[8,0] CHANT VIII. Instruit de leur dessein funeste, éclairé sur leurs stratagèmes, et les criminelles entreprises de cette nation impie, le général, dans une méditation silencieuse, porte sur divers sujets l'effort de sa pensée et se demande ce qu'il doit faire. Car la sagesse qui médite peut triompher plus aisément de ses ennemis que le courage qui lutte les armes à la main. Avec une sage clairvoyance le général examine rapidement les divers objets de ses préoccupations et son esprit se porte avec promptitude sur chaque détail. Ainsi, l’hirondelle légère vole de tous côtés, cherchant pour ses petits de tendres aliments. Tantôt rasant les terres elle fouille du regard les herbes verdoyantes, puis va et revient, tantôt elle explore le feuillage des arbres élevés et fend l'air dans son vol silencieux. Enfin, le général, l'esprit reposé, s'arrête à une résolution et s'adresse ainsi à ses soldats : « Carcasan n'ose point nous attaquer à la tête de ses troupes; c'est à une ruse odieuse qu'il a recours, c'est en fuyant qu'il se prépare à harceler les bataillons latins. Qu'il fuie donc pour nous tromper, ce déloyal ennemi, il ne saura nous échapper. Il sera vaincu malgré son habileté. J'établirai mon camp dans les plaines de Vinci qu'occupe maintenant le pillard. S'il se hasarde à me combattre, je le vaincrai en rase campagne, car nos soldats combattront plus aisément dans la plaine, libres sur leurs coursiers et frappant l'ennemi à coups de javelots ou de flèches. Si, au contraire, ce peuple impie en fuyant abandonne ces lieux, nous gagnerons avant lui le littoral et nous lui couperons les vivres. Les barbares succomberont également, incapables de tenir contre la faim cruelle qui les décimera sans combat. Quant à nous, la mer fournira à nos besoins, en nous amenant à temps voulu les vivres et nous procurant à la fois le pain et le vin. Levons le camp, soldats; que tous s'avancent en ordre autour des étendards. » A peine a-t-il ainsi parlé qu'aussitôt la plaine se couvre de cavaliers montés sur leurs coursiers et de lourds fantassins; les bataillons innombrables de guerriers s'avancent dans la campagne et au loin retentit le bruit des coursiers. Carcasan et le fier Antalas, avertis par leurs vigilants éclaireurs, s'étaient aperçus de ce mouvement. Tout à coup, au milieu d'un grand tumulte, ils lèvent le camp. N'osant s'établir dans la plaine, ils abandonnent leurs positions, et sous l'empire de la crainte ils placent sur les sommets des montagnes leur camp qu'ils entourent d'un rempart de chameaux. L'immense armée romaine occupe le littoral; les tentes couvrent les vastes plaines et les chefs massyles se rangent de chaque côté de l'armée latine. Sur les deux ailes ils fixent leurs tentes dans la plaine et occupent tous les chemins. Alors, l'auguste Jean fait venir des différents points du rivage des navires qu'il concentre au port de Lariscus et assure la subsistance des alliés et des Latins en répartissant les vivres parmi les camps et les cohortes auxiliaires. Tandis que le vaillant général, avec un art consommé, temporise [8,50] et se prépare à infliger aux barbares les souffrances de la faim, voici que tout à coup surgit une sédition et dans le camp une aveugle fureur stimule de son aiguillon les soldats latins. Déjà leurs plaintes répétées excitent les uns contre les autres les esprits encore indécis; par un crime déplorable, ils tournent à l'envi contre leurs frères l'épée qui arme leur bras et aiguisent leur fer contre leurs propres compagnons. Quelle fureur animait donc le soldat romain et le poussait à être lui-même l'instrument de sa défaite ? Les malheureux, égarés, étaient le jouet des destins jaloux. « Eh quoi, soldat, ne crains-tu donc point ton chef? Redoute du moins les combats qu'il te faudra livrer et ces ennemis si nombreux qui, tu le sais, t'entourent de toutes parts. Voilà que tes armes vont changer le sort de la Libye et de ses habitants, et ces traits tu les tournes, misérable, contre cette infortunée province. Hélas, c'en est fait du respect de l'auguste fidélité ! Voilà que le sort injuste cherche à arracher de vos mains les trophées que vous avez conquis sur les barbares. » Déjà les soldats, jetant sur le général des regards farouches, prononçaient des paroles menaçantes et excitaient ceux de leurs compagnons qui étaient restés maîtres d'eux-mêmes en murmurant à leurs oreilles des paroles de révolte. Bientôt ils ne mettent plus de mesure à leur haine et leur bouche criminelle laisse échapper des discours impies. Telle la forêt où l'incendie a été allumé : la flamme naissante propage le feu et l'étincelle légère, embrasant le feuillage tenu des arbres, les tiges frêles des plantes crépitent dans la fournaise, souvent on voit d'abord s'élever une sombre fumée et des cendres légères, puis l'oreille attentive perçoit le bruit de l'incendie et le fléau dévastateur dévore les collines aux forêts épaisses. Ainsi les soldats excitent la fureur dans les esprits égarés, ainsi ils éclatent en menaces : « Jusqu'où, infortunés soldats, suivrez-vous ce général dans ses guerres? Où va-t-on conduire nos bataillons épuisés? Dans quelle contrée la mort cruelle va-t-elle de nouveau nous atteindre? Hélas, nos existences que l'on méprise sont exposées à tous les hasards et jamais nous ne recevons de salaire. Dans la mêlée sanglante nous avons payé de notre vie. Le sang romain a coulé à flots sur le sol et les plaines sont couvertes du sang noir qui les souille. La soif et la faim, l'africus et ses feux nous ont consumés et nos services n'ont point reçu leur récompense. » Accourez soldats ! pierres, torches, épées, saisissez les armes que vous fournissent la fureur et la haine ! Dérobons-nous à d'odieuses souffrances par la mort du chef qui les a causées. » Ainsi le camp frémit en proie à un tumulte terrible et les murmures impies augmentent d'intensité. Une troupe furieuse s'assemble puis, s'avançant en masse unissant leur fureur, ils excitent ceux dont la haine hésite, et méditent un crime odieux. Un cri terrible remplit les camps, l'air retentit de clameurs affreuses, comme si le Nasamon, jetant partout le désordre, eût attaqué les soldats accablés et surpris. Aussitôt que ce bruit parvient aux oreilles du général : « Quelle fureur, s'écrie-t-il, quel tumulte agite mon camp? Informez-vous et revenez promptement. » Tarasis sort à la hâte pour s'instruire de ce qui se passe. [8,100] Lorsqu'il entend les bruis confus du camp et les murmures des soldats, il s'avance pour les apaiser par des paroles conciliantes. Mais ni la vue du chef, ni ses prières, ni le respect dû à Rome ne peuvent les fléchir. Toute crainte a disparu de leur âme. Ils poussent même l'audace jusqu'à s'armer de pierres menaçantes. Victimes d'une destinée ennemie, déjà proches de la mort qui les menace, ils touchaient à leur dernière heure. Un prompt messager accourt auprès du général encore dans l'incertitude; il lui rapporte que le soldat exaspéré se livre à une aveugle fureur et qu'une révolte vient d'éclater subitement. Le général frémit de colère; l'air menaçant, il saisit un javelot et s'éloigne avec fureur du camp et des retranchements. Ses gardes, les chefs et une troupe de soldats fidèles l'accompagnent. Alors, il prend place sur un tertre élevé et d'une voix imposante il adresse ces paroles redoutables aux soldats irrités : « Dans la fureur qui vous entraîne, soldats, vous me croyez donc bien insensible? Si la guerre civile est légitime, si vous avez le droit d'user de l'épée, achevez votre œuvre. A supposer que ma mort mette fin aux combats, que dans votre pensée Jean soit responsable de la guerre, est-ce donc là respecter les serments? Si l'amour de Rome a disparu de votre cœur à ce point, voilà avec quels soldats je continuerai désormais la guerre. Cutzinas, notre vaillant et fidèle allié, ses soldats, nos gardes, nos officiers combattront avec moi! Quant à vous, lâches soldats, quittez le camp. Allez ! que Cutzinas vienne établir ici son camp, que notre fidèle Ifisdaias se transporte à la tête de ses troupes, ainsi que Bezina et les soldats agiles de Iaudas, notre serviteur. » A peine a-t-il achevé qu'aussitôt les bataillons maures en foule s'avancent de tous côtés à travers les vastes plaines pour venir au secours du général. Alors l'armée romaine, avec plus de fureur encore, se jette sur ses armes et sur tous les retranchements on voit briller les soldats couverts de fer. Ni le remords n'arrête leur esprit aigri, ni le nombre des ennemis ne les effraie. Cependant la vue de leur général, l'effroi qu'il inspire, les graves exhortations du sage Recinaire peu à peu frappent leur esprit et calment les colères. Ils abandonnent les menaces. La funeste Erinye s'enfuit. Les soldats se repentent de leurs fureurs. Maintenant, d'une voix suppliante, ils consentent à se soumettre, moins par crainte des barbares qu'en souvenir de leurs fautes. Ils se laissent toucher par l'affection, la fidélité due à l'empereur; ils cèdent à la terreur qu'il inspire, à l'autorité et à la vertu du général. Recinaire, avec de douces paroles, rappelle les soldats; il commande aux deux armées d'attendre quelque peu dans une paix encore incertaine; puis il adresse ces paroles aux Latins : « A la vue de tous ces barbares qui reconnaissent une auguste autorité, repentez-vous de vos criminelles résolutions. Si, au contraire, vous êtes prêts à entreprendre une guerre néfaste et à accomplir jusqu'au bout vos projets impies, faites-le connaître. Instruit de vos résolutions dernières, je saurai si je dois voir en vous des soldats qu'il faut sauver ou des rebelles qu'il faut condamner. » [8,150] Et de même que les Romains autrefois, presque en révolte, tremblèrent en entendant les paroles hautaines de César, les soldats, saisis de stupeur, rougissent et d'une voix humble et suppliante ils implorent en ces termes le général: « Quelques soldats seuls, que poussait une fureur impie, ont osé tenter ce crime odieux, et une vengeance légitime attend ces coupables; que les criminels subissent leur châtiment ! Pour nous, humblement nous nous soumettons aux ordres du général notre maître. » A ces mots les soldats étrangers au complot entraînent les auteurs de la révolte, et pour prix de leur crime ils les livrent enchaînés entre les mains du chef, expiant par leur soumission la faute qu'ils avaient commise. Le calme est rétabli dans l'armée. La punition du crime rend les soldats à eux-mêmes. La crainte qu'inspire le général grandit chez tous. La sédition apaisée, Jean entre joyeux dans le camp. Avec soumission, les soldats promettent d'obéir à ses ordres. Aussitôt, sur son ordre, la trompette d'airain au son retentissant convoque les soldats. Il lève le camp et, abandonnant le rivage, il prend position dans les champs de Caton. Le pillard venu des Syrtes se tenait solidement établi dans une position fortifiée. Mais déjà la faim cruelle commençait à tourmenter le peuple des Marmarides. Leurs troupeaux sont leur seule ressource, car le blé leur fait défaut. Instruit de cette situation, le glorieux chef de l'armée romaine, qui déjà se prépare à cerner les barbares, évite pendant quelques jours de combattre et tient son armée éloignée des forêts funestes. Déjà deux jours s'étaient passés sans combat, grâce à la tactique habile du général. Cette tranquillité même décide les barbares indécis à se hasarder dans la plaine. Le malheureux Nasamon ne voit dans l'attitude des Romains qu'un effet de la peur. Il établit en rase campagne son camp épars; à la veille de succomber, l'audace et la fureur s'éveille dans son âme. Jean, en même temps qu'il fait avancer son armée hors du camp, assemble le conseil. Lui-même se place sur un tertre élevé. Tout autour de lui accourent les chefs d'élite, les vaillants tribuns et les soldats en foule rangés en ordre par cohortes et par escadrons. La troupe des Massyles, alliés de Rome, se réunissent et se mêlent aux Latins si étroitement qu'on les eût pris pour des Romains au cœur vaillant. C'est l'affection qu'ils portent au général, c'est la crainte qu'il inspire qui les pousse à se ranger en foule dans la plaine. Au costume on reconnaît les peuples de même race. Les uns portent la tunique couverte de fer; les autres, les bras nus, sont vêtus de pourpre rehaussée de vives couleurs; ceux-ci ont pour se défendre le bouclier large, ceux-là le bouclier rond. Le soldat romain porte le casque élevé ; autour du front du maure s'enroule le voile qui couvre sa tête ; d'autres guerriers, rejetant en arrière leurs longs cheveux, le genou ployé, s'appuient sur leurs deux javelots ou tiennent enfoncée dans la terre leur lance solide. Le général, placé au milieu d'eux, leur adresse ces paroles affectueuses : « Soldats romains, vous, l'unique espoir de cette terre infortunée, le salut de la Libye dépend maintenant tout entier de vos armes. Le moment est venu de mettre un terme à la guerre et à vos durs labeurs : [8,200] l'heure du combat est arrivée! » Contents, les soldats latins lèvent le camp; un cri unique retentit, une clameur immense poussée par les soldats et les chefs romains et l'armée des Massyles; tous jurent de combattre vaillamment, et dans tous les rangs court un joyeux murmuré. Ainsi l'on voit courir la vague frémissante, présage avant-coureur des vents qui vont se lever. Le glorieux Jean, témoin de l'ardeur de ses soldats, leur donne de sages conseils qui sauveront l'armée et assureront la victoire à l'empire. Il fait cesser l'agitation, et de la main impose le silence. Tous alors se taisent, attentifs, et attachent leurs regards sur le visage de l'orateur. Ils tendent, pour écouter ses ordres, leur esprit et leurs oreilles. D'une voix claire, le général s'adresse ainsi aux troupes: « Ce jour touche à sa fin, soldats. La journée de demain est peu propice aux rudes combats. Dans tout l'univers elle est consacrée au Seigneur. Honorons donc, chefs illustres, le Christ avec ferveur, humblement et avec larmes implorons son secours, qui, j'en ai la confiance, ne se fera pas attendre. La puissance divine saura anéantir ces peuples néfastes. Dieu abaissera ses regards sur nos souffrances et donnera à l'empire une nouvelle ère de bonheur. Lorsqu'après avoir accompli le sacrifice saint, le prêtre vénérable aura présenté au Seigneur l'offrande divine, et que l'armée aura rempli ses vœux, nous dresserons les tables. Ne faites point paitre les chevaux loin du camp, parce que, les vivres distribués, j'ai l'intention de lever le camp, non point pour engager un combat dangereux, mais afin de me porter en avant, et, le jour suivant, dès que les coursiers de Phébus qui vomissent la flamme auront paru au-dessus de l'horizon, nous entamerons la lutte ardente dans les plaines de Lataris voisines de nous. La longueur du chemin ne saurait vous fatiguer: cavaliers et fantassins montreront même énergie, et tous avec ardeur massacreront le farouche barbare. » Les soldats se lèvent en poussant des cris; ils témoignent de leur approbation et leur âme est transportée d'enthousiasme. Puis les troupes reviennent au camp. De son côté, le Nasamon rebelle, prenant une résolution dictée par les circonstances, avait réuni les troupes innombrables des peuples de même race et appelait à son aide d'autres nations que l'amour du butin, que la destinée ennemie qui déjà les précipitait à leur perte poussaient à se jeter sur la Libye les armes à la main. Au milieu d'eux, Guenfe, partisan de la guerre, roule dans son cœur mille projets incapables de souffrir de délais. Cependant, Carcasan prend le premier la parole en ces termes : « L'armée de Jean nous entoure de près et déjà la faim cruelle nous accable tous. Le seul moyen de salut pour nous est de combattre promptement, tandis que nos corps robustes ont conservé toute leur vigueur. Nos troupeaux et l'eau des fleuves sont les seules ressources que nous puissions désormais espérer. Déjà la farine nous fait défaut; quant au vin, il n'est pas besoin d'en parler: l'eau courante est notre seul breuvage. Si nous remportons la victoire, [8,250] nous trouverons de tout en abondance; la victoire nous livrera en pillage un camp qui regorge de biens. Je crois avec confiance aux oracles irrévocables rendus par Ammon, ce dieu à la double corne, lorsqu'il annonçait que nous vaincrions dans le combat les phalanges latines. » « Demain est un jour de fête pour l'armée latine, ajoute Autilite. Le soldat romain, tout entier aux cérémonies, se croira à l'abri d'une attaque. Conduis-nous alors à l'ennemi. Jetons-nous tout à coup sur les Romains en désordre, vers l'heure brûlante de midi, alors que les soldats, vaincus par la chaleur dévorante, sont étendus à l'ombre. Au reste, c'est contre deux camps seulement que devra porter l'effort de notre courage. Prends garde d'abord à celui du redoutable Jean; réunis une troupe d'élite formée de cohortes vaillantes et de chefs énergiques, et à la tête de ces soldats marche contre les Latins. De ce côté, la lutte sera sanglante. Quant aux autres soldats, que Guarsana les conduise à l'attaque du camp où commande l'odieux Cutzinas. Là aussi se trouve une troupe ardente de soldats romains. Leur chef lui-même est plein de vaillance; il brûle, pour servir Rome, de détruire les barbares, tout enorgueilli qu'il est de ses distinctions honorifiques, fier de son titre de général, de son origine et de sa mère latines. Enivré de cette gloire, il se montre allié vaillant et fidèle, ennemi redoutable. Ceux-ci vaincus, le Nasamon n'aura plus d'ennemi qui compte à ses yeux. Tous viendront dans ton camp. C'est ainsi que la victoire se rangera sous nos étendards. » Tous approuvent ces conseils; les barbares frémissent et s'excitent au combat. Le jour se plonge dans les flots de l'Océan et la sombre nuit lui succède. Alors Phébus détache ses coursiers, puis la déesse du Cynthe attelle les siens, en accordant aux hommes un repos réparateur. L'une sort des flots en même temps que l'autre s'y plonge. Tous les êtres goûtent un repos tranquille; les animaux dans la plaine, plongés dans une douce torpeur, se livraient, accablés de fatigue, au sommeil alanguissant; tous dormaient, el les troupeaux, et les oiseaux aux couleurs variées, et les fauves redoutables, et dans la mer les poissons au corps glacé. Mais Jean, déjà embrasé du souffle de Mars et l'esprit éveillé, passait la nuit sans sommeil; dans son cœur vigilant s'agitaient de graves soucis. Auprès de lui le sage Recinaire, grave, songeait aux guerres redoutables, et son esprit sagace, embrassant tous les événements, les examinait en détail. Ils s'encourageaient tous deux en prenant tour à tour la parole, et leurs entretiens mutuels chassaient le sommeil de leurs paupières. Que de prières ils formulèrent, que de fois ils invoquèrent avec des larmes l'appui du Seigneur tout-puissant pour le salut de l'empire, de l'armée, de la Libye et pour leur propre conservation! Et tous deux, dans leur affliction, ne versent pas d'inutiles pleurs. Du haut du ciel Dieu, qui terrifie le monde du bruit de son tonnerre, les voit en prières et consent à mettre fin à leurs longues souffrances. [8,300] Cependant, du camp des Marmarides, qui tout entier se livre à des sacrifices nocturnes, un grand bruit s'élève. Partout les barbares dressent des autels et prient leurs trompeuses divinités. Ils poussent les victimes auprès des autels, le sang des animaux infortunés coule à longs flots à travers le gazon. Les uns sacrifient à Gurzil; nombreux sont ceux qui immolent des victimes à Ammon, orné de cornes; ceux-ci honorent Sinifer, que le Mazace invoque au lieu de Mars et qu'il considère comme l'arbitre des combats; ceux-là reconnaissent Mastiman. Sous ce nom, les barbares désignent Jupiter Tenarien, monstre en l'honneur duquel coule à flots le sang des victimes humaines. Crime affreux ! Des gémissements lamentables partout frappent les airs, partout des cris retentissent. Le prêtre enfonce le fer dans la gorge des victimes; à grands cris il appelle la divinité, il la conjure de quitter le séjour des ombres incertaines et de revenir à la lumière du jour. Alors, selon l'usage païen, il arrache les entrailles des animaux et interroge les destinées. Mais la divinité garde le secret de l'avenir; les dieux restent sourds aux incantations, et le prêtre ne rend point d'oracles. Phébus, qui brille aux extrémités de la voûte céleste, sortait des flots de l'Océan et, avec d'heureux présages, lançait sur le monde ses rayons éclatants à l'aube de ce jour heureux. Déjà s'avancent en ordre régulier les adorateurs du Christ, les soldats romains, les chefs magnanimes, entourés des étendards. Lorsque les tentes ont été déployées, Jean apparaît au milieu du camp, entouré des chefs. Aussitôt le prêtre dresse un autel élevé qu'il couvre, et, selon le rite antique, il l'entoure de tous côtés de voiles sacrés. Les ministres du culte, d'une voix suppliante, le visage baigné de pleurs, forment des chœurs et psalmodient des chants mélodieux. Au moment où le général franchit la limite de l'enceinte sacrée, les gémissements douloureux de l'assemblée éclatent aussitôt. Les yeux sont obscurcis par les pleurs; des cris s'élèvent de tous côtés vers les cieux et tous, tournant leurs poings contre eux-mêmes, frappent leur poitrine coupable. « Christ, pardonne-nous, nous t'en conjurons, les fautes de nos pères et les nôtres ! » s'écrient-ils en gémissant, et, les bras tendus, les yeux levés vers le ciel, ils sollicitent les consolations divines. Au premier rang, Jean, les genoux et le corps ployés, dans un élan de pitié, priait pour l'armée et laissait tomber de ses yeux des flots de larmes; il se frappe la poitrine à coups redoublés en prononçant ces prières: « Père de toutes choses, Source unique de vie et de salut pour l'univers, Dieu, Souverain Créateur de la terre, de la mer et du ciel, qui remplis des effets de ta puissance le ciel, la terre, la mer aux flots nombreux et tout ce que renferme l'univers, l'air et le sombre Averne, séjour des ombres pâles, toi seul possèdes la souveraineté, à toi seul appartient le pouvoir suprême, la gloire, la royauté et la puissance invincible du bras. Jette, grand Dieu! jette enfin les yeux sur les Romains! Dans ta bonté, viens à notre secours, accable par ta puissance, nous t'en supplions, ces peuples orgueilleux ! [8,350] Puissent les nations te reconnaître comme leur maître souverain, lorsqu'ils te voient fouler aux pieds tes ennemis et sauver ceux qui t'aiment! Ton peuple repousse toute image taillée par le ciseau, et nous reconnaissons, maître puissant, en toi le vrai Dieu. » En prononçant ces mots, l'auguste général, dans un élan de pitié, arrosait le sol des larmes qui coulaient de ses yeux et s'affligeait dans son cœur des périls de la Libye, des graves embarras de l'empire et de l'armée. Recinaire est auprès de lui, son visage est baigné de pleurs qui tombent à-torrents de ses yeux. Affligé, il invoque en suppliant le secours du Très-Haut pour l'armée latine. Les chefs magnanimes, la poitrine inondée de larmes, et les vaillants tribuns offraient au Ciel leurs sanglots, les soldats, d'une voix plaintive, adressaient à Dieu leurs prières. Le prêtre auguste, sur l'autel qu'il couvre d'offrandes, offre un sacrifice à l'intention des Latins et inonde les autels de larmes abondantes. Alors, avec de douces prières, il bénit le général en témoignage de respect, et rend au Christ l'hommage qui lui est dû. Le sacrifice fut agréable au Maître du Ciel ; il sanctifia et purifia tout à la fois l'armée latine. Et, s'adressant aux chefs : « Vaillant Putzintulus, dit-il, hâte-toi, à la tête de tes cohortes et des légions, de te ranger auprès du fidèle Cutzinas. Et toi aussi, grand Geisirith, unis tes troupes à celles de ce guerrier. Il t'appartient d'appuyer nos chefs fidèles. Quant à toi, Sinduit, prends avec toi les soldats romains et conduis tes troupes vers les positions où le vaillant Ifisdaïas a établi son armée et ses étendards. Auprès de toi sera l'ardent Fronemuth, prêt à secourir tes cohortes et tes légions. » Tels sont les ordres qu'il distribue aux chefs. Déjà les soldats se rangent sous leurs étendards, l'armée se déploie dans les vastes plaines, et de tous côtés accourent les escadrons ennemis. Déjà les bataillons des Marmarides, couverts de boucliers, se précipitent à grands cris dans la plaine et, prêts à frapper, ils brandissent la lance, le bras ramené au corps. Là apparaissent Zabéas et Brutus, suivis bientôt de mille chefs. Les lances volent de toutes parts, cachant la voûte élevée du ciel. Les boucliers parent les coups. Les soldats poussent de grands cris. Au milieu de cette grêle de traits lancés par l'ennemi furieux, le sang romain n'a point encore été versé. Le vaillant Jean en personne engage l'action en brandissant sa lance; il se jette au milieu des ennemis et frappe de son arme la poitrine bombée de Sasfis, qui s'oppose à ses coups. Celui-ci tombe et roule à bas de son cheval; un ruisseau de sang s'échappe de sa poitrine ouverte et arrose le sol desséché. Aussitôt il poursuit Ifnaten, qu'il atteint de sa longue lance dans le dos, tandis qu'il est baissé; l'arme le frappe à l'endroit où les côtes recourbées se rattachent par des muscles puissants à l'épine dorsale. Tandis que le guerrier ardent reçoit la lance qui s'attache à ses os et s'efforce de l'arracher, voici que survient le fier Mirmidonis, qui d'une main hésitante lance un trait. [8,400] Mais Jean, saisissant le javelot du guerrier mourant, le lance de toute sa force; il transperce la poitrine de son ennemi et atteint le cœur d'un coup terrible. Aussitôt il frappe de sa lance puissante Tameneus, qu'il jette à bas de son cheval. D'un coup de son épée, il fait tomber la main gauche et le bouclier de Martes, et l'égorgé de son glaive; il tranche la tête de Somascus et de son javelot transperce les côtés de Palmis. Il atteint Calamène au visage ; le fer tranche le nez et les joues en brisant les dents. Des corps mutilés s'agitent sur le sol, et dans les plaines retentit le bruit immense des guerriers qui s'acharnent au combat. Tout auprès, il trappe de son javelot Ancus, qui se présente à ses coups; puis il perce de son fer encore tiède la poitrine de Mantus, et, tout bouillant d'ardeur, il pousse sa lance de part en part à travers le flanc de Mastumas. D'un coup de javelot il renverse et étend Salpis sur le sol. Il frappe avec ardeur son ennemi, qui meurt et roule du haut de son cheval. Son corps noir laisse échapper un jet de sang qui inonde le sable tiède. Aussitôt il poursuit Antiseras, il le traverse de sa lance et l'étend sur le sol; il tue Caggun, Tonin, Altifatan et perce la poitrine d'Anestis; il égorge de son poignard Autufadin et son trait immole l'orgueilleux Ontisiris; il fait voler de son épée la tête de Canapis et son glaive rigide étend Tubias sur le sol; il pousse devant lui les bataillons de l'odieux Nasamon. A l'instant s'élancent à leur poursuite la cavalerie romaine, les vaillants tribuns et les chefs. Au milieu d'eux vole le général. Les Romains se précipitent et jettent le désordre parmi les bataillons des Marmarides, qui s'enfuient dans la plaine ; ils les tuent, les frappent et les pressent de l'épée. Cependant, le Nasamon fugitif revient sur ses pas et, reformant ses rangs, se range en triangle en face de l'endroit où Cutzinas, au milieu de ses troupes et des soldats romains, a planté ses étendards fidèles. Au moment de se porter au-devant des ennemis, il adresse à ses soldais ces paroles amies : « Soldats romains et vous, Maures fidèles, c'est maintenant qu'il faut faire preuve de vaillance, montrer votre vigueur et votre fidélité. Bravez sans faiblesse les menaces des Laguantes. Ne vous laissez point effrayer par l'ennemi qui s'approche. Voici qu'accourt vainqueur Jean à la tête de l'armée romaine tout entière. Avancez bravement à travers les ennemis. Lorsque le général sera là, il louera votre courage et votre fidélité à l'Empire. Vous connaissez la bravoure du général. Quelle gloire pour nous, soldats, d'avoir su vous faire admirer de lui ! » C'est ainsi que Cutzinas, enflammant les esprits hésitants, pousse au combat ses soldats et jette chez tous les germes de la haine. L'amour de la gloire anime les guerriers. L'armée romaine et les cavaliers maures mêlés aux Latins s'élancent avec courage dans la plaine, et le général, entouré des soldats, vole avec ardeur au plus épais des ennemis. Les vaillants tribuns ont revêtu l'armure des Latins, ils s'apprêtent à recevoir, en semant la mort, les escadrons des Nasamons; ils tiennent leurs lances prêtes et dirigent le javelot la pointe en avant. Mais déjà la rude mêlée s'engage aux premiers rangs. Un cri s'élève jusqu'au ciel; la poussière remplit l'atmosphère [8,450] et voile la lumière du soleil; le ciel est obscurci par les traits, et la flèche, lancée par l'arc, vole de toutes parts, et des nuées de javelots se répandent dans l'air. Les unes atteignent les soldats, d'autres se perdent dans les champs. De part et d'autre, les guerriers frappent ou succombent. Le Marmaride avec courage presse le Romain. Mais l'espoir confiant dans l'arrivée prochaine du général donne de l'énergie aux chefs, aux Romains et aux alliés. Dès que Jean apprend par la renommée rapide que le fidèle Cutzinas succombe dans la plaine à un combat périlleux et qu'il faiblit sous le nombre immense des ennemis, il excite en ces termes l'ardeur de ses soldats : « L'empire romain compte au nombre des citoyens latins tous les peuples dont il a éprouvé la fidélité et la soumission. C'est par ces sentiments généreux qu'il a soumis à ses lois l'univers, en soutenant ceux qui s'humilient, en accablant les rebelles. Cutzinas, notre allié fidèle, lutte dans un combat indécis. S'il échappe aux atteintes de l'ennemi, notre gloire vivra éternellement à travers les siècles. Montrez à tous, soldats, quelle est la fidélité des Romains, leur vaillance et leur énergie. Allons, et dans le péril qui le presse, venez en aide à Cutzinas. Abattez ces nations superbes et sauvez vos protégés." Ainsi il dit; les soldats aussitôt s'ébranlent et se portent en avant, déjà l'armée fidèle des Maures fuyait dans la plaine ; déjà le Laguante triomphait. Putzintulus et avec lui Cutzinas et Geinrith, vaincus, se retiraient. Tout à coup ils aperçoivent les étendards de Jean, qui s’approche, et retrouvant leur ardeur ils tournent promptement le cou flexible des coursiers et reprennent courageusement la lutte. L'ardent Putzintulus vole en avant, enflammé de fureur contre l'ennemi, et s'élance le premier. Il immole Imatas, qu'il frappe d'un coup terrible ; il perce de son épée le vaillant Nifaten et tranche la tête du noir Momon ; puis il fend la tête d'Irtis, qui s'offre à ses coups ; le sang, mêlé à la cervelle, se répand sur ses membres ; aussitôt, rencontrant Amans, il lui transperce la gorge d'un coup violent de son javelot et l'atteint d'une blessure mortelle; le canal de la voix est tranché; le sang jaillit et coule sur le visage du guerrier par les deux orifices de la blessure lorsque l'épée a été retirée de la plaie. Les chefs ifuraces aperçoivent de loin le guerrier combattant avec ardeur au milieu des siens. Aussitôt, formant leurs rangs, tous à la fois ils lancent à l'envi leur trait. Le héros les reçoit sur son bouclier. Méprisant les coups et confiant dans son courage, il avait dédaigné l'usage de la cuirasse. Tandis qu'autour de lui volent de toutes parts les traits, le vaillant chef se sent la poitrine atteinte du fer cruel. Sans se laisser abattre par sa blessure il exhorte en ces termes ses soldats : « La victoire, soldats, est à vous. Combattez, guerriers ; immolez à mes mânes ces peuples barbares. Si vous triomphez des ennemis, [8,500] que je sois le témoin de votre succès et que je vive assez pour vous voir vainqueurs du peuple des Laguantes. Je descendrai plus joyeux dans le séjour des ombres. Et vous, après avoir échappé aux dangers, Carthage, qui n'aura à déplorer que la perte d'un homme, vous ouvrira ses portes augustes, prête à vous décerner un éclatant triomphe. » Tandis qu'il prononce ces paroles, ses compagnons soutiennent dans leurs bras le héros près d'expirer et le ramènent au camp tout enivré de joie. Ainsi descendait vers les ombres infernales le rival des Décius, heureux dans son trépas. Son nom survivra glorieux et restera dans la mémoire des hommes aussi longtemps que nos descendants dans les siècles futurs liront le récit de ces guerres cruelles. Cependant, l'armée romaine, sur l'ordre de son chef, se précipite au milieu de l'ennemi et jette le désordre parmi les rangs des barbares. La corde retentissante de l’arc recourbé fait voler la flèche en sifflant : ainsi du flanc des nuages la grêle s'échappe en nuée épaisse et détruit les cultures à travers les vastes champs; les hauts épis sont courbés sur le sol ; ni le pampre verdoyant ne peut protéger les raisins qu'il porte ; ni l'arbre au feuillage épais n'est capable de préserver en les abritant de ses feuilles les tendres rameaux. La flèche redoutable, lancée par la corde de l'arc, vole et frappe à coup sûr ; aucun trait ne tombe sans répandre le sang ; jamais la flèche rapide ne vient frapper le sol. Là succombent les vaillants coursiers, là meurent en foule les soldats barbares. Les épées tièdes sont rougies par le sang des Massyles. On voit s'avancer les soldats armés du trait, et dans toutes les plaines les tribuns massacrent les barbares dans une lutte avantageuse. Les armes des soldats sont échauffées par le sang; les épées des Romains sont inondées du sang des Maures. La vengeance excite la fureur. Qui pourrait rappeler le trépas cruel de tant de chefs immolés dans la plaine, tant de meurtres variés, tant d'ennemis massacrés ou faits prisonniers, tant de guerriers vaincus par la vaillance du général ! En foule succombent les soldats obscurs des Marmarides. Cependant, nos vers en sauveront de l'oubli quelques-uns, guerriers illustres que désignèrent à tous les témoignages de l'ennemi. Le redoutable Jean, témoin de la résistance de l'ennemi, se précipite au milieu de la mêlée et massacre de son glaive meurtrier les bataillons des rebelles, comme un moissonneur prudent, au temps où les blés sont mûrs, coupe de sa faux tranchante les épis : de la main gauche il saisit la paille et les tendres épis, de sa main droite il les coupe et, à l'aide d'une corde solide, joyeux, il attache dans les champs les innombrables gerbes. Altilemas, venu des Syrtes, succombe sous les coups du général ; il' roule sur le gazon, la tête détachée du tronc ; aussitôt le prompt Alacanzas se précipite contre son puissant ennemi en brandissant son javelot; il excite son grand coursier à coups pressés de l'éperon ; mais Jean, sans trembler, lui tranche la tête d'un coup de son épée ; ses yeux éteints peuvent voir son corps qui git sur le sol ; tandis qu'il meurt, sa langue ne peut proférer aucune parole, mais un son inarticulé s'échappe de ses lèvres. Puis Jean massacre l'ardent Esputredan; Tamatonius le valeureux ; [8,550] il fond avec ardeur sur Jugurtha et le tue ; il immole Tursus; il frappe par derrière le coursier d'Audilimanis; le fer, par une horrible blessure, a tranché les muscles et les os durs des pieds; le coursier s'affaisse sur ses jambes de derrière; son corps entier n'a pas roulé sur le sol, car il reste dressé sur ses pieds de devant ; le vaillant animal, dressant la tête, s'épuise en efforts, et tandis qu'il cherche à se relever il jette à terre son maître ; vainqueur, Jean redouble ses coups ; il s'avance, l'air terrible, l'épée nue, contre son ennemi, qui l'attend de pied ferme, et le frappe au front; le fer, dans un sanglant mélange, confond les os et la cervelle. Puis le héros, la lance en avant, vole à travers la plaine. Il provoque Flaccus et transperce de part en part de son trait la poitrine horrible du guerrier et son dos vigoureux; le sang jaillit par les deux orifices de la blessure et se répand à travers le gazon sur la terre attiédie ; se dressant, il frappe d'un coup de sa lance Cernisate à la haute stature et perçe le cœur de Dercus, épouvanté ; de son glaive il atteint au flanc de Grachus, tranche la tête de Menisas et frappe a la tempe le cruel Cutis. Il atteint Camalus sans lui arracher la vie, le prend par les cheveux, l'emmène prisonnier et le livre à ses gardes; il poursuit à travers la plaine d'autres ennemis. Labbas brandit d'une main menaçante un trait et cherche à frapper le magnanime général ; mais lorsqu'il est près de lui il sent l'infériorité de ses forces; l'infortuné implore sa grâce d'une voix suppliante : « Par le corps d'Evante, dit-il, qui repose dans un sépulcre digne de lui, par ce héros qui donna le jour à un guerrier tel que toi, au nom des exploits futurs de ton cher fils Pierre, dont le renom déjà si grand est venu jusqu'aux ennemis et remplit l'esprit des peuples et des nations barbares, au nom des exploits accomplis par ta vaillance et qui t'ont valu la victoire sur les Ilagues, accorde-moi, je t'en prie, la vie après tous mes crimes, et conserve-moi, glorieux vainqueur, pour servir après la guerre d'ornement à tes triomphes. Je consens à servir sous un maître tel que toi. » Touché par ces paroles, le héros retient son bras ; toutefois, promptement il lui attache les deux bras derrière le dos et les serre dans des nœuds étroits. Le généreux Recinaire se précipite contre l'impitoyable Urtane et pousse sa lance puissante à travers la poitrine du guerrier ; à ses pieds succombe l'instrument de cette guerre néfaste, le noble mais implacable Urtane, et le sol est baigné de son sang impie. Puis, il attaque le puissant Meilas et d'un coup terrible de sa lance il le renverse et l'étend sur le sable tiède. De son glaive foudroyant il tranche la tête d'Alantas et frappe le noir Sacomas, qui tombe dans la plaine. Son ardent coursier frémit, il bat le sol de son pied que la peur précipite et cherche à s'enfuir; mais promptement Recinaire, saisissant son fouet, frappe les longs flancs de sa monture et contraint l'animal craintif à s'élancer dans les vastes campagnes. Lorsque le cheval, cédant à la force, [8,600] eut franchi le cadavre du guerrier, Recinaire, dans une lutte avantageuse, redouble ses coups et, à l'aide de ses traits, jetant le désordre dans les rangs des barbares des Syrtes, il vole, bouillant d'ardeur, à travers les plaines immenses. Il massacre le rapide Afun, le vaillant Nicandre et tue Sucer, qu'il a percé de mille coups. Puis il immole Tanadus, étend sur la terre le vaillant Erancus ; il frappe de l'épée Tinudus et transperce de son javelot Eniptes. Bulmitzis tue de son javelot Tamudas, puis avec ardeur poursuit Licurdan dans la plaine ; il enfonce son trait dans le dos du rebelle et, traversant les chairs, transperce la poitrine. Suceur, monté sur son coursier, s'avance avec confiance, dominant ses soldats; Salomuth le poursuit; ne pouvant s'emparer de lui, il brandit de loin sa lance de frêne et traverse d'un coup terrible les flancs du coursier. Dompté par sa blessure, l'animal s'abat et sous le poids de sa chute écrase le guerrier qui le monte. Succur, qu'aucune blessure n'a atteint, laisse échapper vers les ombres du Styx son âme infortunée. Son cheval, en qui il mettait sa confiance, ne peut, malgré sa rapidité, le sauver des mains de l'ennemi ; son courage, dont il a conscience, le nom sacré de Gurzil sont impuissants à l'arracher à la destinée. Un garde de Jean, du nom de Vartis, de son épée lui détache la tête des épaules. (- - -) Dorotis de son fer tue Tiluzant … Alors Fastita se précipite et d'un coup de javelot transperce le coursier d'Anzatal. Il fuit à travers mille ennemis, entouré des siens. Carcasan, abattu par la perte de tant de compagnons, ramène vers l'ennemi ses étendards, entraînant avec lui dès milliers de soldats. Le magnanime héros l'aperçoit qui s'avance. Il saisit les traits de Jean, l'un de ses gardes, et, armé du javelot, il s'avance fièrement et, visant la poitrine du guerrier, il le frappe sans trembler. Le sang qui coule de la blessure ruisselle sur les armes et inonde les vêtements du héros. Aussitôt, les belliqueux Marmarides, voyant leur chef mort, prennent la fuite en désordre ; déjà, plus aucun soldat n'ose lancer de traits contre les Romains; les coursiers, que pressent les cavaliers, s'enfuient à toute bride. Le Nasamon ne cherche plus son salut dans ses coups: cavaliers et fantassins, pêle-mêle, s'enfuient à travers les vastes plaines et courent au trépas. Les soldats et les chefs latins, les cohortes et les vaillants tribuns se jettent à leur poursuite. Jean, enivré par le succès, vole en avant et massacre les ennemis. Là s'étend une plaine unie où le soldat, s'avançant librement, peut disperser de ses traits les armées ennemies. Ils se précipitent et massacrent çà et là les païens Marmarides. L'Ilague par sa défaite expie ses crimes, et les bataillons des Ifuraces, les Frexes, confondus avec les Naffur, expirent sous le fer des Romains. La colère du soldat. [8,650] - - - Là, semblable à l'ardent chasseur qui s'empare des oiseaux par les pièges et la glu. - - - Des ruisseaux de sang coulent le long des arbres.