présence enhardit l'homme qui va combattre, la seule assistance de Dieu leur donnait tout cela ; tandis que l'adversaire était peu nombreux, désarmé, faible, facile à vaincre même par de moins forts qu'eux, dès que Dieu le voulait. Ils savaient quel secours Dieu procurait, d'après de nombreuses expériences, plus tragiques que la guerre ; car la guerre, on la fait contre des hommes ; mais les difficultés où ils s'étaient trouvés devant la faim et la soif, devant les montagnes et la mer quand ils ne savaient par où fuir, c'était grâce à la seule bienveillance divine qu'ils les avaient surmontées. Il les invitait aujourd'hui à montrer la plus grande ardeur, car ils auraient de tout en abondance s'ils triomphaient de leurs ennemis. 3. C'est par ces discours que Moïse rendait courage à la foule, et, appelant les chefs de tribu et les magistrats séparément et tous ensemble, il engageait les plus jeunes à obéir aux plus anciens et ces derniers à écouter leur général. Ceux-ci, dont les âmes s'exaltaient en vue du danger, et qui, prêts pour la terrible affaire, espéraient qu’un moment viendrait où l'on serait délivré de ces maux, priaient Moïse de les conduire sur l'heure et sans retard contre leurs ennemis, tout délai pouvant arrêter leur ardeur. Moïse, après avoir choisi dans la foule tous ceux qui pouvaient se battre, met à leur tête Josué (Jésoûs), fils de Noun (Navèchos), de la tribu d'Éphraïm, un homme très courageux, qui supportait vaillamment les fatigues, qui savait fort bien réfléchir et parler, honorait Dieu d'une piété singulière que Moïse lui avait enseignée, et possédait l'estime des Hébreux. Il rangea quelques hommes armés autour de l'eau pour la garde des enfants et des femmes et de l'ensemble du camp. Ils passèrent toute la nuit en préparatifs, à réparer les armes endommagées, le regard tendu vers leur chef, tout prêts à s'élancer au combat quand Moïse leur en donnerait le signal. Moïse aussi passe la nuit à enseigner à Josué comment il rangera l'armée en bataille. Quand le jour commence à paraître, il exhorte à nouveau Josué à ne pas se montrer dans l'action inférieur aux espérances fondées sur lui et à s'acquérir dans son commandement la considération de ses troupes pour ses exploits, il exhorte encore, chacun à part, les plus notables d'entre les Hébreux, et bientôt il donne l'élan à toute la foule réunie sous les armes. Lui-même, après avoir animé l'armée par ses paroles et tout ce travail préparatoire, se retire sur la montagne en confiant l'armée à Dieu et à Josué. 4. Les adversaires en viennent aux mains, le combat s'engage avec acharnement et l'on s'anime les uns les autres. Tout le temps que Moïse tient les bras levés en l'air, les Amalécites faiblissent devant les Hébreux. Mais Moïse, ne pouvant supporter la fatigue de cette tension des bras, et constatant que chaque fois qu'il les laissait retomber, régulièrement les siens se trouvaient avoir le dessous, il ordonne à son frère Aaron et au mari de sa sœur Mariamme, Our(os), de se tenir de chaque côté de lui pour soutenir ses mains et ne pas le laisser se fatiguer dans son intervention tutélaire. Cela fait, les Hébreux remportent une victoire écrasante sur les Amalécites. Et ceux-ci eussent tous péri, si la nuit survenant n'eût arrêté le carnage. C'était une très belle victoire et très opportune que remportèrent là nos ancêtres, car ils triomphèrent de ceux qui s'étaient jetés sur eux et ils effrayèrent les peuples voisins tout en se procurant de nombreuses et magnifiques richesses pour prix de leurs efforts. S'étant emparés, en effet, du camp des ennemis, ils acquirent des ressources considérables tant pour l'usage public que pour leur usage particulier, eux qui précédemment avaient manqué même du nécessaire. Et ce leur fut, non seulement pour le présent, mais encore pour l'avenir, une source de bienfaits que le succès de ce combat car ils n'asservirent pas seulement la personne de leurs assaillants, mais aussi leur moral ; et pour tous les peuples voisins, après la défaite de ces premiers adversaires, ils devinrent redoutables. En même temps, ils s'emparèrent d'une grande quantité de richesses. Car beaucoup d'argent et d'or fut saisi dans le camp, ainsi que des vases d'airain qui servaient pour les repas, profusion aussi d'or et d'argent monnayés, puis tous les tissus et les ornements servant aux armures, d'autres objets de parure et d'équipement, un butin varié de bêtes de somme et tout ce qui suit habituellement une armée en campagne. Les Hébreux conçurent une haute idée de leur propre valeur et leur vertu se retrempa ; désormais ils ne reculèrent devant aucun effort, estimant que par l'effort tout peut se conquérir. 5. C'est ainsi que se termina cette lutte. Le lendemain, Moïse fit dépouiller les cadavres des ennemis et réunir les armures laissées par les fuyards ; il distribua des récompenses aux vaillants et fit l'éloge de leur chef Josué, dont les exploits étaient attestés par l'armée tout entière. Chez les Hébreux personne n'avait péri, mais les ennemis avaient eu tant de morts qu'on ne pouvait même les compter. Après avoir offert des sacrifices d'actions de grâce, il érige un autel et appelle Dieu du nom de Donneur de victoire et il prédit que les Amalécites périraient d'une ruine complète, que nul d'entre eux ne survivrait, parce qu'ils s'étaient jetés sur les Hébreux, alors qu'ils se trouvaient dans un pays désert, en pleine détresse ; puis il restaura l'armée par des festins. Tel fut leur premier engagement, livré après leur sortie d'Égypte contre d'audacieux agresseurs. Après qu'ils eurent célébré la fête en l'honneur de leur victoire, Moïse, ayant attendu quelques jours, emmena, après ce combat, les Hébreux rangés en bon ordre. Déjà beaucoup d'entre eux étaient armés. Avançant par petites étapes, le troisième mois après la sortie d'Égypte, il arrive au mont Sinaï,où s'étaient passés le miracle du buisson et ses autres visions que nous avons déjà rapportés. [3,3] Chapitre III. 1. Ragouël, son beau-père, instruit de ses succès, s'en vient joyeusement à sa rencontre et fait bon accueil à Moïse, à Sapphora et à leurs enfants. Moïse se réjouit de l'arrivée de son beau-père et, après avoir offert un sacrifice, il donne un festin au peuple non loin du buisson qui avait échappé à la combustion du feu. Tout le peuple, rangé par familles, prenait part au festin ; Aaron et les siens, s'étant adjoint Ragouël, chantaient des hymnes à Dieu, auteur et dispensateur de leur salut et de leur liberté. Ils célébraient aussi leur général, dont le mérite avait tout fait réussir à souhait. Et Ragouël se répandit en éloges à l'adresse du peuple pour la reconnaissance que celui-ci témoignait à Moïse et il admira, d'autre part, Moïse pour l'ardeur virile qu'il avait mise à sauver les siens. [3,4] Chapitre IV. 1. Le lendemain, Ragouël aperçoit Moïse au milieu du tumulte des affaires ; il tranchait, en effet, les différends de tous ceux qui le lui demandaient, car tous venaient à lui, pensant que le seul moyen d'obtenir justice, c'était de l'avoir, lui, pour arbitre ; et aux vaincus mêmes la défaite semblait légère, persuadés qu'elle était due à la justice et non à la cupidité. Sur le moment, Ragouël garde le silence, ne voulant empêcher personne d'avoir recours aux talents du chef, mais, une fois le tumulte apaisé, il le prend à part, et, demeuré seul avec lui, il lui enseigne ce qu'il doit faire. Il lui conseille de laisser à d'autres le tracas des petites affaires et de garder toute sa vigilance pour les plus importantes et pour le salut du peuple ; pour ce qui était de juger, d'autres Hébreux s'en trouveraient capables ; mais, quant à veiller à la sécurité de tant de myriades d'hommes, nul autre ne le pourrait qu'un Moïse. « Ainsi conscient de ton mérite, dit-il, et du rôle que tu as joué en concourant avec Dieu au salut du peuple, laisse à d'autres le soin d'arbitrer les contestations : toi, consacre-toi sans cesse au seul culte de Dieu en cherchant les moyens de tirer le peuple de son dénuement actuel. Suivant mes avis sur les affaires humaines, tu dénombreras l'armée soigneusement et tu la diviseras par groupes de dix mille hommes, auxquels tu désigneras des chefs choisis, puis par groupes de mille. Ensuite tu les diviseras en groupes de cinq cents, puis de cent, puis de cinquante... Ces groupes auront des chefs qui tiendront leur titre du nombre d'hommes qu'ils commanderont ; ils seront reconnus partout le peuple pour des gens de bien et des hommes justes, et connaîtront des différends des gens de leur groupe. Pour les affaires plus importantes, ils en référeront, au sujet de la décision à prendre, aux magistrats plus élevés ; et, si à ceux-ci également les difficultés de l'affaire échappent, c'est à toi qu'ils la renverront. Il en résultera ainsi deux choses : les Hébreux obtiendront justice, et toi, par ton commerce assidu avec Dieu, tu le rendras plus propice à l'armée ». 2. Ragouël l'ayant ainsi exhorté, Moïse accepte avec plaisir ses avis et fait tout conformément à son plan, sans dissimuler l'origine d'une telle mesure et sans s’en approprier le mérite, mais en désignant clairement l'inventeur au peuple. Même il a inscrit dans les livres le nom de Ragouël comme l'inventeur de ladite organisation, estimant qu'on fait bien de rendre un fidèle témoignage au mérite, quelque gloire que puissent rapporter à celui qui les enregistre à son compte les inventions d'autrui ; c'est ainsi qu'on peut connaître jusqu'en ce trait les vertus de Moïse. Mais nous aurons d'excellentes occasions de parler de ces vertus dans d'autres passages de notre ouvrage. [3,5] Chapitre V. 1. Moïse, ayant convoqué le peuple, leur dit qu'il partait, lui, vers le mont Sinaï pour s'entretenir avec Dieu et qu'après avoir reçu de lui un oracle, il reviendrait le leur apporter ; quant à eux, il leur commanda de transférer leur campement près de la montagne, par préférence pour le voisinage de Dieu. Cela dit, il monte au Sinaï, qui était la montagne la plus haute de ces parages et dont les dimensions étaient si extraordinaires et les escarpements si abrupts que, non seulement elle était impossible à gravir, mais qu’on ne pouvait même la contempler sans se fatiguer le regard, d'autant plus que ce qu’on disait du séjour de Dieu la rendait redoutable et inaccessible. Cependant les Hébreux, conformément aux instructions de Moïse, changent leur camp de place et viennent occuper le pied de la montagne, s'exaltant à la pensée que Moïse reviendrait d'auprès de Dieu avec l'annonce de ces biens qu'il leur avait fait espérer. Tous en fêtes, ils attendent leur chef, observant toute pureté en général et, en particulier, s'abstenant du commerce des femmes durant trois jours, comme il le leur avait prescrit, et priant Dieu qu'après un accueil favorable, il donne à Moïse un présent qui les fasse vivre heureux. Ils font aussi des repas plus somptueux et mettent un soin particulier à se parer en même temps que leurs femmes et leurs enfants. 2. Ils passent ainsi deux jours en festins. Le troisième avant le lever du soleil, une nue se pose sur tout le camp des Hébreux, qui n'avaient jamais vu encore pareil phénomène, et environne l'emplacement où ils avaient établi leurs tentes. Et, tandis que le reste du ciel restait serein, des vents impétueux, amenant des pluies violentes, font rage, des éclairs terrifient les regards, et la foudre qui s'abat atteste la présence d'un Dieu propice aux vœux de Moïse. Au sujet de ces événements chacun de mes lecteurs peut penser ce qu'il voudra ; quant à moi, je suis obligé d'en faire un récit conforme à ce qui est consigné dans les saints Livres. Pour ce qui est des hébreux, ce qu'ils virent et le fracas qui frappait leurs oreilles les mit dans une vive agitation, car ils n'y étaient pas accoutumés et la rumeur qui courait au sujet de cette montagne, qui passait pour le séjour de Dieu, frappait singulièrement leur imagination. Ils se tenaient contre leurs tentes, mornes, croyant que Moïse avait péri victime de la colère de Dieu, et s'attendant pour leur part au même sort. 3. Tel était leur état d'esprit quand apparaît Moïse, rayonnant et plein de hautes pensées. Sa vue les délivre d'inquiétude et leur fait concevoir pour l'avenir de meilleures espérances ; l'air redevint serein et pur des récentes perturbations, quand Moïse arriva. La-dessus, il convoque le peuple en assemblée pour entendre ce que Dieu lui a dit. Dès qu'ils sont réunis, il se place sur une hauteur, d'où tous pouvaient l'entendre, et dit : « Hébreux, Dieu, comme naguère, m'a accueilli avec bonté et, pour vous prescrire des règles de vie heureuse et un gouvernement ordonné, il va paraître lui même dans le camp. C'est pourquoi, par égard pour lui et tout ce qu'il a déjà fait pour vous, ne méprisez pas ce que je vais dire en me considérant, moi qui vous parle, ou sous prétexte que c'est une bouche humaine qui vous le transmet. Car, si vous considérez l'excellence de mes paroles, vous reconnaîtrez la grandeur de celui qui l'a conçu et qui, dans votre intérêt, n'a pas dédaigné de me les confier. Ce n'est pas Moïse, fils d'Amaram et de Jocabed, c'est celui qui a contraint le Nil à rouler en votre faveur des flots sanglants et dompté par toutes sortes de fléaux l'orgueil des Égyptiens, celui qui, à travers la mer, vous a ouvert un chemin, celui qui a fait descendre une nourriture du ciel quand vous étiez dans le besoin, celui qui a fait jaillir du rocher l'eau qui vous manquait, celui grâce à qui Adam reçut les produits de la terre et de la mer, grâce à qui Noé échappa au déluge, grâce à qui Abram, notre ancêtre, cessant d'errer, s'établit dans la Chananée, celui qui a fait naître Isac de parents d'âgés, qui orna Jacob des vertus de douze fils, grâce à qui Joseph gouverna la puissance des Égyptiens, c'est celui-là qui vous favorise de ses commandements en se servant de moi comme interprète. Qu'ils aient toute votre vénération ; soyez-en plus jaloux que de vos enfants et de vos femmes. Vous aurez une vie de félicité si vous les suivez ; vous jouirez d'un pays fertile, d'une mer à l'abri des orages, et vos enfants naîtront d'une façon normale et vous serez redoutables à vos ennemis. Car, admis à la contemplation de Dieu, il m'a été donné d'entendre sa voix immortelle, tant il prend souci de votre race et de sa conservation ! » 4. Après ces paroles, il fait avancer le peuple avec les femmes et les enfants, pour entendre Dieu leur parler de leurs devoirs, afin que la vertu de ces paroles ne fût pas altérée par le langage humain, qui les eût affaiblies en les transmettant à leur connaissance. Tous entendent une voix venue d'en haut, elle leur parvient à tous, de manière qu'ils ne perdent aucune de ces dix paroles que Moïse a laissées écrites sur les deux tables. Ces paroles, il ne nous est plus permis de les dire explicitement, en toutes lettres, mais nous en indiquerons le sens. 5. La première parole nous enseigne que Dieu est Un, qu'il ne faut vénérer que lui seul. La deuxième nous commande de ne faire aucune image d'animal pour l'adorer, la troisième de ne pas invoquer Dieu en vain, la quatrième d'observer chaque septième jour en nous abstenant de tout travail, la cinquième d'honorer nos parents, la sixième de nous garder du meurtre, la septième de ne point commettre d'adultère, la huitième de ne point voler, la neuvième de ne pas rendre de faux témoignages, la dixième de ne rien convoiter qui appartienne à autrui. 6. Et le peuple, après avoir entendu Dieu lui-même leur dire ce que Moïse avait annoncé, se réjouit de ces paroles et l'assemblée fut dissoute. Les jours suivants, venant à maintes reprises vers la tente de Moïse, ils le prièrent de leur procurer aussi des lois de la part de Dieu. Moïse établit ces lois et il leur indiqua ultérieurement d'une façon complète comment on devait les pratiquer : j'en ferai mention en temps opportun. Mais, pour la majeure partie de ces lois, je les remets à un autre livre, car j'en ferai l'objet d'une exposition spéciale. 7. Les choses en étaient là, quand Moïse gravit de nouveau le mont Sinaï, après en avoir averti les Hébreux. C'est sous leurs yeux qu'il effectua son ascension, mais, comme le temps passait - il y avait quarante jours qu'il s'était séparé d'eux -, la crainte saisit les Hébreux qu'il ne fût arrivé malheur à Moïse, et, entre toutes les infortunes qui les avaient atteints, rien ne les chagrinait comme de penser que Moïse avait péri. Il y avait contestation parmi les hommes : les uns disaient qu'il était tombé victime des bêtes fauves, - c'étaient principalement les gens dont les dispositions lui étaient hostiles qui émettaient cette opinion -, les autres disaient que la divinité l'avait retiré à elle. Mais les gens sensés, qui n'avaient de préférence personnelle pour aucun de ces deux avis, qui pensaient que mourir sous la dent des bêtes était un accident humain et qui estimaient vraisemblable aussi que, grâce à la vertu dont il était orné, il eût été transporté par Dieu auprès de lui, trouvaient dans ces pensées la quiétude. Pourtant, en songeant qu'ils étaient privés d'un patron et d'un protecteur tel qu'ils ne pourraient en trouver de semblable, ils ne cessaient de s'affliger extrêmement, et ni l'attente où ils étaient de quelque bonne nouvelle à son sujet ne les autorisait à prendre le deuil, ni ils ne pouvaient s'empêcher de pleurer et de montrer de l'abattement. Quant à lever le camp, ils n'osaient, Moïse leur ayant prescrit de l'attendre là. 8. Lorsque quarante jours furent écoulés et autant de nuits, Moïse revint sans avoir goûté d'aucun aliment de ceux qui sont en usage parmi les hommes. Son apparition remplit l'armée de joie ; il leur dévoila la sollicitude que Dieu témoignait à leur égard, disant qu'il lui avait montré pendant ces jours comment ils devraient s'administrer pour vivre heureux, et que Dieu voulait qu'on lui fît un tabernacle où il descendrait quand il viendrait auprès d'eux, « afin que, dit-il, dans nos déplacements nous l'emportions avec nous et qu'il ne nous soit plus nécessaire de monter au Sinaï, mais que Dieu lui-même, fréquentant ce tabernacle, soit présent à nos prières. Ce tabernacle se fera dans les dimensions et avec l'aménagement qu'il a lui-même indiqués et vous vous mettrez à ce travail activement ». Cela dit, il leur montre deux tables où se trouvaient gravées les dix paroles, cinq sur chacune d'elles. Et l'écriture était de la main de Dieu. [3,6] Chapitre VI. 1. Joyeux de ce qu'ils avaient vu et de ce qu'ils avaient ouï dire à leur chef, ils ne se lassèrent pas de déployer tout le zèle dont ils étaient capables. Ils apportent de l'argent, de l'or et du cuivre, des bois de la nature la plus précieuse et qui n'avaient rien à craindre de la putréfaction, du poil de chèvre, et des peaux de moutons, les unes teintes en violet d'hyacinthe, les autres en écarlate ; d'autres offraient l'éclat de la pourpre ; d'autres avaient la couleur blanche. Ils apportent aussi des laines teintes de ces mêmes couleurs, de fin lin byssus, avec des pierres encastrées dans leurs tissus, de celles que les hommes enchâssent dans l'or et qui leur servent de parure de prix, enfin une quantité d'aromates. C'est avec ces matériaux que Moïse construisit le tabernacle, qui ne différait en rien d'un temple portatif et ambulant. Tous ces objets ayant été rassemblés avec empressement, chacun ayant fait ce qu'il pouvait et au-delà, il prépose des architectes aux travaux, selon les instructions de Dieu, ceux-là mêmes que le peuple eût choisis s'il en eût eu le droit. Voici quels étaient leurs noms - car on les trouve consignés dans les livres saints - : Béséléèl(os), fils d'Ouri, de la tribu de Juda, petit-fils de Mariamme, la sœur du chef, et Eliab(os), fils d'Isamach(os), de la tribu de Dan. Mais le peuple mettait tant d'ardeur à s'engager dans cette entreprise que Moïse dut les écarter, en faisant proclamer qu'il y avait assez de monde ; c'est ce que les artisans lui avaient dit. Ils se mettent donc à la confection du tabernacle. Et Moïse leur donna, conformément au plan de Dieu, les indications détaillées au sujet des mesures, au sujet de la grandeur du tabernacle et des objets qu'il devait contenir pour le service des sacrifices. Les femmes elles-mêmes rivalisaient de zèle à fournir les vêtements sacerdotaux et tout ce qui était nécessaire encore à l'ornementation de l’œuvre et au service divin. 2. Quand tout fut prêt, l'or, {l'argent}, l'airain, et les tissus, Moïse, après avoir prescrit une fête et des sacrifices selon les moyens de chacun, dresse le tabernacle. Il commence par mesurer avec soin une cours de cinquante coudées de large et de cent coudées de long ; il y plante des pieux de cuivre de cinq coudées de haut, vingt de chaque côté dans le sens de la longueur et dix dans la largeur du côté qui faisait le fond. Des anneaux étaient adaptés à chacun de ces pieux. Les chapiteaux étaient en argent, les socles, qui ressemblaient à des pieds de lance, étaient de cuivre et s’enfonçaient dans le sol. Aux anneaux étaient fixées des cordes dont l’autre extrémité était attachée à des piquets de cuivre longs d'une coudée qui, pour chaque pieu, s'enfonçaient en terre de façon à rendre le tabernacle immobile sous la poussée des vents. Un voile de byssus extrêmement fin régnait sur tous ces pieux ; il pendait du chapiteau jusqu'au socle, se déployant avec ampleur et il environnait tout cet espace d'une enceinte qui ne paraissait pas différer d'un mur. Tel était l'aspect de trois faces de l'aire sacrée. Dans la quatrième (cette dernière, qui avait cinquante coudées, formait le front de l'ensemble) vingt coudées s'ouvraient en porte, où se trouvaient de part et d'autre deux pieux à l'imitation de pylônes ; ces pieux étaient entièrement revêtus d'argent à l'exception des socles, lesquels étaient en cuivre. De chaque côté du porche, se dressaient trois pieux solidement introduits dans les montants qui soutenaient les portes et fortement ajustés ; autour de ces pieux aussi était tendu un voile tissé de byssus. Mais devant les portes, sur une longueur de vingt coudées et une hauteur de cinq, régnait un voile de pourpre et d'écarlate, tissé avec l'hyacinthe et le byssus, garni de quantité d'ornements de couleurs variées, mais sans rien qui représentât des formes d'animaux. En dedans des portes se trouvait un bassin de cuivre destiné aux aspersions, avec un fondement du même métal ; c'est là que les prêtres pouvaient se laver les mains et répandre de l'eau sur leurs pieds. C'est ainsi que l'enceinte de la cour sacrée était aménagée. 3. Quant au tabernacle, Moïse le dresse au milieu en le tournant du côté de l'orient, afin que le soleil, aussitôt à son lever, lui envoyât ses rayons. Sa longueur s'étendait sur trente coudées, sa largeur sur dix ; l'un des murs était au sud, l'autre au nord ; derrière le fond se trouvait le couchant. Il fallait lui donner une hauteur égale à la largeur. Chaque flanc était formé de solives de bois au nombre de vingt, taillées en forme rectangulaire, larges d'une coudée et demie, avec une épaisseur de quatre doigts. Elles portaient de tous les côtés un revêtement de lames d'or, sur les parties intérieures comme sur les parties extérieures. Chacune d'elles était pourvue de deux tenons s'enfonçant dans deux socles ; ceux-ci étaient en argent et avaient chacun une ouverture pour recevoir les tenons. Le mur occidental avait six solives, fixées toutes soigneusement les unes aux autres, de sorte que, les joints se trouvant bien clos, elles semblaient ne faire qu'un mur; elles étaient dorées sur la partie interne et externe. Ainsi le nombre des solives était en proportion de la longueur de chaque face. {Sur les grands côtés} il y en avait vingt et l'épaisseur de chacune d'elles était d'un tiers d'empan {la largeur d'une coudée et demie}, de sorte qu'elles remplissaient une longueur de trente coudées. Du côté du mur d'arrière, où les six solives réunies ne faisaient que neuf coudées, on fit deux autres solives chacune d'une {demi-} coudée qu'on plaça aux angles et qu'on orna de la même façon que les solives plus larges. Toutes ces solives étaient garnies d'anneaux d'or sur leur face externe, bien encastrées comme par des racines, alignées et se correspondant mutuellement sur tout le pourtour ; par ces anneaux passaient des barres dorées d'une longueur de cinq coudées servant à assembler les solives entre elles ; chaque barre entrait par son extrémité dans la suivante comme dans une vertèbre artificielle faite en forme de coquillage. Du côté du mur postérieur se trouvait une barre unique qui passait par toutes les solives et où pénétraient transversalement les extrémités des barres de chacun des deux grands côtés : ce qui les assujettissait comme par des charnières, la pièce mâle s'emboîtant dans la pièce femelle. Tout cela maintenait le tabernacle, en l'empêchant d'être agité par les vents ou par toute autre cause, et devait lui procurer l'immobilité et une stabilité parfaite. 4. A l'intérieur, divisant sa longueur en trois parties, à dix coudées du fond il dressa quatre solives, fabriquées comme les autres, posées sur des socles identiques, en les espaçant un peu entre elles ; au-delà de ces solives c'était le sanctuaire secret ; le reste du tabernacle était ouvert aux prêtres. Il se trouva que cette division du tabernacle imitait la nature universelle. En effet, la troisième partie, en dedans des quatre solives, qui était inaccessible aux prêtres, s’ouvrait comme le ciel à Dieu ; l'espace des vingt coudées, comme la terre et la mer sont accessibles aux hommes, était de même accordé aux seuls prêtres. Mais sur le front, où on avait fait l'entrée, se dressaient des solives d'or posées sur des socles d'argent, au nombre de cinq. On recouvrait le tabernacle de tissus où le byssus se mêlait à la pourpre, à l'hyacinthe et à l’écarlate. Le premier avait dix coudées de côté ; il était tendu devant les colonnes qui, divisant transversalement le temple, en interdisaient l'intérieur ; et c'est ce voile qui empêchait que personne pût y jeter les regards. L'ensemble du temple s'appelait Saint, mais la partie inaccessible en dedans des quatre solives, le Saint des Saints. Cette tenture était fort belle, parsemée des fleurs les plus diverses que porte la terre, et portant dans son tissu tous les ornements propres à l'embellir, à l'exception des figures d'animaux. Une autre, toute pareille par les dimensions, par le tissu et par la couleur, couvrait les cinq solives situées à l'entrée ; à l'angle de chaque solive un anneau la maintenait et elle pendait du sommet jusqu'à mi-hauteur de la solive ; le reste de l'espace livrait passage aux prêtres qui y pénétraient. Par dessus cette tenture, il y en avait une autre de mêmes dimensions faite de lin, qu'on tirait à l'aide de cordons d'un côté ou de l'autre ; des anneaux étaient adjoints au voile et au cordon pour le déployer ou le retenir, après qu'on l'aurait tiré dans l'angle, afin qu'il n'interceptât point la vue, surtout dans les jours exceptionnels. Les autres jours, et principalement quand le temps était neigeux, on le déployait et on en faisait ainsi un abri imperméable pour le voile de couleurs : de là l'usage s'est maintenu, même quand, nous avons construit le temple, d'étendre ainsi un rideau devant l'entrée. Dix autres tentures de quatre coudées de large et de vingt-huit coudées de long, pourvues de charnières d'or, s'adaptaient ensemble par l'insertion des gonds dans les cylindres, de façon à présenter l'aspect d'une seule et même pièce. Tendues ensuite par-dessus le sanctuaire, elles couvraient tout le haut ainsi que les parois latérales et postérieures jusqu'à une distance d'une coudée du sol. Il y avait encore d'autres tentures d'égale largeur, plus nombreuses d'une pièce que les précédentes, et d'une longueur plus considérable : elles avaient, en effet, trente coudées. Elles étaient tissées de poil, mais présentaient la même finesse de travail que celles de laine : on les laissait pendre librement jusqu'à terre, et aux portes elles offraient l'aspect d'un fronton et d'un portique, la onzième pièce étant employée à cet effet. D'autres pièces recouvraient celles-ci, préparées avec des peaux ; elles servaient d'enveloppe et de protection aux tissus contre les ardeurs du soleil ainsi qu'en cas de pluie. On était tout à fait saisi quand on les regardait de loin : leur coloration paraissait toute semblable à celle qu'on peut voir dans le ciel. Les couvertures de poils et de peaux descendaient également sur le voile tendu contre la porte pour la défendre du soleil et des dégâts causés par les pluies. 5. C'est ainsi que fut construit le tabernacle. On fit aussi pour Dieu une arche de bois solide et incapable de se putréfier. Cette arche se nomme érôn dans notre langue. Elle était constituée de la façon suivante : elle avait une longueur de cinq empans, une largeur et une hauteur égales de trois empans. En dedans et en dehors elle était toute recouverte d'or de façon à masquer la boiserie ; par des pivots d'or un couvercle la fermait avec une merveilleuse exactitude ; il s'y adaptait partout également ; nulle part aucune saillie ne blessait cette heureuse correspondance. A chacun de ces grands côtés étaient fixés deux anneaux d'or qui traversaient tout le bois et dans ces anneaux passaient de petites barres dorées de chaque côté, pour permettre, quand il le faudrait, de mettre l'arche en mouvement et de la déplacer - car on ne la transportait pas à dos de bêtes, c'étaient les prêtres qui s'en chargeaient. Sur le couvercle se trouvaient deux figures, que les Hébreux appellent Cheroubeis. Ce sont des êtres ailés, d'une forme telle que jamais on n'en a vu de semblable sous le ciel. Moïse dit qu'il les a vus sculptés en bas-relief sur le trône de Dieu. C'est dans cette arche qu’il déposa les deux tables, où se trouvaient consignées les dix paroles, cinq sur chaque table et deux et demie par colonne, et il plaça l'arche elle-même dans le sanctuaire. 6. Dans le temple, il dressa une table pareille à celles de Delphes, de deux coudées de long, d'une coudée de large et de trois empans de haut. Elle reposait sur des pieds qui dans leur moitié inférieure étaient sculptés, avec un art achevé, pareils à ceux que les Doriens mettent à leurs lits ; dans la partie supérieure, près de la table proprement dite, on leur avait donné une forme quadrangulaire. Elle était évidée de chaque côté sur une profondeur d'environ quatre doigts ; un liseré courait autour de la partie supérieure et de la partie inférieure du corps de la table. Chaque pied était muni d'un anneau, non loin du couvercle ; par ces anneaux passaient des barres dorées, intérieurement en bois, et qu'on pouvait retirer facilement. En effet, la partie du pied embrassée par l'anneau était creuse ; les anneaux mêmes n'étaient pas tout d'une pièce ; au lieu de faire un cercle complet, leurs extrémités se terminaient en deux pointes, dont l'une s'insérait dans le rebord supérieur de la table et l'autre dans le pied. C'est par ces appareils qu'on la transportait en route. Sur cette table, qu'on plaçait dans le temple en la tournant vers le nord, non loin du sanctuaire, on disposait douze pains azymes en deux séries opposées de six, faits de farine de froment parfaitement pure, dont on prenait deux assarôns, mesure hébraïque qui vaut sept cotyles attiques. Au-dessus des pains on posait deux coupes d'or remplies d'encens. Au bout de sept jours, on apportait de nouveaux pains, le jour que nous appelons sabbat ; c'est ainsi que nous appelons le septième jour. Quant à la raison qui fit imaginer tout cela, nous en parlerons ailleurs. 7. Vis-à-vis de la table, mais près de la paroi tournée vers le midi, se trouvait un candélabre d'or fondu en creux du poids de cent mines, poids que les Hébreux appellent kinchares ; ce qui, traduit en grec, répond à un talent. Il était composé de petites sphères et de lis avec des grenades et de petits cratères ; en tout, soixante-dix objets. Il était constitué par ces objets depuis la base, qui était unique, jusqu'en haut. On lui avait donné autant de branches qu'on compte de planètes avec le soleil. Il se séparait en sept têtes disposées à intervalles égaux sur une rangée. Chaque tête portait une lampe, rappelant le nombre des planètes ; elles regardaient l'orient et le midi, le candélabre étant disposé obliquement. 8. Entre ce dernier et la table, en dedans, se trouvait, comme j'ai déjà dit, un encensoir en bois, du même bois imputrescible qui les ustensiles précédents, avec une lame de métal massive incrustée tout autour. Il avait une coudée de large de chaque côté et deux coudées de haut. Sur cet encensoir était disposé un brasier d'or, pourvu à chaque angle d'une couronne formant un cercle d'or ; à ces couronnes s'adaptaient des anneaux et des barres qui servaient aux prêtres à porter l'encensoir en route. On érigea aussi par devant le tabernacle un autel de cuivre, dont l'intérieur était aussi en bois ; il mesurait cinq coudées carrées de surface, et trois coudées de haut ; il était également orné d'or et soigneusement recouvert de lames de cuivre avec un foyer pareil à un réseau ; c'était, en effet, la terre qui recevait tout le feu qui tombait du foyer, la base ne s'étendant pas sous toute la surface de l'autel. En face de l'autel étaient placées des cruches à vin, des coupes, avec des cassolettes et des cratères d'or. Tous les autres objets affectés au service sacré étaient faits de cuivre. Tel était le tabernacle avec tous ses ustensiles. [3,7] Chapitre VII. 1. On fit aussi des vêtements pour les prêtres tant pour ceux qu'on appelle chaanées que pour le grand-prêtre, qu'on intitule anarabaque, ce qui signifie grand-prêtre… Quand le prêtre va accomplir les rites sacrés, après avoir accompli les purifications qu'exige la loi, il commence par revêtir ce qu'on appelle le machanasès. Ce mot veut dire un vêtement étroitement ajusté ; c'est un caleçon qui couvre les parties naturelles et qui est tissé de fin lin ; on y introduit les jambes comme dans des braies ; il est coupé à mi-corps et se termine aux cuisses, autour desquelles il se serre. 2. Par dessus, il revêt un vêtement de lin, fait d'un double tissu de byssus. On l'appelle chéthoméné, c'est-à-dire : tissu de lin ; en effet, nous appelons le lin chéthôn. Ce vêtement est une tunique qui descend jusqu'aux talons ; elle est ajustée au corps, avec de longues manches serrées autour des bras ; on l'attache sur la poitrine et on l'enserre, un peu au-dessus de l'aisselle, d'une ceinture large d'environ quatre doigts et faite d'un tissu ajouré qui la fait ressembler à de la peau de serpent. Des fleurs se mêlent à son tissu, aux teintes variées d'écarlate, de pourpre, d'hyacinthe ; la trame est uniquement de byssus. On commence à l'enrouler sur le sternum; puis après un nouveau tour on la noue et elle pend encore d'une grande longueur jusqu'aux talons, tant que le prêtre n'a rien à faire ; car pour l’œil, c'est ainsi qu'elle présente un aspect agréable. Mais quand il lui faut vaquer aux sacrifices et faire son service, pour n'être pas gêné dans ses opérations par les mouvements de l'étoffe, il la rejette en haut et la porte sur l'épaule gauche. Moïse lui a donné le nom d'abaneth ; nous, les Babyloniens nous ont appris à la nommer émian, car c’est ainsi qu'on la désigne chez eux. Cette tunique ne fait de plis nulle part ; elle présente une large ouverture à l'endroit du cou ; à l'aide de cordonnets pendant du bord du vêtement du côté de la poitrine et du côté du dos, on l'attache au-dessus de chaque épaule. Elle s'appelle mazabazanès. 3. Sur sa tête, le prêtre porte une calotte sans pointe et qui ne couvre pas la tête tout entière, mais se pose un peu au-dessus de sa partie médiane. Son nom est masanaemphthès; elle est arrangée de façon à ressembler à une couronne, consistant en un épais ruban fait d'un tissu de lin ; car elle est repliée sur elle-même et cousue plusieurs fois. Ensuite un tissu vient par en haut recouvrir la calotte en descendant jusqu'au front ; il cache la couture du ruban et tout ce qu'il présente de disgracieux et entoure tout le crâne d'une étoffe unie. On l'ajustait avec soin, de crainte qu'il ne roulât à terre pendant que le prêtre s'occupait du service sacré. 4. Nous venons de montrer comment s'habille le commun des prêtres. Quant au grand-prêtre, il se pare de la même façon, sans rien omettre de ce qui vient d'être dit, mais il revêt, en outre, une tunique faite d'hyacinthe. Elle descend également jusqu'aux pieds : on l'appelle méeir dans notre langue ; elle est enserrée par une ceinture ornée des mêmes teintes variées qui fleurissaient la précédente, avec de l'or mêlé à son tissu. A son bord inférieur sont cousues des franges qui pendent et rappellent par leur couleur les grenades, et des clochettes d'or arrangées avec un vif souci de l'harmonie, de façon à insérer entre deux clochettes une grenade et entre deux grenades une clochette. Mais cette tunique n'est pas composée de deux pièces qui seraient cousues sur les épaules et sur les côtés ; c'est un seul morceau, d'un long tissu qui présente une ouverture pour le cou, non pas transversale, mais fendue dans le sens de la longueur depuis le sternum jusqu'au milieu de l'espace situé entre les deux épaules. Une frange y est cousue pour qu'on ne s'aperçoive pas de ce que la fente à de disgracieux. Il y a également des ouvertures par où passent les mains. 5. Par-dessus ces vêtements, il en revêt un troisième, celui qu'on appelle éphoudès ; il ressemble à l'épômis des Grecs. Il est fait de la façon suivante. Tissé sur une longueur d'une coudée, de couleurs variées et brodé aussi d'or, il laisse à découvert le milieu de la poitrine ; il est pourvu de manches et présente toute l'apparence d'une tunique. Dans la lacune de ce vêtement s'insère un morceau de la largeur d'une palme, tout brodé d'or et des mêmes couleurs que l'éphoudès. Il s'appelle essèn, mot qui se traduirait en grec par logion (oracle). Il remplit exactement la place qu'on a laissée vide dans le tissu à l'endroit de la poitrine. Il s'y unit, grâce a des anneaux d'or qu'il porte à chaque angle, à des anneaux pareils de l'éphoudès qui leur correspondent, un fil d'hyacinthe passant dans ces anneaux pour les relier ensemble. Et pour qu'on ne vît pas de jour entre ces anneaux, on imagina d'y coudre un galon d'hyacinthe. Deux sardoines agrafent l'épômis sur les épaules, car elles ont de part et d'autre des extrémités en or qui s’étalent et font office de crochets. Sur ces pierres sont gravés les noms des fils de Jacob dans notre langue et en caractères indigènes, six sur chaque pierre ; les noms des plus âgés sont sur l'épaule droite - sur l'essèn se trouvent aussi des pierres au nombre de douze, d'une grandeur et d'un éclat extraordinaires, parure que les hommes ne pourraient se procurer à cause de sa valeur énorme. Ces pierres donc sont rangées trois par trois sur quatre lignes et insérées dans le tissu. Autour de ces pierres s'enroulent des fils d'or, qui font partie du tissu, et disposés de manière à les empêcher de s'échapper. La première triade comprend une sardoine, une topaze, une émeraude ; la seconde présente une escarboucle, un jaspe, un saphir ; la troisième a d'abord un morceau d'ambre, puis une améthyste, et, en troisième lieu, une agate, la neuvième pierre de l'ensemble ; dans la quatrième rangée est disposée d'abord une chrysolithe, après cela un onyx, puis un béryl pour finir. Sur toutes ces pierres sont gravées des lettres composant les noms des fils de Jacob, que nous considérons comme des phylarques, chaque pierre étant décorée d'un de ces noms, selon l'ordre même de leur naissance respective. Comme les anneaux sont trop faibles par eux-mêmes pour supporter le poids des pierres, on mit deux autres anneaux plus grands au bord de l'essèn le plus rapproché du cou, en les insérant dans le tissu et en les disposant de manière à recevoir des chaînes travaillées qui se rejoignent sur le haut des épaules et s'adaptent l'une à l'autre grâce à des ligaments d'or entrelacés. L'extrémité de ces chaînes, ramenée en sens inverse, allait se fixer dans l'anneau supérieur de la lisière dorsale de l'éphoudès, ce qui garantissait l'essèn de toute chute. A l'essèn était cousue une ceinture garnie des mêmes ornements de couleur mêlés d'or dont j'ai déjà parlé ; cette ceinture, après avoir fait un tour, revenait se nouer par-dessus la couture, puis retombait et pendait. Quant aux franges, des étuis d'or les recevaient à chaque extrémité de la ceinture et les tenaient toutes enfermées. 6. Comme coiffure, le grand-prêtre avait d'abord un bonnet fait de la même façon que celui de tous les prêtres ; mais, par dessus, s'en trouvait cousu un second de couleur d'hyacinthe ; une couronne d'or l'entourait, composée de trois cercles ; sur cette couronne fleurissait un calice d'or rappelant la plante que nous appelons chez nous saccharon, mais que les Grecs versés dans l'art de cueillir les simples appellent jusquiame. S'il y a des personnes qui tout en ayant vu cette plante, ignorant son nom, n'en connaissent pas la nature, ou bien, tout en sachant son nom, ne la connaissent pas de vue, pour celles-là je m'en vais la décrire. C'est une plante dont la hauteur dépasse souvent trois palmes, et qui ressemble par sa racine au navet - on pourrait sans inexactitude risquer cette comparaison, - et par ses feuilles à la roquette. Du milieu de ses branches elle émet un calice qui tient fortement au rameau ; une enveloppe le recouvre qui se détache d'elle-même quand il commence à se transformer en fruit. Ce calice est grand comme une phalange du petit doigt et ressemble par son contour à un cratère. J'indique ceci également pour ceux qui ne l'ont pas appris : il présente dans sa partie inférieure la moitié d'une balle qui serait divisée en deux, car il est arrondi dès la racine, puis, après s'être un peu rétréci par une légère courbe rentrante d'une forme gracieuse, il s'élargit de nouveau insensiblement en sépales fendus comme l'ombilic d'une grenade. De plus, un opercule hémisphérique le recouvre, qu'on dirait soigneusement fait au tour et que surmontent les sépales découpés qui, je l'ai dit, se développent comme dans la grenade, garnis d'épines, aux extrémités, finissant tout à fait en pointe. La plante conserve sous cet opercule ses fruits, qui remplissent toute l'étendue du calice, fruits pareils à la semence de la plante dite sidérite, et elle produit une fleur qui parait comparable aux feuilles claquantes du pavot. C'est sur le modèle de cette plante qu’on garnit la couronne qui va de la nuque aux deux tempes ; quant au front, l'éphiélis ne le couvrait pas (c'est le nom qu'on peut donner au calice) ; il y avait là une lame d'or qui portait gravé en caractères sacrés le nom de Dieu. 7. Telle était la parure du grand-prêtre. On peut trouver surprenante la haine que les hommes ont pour nous et qu'ils ne cessent de nous témoigner sous prétexte que nous méprisons la divinité, qu'eux-mêmes se flattent de révérer : car si on réfléchit à la construction du tabernacle et qu'on regarde les vêtements du prêtre et les ustensiles dont nous nous servons pour le ministère sacré, on découvrira que notre législateur était un homme divin et que ce sont de vaines calomnies dont nous sommes l'objet. En effet, la raison d'être de chacun de ces objets, c'est de rappeler et de figurer l'univers, comme on le verra si l'on consent à examiner sans haine et avec discernement. Ainsi pour le tabernacle, qui a trente coudées de long, en le divisant en trois parties et en en abandonnant deux aux prêtres comme un lieu accessible à tous, Moïse représente la terre et la mer, lesquelles sont, en effet, accessibles à tous ; mais la troisième partie, il l'a réservée à Dieu seul, parce que le ciel aussi est inaccessible aux hommes. En mettant sur la table les douze pains, il rappelle que l'année se divise en autant de mois. En faisant un candélabre composé de soixante-dix parties, il rappelle les dix degrés des planètes, et par les sept lampes qu'il porte les planètes elle-mêmes ; car tel est leur nombre. Les voiles tissés des quatre espèces symbolisent les éléments naturels : ainsi le byssus paraît désigner la terre, puisque c'est d'elle que naît le lin ; la pourpre désigne la mer, parce qu'elle est rougie du sang des poissons ; l'air doit être désigné par l'hyacinthe, et l'écarlate serait le symbole du feu. Mais la tunique du grand-prêtre, faite de lin, désigne également la terre et l'hyacinthe le ciel ; elle ressemble aux éclairs par ses grenades, et au tonnerre par le bruit de ses clochettes. Et l'éphaptis représente la nature universelle, parce que Dieu a voulu qu'elle fût faite de quatre substances ; elle est, de plus, tissée d'or, par allusion, j’imagine, à la lumière du soleil qui s'ajoute à tous les objets. L'essèn a été disposé au milieu de l'éphaptis à la manière de la terre, laquelle, en effet, se trouve à l'endroit le plus central. La ceinture qui en fait le tour représente l'océan ; car celui-ci environne tout étroitement. Le soleil et la lune sont figurés par les deux sardoines au moyen desquelles Moïse agrafe le vêtement du grand-prêtre. Quant aux douze pierres, qu'on veuille y voir les mois, ou bien les constellations qui sont en même nombre, - ce que les Grecs appellent le cercle du zodiaque -, on ne se méprendra pas sur ses intentions. Enfin, le hutinet d'hyacinthe me parait représenter le ciel, - autrement on n'aurait pas mis sur lui le nom de Dieu -, ce bonnet décoré d'une couronne, et même d'une couronne d'or à cause de sa couleur éclatante, qui plaît particulièrement à la divinité. Qu'il me suffise d'avoir donné ces indications, car mon sujet me fournira encore souvent l'occasion de m'étendre longuement sur les mérites du législateur. [3,8] Chapitre VIII. 1. Lorsque le tabernacle dont il vient d'être parlé fut achevé, avant que les offrandes fussent consacrées, Dieu, apparaissant à Moïse, lui prescrivit de conférer le sacerdoce à son frère Aaron, l'homme que ses vertus rendaient le plus digne de tous d'obtenir cette charge. Alors, réunissant le peuple en assemblée, il leur expose ses mérites et sa bonté ainsi que les dangers qu'il avait courus dans leur intérêt. Et comme eux témoignaient que tout cela était vrai et faisaient paraître leur vive sympathie pour lui : « Israélites, leur dit-il, voici que l’œuvre s'achève, telle qu'elle a plu à Dieu lui-même, et telle que nous avons pu l'accomplir. Mais comme il faut recevoir Dieu dans le tabernacle, quelqu'un nous est nécessaire au préalable pour faire fonctions de prêtre, pour s'acquitter des sacrifices et des prières en notre faveur. Et pour moi, si le soin d'en décider me revenait, je croirais mériter moi-même cette charge, d'abord parce que chacun à naturellement de l'amour-propre, ensuite parce que j'ai conscience de m'être donné beaucoup de mal pour votre salut. Mais enfin, Dieu lui-même a jugé qu'Aaron méritait cette dignité et c'est lui qu'il a choisi pour prêtre, sachant qu'il est le plus juste d'entre nous. Ainsi c'est lui qui revêtira la robe consacrée à Dieu, qui aura à s'occuper des autels et à veiller aux sacrifices, qui adressera des prières en votre faveur à Dieu qui les agréera, parce qu'il a souci de votre race et que, venant d'un homme qu'il a élu lui-même, il ne peut que les exaucer. Les Hébreux furent satisfaits de ces paroles et acquiescèrent au choix divin. Car Aaron, à cause de sa famille, du don prophétique et des vertus de son frère, était le plus qualifié de tous pour cette dignité. Il avait quatre fils en ce temps-là : Nabad(os), Abious, Eléazar(os), Itamar(os). 2. Tout l'excédent des matériaux affectés à la préparation du tabernacle, il ordonna de l'utiliser à faire des tentures protectrices pour le tabernacle lui-même, pour le candélabre, l'autel des parfums et les autres ustensiles, afin qu'en voyage ils ne subissent aucun dommage soit du fait de la pluie, soit par la poussière qu'on remuerait. Et après avoir réuni à nouveau le peuple, il leur imposa une contribution qui se monterait à un demi-sicle par tête : le sicle, monnaie des Hébreux, équivaut à quatre drachmes attiques. Ceux-ci obéirent avec empressement aux ordres de Moïse, et le nombre des contribuables fut de 605.550. Apportaient l'argent tous les hommes libres âgés de vingt ans et au-delà jusqu'à cinquante, et tout ce qu'on réunit était dépensé pour les besoins du tabernacle. 3. Il purifia le tabernacle et les prêtres, et voici comment il procéda à leur purification. Il fit broyer et pétrir 500 sicles de myrrhe choisie, autant d'iris et la moitié de ce poids de cinname et de calame (c'est aussi une espèce de parfum), et, après les avoir mélangés et amollis par la cuisson avec un héïn d'huile d'olives, mesure de notre pays qui contient deux conges attiques, fit préparer selon l'art des parfums un onguent d'une suave odeur. Puis, l'ayant pris, il en oignit les prêtres en personne et tout le tabernacle et les mit en état de pureté ; et les parfums - il y en avait beaucoup et de toutes sortes - on les porta dans le tabernacle sur l'encensoir d'or, car ils avaient une grande valeur. Je me dispense d'exposer quelle était la nature de ces parfums, de crainte de fatiguer mes lecteurs. Deux fois par jour, avant le lever du soleil et à l'heure du coucher, on devait faire des fumigations et garder de l'huile purifiée pour les lampes, en faire luire trois sur le candélabre sacré devant Dieu durant tout le jour et n'allumer les autres que vers le soir. 4. Tout dès lors étant achevé, les artisans qui parurent les plus excellents furent Béséléèl et Eliab. Car aux inventions déjà connues ils s'ingénièrent à en ajouter encore de meilleures et ils se montrèrent très capables d'imaginer ce qu'on ne savait pas fabriquer précédemment. Mais des deux, c'est Béséléèl qui fut estimé le plus habile. On ne mit en tout à l'ouvrage que sept mois ; ce temps écoulé, la première année depuis leur départ d'Égypte se trouva achevée. Ce fut au début de la deuxième année, au mois de Xanthicos d'après les Macédoniens et de Nisan chez les Hébreux, et à la néoménie, que l'on consacra le tabernacle et tous ses ustensiles que j'ai décrits. 5. Dieu fit voir qu'il était satisfait de l’œuvre des Hébreux et, loin de rendre leur travail vain en dédaignant d'en faire usage, il consentit à pénétrer dans ce sanctuaire et à y habiter. Il y annonça sa présence comme il suit. Tandis que le ciel était serein, au-dessus du tabernacle l'obscurité se fit, une nuée l'entoura qui n'était ni assez profonde ni assez dense pour qu'on se crût en hiver, ni cependant assez légère pour que la vue eût le pouvoir de rien percevoir au travers ; une rosée délicieuse en dégouttait attestant la présence de Dieu pour ceux qui le voulaient et y croyaient. 6. Moïse, après avoir gratifié de récompenses méritées les artisans qui avaient exécuté ces travaux, sacrifia dans le vestibule du tabernacle, selon les prescriptions de Dieu, un taureau, un bélier, et un bouc pour les péchés. D'ailleurs, je me propose de dire, quand j'en serai aux sacrifices, les rites sacrés qui entourent leur accomplissement, j'y indiquerai ceux que la Loi ordonne de brûler en holocaustes et ceux dont elle permet de prélever des parties pour les consommer. Puis, avec le sang des victimes, il aspergea les vêtements d'Aaron et Aaron lui-même avec ses fils, en les purifiant avec de l'eau de Source et du parfum liquide afin de les donner à Dieu. Pendant sept jours donc, il s'occupa d'eux et de leurs costumes ainsi que du tabernacle et de ses ustensiles, en faisant d'abord des fumigations d'huile comme je l'ai déjà dit, avec le sang des taureaux et des béliers dont on immolait chaque jour un de chaque espèce ; le huitième jour, il annonça une fête pour le peuple et prescrivit qu'on offrit des sacrifices, chacun selon ses moyens. Les Hébreux, luttant de zèle et jaloux de se surpasser mutuellement par le nombre de leurs sacrifices respectifs, obéirent à ces instructions. Et quand les victimes furent déposées sur l'autel, un feu soudain en sortit, brûlant spontanément, et, pareil par sa flamme à la lueur d'un éclair, il consuma tout ce qui se trouvait sur l'autel. 7. Mais ce fut cause aussi d'un malheur pour Aaron, pour l'homme et pour le père, malheur d'ailleurs vaillamment supporté par lui, car il avait l'âme affermie contre les accidents et il pensait que c'était par la volonté de Dieu que ce désastre lui arrivait. Deux d'entre ses fils, qui étaient au nombre de quatre, comme j'ai déjà dit, les plus âgés, Nabad et Abious, ayant apporté sur l'autel non les parfums qu'avaient prescrits Moïse, mais ceux dont ils s’étaient servis antérieurement, furent complètement brûlés, le feu s'étant élancé sur eux et s'étant mis à consumer leur poitrine et leur visage, sans que personne pût l'éteindre. C'est ainsi qu'ils moururent. Moïse ordonne à leur père et à leurs frères de soulever leurs corps, de les emporter hors du campement et de les ensevelir en grande pompe. Le peuple les pleura, péniblement affecté par une mort survenue d'une façon si étrange. Moïse estima que seuls les frères et le père devaient s'abstenir de songer au chagrin de cette perte, en se souciant plus de rendre hommage à Dieu que de prendre une attitude désolée à cause de ces morts. Déjà, en effet, Aaron était revêtu des vêtements sacerdotaux. 8. Moïse, ayant décliné tous les honneurs qu'il voyait le peuple disposé à lui conférer, ne se consacra plus qu'au service de Dieu. Il avait cessé maintenant ses ascensions au Sinaï, mais, pénétrant dans le tabernacle, il y recevait réponse de ce qu'il demandait à Dieu. Il semblait un homme ordinaire par sa mise, et dans tout le reste il se donnait l'air de quelqu'un du commun ; il ne voulait pas que rien pût le distinguer de la foule, si ce n'est le seul souci de leur apparaître comme une providence. Au surplus, il écrivit une constitution et des lois, selon lesquelles ils mèneraient une vie agréable à Dieu, sans avoir rien à se reprocher les uns aux autres. Il organisa tout cela sous l'inspiration de Dieu. Je vais m étendre maintenant sur la constitution et les lois. 9. Toutefois je veux rappeler d'abord un détail que j'avais laissé de côté touchant les vêtements du grand-prêtre. Moïse ne laissait aux coupables manœuvres des imposteurs aucune occasion de s'exercer, au cas où il y aurait eu des gens capables d'abuser de l'autorité divine, car il laissait Dieu absolument maître de présider aux sacrifices, quand il lui plaisait, ou de n'y pas assister. Et ce point, il a voulu qu'il apparût clairement non seulement aux Israélites, mais encore à tous les étrangers qui pourraient se trouver parmi eux. De ces pierres, en effet, que j'ai dit précédemment que le grand-prêtre portait sur ses épaules, - c'étaient des sardoines, et je crois superflu d'en indiquer les propriétés, qui sont parvenues à la connaissance de tout le monde -, il arrivait, lorsque Dieu assistait aux cérémonies sacrées, que celle qui servait d'agrafe sur l'épaule droite se mettait à briller, car une lumière en jaillissait, visible aux plus éloignés, et qui auparavant n'appartenait nullement à la pierre. Ce seul fait doit sembler merveilleux à ceux qui ne font pas les sages en décriant les choses divines. Mais voici qui est plus merveilleux encore : c'est qu'au moyen des douze pierres, que le grand-prêtre portait sur la poitrine insérées dans la trame de l'essèn, Dieu annonçait la victoire à ceux qui se disposaient à combattre. En effet, une telle lumière s’en échappait, tant que l'armée ne s'était pas ébranlée, qu'il était constant pour tout le peuple que Dieu était là pour les secourir. De là vient que ceux des Grecs qui vénèrent nos usages parce qu'ils n'ont rien à leur opposer appellent l'essèn logion (oracle). Mais essèn et sardoine ont cessé de briller deux cents ans avant que je composasse cet écrit, parce que Dieu s'est irrité de la transgression des lois. Mais nous aurons meilleure occasion d'en parler : pour l'instant je reviens à la suite de mon récit. 10. Lorsque le tabernacle fut enfin consacré et qu'on eut bien préparé tout ce qui concernait les prêtres, le peuple se persuada que Dieu habitait avec lui dans la tente et se disposa à offrir des sacrifices et à se donner relâche, comme s’il avait écarté désormais toute perspective de malheur, prenant bon courage à l'égard d'un avenir qui s'annonçait favorable ; et dans chaque tribu on offrit des dons tant publics que privés à Dieu. Ainsi les phylarques s'en viennent par deux offrir un char et deux bœufs, - ce qui faisait en tout six chars, lesquels transportaient le tabernacle dans les marches. En outre, chacun apporte pour son compte un gobelet, un plat et une cassolette, cette dernière d'une valeur de dix dariques et remplie de parfums. Quant au plat et à la coupe, qui était en argent, les deux réunis pesaient 200 sicles ; mais pour la coupe on n'en avait employé que 70. Ils étaient pleins de farine de froment pétrie dans l'huile, de celle dont on se sert sur l'autel pour les sacrifices. Plus un veau et un bélier, avec un agneau âgé d'un an, destinés à être brûlés entièrement, et, en outre, un chevreau pour demander pardon des péchés. Chacun des chefs offrait encore d'autres sacrifices dits de préservation, chaque jour deux bœufs et cinq béliers et autant d'agneaux d'un an et de boucs. C'est ainsi qu'ils sacrifient pendant douze jours, chacun son jour complet. Quant à Moïse, qui avait cessé de gravir le Sinaï et qui entrait dans le tabernacle, il s'y renseignait auprès de Dieu sur ce qu'il fallait faire et sur la rédaction des lois. Ces lois, trop excellentes pour être l’œuvre de la sagesse humaine, ont été observées strictement à toute époque parce qu'on estimait qu'elles étaient un don de Dieu, si bien que, ni en temps de paix, par mollesse, ni en temps de guerre, par contrainte, les Hébreux n'ont transgressé une seule de ces lois. Mais je cesse de parler sur ce sujet, ayant résolu de composer un autre livre sur les lois. [3,9] Chapitre IX. 1. Pour le moment, je vais en mentionner quelques-unes relatives aux purifications et aux sacrifices ; puisque aussi bien c'est de sacrifices que j'ai été amené à parler. Il y a deux sortes de sacrifices : les uns se font par les particuliers, les autres par le peuple, et ils ont lieu selon deux modes. Dans les premiers, toute la bête offerte est brûlée en holocauste ; de là vient justement le nom qu'ils ont pris. Les autres sont des sacrifices d'actions de grâce ; ils sont destinés à fournir un festin à ceux qui les offrent. Je vais parler de la première catégorie. Un simple particulier qui offre un holocauste immole un bœuf, un agneau et un bouc, ces derniers âgés d'un an ; les bœufs, on peut les immoler même plus âgés. Mais tous ces holocaustes doivent être d'animaux mâles. Dés qu'ils sont égorgés, les prêtres aspergent de sang le pourtour de l'autel, puis, après les avoir nettoyés, ils les démembrent, y répandent du sel et les déposent sur l'autel, qu'on a au préalable rempli de bois et allumé. Ils y mettent les pieds des victimes et les parties abdominales soigneusement nettoyées avec les autres parties pour y être consumés ; les peaux sont prises par les prêtres. Tel est le mode d'offrande des holocaustes. 2. Si l'on a des sacrifices d'actions de grâce à offrir, ce sont les mêmes bêtes qu'on immole, mais il faut qu'elles soient sans défaut, âgées de plus d'un an, mâles et femelles ensemble. Après qu'on les a immolées, on teint l'autel de leur sang ; les reins, la membrane qui couvre les intestins et toutes les graisses avec le lobe du foie, ainsi que la queue de l'agneau, sont disposés sur l’autel. Mais la poitrine et la jambe droite sont offertes aux prêtres et on célèbre des festins pendant deux jours avec le reste des chairs ; et, s'il en subsiste après, on le brûle. 3. On sacrifie aussi pour les péchés, et le mode est le même que pour les sacrifices d'actions de grâce. Ceux qui sont dans l'impossibilité d'offrir des victimes sans défaut donnent deux colombes ou deux tourterelles, dont l'une est consacrée en holocauste à Dieu et dont l'autre est donnée en nourriture aux prêtres. Mais je traiterai avec plus d'exactitude de l'immolation de ces animaux quand je parlerai des sacrifices. Celui qui est induit au péché par ignorance offre un agneau et une chèvre du même âge, et le prêtre arrose l'autel avec le sang, non pas comme précédemment, mais aux extrémités des angles. Les reins, toute la graisse avec le lobe du foie, on les dépose sur l'autel. Les prêtres prennent pour eux les peaux et les viandes, qu'ils consommeront le jour même dans le sanctuaire ; car la loi ne permet pas d'en laisser jusqu'au lendemain. Celui qui a commis une faute et qui en a conscience, sans qu'il y ait personne pour l'accuser, immole un bélier ; ainsi l’exige la loi. Les prêtres en consomment également les chairs dans le sanctuaire le jour même. Les chefs qui sacrifient pour leurs péchés apportent les mêmes victimes que les particuliers, mais ils s'en distinguent en ce qu'ils offrent en plus un taureau et un bouc mâles. 4. La loi veut que dans tous les sacrifices privés et publics on offre de la farine de froment parfaitement pure, la mesure d'un assarôn pour un agneau, de deux pour un bélier et de trois pour un taureau. On brûle sur l'autel cette farine pétrie dans l'huile. Car ceux qui font un sacrifice apportent également de l'huile, pour un bœuf un demi-héïn, pour un bélier, le tiers de cette mesure, et un quart pour un agneau. Le héïn est une antique mesure des Hébreux, de la capacité de deux conges attiques. On offrait la même mesure d'huile et de vin ; on versait ce vin en libations autour de l'autel. Si quelqu'un, sans faire de sacrifice, offrait en vœu de la fleur de farine, il en prélevait d'abord une poignée, qu'il répandait sur l’autel ; le reste, c'étaient les prêtres qui le prenaient pour le consommer, soit bouilli, car on le pétrissait dans de l'huile, soit à l'état de pains. Mais quand le prêtre l'offrait, quelle qu'en fût la quantité, elle devait être entièrement brûlée. La loi défend d'immoler le même jour et au même endroit une bête avec celle qui l'a engendrée, ni, d'une façon générale, avant que huit jours se soient écoulés depuis la naissance, il se fait encore d'autres sacrifices pour se préserver de maladies ou pour d'autres raisons. Dans ces sacrifices on offre des pâtisseries avec les victimes ; selon la loi, on n'en doit rien laisser jusqu'au lendemain, et les prêtres en prélèvent une part pour eux. [3,10] Chapitre X 1. La loi veut qu'aux frais publics on immole chaque jour des agneaux du même âge au commencement et à la fin du jour ; mais le septième jour, qui s'appelle sabbata, on en égorge deux à chaque sacrifice, le sacrifice se faisant, d'ailleurs, de la même façon. A la néoménie, outre les sacrifices quotidiens, on offre encore deux bœufs avec sept agneaux âgés d'un an et un bélier, plus un bouc pour le pardon des péchés, au cas où on aurait péché par oubli. 2. Le septième mois, que les Macédoniens appellent Hyperbérétée, outre ce qui vient d'être dit, on immole encore un taureau, un bélier et sept agneaux, plus un bouc pour les péchés. 3. Le dix du même mois lunaire, on jeûne jusqu'au soir et on immole ce jour-là un taureau, deux béliers, sept agneaux et un bouc pour les péchés. On offre, en outre, deux boucs, dont l'un est envoyé vivant hors du pays vers le désert et à pour but de détourner et d'expier les péchés du peuple tout entier ; l'autre, on l'amène devant la ville, dans un endroit parfaitement pur, et là on le brûle avec la peau elle-même, sans rien nettoyer du tout. On brûle en même temps un taureau qui n'est pas offert par le peuple, mais qui est donné à ses frais par le grand-prêtre. Une fois ce taureau égorgé, après avoir introduit dans le sanctuaire de son sang ainsi que du sang du bouc, il en asperge sept fois de son doigt le plafond ainsi que le plancher, et autant de fois encore le sanctuaire même et les alentours de l'autel d'or ; le reste, il l'apporte et le répand dans le vestibule. En outre, on dépose sur l'autel les extrémités, les reins, la graisse avec le lobe du foie. Et le grand-prêtre offre encore pour son compte un bélier en holocauste à Dieu, 4. Le quinze du même mois, comme la saison s'acheminait désormais vers l'hiver, Moïse ordonne qu'on construise des tentes dans chaque famille afin de se mettre en garde et de se protéger contre le froid de l'année. Et lorsqu'ils auront leur patrie, une fois parvenus dans cette ville qu'ils tiendront pour métropole à cause du temple, pendant huit jours ils célébreront une fête, et offriront alors des holocaustes et des sacrifices de reconnaissance à Dieu, en portant dans leurs mains un bouquet de myrte et de saule avec une branche de palmier et le fruit de la perséa. Ils devront, le premier jour, sacrifier comme holocaustes treize bœufs, autant d'agneaux plus un, et deux béliers avec un bouc en sus pour le pardon des péchés. Pour les jours suivants, on sacrifie le même nombre d'agneaux et de béliers avec un bouc, en retranchant chaque jour un bœuf de façon à arriver à sept. On s'abstient de tout travail le huitième jour, et l'on sacrifie à Dieu, comme nous l'avons déjà dit, un veau, un bélier, sept agneaux et un bouc pour le pardon des péchés. Tels sont les usages, consacrés par les ancêtres, que les Hébreux observent pour la fête des tentes. 5. Au mois de Xanthicos, qui s'appelle chez nous Nisan et qui commence l'année, le quatorzième jour en comptant d'après la lune, quand le soleil est au Bélier, - car c'est en ce mois que nous avons été délivrés de l'esclavage des Égyptiens -, il a institué qu'on devait chaque année offrir le même sacrifice que j'ai dit que nous avions offert jadis au sortir de l'Égypte, sacrifice dit Pascha. Nous l'accomplissons par phratries ; rien des chairs sacrifiées n'est gardé pour le lendemain. Le quinze, la fête des azymes fait suite à la Pâque, fête de sept jours pendant laquelle on se nourrit d’azymes, et chaque jour on égorge deux taureaux, un bélier et sept agneaux. Tout cela s'offre en holocauste et on y ajoute encore un bouc pour les péchés, qui sert chaque jour au repas des prêtres. Le deuxième jour des azymes, c'est-à-dire le seize, on prend -. une partie des fruits qu'on a récoltés, auxquels on n'a pas encore touché, et estimant qu'il est juste d'en faire hommage d'abord à Dieu à qui l'on doit la production de ce fruits, on lui offre les prémices de l'orge de la façon suivante. Faisant griller une poignée d’épis qu'on broie, puis purifiant les grains d'orge pour les moudre, on en apporte pour Dieu un assarôn sur l'autel, et après on avoir jeté une poignée unique sur l'autel, on abandonne le reste à l'usage des prêtres. Dès lors, il est loisible à tout le monde soit publiquement, soit individuellement de faire la récolte. On offre aussi, outre les prémices des produits du sol, un agnelet en holocauste à Dieu. 6. Quand la septième semaine qui suit ce sacrifice est passée, - toutes ces semaines font quarante-neuf jours -, le cinquantième jour, que les hébreux appellent Asartha - ce mot désigne la Pentecôte -, on offre à Dieu un pain composé de deux assarôns de farine de froment mélangés de levain et, comme sacrifice, deux agneaux. Tout cela, offert selon la loi à Dieu, est destiné uniquement au repas des prêtres et il n'est pas permis d'en rien laisser pour le lendemain. On immole aussi comme holocaustes trois veaux, deux béliers, quatorze agneaux et deux boucs pour les péchés. Il n'est pas de fête où l'on n'offre d'holocaustes et où l'on ne donne de relâche aux fatigues du travail ; dans chacune la loi prescrit un genre de sacrifice et un repos exempt de toute peine, et c'est en vue de célébrer des festins qu'on fait ces sacrifices. 7. C'est le peuple qui fournit le pain cuit sans levain ; on y emploie vingt-quatre assarôns. On les cuit deux par deux en les séparant la veille du sabbat ; le sabbat, au matin, on les apporte et on les pose sur la table sacrée en deux séries opposées de six pains. Et, après qu'on a en placé par-dessus deux planchettes chargées d'encens, ils y demeurent jusqu'au sabbat suivant. Alors à leur place on en apporte d'autres ; les premiers sont donnés aux prêtres pour leur nourriture, tandis qu'on fait fumer l’encens sur le feu sacré dont on se sert pour tous les holocaustes et l'on met à sa place d'autre encens au-dessus des pains. Le prêtre offre à ses propres frais, et il le fait deux fois par jour, de la farine pétrie dans de l'huile et durcie par une courte cuisson ; il y entre un assarôn de farine dont une moitié est mise sur le feu le matin et l'autre vers le soir. Mais nous avons encore à nous expliquer sur ce sujet avec plus de détails : je crois que, pour le moment, ce que j'en ai déjà dit peut suffire. [3,11] Chapitre XI. 1. Moïse, après avoir séparé la tribu de Lévi de la communauté du peuple, pour en faire une tribu sacrée, la purifia avec de l'eau de source d'un cours intarissable et avec les sacrifices que la loi prescrit dans ces circonstances d'offrir à Dieu ; et il leur confia le tabernacle et les ustensiles sacrés et tout ce qu'on avait fabriqué pour couvrir le tabernacle, afin qu'ils fissent leur service sous le commandement des prêtres ; car ces objets avaient déjà été consacrés à Dieu. 2. Au sujet des animaux, il distingua en détail ceux dont on se nourrirait et ceux, au contraire, dont on ne cesserait de s'abstenir. A ce sujet, lorsque nous aurons l'occasion d'en traiter, nous nous expliquerons tout au long, en proposant les raisons qui l'ont déterminé à nous déclarer les uns comestibles, et à nous prescrire de nous abstenir des autres. Mais le sang, il nous l'a tout a fait interdit en tant qu'aliment, car il pense qu'il est l'âme même et le souffle vital. Il nous a défendu également la consommation de la chair d'une bête morte d'elle-même, et nous a prescrit de nous abstenir de la membrane qui couvre les intestins, ainsi que du suif des chèvres, des brebis et des bœufs. 3. Il bannit de la ville ceux qui ont le corps affligé de lèpre et ceux qui ont un flux séminal surabondant. Les femmes aussi chez qui surviennent des sécrétions naturelles, il les éloigne jusqu'au septième jour ; après quoi, considérées comme pures, elles peuvent revenir dans leurs maisons. Il en est de même pour ceux qui ont enseveli un mort ; après le même nombre de jours, ils peuvent revenir au milieu des autres. Celui qui dépasse ce nombre de jours en état de souillure, la loi veut qu'il sacrifie deux agnelles, dont l'une doit être brûlée et dont l'autre est prise par les prêtres. On fait les mêmes sacrifices en cas de flux séminal : celui qui a eu un flux séminal pendant le sommeil, sera, après s'être plongé dans l'eau froide, dans la même situation que ceux qui ont cohabité légitimement avec leurs femmes. Mais les lépreux, c'est d'une façon définitive qu'il les éloigne de la ville, sans qu'ils puissent avoir commerce avec personne ; ils ne sont pas autre chose que des cadavres. Mais si quelqu'un par des prières adressées à Dieu est délivré de cette maladie et recouvre l'épiderme de la santé, il en remercie Dieu par divers sacrifices dont nous parlerons plus tard. 4. Tout cela permet de rire des gens qui prétendent que Moïse, frappé de la lèpre, dut s'enfuir lui-même de l'Égypte et, s'étant mis à la tête de tous ceux qu'on avait chassés pour le même motif, les conduisit en Chananée. Car, si c'était vrai, Moïse n'aurait pas édicté, pour sa propre humiliation, de pareilles lois, contre lesquelles il est vraisemblable qu'il eût protesté, si d'autres les avaient promulguées, surtout quand chez beaucoup de nations les lépreux jouissent des honneurs et non seulement échappent aux injures et à l'exil, mais même occupent les fonctions militaires les plus en vue, administrent les charges publiques et ont le droit de pénétrer dans les lieux saints et dans les temples. De sorte que rien n'empêchait Moïse, si ou lui ou le peuple qui l'accompagnait avait eu la peau détériorée par un accident de ce genre, d'instituer au sujet des lépreux une législation des plus favorables, sans les condamner à la moindre peine. Mais il est clair que, s'ils s'expriment ainsi sur notre compte, c'est l'esprit de dénigrement qui les y incite ; pour Moïse, c'est en homme indemne de ces choses-là, au milieu d'un peuple indemne, qu'il a fait des lois à propos de ce genre de malades, et c'est en l'honneur de Dieu qu'il en usait ainsi. D'ailleurs, sur ce sujet chacun juge comme il l'entendra. 5. Aux femmes qui ont accouché il interdit d'entrer dans le sanctuaire et de toucher à quelque chose de saint jusqu'après quarante jours, si c'est un enfant mâle ; le nombre se trouvait doublé, si c'était une fille. Mais elles y pénètrent, passé le terme précité, pour offrir des sacrifices, que les prêtres consacrent à Dieu. 6. Si quelqu'un soupçonne sa femme d'avoir commis un adultère, il apporte un assarôn d'orge moulue et, après en avoir répandu une poignée en offrande à Dieu, on en donne le reste à manger aux prêtres. Quant à la femme, un prêtre la place aux portes, qui sont tournées en face du temple et, lui enlevant son voile de la tête, il commence par écrire le nom de Dieu sur une peau et il l'invite à déclarer par serment qu'elle n'a aucun tort envers son mari, mais que, si elle a violé les bienséances, sa main droite se désarticule, que son ventre se consume et qu'elle périsse ainsi ; que si c’est par excès d’amour et conséquemment par jalousie que son mari s'est laissé entraîner témérairement à la soupçonner, qu'il lui naisse au dixième mois un enfant mâle. Ces serments achevés, après avoir effacé le nom de Dieu de la peau, il la délaye dans une coupe, puis, prenant un peu de terre du sanctuaire, ce qu'il trouve sous la main, il l'y répand et le lui donne à boire. Alors, si elle a été injustement incriminée, elle devient enceinte et le fruit de ses entrailles parvient à terme ; mais, si elle a trompé son mari dans son mariage et Dieu dans son serment, elle pérît d'une mort ignominieuse, sa cuisse se déjetant et l'hydropisie gagnant ses entrailles. Voilà au sujet des sacrifices et de la purification qui s'y rapporte, ce que Moïse prescrivit à ceux de son peuple et voilà les lois qu'il leur a données. [3,12] Chapitre XII. 1. L'adultère il l'interdit absolument, pensant qu'il serait heureux que les hommes eussent des idées saines touchant le mariage et qu'il y allait de l'intérêt des cités et des familles que les enfants fussent légitimes. La loi défend aussi comme un très grand crime de s'unir à sa mère. De même, avoir commerce avec une épouse de son père, avec une tante, avec une sœur, avec la femme de son fils est un acte détesté comme une infamie abominable. Il interdit d'avoir commerce avec une femme à l'époque de ses souillures périodiques, de chercher à s'accoupler aux bêtes ou d'aspirer à s'unir avec un mâle, entraîné par leurs attraits à la poursuite d'une volupté immorale. Pour tous ceux qui oseraient violer ces lois il décrète la peine de mort. 2. Pour les prêtres, il exige une double pureté ; il leur défend ce qui précède comme à tout le monde et, en outre, il leur interdit d'épouser les prostituées, il leur interdit aussi d'épouser une esclave ou une prisonnière de guerre ainsi que les femmes qui gagnent leur vie en tenant un petit commerce ou une hôtellerie, ou celles qui se sont séparées de leurs premiers maris pour n'importe quel motif. Quant au grand-prêtre, même une femme dont le mari est mort, il ne lui accorde pas de l'épouser, tandis qu'il le concède aux autres prêtres ; il n'y a qu'une vierge qu'il l'autorise à épouser, et il doit la garder. Aussi le grand-prêtre ne s'approche pas non plus d'un mort, tandis qu'il n'est pas défendu aux autres prêtres de se tenir auprès d'un frère, d'un père, d'une mère ou d'un fils défunt. Ils doivent être exempts de tout défaut corporel. Un prêtre qui ne serait pas tout à fait sans défaut, il l'autorise à prendre sa part des viandes sacrées avec les autres prêtres ; mais quant à monter sur l'autel et à pénétrer dans le sanctuaire, il le lui défend. Ce n'est pas seulement pendant l'accomplissement des sacrifices qu'ils doivent être purs, ils doivent veiller aussi à leur vie privée, tâcher qu'elle soit sans reproche. Et c'est pourquoi ceux qui portent la robe sacerdotale sont sans défaut, purs à tous égards et sobres, car le vin leur est défendu tant qu'ils portent la robe. De plus ils n'immolent que des victimes entières et qui n'ont subi aucune mutilation. 3. Telles sont les lois, déjà en usage à l'époque où il vivait, que Moïse nous a transmises ; mais il en est d'autres que, tout en vivant dans le désert, il institua par avance, afin qu'on les appliquât après la conquête de la Chananée. Pendant la septième année il fait reposer la terre du travail de la charrue et de la plantation, de même qu’il a prescrit aux hommes de cesser leurs travaux le septième jour. Quant aux produits spontanés du sol, la jouissance en est publique et libre, non seulement pour ceux du peuple, mais aussi pour les étrangers, car on n'en conserve rien. On devait également en user ainsi après la septième semaine d'années, ce qui fait en tout cinquante années. Les Hébreux appellent la cinquantième année Yôbel(os) ; à cette époque les débiteurs sont tenus quittes de leurs dettes, les esclaves sont renvoyés affranchis, du moins ceux qui sont du peuple et que pour une transgression d'une loi il a châtiés en leur imposant la condition servile, sans les condamner à mort, il restitue les champs à leurs propriétaires primitifs de la façon suivante. Quand survient le Yôbel - ce mot signifie liberté -, arrivent ensemble le vendeur du champ et l'acquéreur, et, après avoir supputé les revenus et les frais occasionnés par le champ, s'il se trouve que ce sont les revenus qui l'emportent, le vendeur recouvre le champ ; mais si les dépenses excèdent, le vendeur doit combler le déficit, sous peine de perdre son bien. Mais si le chiffre est le même des revenus et des dépenses, le législateur rend la terre aux premiers possesseurs. Pour les maisons, il a voulu que la même loi fût en vigueur, s'il s'agit de maisons de village qu'on a vendues. Mais pour la vente de maisons de ville, il a statué différemment : si, avant la fin de l'année, on restitue l'argent, il oblige l'acquéreur à rendre la maison ; mais si une année pleine se passe, il confirme son acquisition à l'acquéreur. Telle est la constitution légale que Moïse, pendant le temps qu'il faisait camper l'armée au pied du Sinaï, reçut de Dieu et transmit par écrit aux Hébreux. 4. Comme la législation lui paraissait bien réglée, il s'occupa ensuite du recensement de l'armée, songeant désormais à s'appliquer aux affaires relatives à la guerre. Il ordonne aux chefs de tribus, à l'exception de la tribu de Lévi, de faire le compte exact des hommes aptes au service militaire : les Lévites, eux, étaient consacrés et exempts de toute charge. Le recensement ayant eu lieu, il se trouva 603.650 hommes aptes à porter les armes, âgés depuis 20 ans jusqu'à 50. A la place de Lévi, il choisit comme phylarque Manassé, fils de Joseph, et Ephraïm au lieu de Joseph, conformément à ce que Jacob avait sollicité de Joseph, à savoir de lui donner ses enfants en adoption, ainsi que je l'ai déjà rapporté. 5. Quand ils dressaient le camp, ils plaçaient le tabernacle au milieu d'eux ; trois tribus s'installaient le long de chaque côté et des chemins s'ouvraient entre elles. On aménageait une agora, et les marchandises étaient rangées chacune à sa place ; les artisans de tout genre avaient leurs ateliers, et cela ne ressemblait à rien moins qu'à une ville déménageant d'ici pour aller s'installer là. L'emplacement autour du tabernacle était occupé d'abord par les prêtres, puis par les Lévites qui étaient en tout - car on les recensait aussi, tous les mâles depuis l'âge de trente jours - au nombre de 23.880. Et pendant tout le temps que la nuée se trouvait au-dessus du tabernacle, ils pensaient qu'ils devaient demeurer, comme si Dieu résidait là, et lever le camp, au contraire, quand la nuée se déplaçait. 6. Moïse inventa une sorte de cor qu'il fit faire en argent. Voici en quoi il consiste. Sa longueur est d'un peu moins d'une coudée ; c'est un tube étroit, un peu plus épais qu'une flûte, avec une embouchure d'une largeur suffisante pour recevoir l'inspiration, et une extrémité en forme de clochette comme en ont les trompettes. Il s'appelle asôsra en hébreu. Il s'en fit deux : l'un servit à convoquer et a réunir le peuple en assemblée. Quand l'un de ces cors donnait le signal, il fallait que les chefs se réunissent pour délibérer sur leurs affaires à eux ; avec les deux ensemble on rassemblait le peuple. Quand le tabernacle se déplaçait, voici ce qui arrivait : au premier signal, ceux qui avaient leur campement à l'est se levaient, au second c'étaient ceux qui étaient installés au sud. Ensuite, le tabernacle démonté était porté entre les six tribus qui marchaient en avant et les six qui suivaient. Les Lévites étaient tous autour du tabernacle. Au troisième signal, la partie du campement située à l'ouest s'ébranlait et, au quatrième, la partie nord. On se servait aussi de ces cors dans les cérémonies des sacrifices ; on en sonnait pour faire approcher les victimes, tant aux sabbats qu'aux autres jours. Ce fut à ce moment pour la première fois depuis le départ d'Egypte qu’il fit le sacrifice dit Pascha dans le désert. [3,13] Chapitre XIII. 1. Après avoir attendu quelque temps, il lève le camp pour s'éloigner du mont Sinaï, et, après quelques étapes dont nous parlerons, il parvient en un endroit nommé Esermôth. Là, le peuple recommence à se révolter et à reprocher à Moïse les épreuves subies pendant leurs pérégrinations : après qu'il les avait persuadés de quitter un pays fertile, non seulement ce pays était perdu pour eux, mais, au lieu de la félicité qu'il s’était engagé à leur procurer, voilà au milieu de quelles misères ils vagabondaient, manquant d'eau, et, si la manne venait à faire défaut, destinés à périr tout net. Au milieu de ce flux de paroles violentes contre cet homme, quelqu'un les suppliait de ne pas méconnaître Moïse et ce qu'il avait souffert pour le salut de tous et de ne pas désespérer du secours de Dieu. Mais cela ne faisait qu'exciter le peuple davantage et il ne s'emportait qu'avec plus de tapage encore contre Moïse. Celui-ci, pour leur rendre courage dans ce grand désespoir, leur promet, bien qu'indignement outragé par eux, de leur procurer de la viande en quantité, non pour un jour seulement, mais pour plusieurs. Mais, comme ils n'y croyaient pas et que quelqu'un demandait d'où il assurerait à toutes ces myriades cette abondance annoncée : « Dieu, dit-il, et moi-même, encore que mal jugés par vous, nous ne laisserons pas de faire effort pour votre bien, et le moment n'en est pas éloigné ». En même temps qu'il parlait, le camp tout entier se remplit de cailles ; on les entoure et on les ramasse. Cependant Dieu, peu après, châtie les Hébreux de l'arrogance injurieuse qu'ils lui avaient témoignée : il en périt, en effet, en assez bon nombre. Et, encore aujourd'hui, cette localité porte le surnom de Kabrôthaba, c'est-à-dire Tombeaux de la concupiscence. [3,14] Chapitre XIV. 1. Après les avoir menés de là vers l'endroit appelé Pharanx, situé près des frontières des Chananéens et d'un séjour pénible, Moïse réunit le peuple en assemblée et se dressant parmi eux : « Des deux biens, dit-il, que Dieu a résolu de nous procurer, la liberté et la possession d'un pays fertile, le premier il vous l'a déjà donné ; vous le tenez, et le second vous allez le recevoir bientôt : nous sommes campés, en effet, sur les frontières des Chananéens et désormais dans notre marche en avant, non seulement ni roi, ni ville ne nous arrêteront, mais non pas même tout leur peuple réuni. Préparons-nous donc à l'œuvre : car ce n'est pas sans coup férir qu'ils nous céderont leur territoire, c'est après de grandes luttes qu'ils en seront dépossédés. Envoyons donc des explorateurs qui jugeront des qualités du pays et de quelles forces ils disposent. Mais, avant tout, soyons d'accord et honorons Dieu, qui, en toutes circonstances, nous secourt et combat avec nous. » 2. Moïse ayant ainsi parlé, le peuple lui rend hommage et choisit douze explorateurs des plus notables, un par chaque tribu. Ceux-ci, partis de la frontière d'Égypte, après avoir parcouru la Chananée tout entière, arrivent à la ville d'Amathé et aux monts Liban, et ayant étudié à fond la nature du pays et des gens qui l'habitaient, ils reviennent, n'ayant employé que quarante jours pour toute l'expédition, et apportant en outre avec eux des fruits du pays. La beauté de ces fruits et l'abondance des bonnes choses que le pays renfermait, à les entendre, excitaient l'ardeur guerrière du peuple. Mais ils les effrayaient, en revanche, par les difficultés de la conquête, disant que les fleuve s'étaient infranchissables, tant ils étaient larges et profonds tout ensemble, que les montagnes étaient inaccessibles aux voyageurs, et que les villes étaient fortifiées par des remparts et de solides enceintes. Dans Hébron, ils prétendaient avoir retrouvé les descendants des géants. C'est ainsi que les explorateurs, ayant remarqué que les choses en Chananée avaient un aspect plus formidable que tout ce qu'ils avaient rencontré depuis le départ de l'Égypte, non seulement se montraient personnellement consternés, mais essayaient de faire éprouver au peuple les mêmes impressions. 3. Ceux-ci, après ce qu'ils ont entendu, estiment impraticable la conquête du pays et, rompant l'assemblée, ils s'en vont se lamentant avec leurs femmes et leurs enfants, comme si Dieu ne leur apportait en fait aucun secours, se bornant à des promesses en paroles. Et, derechef, ils incriminaient Moïse et l'accablaient de reproches, lui et son frère Aaron, le grand-prêtre. Ce fut dans ces fâcheuses dispositions, en les chargeant tous deux d'injures, qu'ils passèrent la nuit. Le lendemain matin, ils courent tous se former en assemblée, avec le dessein, après avoir lapidé Moïse et Aaron, de s'en retourner en Égypte. 4. Mais deux des explorateurs, Josué, fils de Noun, de la tribu d'Éphraïm, et Chaleb(os) de la tribu de Juda, effrayés, s'avancent au milieu d'eux et contiennent le peuple, le suppliant de reprendre courage, de ne pas accuser Dieu de dires mensongers et de ne pas avoir foi en ceux qui les avaient terrifiés par de faux récits au sujet des Chananéens, mais dans ceux qui les exhortent à marcher vers la prospérité et la conquête du bonheur. Car ni la hauteur des montagnes, ni la profondeur des fleuves, s'ils étaient hommes d’une valeur exercée, ne feraient obstacle à leur activité, surtout si Dieu joignait ses efforts aux leurs et combattait pour eux. « Marchons donc, disaient-ils, contre nos ennemis, sans aucune arrière-pensée, mettant notre confiance en Dieu, qui nous conduit et suivez-nous, nous qui vous montrons le chemin ». Par ces paroles, ils essayaient d'atténuer le ressentiment du peuple ; quant à Moïse et à Aaron, prosternés à terre, ils suppliaient Dieu, non pour leur propre salut, mais pour qu'il tirât le peuple de son ignorance, et rassit leurs esprits troublés par les difficultés et les souffrances actuelles. Alors apparut la nuée, qui, en se posant au-dessus du tabernacle, manifesta la présence de Dieu. [3,15] Chapitre XV. 1. Moïse, encouragé, s'approche du peuple et annonce que Dieu, ému de leurs injures, leur fera subir une punition, non pas sans doute proportionnée à leurs fautes, mais telle que les pères en infligent à leurs enfants pour les remettre à la raison. Comme il était entré, en effet, dans le tabernacle et qu'il suppliait Dieu de détourner la destruction que le peuple allait attirer sur lui, Dieu lui avait rappelé d'abord comment, après tout ce qu'il avait fait pour eux, après tant de bienfaits reçus de lui, ils en étaient venus à ne lui témoigner que de l'ingratitude ; comment, à présent, entraînés par la lâcheté des explorateurs, ils avaient jugé leurs rapports plus véridiques que sa propre promesse ; et voilà pourquoi, sans toutefois les perdre tous, sans anéantir entièrement leur race, dont il faisait plus de cas que du reste des humains, cependant il ne leur permettrait pas à eux de s'emparer du pays de Chanaan, et de jouir de sa prospérité. Il les forcerait, sans foyer, sans patrie, de végéter pendant quarante ans dans le désert, en expiation de leurs péchés. « Cependant à nos enfants, dit-il, il promet de donner ce pays et de les faire maîtres de tout ce dont vous vous êtes privés vous-mêmes, faute d'empire sur vous. » 2. Quand Moïse leur eut ainsi parlé selon la pensée de Dieu, le peuple fut en proie au chagrin et à la douleur, et supplia Moïse de le réconcilier avec Dieu, et, les arrachant à cette vie vagabonde à travers le désert, de leur donner des villes. Mais il déclara que Dieu n'autoriserait pas pareille tentative : car ce n'était pas à la légère, comme les hommes, que Dieu avait été porté à se courroucer contre eux ; il avait pris une décision bien réfléchie à leur endroit. On ne doit pas juger invraisemblable que Moïse, à lui seul, ait calmé tant de myriades d'hommes en fureur et les fit amener à plus de mansuétude ; c'est que Dieu, qui l'assistait, prépara le peuple à se laisser convaincre par ses paroles et que souvent, après avoir désobéi, ils se persuadaient de l'inutilité de leur rébellion {par les aventures fâcheuses où ils étaient précipités}. 3. L'admiration que ce grand homme excitait par ses vertus et la puissance persuasive de ses discours, il ne l’inspira pas seulement à l'époque où il vécut, il en est digne encore aujourd'hui. Certes, il n'est pas un Hébreu qui n'obéisse, comme s'il était encore là et qu’il dût le châtier d'un manquement, aux lois que Moïse a promulguées, même s'il pouvait les violer en cachette. Et il est bien d'autres témoignages de sa puissance surhumaine : naguère quelques habitants d'au-delà de l'Euphrate, après un voyage de quatre mois entrepris par vénération pour notre temple, effectué au prix de beaucoup de dangers et de dépenses, ayant offert des sacrifices, ne purent pas prendre leur part des chairs sacrées, parce que Moïse, les a interdites à ceux qui n'ont pas nos lois ou qui ne sont pas en rapport avec nous par les usages de leurs pères. Les uns alors, sans avoir offert aucun sacrifice, les autres, laissant là leurs sacrifices à moitié accomplis, la plupart ne pouvant même d'aucune façon pénétrer dans le temple, s'en retournèrent, aimant mieux se conformer aux prescriptions de Moïse que d'agir selon leur propre désir, d'ailleurs, ne craignant pas que personne vint leur rien reprocher à ce sujet, mais redoutant seulement leur propre conscience. Ainsi cette législation qui parut émaner de Dieu eut pour effet de faire paraître cet homme encore plus grand que nature. Mais, bien mieux encore, un peu avant la guerre récente, quand Claude gouvernait les Romains et quand Ismaël(os) était grand-prêtre chez nous, la famine ayant sévi dans notre pays, au point qu'un assarôn se vendait quatre drachmes, et qu'on avait apporté pour la fête des azymes 70 cors de larme - ce qui fait 31 (?) médimnes siciliens, ou 41 attiques -, aucun des prêtres n'osa consommer un seul pain, alors qu'un tel dénuement pesait sur le pays, par crainte de la loi et du courroux que montre toujours la divinité même pour des péchés qui échappent à tout contrôle. Ainsi il ne faut pas s'étonner de ce qui s'accomplit alors, quand jusqu'à notre époque les écrits laissés par Moïse ont une telle autorité que les ennemis eux-mêmes conviennent que notre constitution a été établie par Dieu même par l'entremise de Moïse et de ses vertus. Au reste sur ce sujet que chacun se fasse l'opinion qu'il lui plaira.