[11] XI. Choses particulières et étonnantes qui se remarquent dans la Femme. Aussi est-il certain que, pour l'ordinaire, la femme est plus tendre et plus compatissante que l'homme. Aristote regarde la compassion et la miséricorde comme le propre de la femme. Je crois que c'est pour cela que Salomon a dit, que là où il n'y a pas de femme le malade languit. Soit parce que la femme est plus adroite et plus prompte que l'homme à servir et à secourir un malade ; soit parce que le lait de la femme est un remède très puissant pour les malades, et même capable de rendre la santé à ceux qui seraient près de mourir. C'est pourquoi, comme le rapportent les médecins, la chaleur des mamelles d'une femme, approchées de l'estomac des hommes cassés de vieillesse, réchauffe, renouvelle et conserve leur chaleur vitale. David ne l'ignorait pas, car il choisit Abisaag pour le réchauffer par ses embrassements. C'est encore une chose certaine que la femme est, beaucoup plutôt que l'homme, capable de remplir la fonction sacrée de la génération. Elle est nubile dès dix ans, et même avant, et l'homme ne l'est que beaucoup plus tard. On sait encore que la femme, lorsqu'elle est enceinte, et peu après être délivrée, recherche cependant l'usage du mariage. On remarque le contraire dans les femelles de tous les animaux. La femme est si disposée à concevoir, qu'on lit que des femmes ont conçu sans avoir eu aucun commerce avec l'homme. Il y a, entre autres, un philosophe qui rapporte, qu'une fille conçut parce qu'elle avoit reçu, dans le bain, de la semence d'un homme qui s'était baigné. Il y a encore une chose bien surprenante dans les femmes. Souvent, lorsqu'elles sont enceintes, leur goût dérangé leur fait user de viandes et de poissons crus; quelquefois même elles mangent du charbon, de la terre et des pierres ; elles prennent même pour nourriture du métal, du poison et d'autres choses de cette sorte, sans qu'il leur en arrive aucun mal. Au contraire, leur corps se trouve également bien nourri de ces mets extraordinaires, comme si elles prenaient de bonne nourriture. Mais on ne s'étonnera plus de voir la nature prendre plaisir à multiplier ses prodiges dans la femme, si on lit ce que les philosophes et les médecins ont écrit. J'en rapporterai seulement un exemple qui se trouve sous ma main. Le sang que les femmes jettent dans leurs purgations ordinaires, est non seulement un remède souverain contre les fièvres quartes, l'hydropisie, le mal caduc, la ladrerie, les vapeurs et contre toute autre maladie effrayante et dangereuse, mais il produit bien d'autres effets plus surprenants : entre autres, il éteint les incendies, il apaise les tempêtes, il éloigne le danger qu'on court sur un fleuve rapide, il chasse ce qui peut nuire, il rend nuls tous les maléfices des sorciers, et met les diables en fuite. Je n'entreprends point de rapporter ici des exemples de toutes les autres choses admirables qui sont dans la femme. J'ajouterai seulement que l'opinion des philosophes et des médecins est que la femme a reçu le privilège admirable de pouvoir trouver en elle-même des remèdes puissants contre toute sorte de maladies, sans avoir besoin d'aucun secours étranger à elle-même. Mais ce qu'il y aurait de plus digne d'admiration dans la femme, serait de pouvoir seule et sans l'aide de l'homme, concevoir et donner des enfants au monde. L'homme n'a jamais eu une telle puissance. Les Turcs ot les Mahométans regardent cela comme une chose certaine. Il y en a parmi eux plusieurs qui croient être nés sans l'aide d'aucun homme. Ils les appellent dans leur langue "Nosesolgi". L'on raconte même qu'il y a des îles où les femmes sont rendues fécondes par un souffle de vent : ce qui cependant nous paraît être très faux. En effet, il n'y a absolument que la Sainte Vierge qui ait conçu et enfanté Jésus-Christ sans le secours de l'homme ; elle devint féconde naturellement et forma Jésus-Christ de sa propre substance, car la bienheureuse Vierge est très véritablement la mère de Jésus-Christ, et Jésus-Christ est le fils véritable et naturel de Marie, parce que Dieu a été fait homme dans le sein de la Vierge très pure, qui n'est point née tachée du péché originel. C'est pourquoi elle a mis Jésus-Christ au monde, sans douleur, et elle n'a point été sous la puissance de son mari. Dieu l'a tellement rendue féconde, qu'elle a conçu sans l'entremise d'aucun homme. Cependant, parmi les animaux, nous trouvons quelques femelles qui conçoivent sans mâle. Origène rapporte, dans son livre contre Fauste, que l'histoire le disait de la femelle du vautour. L'antiquité nous apprend encore que quelquefois les cavales sont rendues fécondes par un souffle de vent. Voilà ce qu'il est dit de ces cavales : "elles sont sur de hautes roches, la tête tournée vers le vent du couchant, elles y respirent un air faiblement agité, et ce vent seul les fait concevoir sans autre secours" {Virgile, Géorgiques, III, v. 273-275}. [12] XII. Preuve tirée de l'usage de la parole. Mais que dirai-je de l'usage de la parole, ce don du Ciel, qui seul nous distingue infiniment des bêtes ? Mercure Trismégiste l'estime autant que l'immortalité, et Hésiode l'appelle le plus précieux trésor que l'homme puisse posséder. La femme ne parle-t-elle pas avec plus de politesse et plus de grâce que l'homme? n'est-elle pas, plus que l'homme, abondante en discours, et plus heureuse dans le choix de ses expressions ? ne sont-ce pas les femmes, soit nos mères, soit nos nourrices, qui nous ont d'abord appris à parler à tous tant que nous sommes ? Et certes, la Nature, la mère et l'architecte de toutes choses, y a si sagement pourvu, pour le bien de tout le genre humain, qu'il est très difficile de trouver une femme qui soit privée de l'usage de la parole. Qu'il est donc beau, qu'il est honorable à la femme d'exceller au-dessus de l'homme dans une chose qui le distingue le plus d'avec la bête ! [13] XIII. La Femme fait le bonheur de l'homme. MAIS laissons le profane, et revenons enfin aux livres saints ; nous allons remonter jusqu'à la naissance de la religion, et tout examiner exactement. Premièrement, nous savons, avec certitude, que Dieu ne donna sa bénédiction au premier homme, qu' à cause de la femme : car l'homme en était indigne, et ne l'avait pas méritée avant la formation de la femme. Ceci s'accorde avec ce proverbe de Salomon : "Celui qui aura trouvé une bonne femme, aura trouvé un grand bien, et il sera béni de Dieu". C'est à peu près ce que dit l'Ecclésiastique : "heureux l'époux d'une bonne femme, le nombre de leurs années sera double". Le bonheur d'aucun homme ne pourra être comparé avec celui, d'un homme qui aura été digne d'avoir une bonne femme. Car, comme dit l'Ecclésiastique : "une bonne femme est un don au-dessus de tous dons". C'est pourquoi Salomon l'appelle, dans ses proverbes, la couronne de son mari ; et Saint Paul, la gloire de son époux. Or, la gloire ne signifie rien autre chose, que la dernière perfection d'un être qui se repose et se plaît dans la possession de sa fin; de sorte qu'on ne puisse rien ajouter pour le rendre plus parfait. La femme est donc la dernière et entière perfection de son mari, son bonheur, sa bénédiction et sa gloire ; et, comme dit Saint Augustin, la plus parfaite société que l'homme puisse avoir. C'est pourquoi il faut absolument que tout homme aime la femme ; car celui qui ne l'aimera point, ne peut posséder aucune vertu ni aucun don du ciel. Il a même détruit en lui tous les sentiments de l'humanité. Il faudrait peut-être rapporter ici ces mystères de la cabale : comment Abraham fut béni de Dieu, à cause de sa femme, Dieu ayant ôté de Sarah, nom de la femme d'Abraham, la dernière lettre H, pour l'ajouter au nom de son mari, qui ne fut plus appelé Abram, mais Abraham : comment Jacob, par le conseil de sa mère, usurpa, au préjudice de son frère aîné, la bénédiction de son père. Mais ce n'est pas ici le lieu de nous y arrêter. [14] XIV. LA Femme paraît avoir été moins blâmable que l'homme, dans la désobéissance. LA bénédiction a donc été donnée à cause de la femme, et la loi à cause de l'homme. Mais, quelle loi ? Une loi de colère et de malédiction ; car Dieu défendit à l'homme de manger du fruit de l'Arbre de la science du bien et du mal, et non à la femme, qui n'était pas encore créée ; car Dieu voulut, dès son origine, la laisser libre. C'est pourquoi l'homme, en mangeant du fruit défendu, pécha, et la femme ne pécha point. C'est l'homme qui a donné la mort et non la femme. Nous avons tous péché en Adam et non en Ève; nous héritons du péché de nos pères, et non de nos mères. C'est pour cela que l'ancienne loi ordonnait que tout mâle fût circoncis; mais la circoncision n'était point pour les femmes ; car l'intention de la loi était de punir le péché d'origine dans le sexe qui avait commis le péché. D'ailleurs, Dieu ne reprit point formellement la femme d'avoir mangé de ce fruit, mais d'avoir donné occasion à son mari de contrevenir aux ordres de Dieu ; ce qu'elle fit par surprise, le diable l'ayant tentée. L'homme pécha donc avec parfaite connaissance de ce qu'il faisait, mais la femme fut trompée et erra par ignorance. En effet, ce fut elle que le diable tenta d'abord, sachant que la femme était la plus excellente de toutes les créatures; et, comme dit Saint Bernard : le diable voyant sa grande beauté et sa parfaite conformité avec l'idée que Dieu lui en avait manifestée, et connaissant bien qu'elle jouirait, plus que tous les anges, de la compagnie de Dieu, toute sa haine et son envie se tourna contre la femme, parce qu'il la voyait si excellente. C'est pourquoi, Jésus-Christ ayant voulu prendre la nature humaine dans l'état le plus vil et le plus abject, afin d'expier par son humiliation l'orgueil du péché du premier homme, a choisi le sexe masculin, comme étant le plus méprisable, et non le féminin qui est le plus noble et plus relevé que le masculin. De plus, le genre humain étant devenu criminel, par le péché de l'homme, et non par celui de la femme, Dieu a voulu que le péché fût expié dans le sexe qui avait commis le péché ; et que du sexe qui avait été surpris et trompé sans le savoir, sortît celui sur qui le péché devait être vengé. C'est pour cela que Dieu dit au serpent : ce sera la femme, ou, comme on lit ailleurs, ce sera la semence de la femme, qui t'écrasera la tête ; et non pas l'homme, ou la semence de l'homme. Et c'est peut-être là la raison pourquoi l'Eglise a plutôt confié l'ordre sacerdotal à l'homme qu'à la femme, parce que tout prêtre représente Jésus-Christ : or, Jésus-Christ représente le premier pécheur, qui est Adam. Cela peut servir à donner l'intelligence du sens de ce canon qui commence ainsi: "cette image, etc.", dans lequel il est dit que la femme n'a pas été faite à l'image de Dieu ; car cela doit s'entendre de la ressemblance au corps de Jésus-Christ, qui est d'un sexe différent. Jésus-Christ n'a cependant pas voulu être le fils d'un homme, mais d'une femme qu'il a tellement comblée d'honneurs, qu'il s'est incarné dans son sein sans l'entremise d'aucun homme. Car c'est à cause de la femme et non à cause de l'homme, que Jésus-Christ a été appelé le fils de l'homme. Et c'est-là ce prodige étonnant que le prophète considère avec la dernière admiration ; une vierge qui rend nul l'usage des deux sexes, renfermant dans son sein Jésus-Christ qu'elle a conçu sans l'aide d'aucun homme. Aussi Jésus-Christ, après être ressuscité, apparut d'abord à des femmes, et non à des hommes. Tout le monde sait que, depuis la mort de Jésus-Christ, plusieurs hommes ont abandonné la foi, et ont renoncé à la religion chrétienne : mais il ne s'est jamais élevé dans l'Église aucune persécution contre la religion, aucune hérésie, aucune erreur dont les femmes aient été les auteurs. Les hommes seuls ont causé tous ces maux. Jésus-Christ n'a été trahi, vendu, acheté, accusé, condamné, crucifié et mis à mort, que par les hommes. Et, bien plus, Pierre son apôtre l'a renié : ses autres disciples l'abandonnèrent. Il n'y a eu que les femmes, qui l'ont accompagné jusqu'à la croix, et jusqu'au tombeau. Et même la femme de Pilate, quoique païenne, s'efforçait de sauver Jésus-Christ plus qu'aucun des hommes qui croyaient en lui. J'ajouterai encore avec le plus grand nombre des théologiens que, dans le temps de la passion du Sauveur, l'Église ne subsistait plus que dans une seule femme, qui était la sainte Vierge; et c'est pour cela que l'Église donne dans ses prières, le titre de saint et de religieux, au sexe féminin. [15] XV. La Femme peut tout sur l'homme. EN vain quelqu'un m'objecterait avec Aristote que, dans tous les animaux, les mâles sont toujours les plus prudents ; Saint Paul, le grand docteur des Gentils, lui répondra pour moi : que Dieu a choisi ce qu'il y avait de fous dans le monde, pour en confondre les sages; qu'il a choisi ce qui était de plus faible pour confondre ce qui était de plus fort : que Dieu a choisi enfin ce qui paraissait n'être rien et très méprisable, pour détruire ce qui paraissait plus réel et plus estimable. En effet, quel est l'homme qui ait été plus abondamment enrichi des dons et des perfections de la nature, que l'a été Adam? et cependant une femme l'a humilié. Qui a jamais été plus fort que Samson ? une femme l'a dépouillé de sa force. Qui a été plus chaste que Loth ? une femme lui a fait commettre un inceste. Qui a été plus religieux que David ? une femme cependant l'a dérangé de son devoir. Qui a été plus sage que Salomon ? une femme l'a trompé. Qui jamais a été plus patient que Job? le diable le dépouilla de tous ses biens, lui enleva ses enfants, et le laissa tout couvert d'ulcères et de maladies. Il ne put cependant jamais le détourner de sa première simplicité, ni exciter en lui aucuns mouvements d'impatience, ou de colère. Mais sa femme fit ce que le démon n'avait pu faire; elle l'obligea de faire des imprécations sur son sort malheureux. Et s'il m'est permis de citer ici Jésus-Christ qui, étant la sagesse éternelle et le bras droit du Très-haut, ne reconnaît rien qui l'égale en puissance et en sagesse : n'a-t-il pas permis que la Cananéenne vainquît sa résistance à lui refuser ce qu'elle lui demandait? Le Sauveur lui dit : Il n'est pas juste d'ôter le pain des enfants et de le donner aux chiens. La Cananéenne lui répondit : Il est vrai, Seigneur, mais du moins les chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leur maître. Alors Jésus-Christ voyant que sa réponse ôtait tout lieu de réplique, la bénit et lui -dit : Qu'il vous soit fait selon votre désir. Qui fut plus fermement attaché à Jésus-Christ que saint Pierre, le chef des Apôtres, le pasteur de l'église? cependant une femme lui fit renier son maître. Les canonistes ont beau dire que leur église ne peut errer ; une femme déguisa son sexe, se fit pape et mit l'église en défaut par cette plaisante imposture. [16] XVI. L'iniquité de la femme a souvent été plus louée que la bonté de l'homme. Mais, au reste, quelqu'un me dira que toutes ces choses sont plus à la honte des femmes, qu'à leur louange. Mais les femmes, lui répondront : S'il est absolument nécessaire que l'un de nous deux perde son bien ou même sa vie, j'aime mieux que vous fassiez cette perte, que de me mettre dans le risque de la faire. Cette réponse est fondée sur l'exemple d'Innocent III, qui écrit dans une de ses Décrétales, à un cardinal Légat du Saint Siège : "S'il faut nécessairement que vous, ou moi, ayons cette confusion, j'aime mieux que vous l'ayez que moi". De plus les lois civiles ne permettent-elles pas aux femmes de pourvoir à leur sureté, même au préjudice d'autrui ? Ne voyons-nous pas encore dans l'Écriture les fautes des femmes souvent plus louées que les bonnes actions des hommes? Rachel n'y reçoit-elle pas des louanges, pour avoir su adroitement tromper son père, qui cherchait ses idoles qu'elle avait emportées ? N'y est-il pas parlé avec éloge de l'action de Rébecca, qui fut cause que Jacob surprit Isaac son père et obtint sa bénédiction ? Son adresse n'y est-elle pas louée d'avoir su préserver Jacob de la colère d'Esàü son frère ? Rahab, qui était une femme de mauvaise vie, trompa ceux qui cherchaient les espions de Josué ; et cela lui est réputé à justice. Jahel sortit au-devant de Sisara, et lui dit : Obligez-moi, mon Seigneur, d'entrer chez moi; il lui demande du lait à boire, et elle lui en donne; elle le couvre et le cache pour le laisser reposer. Mais lorsqu'il fut endormi, elle entra secrètement, lui enfonça un gros clou dans la tête, et tua ainsi le malheureux Sisara, qui s'était cru en sureté entre ses mains. Cependant à cause de cette insigne trahison, l'Écriture dit de Jahel : Qu'elle soit bénie, comblée de louanges et de bénédictions dans sa tente, plus que toutes les autres femmes. Lisez l'histoire de Judith, et faites attention à ce discours qu'elle tint à Holoferne : "Ajoutez foi, lui dit-elle, aux paroles de votre servante, parce que si vous le faites, le Seigneur vous fera réussir en tout; je viendrai vous découvrir toute choses, jusqu'à ce qu'enfin je vous fasse entrer dans Jérusalem : vous vous rendrez maître de tout le peuple d'Israël, comme d'un troupeau de brebis, qui n'a point de pasteur; il n'y aura pas seulement un chien qui aboie contre vous. Le Seigneur mon Dieu a eu la bonté de me révéler toutes ces choses". Mais après l'avoir amusé par ces discours flatteurs, lorsqu'il fut plein de vin, elle lui coupa la tête. Du premier regard, il n'y a point d'entreprise qui paroisse plus injuste que celle de Judith ; on ne peut rien penser de plus cruel, point de piège, point de trahison plus adroite et mieux concertée. C'est pourtant pour cette action que l'Écriture la bénit, la loue et l'élève par ses éloges. L'iniquité de la femme a donc été regardée comme valant encore mieux que la bonté de l'homme. Caïn ne faisait-il pas une bonne chose, en offrant à Dieu, en sacrifice, les prémices des fruits de la terre; et ce sont ces sacrifices qui l'ont rendu désagréable à Dieu ? Esaü n'était-il donc pas louable lorsque, pour plaire à son père, qui était dans une faible vieillesse, il va à la chasse chercher de quoi lui donner à manger? et, pendant ce temps, la bénédiction de son père lui est enlevée, et Dieu lui fait sentir sa haine. Oza, par zèle pour sa religion, veut soutenir l'arche qui va tomber, et, dans le moment, il est frappé de mort. Le roi Saül prépare à Dieu un sacrifice magnifique des dépouilles des Amalécites vaincus; et Dieu lui ôte son royaume, et le livre à un esprit méchant. Les filles de Loth ne sont point punies pour l'inceste qu'elles avaient fait commettre à leur père; et Loth, qu'elles avaient enivré, est puni : sa race est chassée de l'église de Dieu. L'inceste de Thamar est excusé, et elle est regardée comme étant plus juste que le patriarche Juda : par son inceste frauduleux, elle continue la ligne de génération d'où devait sortir le sauveur. Loin d'ici donc ces hommes hautains et présomptueux, et vous, beaux esprits, dont les têtes sont toutes hérissées de lauriers, et qui semblez enflés d'une nouvelle Pallas, que votre cerveau va nous enfanter : comment vous y prendriez-vous, à présent, pour nous prouver le sentiment contraire à celui que nous venons d'établir ? Apportez autant d'exemples pour prouver que l'iniquité de l'homme vaut mieux que la bonté de la femme ! Vous ne pouvez pas soutenir ce sentiment, à moins d'avoir recours à un sens allégorique; ce qu'il nous est également permis de faire pour la femme, comme à vous pour l'homme : mais revenons à notre sujet. [17] XVII. L'excellence de la Femme est prouvée par les principes d'Aristote. On peut tirer une preuve très évidente et très convaincante de l'excellence de ce sexe fortuné ; de ce que la plus digne et la plus noble créature qui ait jamais été, et qui sera jamais, c'est une femme : C'est la très sainte Vierge. Elle a été seule conçue sans participer au péché originel ; c'est ce qui fait que Jésus-Christ même, en ne faisant attention qu'à sa nature humaine, n'est pas au-dessus d'elle. Aristote le prouve de la manière suivante : ce qui se rencontre de meilleur dans un genre est plus noble que ce qui se trouve de meilleur dans un autre genre : le premie genre est plus noble que l'autre genre. Or la Sainte Vierge est ce qu'il y a de meilleur dans le genre des femmes; saint Jean-Baptiste est ce qu'il y a de meilleur dans le genre des hommes; mais aucun catholique n'ignore combien la Vierge est au-dessus de saint Jean ; elle, qui a été élevée au-dessus de tous les choeurs des anges : donc le genre féminin est plus noble que le genre masculin. On peut encore raisonner ainsi : lorsque ce qu'il y a de plus mauvais dans un genre est pire que ce qu'il y a de plus mauvais dans un autre genre, ce premier genre est moins noble que l'autre. Or nous savons que la plus mauvaise et la plus vicieuse de toutes les créatures, est l'homme ; soit que ç'ait été Judas qui trahit Jésus-Christ, qui dit de lui : il eût mieux valu pour cet homme-là de n'être jamais né. Soit que ce doive être l'Antéchrist, en qui résidera toute la puissance du démon. Et de plus, nous trouvons dans la sainte Écriture, les noms de plusieurs hommes condamnés aux supplices éternels; mais il n'y est point fait mention d'aucune femme damnée. On peut ajouter encore à ceci, le grand avantage qu'ont les bêtes, en ce que le plus noble et le roi de tous les oiseaux, qui est l'aigle, est toujours femelle. Les Égyptiens rapportent que le Phénix, cet oiseau unique dans son espèce, est toujours femelle. Le roi des serpents, au contraire, qu'on appelle un basilic, dont le venin est le plus dangereux qu'il y ait, est toujours mâle, et même il serait impossible qu'il en pût naître qui fussent femelles. [18] XVIII. Tout le mal vient des hommes, et le bien vient des Femmes. ON peut encore tirer plusieurs preuves très fortes de l'excellence, de la probité et de l'innocence des femmes, de ce que tous les maux ont commencé par les hommes et non par les femmes. En effet, c'est Adam qui fut le premier pécheur, qui osa transgresser la loi de Dieu, qui a fermé les portes du ciel, et nous a rendus sujets au péché et à la mort. Car nous avons tous péché et sommes tous morts en Adam, et non en Eve. Caïn, le fils aîné d'Adam, a le premier ouvert les portes de l'enfer; il a été le premier envieux, le premier homicide, le premier fratricide, et le premier qui ait désespéré de la miséricorde de Dieu. Lamech, a été le premier qui ait eu deux femmes. Noë s'est enivré le premier. Cham a été le premier enfant qui ait déshonoré son père. Nemroth a été le premier tyran et le premier idolâtre. Le premier adultère a été un homme. Le premier incestueux a été un homme. Les hommes ont, les premiers, fait des pactes avec le démon, et ont, les premiers, inventé les arts et les sciences profanes. Les enfants de Jacob ont, les premiers, vendu leur frère. Pharaon, roi d'Égypte, a, le premier, fait mettre à mort des enfants. Ce sont les hommes qui, les premiers, sont tombés dans des dérèglements contraires à la nature; témoins Sodome et Gomorrhe, ces villes autrefois si superbes, qui ont été réduites en cendres, à cause des péchés des hommes seuls. Nous trouvons dans toutes les histoires, des hommes qui, par un excès de volupté, ont eu plusieurs femmes à la fois. Nous en trouvons qui ont été adultères et fornicateurs. Ainsi nous lisons que Lamech, Abraham, Jacob, Esaü, Joseph, Moïse, Samsom, Halcana, Saül, David, Salomon, Assur, Roboam, Abia, Caleph, Assuérus, et une infinité d'autres, ont eu plusieurs femmes, sans compter le grand nombre de leurs concubines. Plusieurs même n'ont pas encore été satisfaits de cette multitude de femmes : pour assouvir leur luxure, ils se sont encore servi de leurs esclaves. Mais pour les femmes, on n'en trouvera aucune, excepté Bethsabée, qui n'ait été contente d'un seul mari, et on ne verrait aucune femme s'être remariée, si elle eût eu des enfants de son premier mari. Car les femmes ont beaucoup plus de continence que les hommes. Nous en voyons même qui, se trouvant être stériles, se sont privées des approches de leur mari, et leur ont substitué d'autres femmes, dont ils pussent avoir des enfants : comme il est rapporté de Sara, Lachel, Lia, et d'autres, qui étant stériles, ont donné leurs servantes à leurs maris, afin qu'ils ne demeurassent pas sans enfants. Mais quel est l'homme, je vous prie si vieux, si cassé, si froid, si stérile et si inepte, qu'il puisse être, qui ait assez de tendresse et de complaisance pour sa femme, pour lui en substituer un autre à sa place, et qui ne laisse pas inutiles ses heureuses dispositions ! Nous lisons cependant que Lycurgue et Solon, ces sages législateurs, avaient ordonné que si un homme, ou trop âgé, ou peu propre au mariage, avait épousé une jeune fille, il serait permis à sa femme de choisir un jeune homme fort et vigoureux, avec qui elle pût prendre ses ébats; avec cette seule condition, que les enfants qu'elle aurait de lui, seraient réputés être de son mari, et ne seraient point regardés comme illégitimes. Nous lisons bien que ces lois ont été établies, mais nous ne voyons point qu'elles aient été observées, moins par la dureté des maris, qu'à cause de la grande continence des femmes. Il y a encore un grand nombre de femmes illustres qui se sont signalées plus que tous les hommes, par leur continence et leur modération, quoiqu'engagées dans le mariage. Telles ont été Abigail, femme de Nabal, Artémise, femme de Mausole, Julie, femme de Pompée, Portie, femme de Caton, Cornélie, femme de Gracchus, Messaline, épouse de Sulpice, Alceste, mariée à Admète, Hypposicrate, femme de Mithridate roi de Pont, Didon, qui a bâti Carthage, etc., et une infinité d'autres, qui ont mieux aimé mourir que de survivre à la perte de leur honneur ou de leur virginité, comme, par exemple, Atalante Calydoine, Camille, du pays des Volsques, Iphigénie, de Grèce, Cassandre et Crise. On peut mettre dans le même nombre les vierges de Lacédémone, de Sparte, de Milésie et de Thèbes ; sans en nommer une infinité d'autres dont il est fait mention dans les histoires des Hébreux, des Grecs et des peuples barbares, lesquelles filles, ont plus estimé leur virginité que des royaumes et leur vie même. [19] XIX. Les mauvais Maris font seuls les mauvaises Femmes. Si l'on veut des exemples de la tendre amitié des femmes, se présentent, entre autres, celui de Claudie, cette vestale qui donna de si belles preuves de son amour pour son père, et celui que nous avons déjà rapporté de cette fille qui nourrit sa mère de son lait. Mais quelqu'un, comme Zoïle, opposera à tout ce que je viens de dire les mariages funestes de Samson, de Jason, de Deïphobe, d'Agamemnon, et d'autres, qui font le sujet des tragédies : lesquels étant examinés avec soin, on conviendra que c'est à faux qu'on donne le tort aux femmes, puisqu'il n'est jamais arrivé qu'un homme de bien ait eu une mauvaise femme. En effet, il n'y a jamais que les mauvais maris qui aient de mauvaises femmes, lesquelles, souvent, ils les ont rendu mauvaises par leur faute, de bonnes qu'elles étaient, lorsqu'ils les ont eues. Croyez-vous, s'il eût été permis aux femmes d'établir des lois, et d'écrire des histoires, combien auraient-elles pu composer de tragédies sur l'énorme malice des hommes ! En effet, combien y a-t-il d'hommes qui sont homicides, voleurs, brigands, faussaires, incendiaires et traîtres. Il y en avait un si grand nombre de cette sorte, du temps de Josué et de David, qu'ils avaient leurs chefs et leurs commandants. Le monde en est encore peuplé aujourd'hui. Les prisons sont toutes pleines d'hommes, et tout est couvert des cadavres des suppliciés. [20] XX. Les Femmes sont les auteurs de tout ce qu'il y a de bon. MAIS les femmes ont inventé tous les Arts qu'on appelle libéraux, et sont les auteurs de toute vertu et de tout bien. C'est pour cela que toutes les sciences et les vertus ont des noms féminins. Et ce qui est encore bien remarquable, c'est que toutes les parties du monde portent des noms de femmes : l'Asie est ainsi nommée du nom d'une nymphe, appelée Asie. L'Europe, du nom d'Europe fille d'Agenor. La Lybie, du nom de la fille d'Epaphe; on la nomme aussi Afrique. Enfin, si nous descendons dans le détail de toutes les vertus, nous trouverons que la femme y tient toujours la première place. En effet, ç'a été une femme, qui a la première consacré à Dieu sa virginité : c'est la Vierge Marie qui a mérité d'être la mère de Dieu. Les femmes qui ont été douées du don de prophétie, ont toujours eu des inspirations plus fortes que les hommes; ce qui est certain par l'exemple des Sybiles, comme l'attestent Lactance, Eusèbe et saint Augustin. Nous voyons Marie, soeur de Moïse, prophétiser; et pendant que Jérémie était dans la prison, Dieu suscita à son peuple Olda, qui était la femme de l'oncle de Jérémie, pour prophétiser au peuple d'Israël sa perte prochaine; ce que son époux n'avait pu faire. Parcourons les saintes Écritures, et nous y verrons la constance des femmes dans la foi et dans la pratique des autres vertus, élevée beaucoup au-dessus de celle des hommes : comme dans Judith, Ruth, Esther, lesquelles ont été comblées de tant de louanges et d'honneurs, qu'il y a des livres, parmi ceux que l'église reconnaît, qui portent leurs noms. Abraham même, que l'Écriture appelle juste à cause de sa grande foi, est cependant assujetti à sa femme, et le Seigneur lui fait ce commandement : Faites exactement ce que vous dit Sara votre femme. C'est ainsi que nous voyons Rebecca, qui croit à la parole de Dieu, et mérite que le Seigneur, répondant à sa prière, lui révèle ce grand miracle : il y a deux nations dans votre ventre, et il en sortira deux peuples. La veuve de Sarepta crut Elie, quoique çe qu'il lui disait fût très difficile à croire, Le prêtre Zacharie ne crut point à la parole de l'ange, il en fut repris et devint muet; mais Elisabeth sa femme y ajouta foi; c'est pourquoi sa langue et son ventre prophétisèrent, et elle félicita la Sainte Vierge en lui disant : Que vous êtes heureuse d'avoir cru ce que le Seigneur vous a dit ! Anne la prophétesse ayant entendu le témoignage de Siméon, reconnut le Seigneur Jésus, et en parlait à tous ceux qui la voulaient entendre et qui espéraient le salut d'Israël. Philippe avait quatre filles vierges, qui prophétisaient. Que dirai-je de la Samaritaine, avec qui Jésus-Christ s'entretenait auprès du puits de Jacob! sa foi rassasia tellement le Sauveur, qu'il ne voulut point prendre des aliments que lui présentèrent ses disciples. Que dirai-je encore de la foi de la Cananéenne, et de cette femme, qui avait une perte de sang depuis longtemps ! La foi et la confusion de Marthe, n'était-elle pas semblable à la confession de saint Pierre ? Les évangiles nous font assez connaître combien la foi de la Madeleine était grande et constante ; car pendant que les prêtres et les Juifs crucifient Jésus-Christ, elle pleure au pied de sa croix : elle porte des parfums pour embaumer sors corps; elle le cherche dans le tombeau; elle interroge le jardinier qu'elle rencontre; elle connaît que cet homme est Jésus-Christ : elle va trouver les apôtres, et leur apprend que leur maître est ressuscité ; ils en doutent, et elle croit avec confiance. Puis-je ne rien dire de cette sainte femme appelée Priscille, qui enseigna Apollon, qui fut un homme apostolique, qui excellait dans la science de la religion, et qui fut Evêque de Corinthe! Ajoutez à tout cela que le nombre des femmes qui ont sacrifié leur vie, et ont souffert le martyre avec patience pour la défense de leur foi, n'est pas moindre que celui des hommes. Mais je ne puis passer sous silence cette femme admirable, dont la mémoire durera tant qu'il y aura des gens de bien. Cette mère courageuse voyait non seulement avec fermeté ses sept enfants souffrir sous ses yeux un martyre cruel ; mais encore elle les exhortait à la mort : et elle-même, qui avait toujours mis sa confiance en Dieu, fut aussi mise à mort après ses enfants, pour la religion de ses pères. N'a-t-on pas vu des filles gagner à Jésus-Christ des peuples sans nombre ? Les Lombards furent convertis par Théodelinde, qui était fille du roi de Bavière; les Hongrois par Grésille, qui était soeur de l'empereur Henri premier : les Français par Clotilde, la fille du roi des Bourguignons : les Ibernois enfin furent ramenés à la foi, par une certaine fille apostolique d'une basse condition; mais ceux là seuls sont de véritables Chrétiens, qui ont conservé toujours la foi catholique, et qui vivent dans la pratique des bonnes oeuvres.