41. Parmi les faits privilégiés nous placerons en dix-huitième lieu les faits de la route,'que nous appelons aussi faits itinérai- res et articulés. 'Ce sont ceux qui .montrent les mouvements gra- duellement'continués dada nature. C'est un genre de faits plutôt inobservé qu'inâperçu,; :car les ,hommes sont à cet .égard d'une négligence étonnante ils 'observent la nature en courant et-à intervalles, -lorsque les corps sont achevés et complets, et non dans le travail de leur élaboration. Cependant celui-qui veut con- .naitre les secrets et le talentfdé'quelque.ouvrier'habile, ne désire pas seulement voir d'abord les matériaux rudes et grossiers, et ensuite l'ouvrage achevé., mais encore et surtout être présent, lorsque•l'ouvrier .opère et :élabore ses matériaux. C'est la même méthode qu'il faut suivre pour étudier la nature. Par exemple, vent-on étudier la végétation des plantes, il faut la .suivre depuis le moment où ,la graine est semée (ce que l'on peut faire sans difficulté, en tirant la semence de. terre tous les jours, :aujourd'hui une graine semée de la veille, demain une graine .semée-depuis.deux jours, et ainsi-de suite), épiant l'heure où elle commence :à se gonfler et àee remplir, .en .quelque sorte, d'es- prit; observant comme elle rompt son enveloppe, projette ses .fibres, "en se portant elle-môme de bas en haut, à moins que le sol ne lui 'oppose 'trop de résistance; comme ses fibres sont pro- jetées, -les unes en bas, ce sont les futures racines; les autres en -haut, ce sont •les futures branches, qui parfois s'étendent 'horizontalement, si la terre est•dans-ce sens plus facile à percer; .et ainsi en poursuivant, â travers toutes les phases de la végéta- tion. Même méthode pour étudier l'éclosion des oeufs; on peut suivre•facileme-nt les progrès de vivification et d'organisation, .ob- server.ce qui s'engendre -du jaune, ce que devient le blanc, et :ainsi de' suite, jusqu'à parfait accomplissement. Mémo méthode pour observer, la, production des animaux que la putréfaction en- gendre. Quant'aux animaux d'espèce supérieure, il 'faudrait ex- traire le foetus du sein de la mère, et notre humanité répugne à un procédé de cette .sorte ; qu'on se résigne donc à compter sur les hasards des avortements, sur ceux de la chasse, et autres :semblables. Il faut donc, en tout sujet, faire la garde autour de :la nature, quise laisse bien mieux saisir la nuit que le jour. On T'eut dire que les observations de ce genre sont nocturnes, car elles percent les ténèbres, à l'aide d'une lumière qui est à la fois très-petite et perpétuelle. - 1On doit pratiquer encore la même méthode dans l'étude des substances inanimées; c'est ce que nous avons fait.nous-même, en observant les diverses dilatations des liquides. sous l'action.du feu. Le mode de dilatation varie, en effet, suivant ales liquides, eau, vin, vinaigre, opium; les différences en'sont.plus frappantes pour quelques-uns, comme le lait, l'huile et autresiencore. •11 est très-facile de les constater en faisant bouillir •les liquides sur un feu léger, et dans un vase de verre dont la transparence.permet de tout.observer. Mais nous nous bornons à .toucher ce sujet, en passant; nous devons le traiter exactement et longuement; lors- que nous en serons venu ,à la découverte du progrès latent 40; d'ail- leurs il est bon de ne pas oublier que maintenant nous sommes loin de traiter les sujets, et.que nous nous bornons:seulement,à donner des exemples. 42. Parmi les faits privilégiés, nous mettrons;en dix-neuvième lieu les faits de supplément ou de substitution, que nous appelons aussi faits de refuge. Ce sont ceux qui nous instruisent, lorsque les sens ne peuvent plus aucunement nous servir, et auxquels par conséquent nous avons recours, lorsque les expériences di- rectes nous manquent. Cette substitution peut se faire de deux manières, ou par gradation, ou par analogie. Par exemple , on ne connatt aucun milieu qui. empèche corn- piétement l'action de l'aimant sur le fer ; aucun : ni l'or, ni l'argent, ni la ;pierre, ni le verre , ni le bois., ni l'eau., ni;l'huile, ni Je drap, ni les substances fibreuses., ni la flamme. Cependant, au moyen d'une investigation exacte, on découvrirait peut-être quelque milieu, dont l'interposition affaiblirait l'action de l'ai- mant plus que ne ferait aucun autre; ce qui, permettrait d'établir une table de.degrés. On observerait, par exemple, qu'à distance égale l'action de l'aimant est moins énergique en traversant l'or qu'en traversant l'air; à travers l'argent chauffé au rouge qu'à travers le même métal à la température ordinaire, et ainsi pour les autres milieux. Ces expériences, nous neies avons pas faites, _mais il nous suffit de les proposer comme exemples. De même, :nous.ne .connaissons aucun corps qui , approché du feu , ne con- tracte de la chaleur; mais l'air s'échauffe beaucoup plus vite que la pierre. Voilà ce que nous entendons par faits de substitution de la première espèce, c'est-à-dire par gradation. La substitution par analogie est utile, mais moins sûre; c'est pourquoi il faut l'employer.avec prudence. Elle consiste à:rendre sensible ce qui.est caché, non pas au moyen des opérations visi- bles du corps insensible, mais par l'examen de quelque corps sensible approchant. Par exemple, se propose-t-on de connattre le mélange des principes spiritueux, qui sont des corps insensibles? On peut 'croire qu'il y a de l'analogie entre les diverses matières et les 'aliments de chacune d'elles. L'aliment de la flamme, c'est l'huile ou.tout autre corps gras; celui de l'air, c'est l'eau et les sub- •stances aqueuses : car les flammes se multiplient au-dessus des -exhalaisons de l'huile, l'air au-dessus de la vapeur d'eau. Obser- vons donc les mélanges d'eau et d'huile, qui sont manifestes aux sens, tandis que les mélanges de flamme et d'air nous échappent. Nous voyons que l'eau et l'huile, versées ensemble et agitées, se mêlent très-imparfaitement; mais que, dans Ies herbes, le Fang, et toutes les parties des animaux, leur mélange est intime et accompli. Il peut en être de même pour le mélange do ces deux principes spiritueux , l'air et la flamme, qui, par une simple juxtaposition des molécules, ne se mêlent qu'imparfaitement, mais semblent intimement combinées dans les esprits des ani- maux et des plantes; une preuve en serait, que l'esprit animal se nourrit à la fois des deux espèces 'de matières humides , les aqueuses et les huileuses, qui en sont comme les aliments. Veut-on étudier , 'non plus la parfaite combinaison des prin- cipes spiritueux, mais seulement leurs mélanges mécaniques; veut-on traiter ces questions : les natures spiritueuses s'incor- porent-elles facilement les unes aux autres? ou plutôt, pour .choisir un exemple, y a-t-il des exhalaisons, des vents, ou àutres corps de ce genre qui ne se mêlent pas à l'air atmosphé- rique, mais qui y demeurent seulement suspendus et flottants, sous forme de gouttes, de globules, et sont plutôt brisés et réduits par l'air que reçus en lui et incorporés à sa substance? C'est là ce que l'obsérvation ne pourrait saisir dans l'air et dans les vapeurs semblables, à cause de la subtilité 'de ces corps; ' mais ce dont il serait facile d'apercevoir quelque image dans certains liquides, comme le vif-argent, l'eau, l'huile, dans l'air lui-même, non pas en masse, mais brisé et s'élevant par glo- bules à travers l'eau; dans la fumée un peu épaisse; enfin, dans la poussière soulevée et que l'air t.ient.en suspens : dans toutes ces expériences, on ne voit point' d'incorporation. Un tel procédé de substitution serait assez exact, si l'on s'était d'abord assuré qu'il y a entre les esprits les mêmes sympathies et les mémos répulsions qu'entre les liquides; alors on pourrait, sans man- quer à la méthode , substituer aux esprits invisibles les liquides visibles, pour conclure par analogie de ceux-ci à ceux-là. Quant à -ce que nous avons dit de ces faits de supplément, qu'il faut leur demander des lumières et recourir à eux, lorsque les expériences directes nous manquent, nous devons ajouter que ces faits sont encore d'un grand usage, lors même que nous pos sédons des expériences directes et qu'ils fortifient singulièrement. l'autorité de celles-ci. Mais. nous en parlerons avec plus de dé- tails, lorsque nous en viendrons à traiter des secours de l'induc- tion. 43. Parmi les faits privilégiés, nous mettrons en vingtième lieu les faits qui tranchent, que nous appelons aussi faits stimu- lants, mais pour une autre raison. Nous les appelons stimulants, . parce qu'ils stimulent l'intelligence ; tranchants, parce qu'ils tran-. . chent en quelque façon la nature; c'est pourquoi nous les nom- mons aussi quelquefois faits de Démocrite. Ce sont ceux qui nous avertissent des propriétés et des phénomènes les plus extraordi- naires-de la nature, pour éveiller'l'esprit, exciter son. attention et l'engager à observer et'à étudier. Exemples de faits stimulants: Quelques gouttes d'encre suffisent pour tracer tant de lettres et même tant de lignes ; ' Un peu d'argent, doré à la surface, peut fournir un 61 d'une longueur étonnante et doré dans toute son étendue; Un de ces insectes, à peu près invisibles , qui se logent dans la peau, a cependant en lui-même un esprit animal, une orga- nisation , mille parties diverses; Un peu de safran suffit pour teindre un tonneau d'éau; Un grain de civette ou de tout autre aromate suffit pour parfumer une quantité d'air comparativement énorme; Une très-petite quantité de matière brûlée produit un très- grand nuage de fumée; Les plus légères différences de sons, comme celle des sons articulés, sont transmises par l'air en tous sens, passent à tra- vers les fissures et les pores les plus réduits du bois et de l'eau , ' sont répercutées avec une promptitude et' une précision mer- veilleuse ; La-lumière et la couleur, franchissant de si grands espaces avec une telle rapidité, traversent ensuite les masses compactes - du' verre , de l'eau , y font paraître une multitude d'images d'une finesse exquise , y subissent cependant une foule de réflexions et. de réfractions; L'aimant opère à travers les milieux• de tout genre, même les plus compactes; Enfin, ce qu'il y a de plus admirable, toutes ces opérations s'effectuant à travers un même milieu,. l'air atmosphérique, aucune d'elles ne fait obstacle sensible à une autre ; au même moment, à travers la même région aérienne, se transmettent une multitude d'images , de sons articulés , d'odeurs différentes, celles de la violette et de la rose, par exemple; la chaleur et le froid , les influences magnétiques; transmissions innombrables et simultanées, dont aucune ne fait obstacle à une autre, comme si chacune d'elles avait ses routes particulières, ses passages propres-et distincts, leur évitant. à toutes des rencontres et des chocs. Nous-rapprochons ordinairement avec avantage des faits:qui tranchent« les faits- que nous appelons limites' de la dissection: ainsi, dans les exemples que nous avons-cités; une action d'un certain genre ne trouble ni ne contrarie une action d'un autre genre, tandis que dans un même genre, une action surmonte et détruit l'autre; la lumière du soleil fait évanouir l'éclat du ver luisant; le bruit du canon, celui de la-voix; une forte odeur, une plus-douce; une chaleur intense, une moins élevée; une lame de fer, interposée entre l'aimant et le fer, amortit' l'effet.de l'aimant'. Mais il sera- toujours plus à propos de parler-de ces faits; lorsquegnoustraiterons des. secours de l'induction°. 44. Voilà ce que nous avions à dire des faits qui aident les sens; ils sont- surtout• utiles pour la partie théorique : car c'est dans• les données des sens que la saine théorie a ses-racines. Mais la fin dernière.de tout' l'ouvrage est -dans la pratique; on débute par l'une pour aboutir à l'autre. C'est pourquoi viennent maintenant les faits les plus utiles pour la pratique. Il y en a sept espèces, qui se divisent en deux ordres; nous les appelons tous' d'un nom commun faits pratiques: Les opérations pratiques peuvent avoir un double inconvénient, c'est pourquoi les faits pratiques doivent- offrir un double avan- tage. Une opération peut être ou décevante ou onéreuse. Une opération est décevante (principalement quand on a étudié avec soin les diverses natures), parce que les. forces et les ac- tiens des corps ont été mal déterminées et mesurées: Les-forces,et les actions des- corps• sont circonscrites: et mesurées;. ou par l'es- pace, ou par le temps; ou par des. rapports de quantité; ou par la supériorité d'une puissance sur les-autres.; et, sil ces quatre'. conditions ne sont exactement et. diligemment calculées , lésa sciences pourront offrir de belles spéculations, mais, ààcoup:sûr, elles seront stériles: Nous appelons d?un seul nom les quatre es- pèces de faits relatifs à ces conditions, faits. magmatiques• ou faits de mesure. La. pratique devient onéreuse, soit à cause de- certains travaux• inutiles, soit à cause de la multiplicité- des instruments ou. de la quantité de matière requise pour l'opération. C'est pourquoi', l'on doit faire beaucoup-de cas des- faits qui• dirigent- l'opératiow vers les fins les plus utiles aux hommes, et de ceux qui ensei gnent à faire économie d'instruments et. de matière première. Nous nommons d'un nom commun ces trois. espècest de faits;. faits propices et bienveillants. Nous• parlerons de chacune de ces ,sept espèces de faits en particulier, et avec eux nous mettrons' fin à cette partie de notre ouvrage) sur les- prérogatives; et les' privilèges des faits.. 45. Parmi les• faits privilégiés, nous placerons. en' vingt-et- unième lieu, les- faits de las verge ou' du rayon, que nous. appe- Ions aussi faits de transport ou de non-ultra. Les. puissances et les mouvements- des- choses opèrent et s'exécutent-dans des; es- paces, non pas indéfinis et fortuits, mais fixes et déterminés; et il est fôrt important, pour la pratique, d'observer et de noter ces conditions précises dans chacune des natures étudiées, non— seulement pour qu'elle n'échoue point-dans chacune de. ces; ren- contres, mais encore pour qu'elle. soit plis puissante et plus riche. Car souvent il' est 'donné à l'homme d'augmenter la'porté'e' des forces naturelles et de rapprocher les distances;•comme•font les instruments d'optique. Il est des puissances en grand: nombre qui n&opèrent que'par un- contact manifeste, comme on le voit' dans•le choc' des corps, la force d'impulsion ne s'exerçant que si le moteur. touche- le mobile; les remèdes que l'on applique au dehors, comme' lés onguents, les emplâtres , n'ont d'efficacité qu',à l'a condition du contact. Enfin , les objets des deux sens du tact- et dis goût', ne font leur impression qu'en touchant nos- organes-. II est d'autres puissances qui opèrent à distance-, mais. à' dé très-petites distances. Ces puissances n'ont été jusqu'ici obser- vées qu'en petit nombre; elles sont en réalité beaucoup plus nombreuses qu'on ne le soupçonne vulgairement. Pour choisir un exemple parmi les phénomènes bien connus, c'est ainsi que le succin et le jais attirent les pailles; que les bulles approchées se dissolvent mutuellement; que certaines substances purgatives nous tirent les humeurs du cerveau , et autres faits semblables. La vertu magnétique par laquelle le fer et l'aimant, ou deux ai- mants se portent l'un vers l'autre, opère dans une certaine sphère d'une étendue médiocre; mais si il existe une vertu magnétique exercée par la terre elle-même (ayant sans doute son foyer à l'intérieur du globe), par exemple sur une aiguille de fer qu'elle polarise, une telle puissance opère certainement à une grande distance. - De plus, s'il existe une vertu magnétique qui opère par une sorte d'affinité entre le globe de la -terre et les graves, ou entre le globe de la lune et les eaux de la mer (ce que semblent dé- montrer les phénomènes constants du flux et reflux), ou entre la voûte étoilée et les planètes (dont cette hypothèse expliquerait l'apogée), toutes ces vertus opèrent évidemment à une très- grande distance. On a de plus l'expérience do certaines matières qui prennent feu à de grandes distances, comme on le rapporte de la naphte de Babylone. La chaleur, on le sait, se commu- nique à. de grandes distances; il en est de même du froid, comme l'éprouvent les habitants des côtes au Canada; car les masses de glace qui se détachent des régions polaires , et flottent vers l'Amérique à travers la mer du Nord et l'Atlantique, se font sentir èt répandent le froid de très-loin. Les odeurs aussi (bien qu'elles. ne se produisent qu'avec des effluves corporels), agissent à des distances considérables, comme nous le rappor- tent les navigateurs qui longent les côtes de la Floride ou cer- tains rivages d'Espagne, où il y a des forêts entières de citron- niers, d'orangers , et d'autres arbres odoriférants, ou des champi de romarin, de marjolaine, et d'autres plantes sembla- bles. Enfin, la lumière et le son produisent leurs effets à de très- grandd distances. Mais'toutes ces puissances, qu'elles opèrent à de faibles ou à de gra des distances, opèrent certainement à des distances dé- termin es et connues de la-nature, et leur sphère d'action a une limite fixe; laquelle est-en-raison composée de la masse ou de-la quantité des corps, de la force ou de la faiblesse des puissances, des facilités ou des obstacles apportés par . les milieux, toutes. choses dont on doit tenir.un compte fort exact. Il faut mémo me- surer jusqu'aux mouvements violents (ainsi qu'on les nomme), comme sont ceux des flèches, des projectiles, des roues et autres choses semblables, car ils ont, eux aussi, des limites déterminées. Contrairement aux puissances qui agissent au contact et non à distance, il en est d'autres qui agissent à distance et non au contact, et qui, mieux encore, ont une action plus faible à une plus petite distance, plus forte à une distance plus grande: Le fait de la vision s'opère mal au contact; il faut, pour bien voir, . quelque distance et un milieu. Cependant tin homme digne de foi nous dit un jour, qu'au moment où on l'avait opéré de la ça-. taracte (opération qui consiste à introduire une petit& aiguille d'argent sous la première membrane, à repousser ensuite dans un coin de l'eeil la petite peau qui forme obstacle à la vision), il . avait vu. très-distinctement l'aiguille se mouvoir sur la pupille. Quand même ce fait serait vrai, il n'en est pas moins certain que les corps un peu considérables ne sont vus bien. distinctement qu'à la pointe du cône formé par les rayons émanant des diffé- rents points de l'objet, et par conséquent à une certaine distance. Nous savons de plus que les vieillards voient mieux les objets éloignés que proches. Quant aux projectiles, le coup qu'ils frap-. pent est plus fort à une assez grande distance. Voilà des observa- tions qu'il faut recueillir avec soin, quand on étudie.l'effet des mouvements et les actions à distance. 11 est un autre Cire de mesures de mouvements qu'il ne faut pas négliger : ce sont celles des mouvements non plus progressifs,. mais sphériques, qui étendent les corps dans une plus grande sphère, ou les resserrent dans une plus étroite. Il faut recher- cher, en étudiant la mesure des mouvements, quelle contraction et quelle extension les corps (suivant leurs diverses natures) peu- vent facilement subir, et à quelle limite ils commencent à réagir, jusqu'au degré extréme qu'ils ne souffriraient pas de passer. C'est ainsi qu'une vessie gonflée d'air peut étui comprimée et souffre cette compression de l'air qu'elle renferme, jusqu'à de certaines limites; si on les excède, l'air résiste et rompt la vessie. Nous avons fait , pour établir ce principe, une expérience plus délicate et plus concluante. Nous nous sommes servis d'une pe- tite cloche do métal , très-mince et très-légère, telle que sont or- dinairement nos salière-s..Cette cloche fut plongée dans un bassin: d'eau de manière. à. porter avec elle jusqu'au. fond du bassin l'.air qu'elle contenait dans sa concavité. On.avait d'.abord placé une balle aub fond même du bassin, où devait étre descendue la cloche. Nous fîmes , dans ces conditions , deux expériences fort différentes: quand la balle était petite en. comparaison. de ,la concavité dé la cloche ,.l'air se resserrait dans l'espace laissé libre, il se contractait seulement' et. ne sortait pas de la cloclie ; quand la balle était plus grossc, et que l'espace manquait à l'air, alors sous cette compression trop forte, il soulevait la cloche d'un côté ou de l'autre, et s'élevait sous forme de bulles. Pour mettre en évidence l'expansion de l'air, comme nous avions démontré sa compression, nous'imaginâmes l'expérience que voici : nous primes un oeuf en verre, percé d'un petit trou à l'une des. extrémités; une partie de l'air fut extraite par ce trou, au moyen de la. succion,. et tout aussitôt le trou fermé avec le doigt .;.l'euf ensuite plongé dans l'eau, et le doigt retiré, l'air, qui était demeuré dans l'oeuf, et qui, en conséquence de la succion, s'était notablement dilaté, éprouvant dès lors une tendance à re- prendre son premier volume (si l'oeuf. eût été placé dans l atmc» sphère, et non pas dans l'eau, une certaine quantité de l'air exté- rieur serait entrée avec un. sifflement), l'eau pénétra dans le verre autant qu'il le. fallut pour. que cet air. dilaté reprît son premier volume:. - Il est donc certain que les'corps d'une très-faible densité, comme l'air, peuvent subir une contraction assez sensible ; tandis que les corps plus denses, comme l'eau, se contractent beaucoup plus difficilement,.et.dans une proportion bien moindre. Quelle est au juste. cette dernière • contraction,.c'est.ce que nous avons recher- ché,,en:faisant l'expérience suivante. Nous ftmes préparer. un globe de plomb creux, de là. contenance d'environ deux pintes, et de parois assez. épaisses pour qu'on pût le soumettre à une. action très-énergique. Ce globe fut rem- pli:d'eau, au moyen d'une ouverture qu'on avait. pratiquée; cette ouverture fut ensuite. fermée avec du plomb fondu,. quise souda très-exactement au reste du métal. L'eau ainsi enfermée, nous aplatîmes le globe de deux côtés, en le frappant avec un gros marteau; comprimant ainsi l'eau, de toute nécessité, puisque la forme sphérique est celle qui, toutes choses égales d'ailleurs, ale plus de capacité. Lorsque le marteau ne produisit plus d'effet, à cause de la résistance de l'eau à une pression plus forte, le.globe fut soumis à une presse très-puissante, jusqu'à ce qu'enfin l'eau, ne pouvant supporter une compression 'plus forte, s'échappa .à travers les parois de métal sous la forme d'une-rosée fine. En,der- nier ;lieu, nous déterminâmes par le calcul la. diminution devo- lume que l'intérieur.du globe avait subie, et nous .sûmes ainsi quelle avait été la compression de l'eau; 'mais pour la comprimer de.cette faible quantité, quelle violence :&avait-il pas .fallu lui faire ! :Les corps plus. compactes, les solides, les matières sèches, comme les pierres, les bois, .les ;métaux, ne subissent qu'une compression, ou une extension moindre encore et -presque im- perceptible ; on les voit se soustraire à :la violence qui leur est faite, soit en se brisant, soit en se portant en avant, soit par.des accidents d'une autre nature. Nous en avons assez d'exemples dans 'les pièces de bois, dans les lames de métaux éourbés.avec effort, dans les horloges qui. se meuvent au moyen d'une pièce de métal repliée sur elle-même, dans les projectiles, -dans les travaux de nos forges, et dans une multitude d'autres expérien- ces. Tous les changements de volume doivent être observés:at- tentivement, mesurés exactement par le physicien ; qu'il en ob- tienne, s'il le peut, la mesure mathématique; à défaut, qu'al ait recours du moins aux estimations ou aux comparaisons. 46. Parmi les faits privilégiés, nous mettrons :en vingt- deuxième lieu les faits de la carrière ou du cours de l'eau, en•em- pruntant cette expression aux clepsydres des anciens, où •l'on versait de l'eau au lieu de sable. Ce sont ceux qui nous donnent la mesure du temps, comme les faits de la verge nous donnent la mesure de l'étendue. Toute 'action et tout mouvement naturel s'accomplit dans le temps, lès uns plus vite, les autres plus :len- tement, mais en tout cas dans des proportions déterminées et connues de la nature. Ces actions mêmes, qui semblent s'ac- complir subitement . et en un clin d'oeil (comme •on'le dit), com- portent, si l'on y prend garde, le plus et le moins .par rapport-,au temps. D'abord, nous voyons que les révolutions des corps célestes s'accomplissent en des temps fixes et déterminés;; il en est de même du flux et du reflux de la mer. La chute des corps graves vers la terre, l'élévation des corps légers 'vers le 'ciel ont une durée déterminée, en raison de la nature des mobiles, ,et'des:mi- • lieux. Le Mouvement du vaisseau à voiles, la commotion des ani- .maux, le trajet des projectiles, ont aussi leur durée fixe et cal- culable, du moins à les considérer dans leurs caractères généraux. Quant à la chaleur, nous voyons les enfants, pendant l'hiver, se laver les mains dans les flammes sans se brûler. Nous voyons les joueurs de gobelets, par la prestesse et la sûreté de leurs mouve- ments, renverser un vase plein d'eau ou de vin, et le redresser ensuite, sans qu'il tombe une goutte de. liquide; on citerait bien d'autres prodiges de la rapidité. De même, les compressions, les • dilatations, les effusions des corps ont lieu, les unes plus vite, lei autres .plus lentement, suivant la nature- du corps et le ca- ractère du mouvement, mais toutes dans une mesure de temps déterminée. On remarque même que plusieurs pièces d'artillerie faisant explosion en même temps, leur détonation étant entendue 'quelquefois à la distance de trente milles, ceux qui sont moins ,- éloignés en perçoivent le bruit avant ceux qui. le sont davan- tage. Pour le sens de la vue même; dont la perception est d'une rapidité extrême, il importe encoré que le phénomène à saisir ait -une-certaine durée; ce qui est démontré par les mouvements qu'on n'aperçoit pas à cause de leur rapidité; comme est le trajet d'une balle;.car le vol de la balle est si rapide, que le temps manque pour déterminer sur l'organe de la vue une impression suffisante. • Cette observation et d'autres semblables ont fait.nattre dans notre esprit un soupçon vraiment étrange ;le spectacle d'un ciel . serein et parsemé d'étoiles, nous demandions-nous, est-il aperçu par l'homme au moment même où il existe; ne le serait-il pas un peu après ? et dans l'observation des cieux ne faut-il pas distin- • guer un temps vrai et un temps apparent, comme on distingue déjà en astronomie un lieu vrai et un lieu apparent, en ce qui concerne les parallaxes? I1 nous paraissait incroyable que les images ou plutôt les rayons des corps célestes fussent transportés subitement jusqu'à nous à travers des espaces si prodigieux; et nous ne pouvions nous empêcher de présumer qu'un pareil trajet demandait un certain temps pour s'accomplir. Mais ce doute s'est évanoui dans la suite (du moins relativement à une diffé- rence un *peu importante* entre le temps vrai et le temps appa- rent), quand nous avons réfléchi à l'affaiblissement, au déchet extraordinaire. de l'image du corps céleste, arrivant jusqu'à nous. après *avoir franchi une telle distance; sachant d'ailleurs que sur terre, les corps sont aperçus instantanément'à'la distancé de soixante milles au moins, pour peu qu'ils soient blanchâtres, comment douter en définitive de la rapidité infinie de la lumière céleste, qui surpasse par son intensité, et, sans aucune propor- tion, non-seulement la plus vive blancheur, mais encore l'éclat de toutes les flammes qui brillent ici-bas ? De plus cette vitesse extraordinaire des corps célestes, 'qui nous est attestée par le mouvement diurne (vitesse qui a paru à plusieurs hommes doctes tellement incroyable qu'ils ont mieux aimé admettre« le mouve- ment de la terre), nous permet de concevoir plus facilement la rapidité infinie de leurs rayons lumineux, bien que cette rapidité 'confonde notre imagination. Enfin, 'ce qui a le plus contribué à nous édifier sur_ ce Oint, c'est que s'il y avait un intervalle de temps un peu notable entre la réalité et l'apparence, il pourrait arriver que -les images fussent interceptées ou confondues, en beaucoup de circonstances, par les nuages s'élevant dans l'air, et par de semblables perturbations des milieux traversés. Mais en voilà assez sur les mesures absolues des mouvements. Ce n'est pas seulement la mesure absolue des mouvements et des opérations qu'il importe de connaître, c'est encore et bien plus, leur mesure relative; les connaissances de ce nouvel ordre sont d'un très-grand usage et ont une foulé d'applications. Nous savons que dans l'explosion d'une arme à feu, la lumière est aperçue avant que l'on entende lé son; quoique la balle ait né- cessairement 'frappé l'air avant que la flamme située derrière la balle ait pu jaillir : quelle explication peut-on donner au phéno- mène? Une seule, c'est que le mouvement de la lumière est plus rapide que celui du son. Nous savons aussi que les images vi- sibles arrivent.à l'ceil plus rapidement qu'elles ne le quittent; ainsi une corde d'instrument, poussée par le doigt, parait doublo ou triple à l'observateur, la seconde et la troisième image de la corde parvenant à l'eeil avant que la première l'ait quitté; ainsi l'anneau que l'on fait tourner parait un globe; un flambeau ar- dent porté rapidement durant la nuit, semble avoir une traînée de feu. C'est sur ce principe de l'inégale vitesse des mouvements que Galilée a fondé son explication du flux et du reflux de la mer; suivant lui, la terre se meut plus vite, la masse des eaux , plus lentement ; il en résulte que les eaux s'accumulent et s'en- tassent d'abord pour retomber ensuite, comme on le voit dans un bassin agité où l'eau s'élève et s'affaisse alternativement. Mais il a imaginé cette hypothèse, en supposant qu'on lui accor- derait, ce qu'on ne peut lui accorder, la réalité du.mouvement de la terre, et d'ailleurs en manquant d'informations exactes sur le mouvement alternatif de l'Océan et la durée.de ses périodes. Un autre exemple fera comprendre encore mieux et la :nature du sujet dont nous parlons en ce moment (les mesures compara- tives des mouvements) et principalement son extrême impor- tance ; ce 'sont les explosions des mines, où l'on voit une petite quantité de poudre renverser, projeter dans l'air .à de grandes hauteurs, des masses énormes de terre, des édifices, des construc- tions de toute nature. Voici la raison de ces prodiges ;le mouve- ment d'expansion de la poudre qui tend à projeter ces masses est incomparablement plus rapide que le mouvement de la pesanteur qui pourrait seul opposer quelque résistance; le premier•mouve- ment a produit son effet avant même que le second se fasse sentir; il s'ensuit donc qu'au premier moment la .poudreme ren- contre aucune résistance. Nous voyons aussi que pour lancer un corps au loin, mieux vaut un coup sec et vif qu'un coup très- fort; ce qui s'explique par les mêmes raisons. Comment serait-il possible, d'ailleurs, «qu'une petite quantité d'esprit animal par- vînt à mouvoir d'aussi grandes masses que sont les corps. de .la haleine et de l'éléphant, si le mouvement de l'esprit, par sa promptitude, ne prévenait la résistance de la masse corporelle, lente à opérer, et ne supprimait à l'avance tout obstacle? . Enfin, c'est ici l'un des principaux fondements des expériences magiques, dont nous 'parlerons bientôt (leur caractère général étant qu'une petite masse de matière en surmonte.une beaucoup plus grande et la mattrise); elles ont lieu parce que de deux mou- vements, l'un, par sa rapidité, prévient l'autre et s'achève, avant, que le second produise son effet. Disons, en terminant, que dans todtes.les actions naturelles il importe de•distinguer les deux temps, en marquant ce qui test d'abord, et ce qui est ensuite. Par exemple, dans l.infusion de rhubarbe, la vertu purgative se manifeste la première,^et ensuite le pouvoir astringent; nous avons observé quelque. chose de sem- blable en préparant une infusion de violettes dans le vinaigre ; d'abord, il 's'exhale une odeur douce et délicate, ensuite' se ;déga- gent les parties terreuses de la fleur, et l'odeur est perdue. C'est pourquoi, si l'on fait infuser des violettes pendant aine journée entière, on n'obtient qu'une odeur très-faible ;.mais, que l'infusion dure un quart d'heure seulement, après lequel on.retire les fleurs (l'esprit odorant de la violette est très-faible), pour .en mettre.de nouvelles, en recommençant ainsi l'opération jusqu'à .six. fois pendant une heure et demie, on obtiendra une infusion exquise ; la violette n'aura pas séjourné dans l'eau plus cruel ,heuretet demie, et cependant l'essence aura un parfum délicieux, ne le cé- . dapt en 'rien à celui de la fleur, et se conservant une année-en- •tière. Notez que le parfum n'aura acquis toute sa force qu'un mois après l'infusion faite. Quand on distille les plantes aromati- ques, macérées d'abord à l'esprit-de-vin, on voit qu'il s'élève au début un certain phlegme aqueux et sans valeur, ensuite monte une eau plus spiritueuse; enfin, l'eau qui contient la véritable essence.des aromates. En étudiant les distillations, on.aurait.ainsi ,à recueillir une multitude d'observations, dignes d'int'érét. -Mals en voilà assez, pour de simples exemples. 47. Parmi les faits privilégiés, nous mettrons en vingt-troi- sième lieu les faits de quantité, que nous appelons aussi doses de 'la .nature, en empruntant cette expression •à la médecine. Ce sont ceux qui mesurent les .forces par la quantité.des corps, et qui montrent l'influence .de la quantité sur. le .mode de force et d'action. Et d'abord, il est des forces qui ne peuvent subsister que dans un corps d'une quantité côsmique, c'est-à-dire d'une.quantité telle, qu'elle soit .en harmonie avec la'configuration et la composition de l'univers. :La terre est stable, les parties sont mobiles et tombent. Le flux et le reflux s'observent dans ,la mer, et non dans los.fleuves, si .ce n'est quand la mer y remonte. Toutes les forces ou puissances particulières opèrent suivant la plus ou moins grande quantité des corps. .Une grande nappe d'eau ne se corrompt pas facilement ; un peu d'eau se corrompt vite. Le vin et la bière se bonifient beaucoup plus vite dans de petits vases'que dans de grands .tonneaux. Si l'on met de l'herbe aromatique dans une grande quantité de liquide, on a plutôt une infusion qu'un élixir; .si c'est:dans une petite quantité, on a plutôt un élixir qu'une infusion. Un bain produit sur le corps un tout.autre effet qu'.une ondée. Les petites rosées 'répandues dans l'air ne retombent jamais, elles se dissi- petit ou se fondent dans la masse atmosphérique. Soufflez sur un diamant, vous verrez cette petite vapeur se dissiper 'immédiate- ment, comme un nuage se dissipe à l'impulsion du vent. Le fragment d'un aimant n'attire pas autant de fer que l'aimant en- tier. Par 'opposition, il est certaines forces dont la puissance est en raison inversé de la masse des corps où elles s'exercent; un stylet acéré pénètre mieux qu'un stylet émoussé; un diamant taillé en pointe entame le verre; ainsi de vingt autres expériences. Ici il ne faut point s'arrêter à des considérations abstraites et vagues, mais il faut étudier exactement les rapports de la quantité ou masse des corps avec leurs modes d'action. On serait tenté• de croire que les rapports de puissance sont en raison directe des rapports de quantité, de sorte que, si une balle de plomb pesant unè once tombe en un certain temps, une balle de deux onces devrait tomber deux fois plus vite :-ce qui est complétement faux. Il n'y 'a donc pas égalité entre cés différents rapports; mais ils suivent des lois fort diverses, lois qu'il faut demander à l'obser- vation de la réalité, et non à des vraisemblances ou des conjec- tures. Enfin, dans toute étude de la nature, il faut rechercher quelle quantité de matière, que l'on peut comparer à une certaine dose, est nécessaire à la production d'un effet donné, et prendre garde d'en employer trop ou trop peu. 48. Parmi les faits privilégiés, nous placerons en vingt-qua- trième lieu les faits de la lutte, que' nous nommons aussi faits de prédominance. Ce sont ceux qui nous montrent la prédominance ou l'infériorité des forces les unes à l'égard des autres, et nous font connattre celles qui l'emportent et. celles qui succombent. Les mouvements et les efforts des corps sont composés, décom- posés et compliqués, tout comme les corps eux-mémés. Nous pro-' poserons d'abord les diverses espèces de mouvements ou de vertus actives pour rendre plus claire la comparaison de leurs puissan- ces, et par là la nature et l'explication des faits de la lutte ou de prédominance. Premier mouvement; celui de résistance (antitypke), qui'ap- partient à chacune des parties de la matière, et en vertu duquel - il est impossible de l'anéantir. Ainsi, nul incendie, nulle pression, nulle violence, nulle durée, nulle ancienneté ne peut réduire à rien une partie de la matière, quelque petite qu'elle soit, ne peut l'empêcher d'être quelque chose, et. d'occuper un certain lieu, de se dérober à la nécessité qui !a presse, en changeant ou de forme'ou de plàce, et même, si' le changement est impossible, en demeurant comme elle est. En un mot, quelque puissance que ce soit ne réduira jamais Une molécule à n'être rien, ou nulle part. . C'est à ce mouvement qu'il faut 'rapporter cet axiome de l'école (qui désigne et définit les choses plutôt par leurs efféts et leurs inconvénients que par les principes intimes:) c deux 'corps ne peuvent être ensemble dans un môme lieu; A elle le désigne encore, en disant qu'il empêche que les dimensions se pénètrent. Inutile de proposer des exemples de résistance, puis- qu'elle appartient à tous les corps. 2° Mouvément de liaison et de continuité (nexûs), par lequel les corps'se lient et s'enchatnent les uns aux autres, de telle sorte que le contact des parties de la matière ne peut être rompu en aucun point ; c'est ce que l'école appelle l'horreur du vide (ne delur vacuum). C'est ainsi que l'eau s'élève par 'la succion ou par les pompes; la chair à l'aide des ventouses; c'est ainsi que l'on voit dans un vase percé par le bas, l'eau de- meurer immobile, et ne s'écouler qu'alors qu'on ouvre le vase par le haut, pour donner accès à l'air; on pourrait citer 'une infinité d'expériences semblables. - 3° Mouvément de réaction (liberlatis), par lequel les corps ., comprimés ou dilatés et tendus reviennent à leurs premières di-. mensions. Il y en a aussi des exemples à l'infini. On voit réagir l'eau comprimée, par le poisson qui,nage; l'air, par l'oiseau qni vole; l'eau encore, par les coups des rameurs; l'air, par les ondulations des vents; les lames de métal dans les horloges. Un exemple curieux de réaction de l'air comprimé se voit dans les petites sarbacanes qui servent de jouet aux enfants; ils creusent un morceau d'aune ou de quelque autre bois assez doux; ils y font pénétrer, par les deux extrémités, une sorte de bourre,' qui n'est autre qu'une. racine pleine de suc; ensuite ils poussent à l'aide d'un piston la bourré d'une extrémité contre celle de l'autre; bientôt la seconde bourre s'échappe avec bruit, sous la • pression de l'air, avant que la première, chassée par le piston, soit arrivée jusqu'à elle. Quant à la réaction inverse (contre l'expansion subie), on en voit des exerriplés, dans l'air qui reste à l'intérieur d'un oeuf de verre après la succion, dans les cordes, le cuir, les étoffes, qui reviennent à leur première étendue après une tension, à moins cependant que la longue durée de la tension ne les ait habitués à leurs dimensions nouvelles. L'école, pour distinguer ce mouvement, l'attribue à la .forme de l'élé- ment (ex formel elementi) , ce qui est l'. hdice .d'une 'pauvre physique; puisqu'un tel mouvement appartient non-seulement à l'air, à l'eau,.au feu, mais:encore à tout ce qui a quelque consi- stance, comme le bois, le fer, le plomb, le 'drap, les mem- ,branes, etc.; tous ces corps ont leurs dimensions déterminées, • et ne subissent pas facilement une' extension un 'peu sensible. " Le mouvement de réaction ayant lieu à tout instant, et.produi- sant des effets à l'infini, n'importe beaucoup de le .bien connattre et de le distinguer sûrement. Il y a des physiciens qui le confondent, paryne•inadvertance étonnante, avec les deux premiers mouvements, de résistance et de continuité, assimilant la réaction à la pression, au mou- vement de résistance; la réaction à la tension, -à celui de con- tinuité : comme si les corps comprimés se dilataient., pour qu'il n'y -ait pas pénétration des dimensions; comme si les corps tendus se resserraient, pour qu'il ,n'y ait pas de vide. Mais, si l'air se comprimait jusqu'au point d'acquérir la densité de l'eau, .le bois , jusqu'à la densité de la pierre, il ne serait pas question pour les dimensions de se pénétrer; et cependant l'air et le :bois subiraient une compression bien autrement forte.que celle•où la réduisent dans l'ordre actuel des choses nos plus puissants moyens; de mémo, si l'eau se dilatait jusqu'à n'avoir plus que la densité de l'air, ou la pierre celle'du bois, il ne.serait pas question de vide; et cependant l'eau et la pierre auraient subi une extension bien supérieure à celle qu'elles. comportent main- tenant. Ainsi donc le mouvement de réaction ne peut se con- fondre avec les deux premiers, si ce n'est peut-être quand la .compression et la tension sont parvenues à leurs limites..Ordi- ;nairement, les réactions se produisent bien en deçà des limites, et ne sont autre chose que la tendance des corps à se maintenir dans.leurs dimensions naturelles (ou, si l'on,aime mieux, dans leurs formes propres) , et à ne pas s'en écarter subitement; tout écart, pour être durable, devant s'opérer par des voies douces et de manière à ce que les substances s'y prêtent d'elles-mêmes. Ce qu'il y a de très-important à ce sujet, à cause des consé- . quences nombreuses du principe, c'est de bien inculquer dans l'esprit dss hommes, que le mouvement violent (auquel nous donnons le nom de mécanique , et que Démocrite, le dernier des philosophes dans la théorie des mouvements élémentaires, appelle mouvement. de percussion) n'est autre chose que notre mouvement• de réaction, du moins "cette première espèce de réaction',: dirigée contre la pression. En. effet,. voulons-nous pousser un corps, ou le lancer dans l'air, le mouvement n'aura pas. lieu, si. les parties touchées. du mobile n'éprouvent d'abord une pression extraordinaire par le fait du moteur. Les parties se poussent les unes les autres, et le corps: entier est emporté d'un mouvement, général, non-seulement de progression mais de rotation; car c'est, ainsi seulement que les diverses molécules dii mobile peuvent. se soustraire à la contrainte, ou du moins la supporter plus aisément. Mais en. voilà assez sur ce troisième mouvement. 4°• Mouvement opposé au, précédent, et qui porte les. corps. à prendre des dimensions nouvelles (hyles).Par le mouvement de réaction les corps répugnent à changer. de volume, à prendre de nouvelles dimensions, soit en se dilatant, soin en, se contrac- tant (changements divers auxquels un même principe fait, obstacle); ils y résistent, ils luttent, et s'efforcent. de toute leur puissance, quand la modification est subie, à reprendre leurs dimensions premières. Au contraire, par ce nouveau mouvement, ils tendent à changer de dimensions, de sphère; non-seulement. cette' tendance est naturelle et spontanée, quelquefois elle sa déclare avec une énergie extrême, comme dans la poudre e canon. Les instruments d'un tel mouvement, non pas les. seuls,. mais les plus puissants, et ceux qui agissent.dans le plus grand nombre de circonstances,, sont la chaleur et le froid. Exemple: l'air, dilaté par une simple tension, comme dans un oeuf de. verre, après la succion, tend avec effort à reprendre son'premier volume; faites-le chauffer, il tend au contraire à se dilater, il semble aspirer à une plus grande sphère, il s'y porte spon- tanément, comme s'il était destiné à cette nouvelle forme (pour. employer le langage consacré) ; après. une dilatation sensible,, il ne tend pas à revenir à son premier volume, à moins qu'on ne l'y invite en le refroidissant; mais'sous l'influence du froid, ce: n'est' pas-.un mouvement de réaction, c'est un second change ment qui succède à un premier. De même l'eau soumise à la; compression; réagit; de toute sa force elle cherche à reprendre son premier volume. Survient-il un froid intense et prolongé; . elle se transforme spontanément, elle sa congèle; et si le froid continue toujours sans interruption, l'eau se change en cristal, ou en quelque matière semblable, et ne revient plus à son pre- . mier état. 5° Mouvement de continuité (continuationis). Ce n'est pas le mouvement de liaison (nexûs) par lequel deux corps s'attachent et s'unissent, mais celui de la continuité des parties dans une seule et même substance déterminée. Il est très-certain que tous les corps répugnent à la solution de continuité, les uns plus, les autres moins, mais tous jusqu'à un certain point. Pour les corps durs (comme le verre, l'acier), la résistance à toute solution de continuité est très-énergique; pour les liquides, où il semble que ce mouvement soit étouffé et 'même anéanti, on reconnatt cependant qu'il n'est ,pas absolument nul, qu'il y. -existe à un très-faible degré, et qu'il se manifeste dans un assez grand nombre. d'expériences ; par exemple, on peut l'observer dans les bulles, dans la forme sphérique de leurs gouttes, dans le filet délié de l'eau qui tombe des gouttières, dans la viscosité des corps gluants, etc. Cette répugnance des. corps se manifeste surtout, lorsqu'on veut opérer sur leurs menus fragments. Par exemple, dans un mortier, lorsqu'on a broyé le corps jusqu'à un certain point, le pilon ne produit plus d'effet ; l'eau ne pénètre pas dans les fentes trop petites; l'air lui-même, malgré la subtilité singulière de sa nature, ne s'insinue pas du premier coup dans les pores des vases très-solides; on ne l'y voit pénétrer qu'à la longue. . 6° Mouvement , que nous appellerons mouvement de lucre. ou, d'indigence. Celui par lequel un corps, placé entre des substances hétérogènes et en .quelque sorte ennemies , s'il_ trouve moyen d'éviter ces substances, et de s'unir à d'autres qui ont pour lui plus d'affinité (alors mème que les dernières n'auraient cette affinité qu'à un degré médiocre), saisit immédiatement ces der- nières, témoignant pour elles une préférence. non équivoque ; un tel corps, dans ces circonstances, semble faire . un profit (un lucre), et attester le besoin ou l'indigence qu'il avait de. la matière saisie. Par exemple, l'or, ou tout autre. métal réduit en feuille, n'aime pas à être plongé dans l'air ; en conséquence, s'il rencontre un corps tangible et solide (comme le doigt, du pa- pier, etc.), il y adhère subitement,' et ne s'en laisse pas facile- ment séparer. Le papier, le drap, les autres tissus, ne s'accom- modent pas bien de l'air qui s'est insinué. dans leurs pores; aussi, dès quo l'occasion, se présente, ils absorbent l'eau ou tout autre liquide, et expulsent l'air. Par la mémo raison le sucre, ou une éponge plongés en partie dans l'eau ou le vin, mais dépas- sant de beaucoup en hauteur le niveau du vase, absorbent peu à peu le liquide, et le font monter insensiblement jusqu'à leur sommet. La connaissance de ce mouvement fournit d'excellents pro- cédés pour les décompositions et les dissolutions. Mettant à part les substances corrosives et les eaux-fortes, qui se frayent violemment un passage ; il suffit de chercher une matière qui ait plus d'affinité pour le corps à séparer, que celui-ci n'en a pour un troisième corps auquel il est actuellement et forcément réuni; à la seule présence de cette matière, le phénomène aura lieu, 1 ecorps à séparer s'unissant à ce qui l'attire, pour rejeter ce qui lui répugne. Ce n'est pas seulement au moyen du contact que s'opère le mouvement de lucre; car les phénomènes élec- triques (au sujet desquels Gilbert et d'autres après lui, ont inventé tant de chimères) ont tout simplement pour cause, la tendance de certain corps excité par un léger frottement, s'ac- commodant mal de I'air, et s'attachant à quelque matière tangi- ble, s'il en est à proximité. 7° Mouvement par lequel les corps se portent vers les grandes masses de substance semblable nous le nommons , mouvement d'agrégation majeure (congregationis majoris) : ainsi les graves se portent vers • la terre, les corps légers vers le ciel. L'école le nommait mouvement naturel; pourquoi? par des raisons très-superficielles ou parce qu'on ne voit rien de frap- pant au dehors qui le prôduise (ce qui donnait à penser qu'il est inné aux corps) ; ou parce qu'il est perpétuel; ce qui n'a rien d'étonnant, puisque lé ciel et la terre sont toujours là, tandis que les causes de la plupart des autres mouvements sont tantôt présentes, tantôt absentes. Voyant donc que ce mouve- ment. est sans interruption, et qu'on peut le constater partout et toujours quand les autres cessent , récole a jugé bon de le déclarer naturel et perpétuel, nommant les autres accidentels. La vérité est que ce mouvement a pour caractères, la faiblesse. et la lenteur; et que (hors des masses énormes), ii le cède aux antres mouvements, dès que ceux-ci se produisent. Et, quoiqu'il ait préoccupé à peu près seul, au détriment des autres, la pensée des hommes, on doit avouer qu'il est fort peu connu, et qu'une foule d'erreurs ont cours à son sujet. 89 Mouvement d'agrégation mineure (congregationis 'mina- ris) , par lequel les parties homogènes d'un corps se séparent des hétérogènes, et se réunissent; par lequel aussi, des corps entiets'se saisissent et s'embrassent en raison de leur-similitude do nature, et souvent même, à travers une distance, s'attirent, s'apprdchént, s'assemblent. C'est ainsi que, dans le lait,la crème s'élève et surnage •au bout d'un certain temps; -que, dans le vin, la lie et le tartre se déposent. Ces phénomènes n'ont pas pour cause la: légèreté où la pesanteur, triais bien-réellement la ten- dance des parties homogènes à se. rejoindre' ét'à s'agglomérer. Ce mouvement diffère 'du précédent (le mouvement d'indigence) en 'deux points : l'un, c'est que dans le mouvement d'indigenc l'action 'principale vient de la répugnance des matures .conÉraires et ennemies; tandis qu'ici (pourvu qu'il. n'existe pas de lien, ni , d'obstacle) les parties se réunissent, uniquement en vertu de leur convenance, et sana qu'il y ait besoin du stirhulant.d'une 'nature ennemie; l'autre, c'est qu'ici Punionldes parties est plus étroite, comble si leur'mùtuellé convenance, étant toute 'spontanée , les unissait plus intimement. Par lé mouvement d'indigence, :les' corps évitent quelque substance ennemie, et lassémblent Même satis•afl'tnité bien déclarée:; par lé mouvement dont nous parlons maintenant, les substances s'unissent, enchatnées par le lien d'une étroite ressemblance, et 'des éléments `distincts :se ré- dûiam t à une véritable unité. Ce 'mouvement a son effet dans tous 'les corps oomposés ;• il se manifesterait facilement dans cha- cû'n d'eux; s'•il 'n'était comprimé; et empêché par les autres ten- dances des corps, et par des-lois qui vont jûsqu'à:rotitpre.la plus intime union, 'Ce. mouvement. rencontre un .triplo «obstacle : la- torpeur des' corps; le frein 'que loir imposent d'autres corps :plus -puissants, des mouvements étrangers 'et différents. .a:.Torpeür des,corps. Il est certain que les corps tangibles ont tous 'un certain degré de ce qu'on peut nommer. paresse, et qu'ils' répugnent au mouvement local ; il 'est certain:qu'à •moins d'une excitation, ils 'se tiendront dans l'état où ils sont, plutbt'que' de' se mettre 'd'éux-rnémes en meilleur état. 'Cette torpeur 'est com- battue par troismoyens: ou par la chaleur, ou par-l'action.pré- pondérante de quelque corps en lien d'affinité, 'ou par une;imptil- sien vive et puissante. En premier lieu, quant 'au secours lque fournit la chaleur, c'est de là que vient ce principe.: la cha- leur est ce qui sépare les parties hétérogènes, et unit les:homo gènes; a espèce de définition péripatéticienne dont Gilbert s'est moqué• avec raison, disant que c'est comme si l'on définissait l'homme ce qui sème du blé, et plante des vignes. » C'est, en. réalité, définir la chose par ses effets, et'encore par certains effets tout spéciaux. I1 y a plus : les.effets spéciaux ici ne viennent pas directement de la puissance du calorique; la ;chaleur ne les pro- duit que par accident (on le voit bien à ce fait que ;froid en fait tout autant, comme nous le dirons plus tard) ; leur cause vé- ritable c'est .la .tendance des parties homogènes à s'unir, ten- dance favorisée seulement par,la chaleur qui dissipe cette torpeur, premier obstacle au mouvement dont nous parlons. Quant au secours que l'on tire 'de la force prépondérante d'un corps ana., logue, on le voit à merveille dans l'aimant armé, qui développe dans le fer le pouvoir'de soutenir le fer, en raison de leur na- ture identique, après avoir secoué la- torpeur-du .fer par Ia'vertu magnétique. Enfin, quant au secours que fournit une vive impul- sion, on peut l'observer dans les flèches de bois, dont la .pointe est simplement de bois, et qui pénètrent plus profondérnent dans un arbre que si leur pointe était de fer, à cause de la similitude de substance; les flèches, par la .rapidité de 'leur mouvement, rompant la torpeur de l'arbre.. Nous avons .déjà cité .ces deux expériences dans -notre aphorisme sur les faits clandestins. (Aphor. 25.) b. Frein qu'imposent à un, corps. d'autres ,coups plus puissants. Nous en voyons •d'es -exemples dans la décomposition du sang et des urines par le froid. Tant que-ces substances sont pénétrées. d'un esprit subtil, qui -domine et mattrise toutes leurs-diverses parties, il n'est pas possible aux molécules,hômogènes ide Ise réu- nir; mais lorsque cet-esprit s'est évaporé., ou qu'il. a été:suffoqué par.le'froid, alors les. parties homogènes délivrées'do son frein ise réunissent sùivant leur tendance naturelle. . 'C'est là ce qui 'explique pourquoi 'les corps qui contiennent un esprit âcre, comme les sels, .par exemple, se•conservent et ne se décomposent pas; le frein de cet; esprit ,. dominant ,et -impé- rieux, les maintenant sans cesse: -- Mouvements étrangers et différents. Exemple i l'agitation ;des corps, ;qui. en empêche la. putréfaction. Le principe de tonte putréfaction, c'est l'aggloméra- tion des parties,homogènes ; de là viennent ces-deux phénomènes, corruption de l'ancienne forme, génération d'une ferme nou= voile. La putréfaction, qui prépare les voies à la génération de la forme nouvelle , est précédée de la destruction de l'ancienne forme; et cette destruction n'est autre chose que l'agrégation des parties homogènes. Si le mouvement d'agrégation ne ren- contre aucun obstacle, alors il s'ensuit tout simplement une dé- composition ; si les obstacles se présentent, le phénomène tourne à la putréfaction qui n'est que le rudiment d'une génération nou- velle. Que si la substance est agitée fréquemment (ce 'dont il s'agit en ce moment), alors le mouvement d'agrégation (qui est faible, délicat, et ne s'opère qu'à l'abri "des perturbations extérieures), s'embarrasse et cesse, comme nous le voyons dans une foule d'expériences : ainsi, l'eau sans cesse agitée ou l'eau courante ne contracte jamais 'de putréfaction; les vents em- pêchent l'air de devenir pestilentiel; les grains se conservent mieux dans nos greniers, quand on les agite et les retourne; en un mot, tout ce qui est agité par une impulsion extérieure, ne con- tracte pas" facilement de putréfaction à l'intérieur. N'oublions pas ce genre de réunion des parties, d'où pro- viennent l'endurcissement et le.desséchemént. Lorsque l'esprit ou les parties humides convertiés en esprit, se sont exhalées d'un corps assez poreux (comme le bois, les os, les membranes, et autres semblables), alors les. parties plus épaisses, par un redoublement d'effort, se rapprochent et se joignent, d'où ré- sultent l'endurcissement et le desséchement. Suivant nous, la vraie cause de ce phénomène n'est pas tant le mouvement de continuité (l'horreur du vide), que le mouve- ment d'affinité et d'union naturelle dont nous parlons. en ce moment. Il existe aussi, disons-nous, une attraction à distance; c'est un sujet*assez rarè d'observation; ét cependant, moins rare qu'on ne le croit communément. Exemiple: une bulle qui dissout une autre bulle; les purgatifs qui, par l'analogie de substance;. tirent les humeurs; les cordes d'instruments 'différents, qui se mettent d'elles - mêmes à l'unisson ; et bien d'autres de ce genre. ,Nous estimons qu'il y a une vertu de Let ordre dans les. esprits' animaux ; mais elle est jusqu'ici complétement inconnue; du moins est-elle manifeste dans l'aimant et le fer aimanté. Mais pour parler des mouvements magnétiques, ii faut nécessairement les distinguer en plusieurs espèces. Il y a, en effet, quatre vertus magnétiques, fort distinctes, et quatre es- pères d'opérations qu'il' ne faut pas confondre, comme a fait jusqu'ici lè vuIgaire, saisi d'admiration et d'éblotiissement.: 1° mouvement 'd'attraction .de l'aimant pour l'aimant, du fer pour l'aimant; du fer aimanté pour le fer; 2° mouvenient qui résulte de la polarité et de la déclinaison magnétique; 3° mou- vement de pénétration à travers l'or, le veire, la pierre, toutes les substances, en un mot; 4° mouvement par lequel l'aimant com- munique sa vertu 'au fer,' sans le concours d'une substance inter- posée. En ce moment , nous ne parlons que de la* première es- pèce de mouvements, c'est-à-dire de l'attraction. Il existe aussi une attraction fort remarquable du vif-argent et de l'or; on voit l'or attirer le'vif-argent, même quand celui-ci est mêlé avec un onguent;'et les ouvriers qui se trouvent ordinairement exposés aux vapeurs du vif-argentont-coutume de tenir dans la bouche un morceau d'or pour recueillir ces émanations, qui ,"sans cette précaution , envahiraient leur cràne et leurs os; après quelque temps' de service, cé morceau d'or blanchit. Nous terminons ici ce que 'nous avions à dire du mouvement d'agrégation mineure. 9° Mouvement magnétique, qui, appartenant à la classe des mouvements d'agrégation mineure, mais opérant quelquefois à de grades_ distances et sur des masses considéràbles , mérite à ce titre une investigation spéciale , surtout quand il ne com- mence pas par un contact', comme la plupart des autres mouve- ments; ne se termine pas non plus à un contact', comme le font tous les mouvements d'agrégation, et se borne à élever" les corps Ou à les enfler, sans rien produire de plus. S'il est vrai que la lune élève les eaux, et que sous son influence la nature voit se gonfler les masses humides ;*si le ciel étoilé élève les planètes jusqu'à leur apogée ; si le soleil enchalne les astres de Vénus et de Mercure, ét ne leur permet pas de s'éloigner au delà d'une cer- taine distance; il semble bien que ces mouvements n'appar- tiennent ni à l'espèce de l'agrégration majeure , ni à celle de l'agrégation mineure, mais que, tendant à - une agrégation moyenne et imparfaite, ils doivent constituer une espèce à'part. 10° Mouvement opposé à celui de l'agrégation mineure , nous le' nommons mouvement de fuite- (fugæ); c'est par lui que les corps fuient les substances qui leur répugnent, et, récipro- quement, les mettent en fuite, qu'ifs s'en séparent et refusent de se mêler avec élles.' Quoique ce mouvement paraisse , dans cer- Laines circonstances, n'exister que par accident, ou par consé- quence , et se réduire ainsi au mouvement d'agrégation mi- neure , les parties homogènes ne peuvent s'unir qu'après avoir quitté et repoussé les hétérogènes; cependant, la vérité est que ce mouvement, de fuite a une. existence propre, et doit constituer une espèce distincte, parce que, dans un grand nombre de cas, le fait dominant, c'est la tendance à fuir et non pas la tendance à s'unir. On voit ce mouvement très-manifeste dans les excrétions des animaux; on le voit aussi dans les répugnances de quelques sens, principalement de l'odorat et du goût. Une odeur fétide est repoussée tellement par l'odorat, qu'un mouvement d'expulsion se déclare .par sympathie à l'orifice de l'estomac; une saveur amère et rebutante est repoussée tellement par le palais ou le gosier, que toute la tète est saisie d'un ébranlement, qui est le . signe de l'aversion portée au comble. Ce ne sont pas là les seuls exemples du mouvement de fuite. On peut l'observer dans cer- taines antipéristases, comme celle de la région moyenne de l'air dont le froid habituel ne paralt,être qu'une réjection de la nature essentielle du froid, repoussée de la région céleste; ainsi parait-il que les grandes chaleurs et les foyers ardents de certains lieux souterrains ne sont que des réjections de la chaleur surabon- dante, qui brûle l'intérieur du globe. La chaleur et le froid, quand ils sont en petite mesure, se détruisent mutuellement; mais quand ils, sont en grande quantité, et en ce qu'on pourrait appeler armées réglées, ils se livrent bataille, et s'excluent l'un l'autre de leurs positions. On dit que le cinnamome et les autres substances odori- férantes, quand on les place près des latrines et des autres lieux fé- tides, gardent plus longtemps leur odeur, parce qu'ils répugnent à l'exhaler et à la confondre avec les émanations fétides. Le mer- cure, dont les molécules tendent à l'agglomération, en est em- péché par la salive de l'homme, par la graisse de porc, par la térébenthine et autres matières analogues; plongez-y du mercure, la répugnance qu'il éprouve pour les natures hétérogènes de- vient pour lui le fait dominant, et l'on voit son mouvement de fuite pour ces milieux l'emporter sur la tendance de ses parties à s'unir; c'est ce que l'on appelle mortification du mercure. Vous observez que l'eau et l'huile ne se mêlent pas; ce n'est pas tant à cause de leurs densités différentes, que de leur répugnance mutuelle ; car l'esprit-de-vin, qui est plus léger que l'huile, se mélo fort bien avec.l'eau. Où le mouvement de fuite se manifeste le mieux , ic'est dans. le nitre et dans les autres substances crues de cetteiespèce.,, qui. ont horreur de la flamme ,' comme. la poudre à canon, le vif-argent, et même l'or. Quant au.mouvement par lequel le fer fuit l'un 'des pôles. de l'aimant, Gilbert a fort bien vu que ce n'est pas un mouvement de fuite, à proprement parler, mais un effet de la conformité et de.la tendance à, prendre la si- tuation respective la plus convenable. 11° Mouvement d'assimilation ou de multiplication de soi- méme, ou encore de génération simple. Nous .nommons général. tien simple , non pas. celle des corps entiers , comme dans les familles végétales ou animales, mais celle des corps similaires. En vertu de ce mouvement, les corps convertissent en leur.pro- pro nature et substance d'autres corps, avec lesquels ils ont de l'affinité , ou qui du moins sont bien disposés et préparés à cette , transformation. Ainsi la flamme se- multiplie au moyen des exhalaisons et des corps huileux , et engendre de nouvelles flammes ; ainsi l'air se multiplie au moyen de l'eau et des corps aqueux. et engendre de nouvel air ; l'esprit végétal,ou animal se multiplie au moyen des petites parties, tant des corps huileux que des corps aqueux, qui sont ses aliments, et engendre de nouvel esprit ;- les parties solides des plantes et des animaux, comme.la feuille, la fleur, la chair, l'os, et autres de même genre, se multiplient au moyen du suc des aliments quelles s'assimilent, réparent ainsi leurs pertes, et augmentent leur substance. Car personne né s'avisera. d'extravaguer avec Paracelse, qui (la tête perdue par ses distillations) voulait que la nutrition s'opérât par voie de simple séparation, et que le pain, par exemple, recélât des yeux, des nez, des cerveaux, des foies ; les sups de la terre, des racines,, des feuilles, des fleurs. Comme• un, artiste extrait d'une masse informe de pierre ou de bois, en détachant et rejetant le super,flu., • feuilles,, fleurs, yeux., nez , pieds , mains, et autres membres;, ainsi, disait-il, . l'archée,:.cet artiste intérieur,, extrait des aliments, par voie de séparation et de réjection,.chacun des membres;, chacune des,pièces de l'organisme.. Laissons ces folies, et reconnaissons ce. principe parfaitement établi , que chacune des parties, similaires ou organiques, dans les végétaux et les animaux, attire d'abord avec une certaine préférence les sucs des aliments qui lui sont homogènes , ou du moins analogues, se les assimile ensuite et les convertit en sa propre substance. Cette assimilation ou génération simple n'a pas lieu seulement pour les corps animés; les inanimés participent aussi à ce dou- . ble mouvement , comme nous l'avons dit au sujet de la flamme et de l'air. Il y a plus.; l'esprit mort qui est enfermé dans tous les corps' tangibles, travaille perpétuellement à absorber les parties pesantes et à les convertir en nouvel esprit, qui ensuite s'exhale-; ainsi s'explique la diminution de poids et le desséche- ment , comme nous l'avons dit ailleurs. En traitant de l'assi- milation, il ne faut pas négliger cette espèce d'accrétion, »que l'on distingue ordinairement de l'assimilation , et dont voici des exemples : la terre qui se durcit entre les cailloux et se change en une matière semblable à la pierre; l'écaille des dents qui de- vient une substance aussi dure que les dents elle-mémes , etc. Suivant nous, tous les corps ont une tendance à s'assimiler d'au- tres corps, non moins qu'à s'unir à leurs homogènes; mais cette tendance à l'assimilation est empêchée tout comme l'autre , bien .que ce soit par des obstacles différents. Quels sont ces obsta- cles? par quels moyens peut-on les lever? questions du plus - haut intérét, parce que de leur solution dépend l'art d'écarter ou de restaurer la vieillesse. Notons encore que, par tous les mouvements exposés jusqu'ici , les corps tendent seulement à leur conservation , par celui-ci ils tendent à leur propagation. 2" Mouvement d'excitation , qui parait appartenir à l'espèce précédente (mouvement d'assimilation), et que, pour ce motif, nous confondons quelquefois, sous un même titre, avec le précé- dent. Par.celui-ci comme par l'autre, le corps tend à s'étendre , à se communiquer , à se transmettre, à se multiplier; l'un et l'autre produisent â peu près les mémés effets, mais le mode d'o- pérer et les sujets d'application sont différents. Le mouvement d'assimilation procède avec empire et puissance; il contraint la substance assimilée à prendre la nature de la substance assimi- lante. Le mouvement d'excitation, au contraire, procède par in- sinuation et presque à la dérobée; il invite et dispose le corps excité à prendre la nature de l'excitant. Le mouvement d'assimi- lation multiplie et transforme les corps et les substances; ainsi s'augmente la quantité,de flamme, d'air, d'esprit, de chair; le mou- vement d'excitation accroit et développe les puissances seulement : il en résulte plus de calorique, plus de magnétisme, plus de force - putréfiante. Où ce mouvement se montre surtout, c'est dans les opérations de la chaleur et du froid. Si la chaleur se multiplie dans l'échauffement, ce n'est pas que la chaleur du foyer se transmette, à proprement parler; c'est que l'excitation des par- ties dû corps échauffé déterminé en lui cette espèce de' mouve- ment qui constitue la chaleur, comme nous l'avons exposé dans notre première vendange sur la nature de la chaleur. C'est pour- quoi la. chaleur se développe beaucoup plus lentement et plus difficilement dans la pierre ou le métal que dans l'air, les parties de ces premières substances étant beaucoup moins disposées et moins'prôpres au mouvement constitutif de la chaleur. Il est même vraisemblable*qu'à l'intérieur de la terre, dans ses en- trailles, il y a des substances qui répugnent complétement à s'é- chauffer, parce qu'en raison de leur extrême densité , elles sont dépoutvues de cet esprit à l'aide duquel le mouvement d'excita- tion commence le plus ordinairement. De même, l'aimant déter- mine dans le fer la vertu magnétique, non.pas en perdant une partie de sa_ vertu propre, .mais en provoquant dans le fer des dispositions et des opérations conformes aux siennes , et cela par excitation. De même, le levain, la levure, la présure, certains poisons, produisent leurs effets dans la pâte, la bière, le fromage, le'corps humain, non pas tant par le développement de puissance de l'excitant que par la prédisposition et la facile excitation de la substance travaillée. 13° Mouvement d'impression: il appartient aussi à l'ordre des mouvements d'assimilation ; c'est le plus subtil de tous ceux par lesquels la nature tend à se répandre. Nous avons cru devoir en faire uné espèce à part à cause de la différence insigne qui le dis- tingué des deux premiers. Le mouvement de simple assimilation transforme les corps, de telle sorte que, si l'on éloigne le premier moteur, tous les effets suivants n'en seront en rien modifiés. Il est facile de voir que, 'ni la première inflammation, ni la.première vaporisation n'ont d'influence directe sur la flamme ou sur la va- peur. produites ultérieurement dans la série des transformations suécessives. De même, le mouvement d'excitation dure, lorsque le premier môteu. r est éloigné, pendant un temps considérable; un corps échauffé garde sa chaleur loin du foyer; le fer aimanté garde sa vertu magnétique loin de l'aimant; ainsi en est-il de la pâte par rapport au levain. Mais le mouvement d'impression, quoique la nature par son moyen se communique et se répande, semble être toujours dans la dépendance du premier moteur. Otez ce moteur, vous supprimez le mouvement; -aussi doit-on le con- sidérer comme instantané, 'ou, tout au mieux, comme étant de durée fort courte. 'En conséquence, nous appelons les mouve- ments d'assimilation et d'excitation. mouvéments de la génération de Jupiter, parce que l'effet demeure, et le mouvement d'impres- sion mouvement de la génération de Saturne parce que l'effet produit est tout aussitôt absorbé et dévoré. Où l'observation le découvre-t-elle? en trois choses : dans les-rayons de lumière,. la transmission des sons, et la communication magnétique. Otez la lumière, aussitôt disparaissent les couleurs et toutes les, images. Faites cesser la percussion et la première vibration sonore qui en résulte, presque aussitôt le son est anéanti; quoique le son soit agité par le vent dans le milieu atmosphérique comme s'il flottait sur. les ondes; cependant il importe de remarquer que le son lui-même ne dure pas autant que le résonnement. Quand on frappe sur une cloche, le son paraît se prolonger pendant un cer- tain temps par là nous sommes induits à. croire que le son, pen- dant tout ce temps, nage en quelque sorte et demeure dans l'air; ce qui est une erreur très-grave. Le résonnement qui dure n'est pas un seul et mémo son, mais une série de•sons successifs; ce qui le prouve, c'est la faculté d'étouffer le son en forçant tout à coup la cloche au repos; arrètez-en le mouvement, saisissez-là avec force, le son périt, notre oreille ne saisit plus rien. Il en est de même polir les. cordes: après -la première impulsion donnée à une corde, touchez-la du doigt si l'instrument est une lyre, tou- chez-la avec une plume si c'est une épinette, aussitôt le résonne- ment cessera. Pareillement, si vous.ôtez l'aimant, le fer tombe. Il est vrai que•les effets de la lune sur les. eaux de la mer, et de la terre sur les corps graves ont de la durée; mais c'est que l'on ne peut ôter ni la lune ni le globe terrestre; si l'expérience négative, à ce double égard, était possible, la même loi se vérifierait. 14° Mouvement de configuration ou de situation par lequel les corps tendent,, non plus, à, se réunir ou à se séparer, maisàpren- dre les uns par rapport aux autres une certaine situation, et; à former dans l'ensemble- des positions une certaine configuration. C'est un mouvement dont les opérations sont bien secrètes et sur lequel on ne sait presque rien jusqu'ici. En certains cas,, il parait inexplicable,- bien qu'en réalité,. suivant nous, il n'en soit pas ainsi. Par exemple, demande; t-on pourquoi le ciel tourne plutôt d'orient en occident que d'occident en orient? pourquoi il tourne sur un axe-dont les pôles sont,situés dans telle ou telle région du ciel plutôt qu'en toute autre : il semble que ce soient des ques- tiens déraisonnables, et qu'en ces matières il faille s'en tenir à l'expérience, se bornant à constater les choses telles qu'elles sont. Assurément, il y a dans la nature un certain nombre de faits élé- mentaires dont il est vain de rechercher les causes; mais ceux dont nous. parlons maintenant n'appartiennent pas à cette caté- gorie. Ils ont pour cause, pensons-nous , une certaine harmonie ou corrélation des parties du monde sur laquelle les observations nous font actuellement défaut.. Peut-on admettre, au lieu du mouvement des. cieux, le mouvement de la terre d'occident en orient? Les mômes questions se représentent : pourquoi 'la direc- tion de ce mouvement ? pourquoi tels pôles et non pas tels au- tres? 'La polarité de l'aimant, la déclinaison magnétique appar- tiennent aussi à l'ordre de questions,,que nous. soulevons. On remarque aussi,dans les corps naturels et artificiels, surtout dans ceux qui sont solides et non fluides, une.certaine disposition des parties, une configuration, une direction des fibres que l'on doit sappliquer à bien connaître si l'on veut, faire un bon usage• de ces corps'et en.tirer tout le parti possible. Quant aux ondulations des liquides soumis à quelque pression, ondulations qui leur ser- vent tant que la pression dure, à distribuer entre leurs diverses parties le fardeau de la contrainte poùr le supporter plus aisé-. ment,, nous les. av,ons rapportées avec plus ,de justesse à cette sorte de tendance nommée mouvement de liberté. 159 Mouvement de transit, ou mouvement à travers les passa- ges (pertransitionis, secundwrn meatus), par lequel les actions et les effets des corps traversent plus ou moins facilement le milieu qui. les favorise ou qui leur fait obstacle. Tel milieu convient à la lumière, tel autre au son, tel autre à la chaleur et au froid, tel autre au magnétisme, et ainsi pour toutes. les puissances natu- relles. et. leurs opérations. 16° Mouvement royal ou gouvernemental par lequel certaines parties, du. corps,, prédominantes.et maîtresses_, tiennent les au- tres. sous.le frein, les.domptent, les subjuguent, les .ordonnent, les forcent à s;unir,, se. séparer, se mouvoir, s'arrèter, se disposer; non suivant les tendances de chacune,, mais suivant les. couve- nances, générales. et. le bien propre de cette partie dominante ; c'est, donc une sorte de pouvoir royal et de gouvernement. que -cette partie dominante exerce sur tout le reste du corps.. Le. mou- vement dont nous parlons appartient par excellence à l'esprit animal qui règle et dirige les mouvements de toutes les parties, aussi longtemps qu'il conserve sa vigueur. On le reconnaît aussi à un degré inférieur dans les différentes matières, comme nous l'avons.dit du sang et des urines, qui ne se décomposent pas, tant que l'esprit dans lequel les diverses parties sont mêlées et main- tenues n'est pas ou exhalé ou suffoqué. Ce mouvement, d'ailleurs, n'est pas propre aux esprits seulemént, bien que dans la plupart des corps les esprits dominent à cause de la rapidité de leurs mouvements et de leur facile pénétration. Toutefois, dans les corps plus denses qui ne sont pas remplis d'un esprit vif et puis- sant (comme est l'esprit du vif-argent, du vitriol), la domination appartient plutôt aux parties grossières, et, par cette raison, si l'on ne parvient par quelque progrès de notre industrie à vaincre cette domination, il faut désespérer de faire jamais subir une transformation aux corps de cette espèce. Qu'on ne nous accuse pas cependant de perdre de vue notre sujet présent; notre travail actuel sur les mouvements n'ayant d'autre but que de mettre en lumière leurs prédominances-au moyen des faits de' la lutte, on pourrait nous reprocher de classer parmi les autres mouvements celui de prédominance. Mais en faisant connaitre le mouvement royal, nous ne traitons pas de la prédominance des mouvements et des forces, nous parlons seulement de la prédominance de cer- taines parties sur le reste des corps. Et c'est cette prédominance qui constitue notre seizième espèce de mouvement. 17° Mouvement de rotation spontanée par lequel les corps qui aiment à se mouvoir et qui sont dans une bonne position jouis- sent en quelque sorte d'eux•mémes, suivent leur propre trace et non pas d'autre, et semblent ne rechercher que leur propre em- brassement. Trois états différents conviennent aux corps: où ils se meuvent sans terme, ou ils sont en repos, ou ils sont en mou- vement vers un terme; et quand le terme est atteint, suivant leur nature, ils tournent sur eux-mêmes ou ils entrent en repos. Ceux qui sont bien placés et qui aiment à se mouvoir se meuvent circu- lairement d'un mouvement qui n'aura pas de fin; ceux qui sont bien placés et qui répugnent au mouvement se tiennent en repos; ceux qui ne sont pas bien placés se•meuvent en ligne droite (qui est la direction la plus courte) pour rejoindre la masse de leurs homogènes et s'y unir. Quant au mouvement,de rotation, il admet neuf différences caractéristiques : a. La l'•, celle du centre autour duquel les corps se meuvent b. La 2', celle des pôles sur lesquels ils tournent ; c. La 30, celle de la circonférence ou de la grandeur de leur or- bite, proportionnée à leur éloignement du centre; , d. La 1i°, celle de la rapidité du mouvement, de la promptitude, . ou de la lenteur de la rotation; e. La 5°, celle de la direction du mouvement; par exemple, les corps se meuvent d'orient en occident, d'occident en orient; f. La 6e, celle de- la différence qui existe entre l'orbite et le cercle parfait, les courbes décrites admettant des écarts plus ou moins considérables relativement au centre;. g. La 7', celle de la différence qui existe entre l'orbite et le cer- cle parfait, les courbes décrites admettant des écarts plus ou moins considérables relativement aux pôles; h. La 8°, celle de la situation et de l'éloignement des écarts de l'orbite, relativement les tins aux autres; i. La .9° et dernière, celle des variations des pôles quand ils sont mobiles. Celle-ci n'intéresse la rotation que dans le cas où la variation des pôles a lieu circulairement. Le mouvement de ro- tation est considéré, suivant une opinion aussi' générale qu'an- cienne, comme le mouvement propre des corps célestes. Cepen- dant un certain nombre d'astronomes, anciens et- modernes, combattent très-vivement cette opinion et attribuent la rotation au globe terrestre. Il serait peut-être beaucoup plus judicieux de combattre la théorie reçue en recherchant si le mouvement des corps célestes (supposez que la terre soit en effet immobile, et de plus que le point touché par nous en ce moment ne soit pas hors de controverse) ne se communique pas, d'abord aux confins du ciel et de la terre, et, mieux encore, à l'air et à l'Océan. Quant au mouvement de rotation que l'on observe dans les projectiles, comme flèches, dards, balles et autres semblables, ce n'est en réalité qu'une forme du mouvément de liberté. 18° Mouvement de trépidation. A l'entendre comme les astro- nomes, nous sommes peu disposé à l'admettre; mais pour un ob- servateur scrupuleux de toutes les tendances de la nature, ce mouvement ne saurait être révoqué en doute, et nous devons lui donner tine place à part. II est-comme la' manifestation d'une captivité éternelle. Quand un corps n'est pas parfaitement placé eu égard à sa nature, et cependant qu'il n'est pas dans une situa- tion décidément mauvaise, il s'agite continuellement; il ne peut garder un repos véritable; il n'aime passa position, mais il n'ose pas en sortir. On observe ce mouvement dans le coeur et dans le pouls des: animaux; on le verrait assurément dans tous les corps dont la situation n'est précisément ni bonne ni mauvaise, qui. es- sayent de sortir de géne, mais sont repoussés et trahissent leur embarras par une trépidation continuelle. 19° Nous mettons au dix-neuvième et dernier rang une ten- dance à laquelle le nom de mouvement s'applique assez mal, bien ' qu'en réalité ce soit un mouvement incontestable; nous le nom- mons inertie, horreur pour le mouvement (molum decubittls sine exhorrentia motus). C'est ainsi que la terre se tient immobile ; ses extrémités se portant vers son milieu, non pas vers un centre imaginaire, mais vers le noyau d'une immense agrégation. Cest ainsi que toutes les agglomérations considérables répugnent au mouvement et n'ont qu'une tendance, celle d'échapper au chan- gement, quoiqu'une infinité de causes les sollicitent et les provo- quent au mouvement; cependant (autant qu'elles le peuvent), elles demeurent immuables. Quand elles sont contraintes au mouvement, elles se comportent de façon à reprendre aussitôt et leur premier état et le repos, en évitant de se mouvoir davantage.. C'est pourquoi elles se montrent si agiles et se fneuvent avec tant de rapidité; on voit que le moindre délai leur coûterait, et qu'il leur faut en.finir. Nous ne pouvons observer les mouvements de cette. espèce, que très-imparfaitement et partiellement, car, auprès de nous, à la surface du globe, à cause de l'influence et de la chaleur• continuelle des corps célestes, aucun corps tangible n'est à son maximum de condensation, et d'ailleurs ils sont tous péné- trés de quelque esprit. Nous avons ainsi dénombré et défini les, diverses espèces ou les caractères essentiels des mouvements, des puissances actives, des tendances qui sont le plus généralement réparties; et, dans cet expose rapide, nous. avons esquissé une partie. du grand tableau de la nature. Nous admettons volontiers que notre analyse ne soit pas. complète,; ou que les traits de notre esquisse ne soient pas. exactement conformes à. la vérité des choses, ou qu'il soit possible de réduire toutes ces espèces à un plus petit nombre., pourvu toutefois qu'on ne veuille pas faire ici de divisions abs- traites à -la manière de l'école; que l'on ne dise pas, par exemple: les corps tendent, ou à leur conservation, ou. à leur augmentation, ou à leur propagation, ou à la. libre jouissance de. leur état; que l'on ne. dise pas, autre exemple : les mouvements des choses ten- dent à la conservation et. au bien, soit de l'univers, comme les mouvements de résistance et de liaison; soit des grandes masses, comme les mouvements d'agrégation majeure, de rotation, d'hor- reur pour le changement; soit des formes spéciales; et ainsi du reste. Toutes ces divisions sont justes, assurément; mais elles ne sortent pas des entrailles mêmes de l'expérience; elles ne repro- duisent pas fidèlement les traits de la nature; elles.ne sont donc que spéculatives, et, à ce titre, médiocrement utiles. On en peut faire quelque usage cependant quand il s'agit, comme en ce mo- ment pour nous, d'apprécier les prédominances des forces, et de chercher dans le domaine de l'observation les faits de la lutte. Parmi les mouvements que nous avons définis, il en est d'absolu- ment irrésistibles; quelques-uns relativement aux autres, ont plus de puissance, ils empêchent, . surmontent, ,gouvernent ;. ceux-ci ont plus de portée; ceux-là plus de promptitude; d'autres ont le privilége d'animer, de fortifier, d'accrottre,, d'accélérer. Le mouvement de résistance est invincible, il a la force du diamant. Faut-il en dire autant du mouvement de liaison.? c'est ce que nous ne voudrions pas encore décider, car nous ne savons pas certainement si le vide existe, ou n'existe pas, soit en. zone de quelque étendue, soit disséminé dans les corps. Ce que nous savons, c'est que la raison alléguée par. Leucippe et Démocrite pour l'existence du vide est radicalement fausse., Ils disaient .que, sans le vide, les mêmes corps ne. pourraient occuper tour à tour des espaces plus grands et plus petits.. Or, la différence de volume s'explique fort bien dans la supposition de plis, naturels à la matière, qui tour à tour se ploie et se déploie dans l'espace sans qu'ils soit besoin de vide. On peut affirmer qu'il n'y à pas dans l'air deux mille fois plus de vide que• clans l'eau (telle serait la proportion, si l'on adoptait leur principe). Une foule de preuves établissent ce que nous disons ici; qu'il nous suffise de mentionner la, puissance de .certaines. substances aériformes. qui , selon Démocrite, devraient nager dans le ide, disséminées en menue poussière. . Les autres mouvements obtiennent et perdent. tour à tour.la prédominance,. en raison de l'énergie du moteur; de la,quantité de la masse, de l'impulsion, de la vitesse, des obstacles .ou,. facilités qu'ils rencontrent. Par exemple, un aimant armé attire et,tien Lsuspend u.un mor- ceau de fer soixante fois plus pesant,. et. dans; cette mesure.Ie ' mouvement d'agrégation mineure, remporte sur celui d'agréga- tion majeure; mais, cet té mesure passée, le fer tombe. Un levier de telle force soulève une masse de tel poids; jusque-là le mou- vement de liberté l'emporte stir celui d'agrégation majeure; passé* ce poids, la mesure tombe. Un cuir,tendu jusqu'à certain point ne'se rompt pas; jusque-là le mouvement de continuité l'emporte sur celui de tension; au delà de ce point, le cuir se rompt, et le mouvement de continuité a le dessous. L'eau coule per une fente de telle largeur; jusque-là le mouvement d'agréga- tion majeure l'emporte sur celui de continuité; supposez-vous la fente plus étroite, les rôles sont renversés; le mouvementde con- tinuité l'emporte. Mettez dans une arme à. feu de la poudre de soufre seulement, enflammez cette poudre, la balle ne sera pas chassée;' ici le mouvement d'agrégation majeure l'emporte sur la tendance à se dilater (motus hyles). Mais dans la poudre à canon cette dernière tendance du soufre devient prépondérante, avec le secours d'une tendance semblable et du mouvement de fuite dans le nitre. Ainsi de même dans mille autres expé- riences. On doit voir, par ces exemples, avec quel soin il importe de rechercher en tous sujets les faits de la lutte, qui nous mani- festent la prédominance des forces, et de.calculer exactement lès proportions suivant lesquelles les divers mouvements obtien- nent et perdent tour à tour cette prédominance. Il ne faùt pas examiner avec un moindre soin la manière dont les mouvements succombent; il faut savoir s'ils tombent et s'anéantissent, ou s'ils continuent à lutter sous le joug qu'ils subissent. La°loi générale, c'est que dans la nature, autour de nous, il n'existe point de repos véritable, ni dans les composés, ni dans leurs parties; le Mouvement n'est jamais qu'apparent. Cette apparence est causée, ou par l'équilibre , ou par la prédo- minance des mouvements : par l'équilibre, comme dans les balan- ces dont les plateaux s'arrêtent quand les poids.sont égaux; par la prédominance, comme dans un vase percé par le bas, où l'eau reste en repos et demeure sans tomber, à cause de la prédominance du mouvementde liaison.' Que l'on n'oublie pas, dans ce dernier cas, de rechercher, comme nous l'avons dit, jusqu'à qu'el point lutte le mouvement vaincu. Un lutteur terrassé et retenu par soii vainqueur, bras et jambes empêchés, enchaîné, si l'on veut; ne peut-il tenter par toutes ses forces do se relever? II échoue, ses efforts sôntvains, cependant il n'en déploie pas moins toute son énergie. Pour résoudre lé problème; et savoir si, 'en' effet, dans les cas de prédominance, le mouvement vaincu est anéanti, ou si la lutte continue, bien qu'on. ne l'aperçoive pas, il faudrait observer non pas les antagonismes, qui sont ordinairement secrets, mais les concours de forces où peut-être on verrait la nature se découvrir. Par exemple, que l'on expérimente avec une arme à feu; que l'on observe, après en avoir déterminé la portée, si le coup frappant au but est plus fort quand on tire de bas en haut (le but placé sur une éminence), alors, que le mouvement est unique, ou quand on tire de haut en bas (le but dans un fond), alors que la pesanteur concoure avec l'impulsion du projectile. Il faut encore recueillir avec soin les principes généraux que l'expérience nous découvre au sujet des prédominances. En voici des exemples : Plus le bien poursuivi est général, plus le mouve- ment est fort; ainsi, le mouvement de liaison qui intéresse le monde entier, est plus fort que le mouvement de pesanteur, qui in- téresse seulement une partie du monde, l'ordre dés corps denses. Les tendances relatives aux avantages particuliers ne préva- lent pas sur les tendances qui vont au bien général, si ce n'est dans les petites quantités. Plût à Dieu que ces deux principes fussent observés dans les sociétés humaines comme ils lé sont dans le monde matériel ! 49. Parmi les faits privilégiés, nous placerons en vingt-cin- quième lieu les faits significatifs, qui indiquent et désignent les choses utiles à l'homme. Car le pouvoir et le,savoir par eux- mêmes donnent à l'homme la grandeur et non le bonheur. C'est pourquoi, il faut recueillir dans l'universalité des choses ce qui peut le mieux servir aux besoins de la vie. biais il sera plus à propos de parler de ces faits, lorsque nous traiterons des appli- cations pratiques. D'ailleurs, nous laissons, dans le travail même de l'interprétation sur chacun des sujets, une place pour le feuillet humain ou le feuillet des désirs; car des demandes et des voeux bien faits sont une partie de la science. 50: Parmi les faits privilégiés, nous mettrons en vingt-sixième lieu les faits polychrestes. Ce sont ceux qui ont une application variée..et se rencontrent souvent; ils sont par là d'un grand secours dans les opérations et les démonstrations. Il sera plus à propos de parler des instruments et des inventions, lorsque nous traiterons des applications pratiques et des divers modes d'expé- rimentation. D'ailleurs, ceux qui sont connus et mis en usage seront décrits dans les histoires particulières de chacun des arts. Nous présenterons seulement à leur sujet quelques considérations générales qui serviront à mettre en lumière les faits polychresles. L'homme opère sur les corps naturels de sept manières (sans compter le rapprochement et la séparation des corps simples), à savoir : par l'exclusion des obstacles qui causent quelque trouble ou empêchement, par la compression, l'extension, l'agitation et . toutes actions semblables, par le froid et le chaud , par le séjour du corps en un lieu convenable, par un frein et une règle donnés au mouvement, par lés sympathies, ou bien enfin par l'alterna- tion habile et sage, et la série et succession de tous ces moyens, ou au moins de quelques-uns d'entre eux. 4°Exclusion, des obstacles qui causent quelque trouble ou empêchement. L'air commun, qui est partout présent et s'insinue de toutes parts, et avec l'air les rayons lumineux, troublent beaucoup nos opérations. Tous les moyens qui peuvent servir à leur exclusion, seront, à bon droit, considérés comme polychrestes. Parmi ces moyens, il faut compter la matière et l'épaisseur des vases où l'on met les substances préparées` pour. quelque opération; et de plus, tous les procédés inventés pour boucher exactement les vases. De ces procédés, les uns ferment solidement l'entrée; c'est ce que les chimistes nomment enduit de sagesse (lutumsapientiæ); les autres consistent à défendre les substances du con tact extérieur, au moyen de quelque liquide ; par exemple, on verse un peu d'huile sur le vin ou sur les sucs extraits de certaines plantes; l'huile s'étend à la surface, constitue une sorte de couvercle, et préserve parfaitement du, contact de l'air. Il Y. a des .poudres qui rendent des services semblables; quoique toutes les poudres contiennent de l'air mêlé à leurs grains, cependant elles défendent assez bien un corps des attaques de l'air atmosphérique; c'est ainsi que l'on conserve des raisins, des fruits, en les mettant dans le sable ou la- . farine. La cire, le .miel, la poix, et toutes les substances de ce genre, deviennent, par leur ténacité, des obturateurs excellents, et ferment le passage, soit à l'air, soit aux rayons lumineux. Nous avons fait quelques expériences de cette nature , en plongeant un vase et certaines substances directement clans le vif-argent, qui est de beauconp le plus dense de tous les corps dont on peut faire un bain. Les cavernes, les souterrains sont aussi d'un grand usage pour empécher l'action de la lumière et celle. de l'air libre, ai souvent peifide; on s'en sert dans l'Allemagne du nord comme de greniers naturels. Un autre moyen, pour se défendre de la lu- mière et de l'air, c'est de. tenir les corps au fond de l'eau. On me rapportait le fait curieux de certaines bouteilles de vin descen- dues au fond d'un puits pour y rafraîchir, oubliées et ;laissées là pendant plusieurs armées, «et retirées du puits à la fin : non- seulement ce vin 'n'avait.perdu ni son, boûquet.'silsa. force, mais on le trouva bien, supérieur à, ce qu'il était avant l'épreuve, sans doute à cause d'une combinaison plus, parfaite de ses principes; S'il était nécessaire de plonger les ,corps. au fond de l'eau, par exemple, au fond de la mer on d'un neuve ,.sans qu'ils. fussent exposés au contact du liquide , ni, enfermés dans. des .vases clos, mais seulement entourés d'air,. il faudrait employer un appareil ingénieux, dont on s'est servi quelquefois pour opérer,_ au milieu des eaux, sur les vaisseaux submerges ;. avec cet ,appareil le plen- geur peut rester longtemps sous l'eau, et respirer suffisamment à intervalles. En voici la description.: un tonneau de métal descen- dait régulièrement, d'abord jusqu'à la surface de l'eau, ensuite jusqu'au fond de la mer, y emportant tout l'air qu'il contenait; là, il reposait sur trois pieds, un peu-moins hauts que la taille. ordinaire de l'homme, de sorte que le plongeur pût, quand la respiration venait, à lui manquer, introduire sa tête.dans le ton- neau, y respirer à l'aise, et reprendre ensuite sou travail. On nous dit maintenant que l'on vient d'inventer un autre appa- reil, adapté à une espèce de barque , capable de,porter plusieurs hommes sous l'eau, à une certaine distance. Quoi, qu'il en soit, il est facile de suspendre à l'intérieur du tonneau que nous venons• d'indiquer, des corps de tous genres; c'est pour ce motif que nous avons parlé de l'appareil à plongeur. Les moyens employés .pour fermer exactement les vases ont encore une autre utilité; ils,empéchent l'esprit du corps sur lequel on opère de s'exhaler. Il faut que le physicien soit certain des quan- tités sur lesquelles il opère, il importe beaucoup qu'à son.insu rien ne s'échappe et ne s'exhale. On voit se produire de profondes altéra- tions dans les corps, lorsque notre industrie. empêche la déperdi- tion ou l'évaporation d'aucune partie; la nature de son côté n'ad- mettant pas l'anéantissement, les changements les plus graves ont nécessairement lieu. A ce sujet, une erreur gravé s'est accréditée (si ce n'était une erreur, il faudrait désespérer de conserver jamais sans aucune déperdition les substances expérimentées) : on dit que l'esprit des corps et l'air dilaté par l'élévation de la chaleur ne peuvent être tenus captifs dans quelque vase que ce soit, et qu'ils s'échappent à travers les pores les plus subtils des matières employées. Ce qui a donné lieu à cette erreur, c'est l'expérience bien connue d'un vase' renversé sur une nappe 'd'eau, et conte- nant une lumière ou du papier allumé; on constate .que l'eau s'élève dans le vase, à peu près comme la chair s'élève au moyen des ventouses qu'on a chauffées à la flammé. On s'imagine que, dans l'une et l'autre expériences; l'air dilaté ' par la chaleur s'échappe en partie, et que la quantité de matière étant diminuée dans le vase, l'eau occupe la place 'vacante, la chair pareillement, à cause de l'horreur dù vide; et cependant rien n'est plus faux. Ce qui est diminué, ce n'est pas la quantité, c'est le volume de l'air; car le mouvement de l'eau ou de la chair ne commence pas avant que la flamme soit éteinte, et par conséquent l'air refroidi; aussi les médecins, pour que les ventouses produisent plus d'effet, out- ils soin de les entourer d'éponges imbibées d'eau froide. Il n'y a donc pas sujet de craindre que l'air et les esprits s'échappent si facilement. Sans doute les'corps les plus solides ont leurs pores ; mais l'air et l'esprit ne se laissent pas ainsi commodément réduire en parties d'une extréme ténuité; et ne voit-on pas l'eau elle- même refuser de couler travers une fente très-étroite? 2° -Compression, extension, agitation et toutes actions sem- blables. Remarquons avant tout, quels compression et les autres moyens violents de ce genre ont une efficacité extraordinaire pour déter- miner le mouvement local et autres semblables, comme on le voit dans les opérations mécaniques, les projectiles, etc., et aussi pour détruire le corps organique et annuler les vertus qui se manifes- tent surtout dans le mouvement. La vie, la flamme, le feu s'anéantissent ou s'étouffent par la compression; nulle machine ne résiste à la compression; on détruit ainsi toute propriété qui dépend d'un arrangement et d'une harmonie de parties un peu grossières, comme la couleur (on connaît la différence de couleur' de la fleur sur pied et de la môme fleur écrasée, de l'ambre en morceaux et de l'ambre pulvérisé), ou la saveur (com- parez le goût d'une poire verte et 'd'une poire toute semblable, écrasée et foulée, vous sentirez comme la saveur de la seconde est plis douce). Mais • s'agit-il d'opérer dans des corps composés de parties semblables quelques modifications oui transformations impor- tantes, les moyens violents n'ont plus d'efficacité ; la iaison en est que les corps acquièrent, avec ces procédés, un nouveau degré de consistance qui n'est pas stable et permanent, mais éphé- mère et transitoire, et qu'ils s'efforcent à reprendre leur premier volume en s'affranchissant de la contrainte. Cependant il serait bon de faire sur ce sujet des expériences plus exactes, 'afin de savoir si la condensation d'une substance composée do parties vraiment similaires (comme l'air, l'eau,' l'huile, et autres de même nature), ou même la raréfaction d'un tel'corps, produite par des moyens violents, ne pourraient pas devenir stables et permanentes, ce corps prenant ainsi comme une nouvelle nature; on essayerait de résoudre ces questions, d'abord en observant les seuls. effets du temps, ensuite en faisant, concourir les auxi- liaires de toute nature. C'est 'ce que nous aurions fait n'eus- même aisément, si la pensée, nous en était venue, lorsque nous soumlmes l'eau à une si forte compression (comme nous l'avons expliqué plus haut), avant ,que le liquide s'échappât. Il nous éilt suffi de laisser péndant quelques jours la sphère de métal dans l'état où le marteau et la presse l'avaient réduite, et d'en extraire l'eau ensuite; l'expérience nous eût appris immédiate- ment si l'eau occupait; à la sortie'du globe; le même volume qu'avant toute condensation. Si elle ne l'eût pas occupé à l'instant même , ou du moins fort peu âpres, noms en aurions conclu que le changement de densité peut devenir permanent; au cas con- traire, il eût été prouvé que le corps reprend aussitôt que pos- sible sa première densité, et que la condensation n'est que transitoire. On pouvait faire, au même point de vue, des ob- servations sur l'air dilaté dans l'oeuf de verre. Après une forte succion, il- eût' fallu boucher l'oeuf subitement et bien exacte- ment, garder l'oeuf ainsi bouché pendant quelques jours, et observer ensuite si, au moment où l'on eût débouché l'oeuf, l'air se fùt précipité' avec un sifflement, ou si l'eau fùt entrée dans le verre en aussi grande quantité qu'au premier jour, lorsque com- mençait l'épreuve du temps sur la stabilité possible de la dilata- tion de l'air. Il est probable que.cette stabilité se fût démontrée; 'tout au moins le sujet mérite-t-il qu'on fasse l'expérience; car nous voyons dans les corps dont les parties ne sont pas exacte- . ment similaires, le temps produire. de tels effets : un ,bâton, courbé pendant quelque temps, ne se redresse plus. Et certes, il ne faudrait pas attribuer ce phénomène à la déperdition du bois, puisque le fer lui-même reste fléchi (à condition sans .doute d'une épreuve beaucoup plus longue), et l'on sait que ce métal ne perd rien de sa substance. Si le temps ne suffit pas à produire l'effet en,question, il faut., non pas quitter la partie, mais em- ployer des moyens auxiliaires. C'est en effet un ,grand bénéfice pour l'homme de savoir imposer aux corps, par des moyens violents, des états fixes et constants. Avec de tels procédés, on réduirait peut-être l'air en eau à force de condensations, et l'on verrait 'nitre bien d'autres merveilles.. L'homme est le maître des moyens violents beaucoup plus que des autres. 3° Le froid et le chaud. La troisième espèce de moyens consiste dans l'emploi de ce grand instrument de la natiiré et de l'art tout ensemble, agent universel qui se nomme, d'un double nom : la chaleur et le froid. Mais la puissance de l'homme semble être sur ce terrain tout à fait boiteuse. Nous disposons de lai chaleur du feu, qui est sans comparaison supérieure à celle des rayons solaires (au degré où celle-ci nous parvient), et à la chaleur animale; mais le froid nous fait défaut; si ce n'est le froid qui vient de l'hiver, celui que l'on éprouve dans les cavernes, et enfin celui que l'on crée avec des appareils remplis de 'neige-ou ' de glace. Que sont ces degrés de froid? à peine comparables aux degrés de chaleur des rayons solaires, en plein midi, dans la zone torride; .ajoutons, si l'on vaut, d'une chaleur augmentée par la: réverbération des montagnes et des murailles. A ce point, la chaleur, comme.le froid, est endurée par les animaux pen- dant un temps, mais son intensité n'est rien auprès de celle d'une fournaise ardente, ou d'un froid équivalent, s'il y 'en a. C'est pourquoi, autour de nous, toutes choses tendent.à lâ.raré- faction., au desséchement., à la consomption; presque aucune 'à l'état contraire, à moins que nous .ne mettions en œuvre des combinaisons et une 'méthode citron peut appeler bâtardes. On doit donc rechercher avec grand soin tout ce qui peut être con- sidéré comme réfrigérant. Voici les principaûx 'moyens que nous conùaissbns jusqu'ici pour refroidir les corps: .a:.Nousiles'"exposohs sur des monuments élèvés quand il gèle fort; b. Nous'les•descendons dans les lieux souterrains; c. Nous les enterrons de neige et de glace , én les plaçant dans de•certaines.cavités'('les glacières) ; disposées à cet effet; ,d. Nous les:plongeons au fond des puits; e. Nous les mettons dans un bain de vif-argent bu de sub- stances semblables; f. Nous les mettons dans les eaux pétrifiantes ; g. Nous les enfouissons dans la terre. On dit que c'e'nt le moyen employé par les Chinois pour la fabrication de la porce- laine : les matières qu'ils destinent à cette fabrication demeurent enfouies pendant quarante ou cinquante ans , et se transmettent en héritage comme une espèce de minerai artificiel. On pourrait encore citer quelques autres procédés. ' . Observez attentivement les condensations produites naturelle- ment par le froid; quand leurs causes seront bien connues, on pourra opérer de semblables condensations dans les arts. Étudiez l'humidité qui sort du marbre•et de la .pierre; l'espèce'de rosée qui se dépose à l'intérieur sur les vitres, quand vient le matin, après une nuit de gelée; les vapeurs qui se condensent sous terre, se réduisent en eau, et entretiennent' certaines sources; et plusieurs autres phénomènes de ce genre. Outre les réfrigérants qui se manifestent à notre tact, il én est d'autres qui recèlent le froid en .puissance, et qui ont missi la propriété de condenser. Ceux-ci n'opèrent que sur le corps des animaux; leur vertu semble s'arrêter Ià. On en peut citer beau= coup au nombre des médicaments et des emplâtres. Les uns con- densent les chairs et les parties tangibles : tels-sont les âstritz- gents; les autres, 'condensent les esprits : tels sont, en première ligne, les soporifiques. On distingue -méine deux espèces de so porifiques : les uns:opèrent en apaisant les mouvements , les autres en chassant les esprits. La violette, la rose sèche.,.la laitue, et autres substances analogues, toutes bénignes ou réputées. telles.; agissant par ;leurs vapeurs salutaires et,modérément rafratchis- santes , invitent'les'esprits à s'unir , et'font succéder le calme à leur agitation redoutable. L'eau:de rose, approchée des narines pendant les défaillances , fdree les esprits trop relâchés à se clin- centrer; elle devient pour eux comme un foyer. Les opiats, .au contraire, et tout.ce qui leur ressemble, dissipent les esprits par leur vertu âcre et dissolvante; dès qu'on les applique à un'de nos membres, les esprits le quittent et n'y reviennent'pas sans'p'eine; lorsqu'on les emploie à- l'intérieur, leurs vapeurs 'montent à la tête, mettent en fuite de toutes parts les esprits contenus dans les ventricules du cerveau : ces esprits. n'ayant pas où se réfu- gier', se réunissent forcément et se condensent , quelquefois au point d'êtie suffoqués et de s'éteindre. Au contraire, emploie-' t-on les opiats à dose modérée, en vertu de la condensation que détermine la réunion des esprits, ils ont l'effet indirect de fora- fier les esprits, de les rendre plus énergiques , et de réprimer en même temps leurs mouvements désordonnés et dangereux. Ils sont ainsi d'un secours fort appréciable pour la guérison des ma- ladies et la prolongation de la vie. On doit rechercher aussi quelles préparations disposent les corps à se refroidir plus facilement: on a remarqué, par exem- ple, que l'eau un peu tiède gèle plus facilement que l'eau froide. Et d'ailleurs, puisque la nature est tellement avare du froid, il faut imiter les pharmaciens qui , manquant de la substance demandée , livrent en place un sùbstituant, tantôt le bois polir le baume d'aloès, tantôt la casse pour, le cinnamome. Que l'on re- cherche donc avec soin s'il n'existe pas des substituants du froid; si l'on ne peut produire, à l'aide de certains procédés, des con- densations artificielles, faisant ainsi l'ceuvre propre du froid en son absence. Jusqu'ici, nous connaissons quatre moyens de pro- duire la condensation artificielle. Le premier consiste à presser brusquement les corps; ce qui ne peut guère déterminer une condensation durable, parce que la matière réagit, mais rend à l'industrie , quand il le faut, des services réels. Le second moyen consiste à procurer la contraction des parties grossières après• l'évaporation ou le dégagement des parties plus ténues. C'est ce que l'on observe dans les corps durcis au feu, dans la trempe réitérée des métaux, et autres phénomènes semblables. Le troi- sième détermine la réunion des parties homogènes, de celles qui sont les plus solides dans le corps , et qui antérieurement étaient séparées et mêlées aux moins solides. C'est ainsi que le mercure se contracte quand il revient• de la forme de sublimé à la forme ordinaire du vif-argent. C'est ainsi que se contractent tous les métaux que l'on traite en les purifiant.de leurs scories. Le qua- trième opère en vertu des affinités, certaines substances ayant une vertu secrète pour en condenser d'autres; ces affinités jus- qu'ici mous sont peu connues; ce qui n'est pas étonnant, car avant la découverte des formes et des textures intimes , on ne peut espérer presque rien de la recherche des affinités. Quant aux corps animés, on connaît en assez grand nombre des médica- ments qui, employés soit à l'intérieur;, soit à l'extérieur, opèrent la condensation, sans doute en vertu des secrètes affinités dont nous.pârlions.Pour les corps inanimés, au contraire, rien de plus rare que 'des effets de ce genre. On dit cependant (les' récits et les écrits des voyageurs s'accordent en ce point) qu'il existe dans certaine ne, une des Canaries ou des Açores, un arbre duquel l'eau distille continuellement, et en quantité suffisante pour que les habitants aient Ià une véritable ressource. Paracelse prétend que l'herbe appelée rosée du soleil se couvre dé rosée en plein- midi, lorsque les autres herbes se dessèchent: Pour nous,. cependant, nous n'ajoutons foi ni à l'une ni à l'autre de ces deux relations; quoiqu'il faille accorder que des phénomènes de ce genre seraient du plus haut intérêt s'ils avaient un fondement dans la réalité. En ce qui touche ces rosées àsavenr de miel et comparables à la manne, qui recouvrent les feuilles de chénè au mois de mai; nous ne pensons pas devoir les attribuer soit 'à une affinité particulière, soit à uné propriété de la feuille de chêne; suivant nous, la_ rosée en question tombe sur: tous les arbres; elle se maintient sur le chêne seulement, parce que les feuilles de cet arbre ont un tissu lisse et compacte, et non spongieux comme la plupart des autres. Quant à la chaleur, les moyens de la produire abondent; mais nous les connaissons imparfaitement, nous n'avons pas fait de leur emploi une étude sérieuse; ajoutons que la science nous man- que souvent au point même où elle serait le plus utile, quoi qu'en disent certains charlatans. En effet, l'on observe et l'on constate assez bien les effets d'une chaleur intense; mais on néglige-et on ignore ceux d'une chaleur douce, qui est beaucoup plus dans les voies de la nature. Nous voyons; sous l'empire de ces vul- cains si fameux , les esprits des corps s'exalter à õutrance, comme dans les eaux-fortes et certaines autres préparations chimiques; les parties solides s'endurcir, et après l'évaporation des prin- cipes volatils, on voit souvent les liquides se figer; les parties homogènes se séparent; les corps hétérogènes s'assemblent et se méléntgrdssièrement;'enfin , et c'est le plus grave, la structure des' composés et lés textures les plus délicates sont confondùes et détruites. Voilà pour- la chaleur intense. Mais il eût été non moins important d'observer 'et d'éprouver la'clialeuir douce dans ses opérations, qui nous permettraient de former des composés plus délicats, à la texture plus fine et plus savante; imitant ainsi la nature, et particulièrement le soleil; comme nous l'avons in- diqué déjà dans notre aphorisme sur.les faits d'alliance. La na;- ture opère, en agissant sur des parties beaucoup plus petites, et par des procédés beaucoup plus délicats et variés que ne sont ceux du feu employé comme on l'a fait jusqu'ici. Que si l'on par- venait ,.au moyen de la chaleur bien ménagée et des puissances artificielles, à imiter la nature dans la production de ses oeuvres, à en varier et fortifier 4es créations, alors , certes , on aurait ac- cru l'empire de l'homme : ajoutons qu'il faudrait ,.en toutes ces opérations, aller plus vite que la nature. La,rouille du fer ne se forme que très-l;entement, tandis qu'un moment suffit pour transformer ce métal en safran de Mars; mômes observations sur le vert-de=gris et la céruse'; sur le 'cristal naturel et le verre que nous fabriquons; sur la pierre et la brique, etc. Cependant recueillons' avec sein ce que les observations attentives et lès expériences ingénieuses.peuvent nous apprendre sur les diverses chaleurs:et sut leurs effets. comparés. Instruisons-nous sur la cha- leur et les effets : Des corps célestes,; de leurs rayons'direéts, réfléchis, réfractés, concentrés dans les miroirs ardents; De la foudre, de la flamme, du feu de charbon; Du .feu de tous les combustibles; Du .feu libre, renfermé, mis ,à l'étroit 'ou ruisselant , modifié suivant,les.appareils.où nous le produisons et l'entretenons; Du feu excité.par le soufflet, et du feu tranquille; Du feu agissant à de plus ou moins grandes distances; Du feu agissant à travers différents milieux; Des, foyers humides, comme du bain-marie, du fumier des animaux, soit,à l'extérieur, soit à l'intérieur, du foin renfermé; Des foyers secs, comme la cendre, la chaux, le sable échauffé; En -un mot,, de toute nature, de tous genres et à tous les degrés. Ce.que nous devons principalement étudier, et tenter ensuite d~imiter, ce'sont les opérations et les effets de la chaleur qui s'approche et s'éloigne graduellement, régulièrement, périôdi- quement, •et qui agit à des distances et pendant des délais fixes et déterminés. Cette variété ordonnée est vraiment fille•du ciel et mère-de toute génération.; quant à la chaleur violente, préci- pitée, ou agissant 'par sauts, n'en attendez rien de grand. Les végétaux vous en font foi; et encore, les matrices des animaux, où la chaleur est sujette à de grandes variations, causées 'par le mouvement, le sommeil, les aliments, les passions; enfin, les matrices.mémes de la terre, où. se forment les métaux et les fos- siles, ne sont pas exemptes d'importantes variations de-chaleur : ce qui nous découvre bien l'impéritie de certains alchimistes, appartenant à l'école dite réformée, qui croyaient accomplir Fe grand oeuvre avec la chaleur toujours• uniforme. de leur lampe, ou de tout autre foyer. En voilà assez sur les opérations et les effets de •la-chaleur: Il n'est pas opportun d'approfondir un tel sujet, tant que les formes vraies et les textures intimes des corps n'ont pas été. recherchées, pénétrées, mises en lumière. C'est quand.on a acquis la connais- sance des principes que le moment est venu de chercher et d'ap- proprier les instruments., 4° Le séjour dei corps en un lieu convenable. Ce quatrième moyen consiste principalément dans l'efficacité du temps, qui est tout ensemble l'économe,et. lé dépensier• de la nature. Pour que le temps agisse, il• faut abandonner le corps à lui-même pendant un délai suffisant, et cependant le tenir à l'abri de toute influence extérieure; car les mouvements inté- rieurs s'exécutent et font leur effet quand. les mouvements du dehors ont cessé. Les procédés du- temps. sont beaucoup plus subtils que ceux du feu : ainsi , l'on ne parviendrait jamais au moyen du feu à clarifier le vin, comme y parviennent le. repos - et le temps; les cendres n'ont pas la finesse de la.poudre qui provient de la décrépitude; les mélanges ou combinaisons que l'on opère subitement à l'aide du feu le cèdent de beaucoup à. ce que le temps produit de lui-même. Il est vrai. que le feu, ou même une chaleur nn peu intense, détruit les propriétés ou carac- tères que les substances ,contractent sous l'action du temps, comme la putréfaction, par exemple. Notons aussi que les mou- vements des corps étroitement enfermés ont quelque chose »de violent; cette captivité fait obstacle à la spontanéité des mouve- ments naturels. En conséquénce, on voit l'action du temps, dans un vase ouvert, déterminer partout la séparation; dans un vase bien clos, les combinaisons; dans un vase imparfaitement clos, oh l'air pénètre un peu, la. putréfaction. Il importe. donc d'obser- ver - en tous lieux, avec soin, l'action et les effets du temps. 5° Un frein et une règle donnés aux mouvements. Ce moyen n'est pas le moins puissant; il consiste en ce qu'un corps placé à la rencontre d'un autre, empêche, repousse, admet, dirige les mouvements de ce dernier. Le plus.souvent, c'est de la forme et de la situation du vase que ce•procédé dépend. Un vase de figure conique et placé droit favorise la condensation des.va- peurs; on le voit dans les alambics; renversez-vous le cône, vous favorisez la défécation; comme on le voit pour le sucre, dans les raffineries. Pour certaines opérations, il faut que le vase ait des sinuosités, qu'il aille tour à tour en se rétrécissant et s'élargissant. Toute'espèce de _filtration révient à ce procédé général; le filtre, .laissant passer une partie des éléments du corps qu'il contient, et retenant les autres. La filtration et les autres opérations de même nature ne s'effectuent pas toujours à l'extérieur, mais quelque- fois aussi à l'intérieur des corps : on jette de petites pierres dans l'eau pour y ramasser le limon ; on clarifie les sirops avec le blanc d'oeuf , auquel s'attachent les parties grossières qui sont ensuite facilement rejetées. C'est par le frein donné aux mouve- ments que Télésio expliquait, en naturaliste fort ignorant et irré- fléchi , les_ formes des animaux , sans doute à cause des, sillons et.des.poçhes qu'on observe dans les matrices; mais il eût fallu nous montrer de semblables inégalités dans les coques des oeufs, où nous n'apercevons rien de semblable. Mais il faut considérer comme_ variantes du cinquième moyen les procédés de moulage de toute espèce. . . , . 6°,Les sympathies et les répulsions. La plupart des opérations de cette nature nous échappent, en- seveliesqu'elles sont au plus profond des êtres. Quant aux pro- priétés occultes et spécifiques, dont on parle tant, et même à cette foule de sympathies et d'antipathies en renom, elles ne sont, pour I' majeure partie, quèdes inventions d'une philosophie corrom- pue. On ne peut découvrir les vraies sympathies, qui sont les affi- nités, avant de posséder la science des formes et des textures di- verses, observées dans leurs éléments. Car les affinités ne sont que les relations symétriques des formes et«des structures. Toutefois, les affinités les plus générales ne sont pas aussi secrètes que les autres ; c'est donc par elles que l'on doit commencer. La première division à en faire se fonde sur. cette observation, que certains corps ayant même structure, difèrent beaucoup de densité; cer- tains, autres, au contraire, ayant même densité, diffèrent par• la structure. Les chimistes, dans leur triade de principes, remarquent avec justesse que le soufre et le mercure sont répandus en quelque façon dans l'univers. entier; mais ils sont loin de rencontrer aussi juste en traitant du sel, et l'on voit bien que leur théorie est faite ici uniquement pour ramener à ce principe les corps terreux, secs, et les fixes. En ce qui concerne les deux premiers, on ne peut méconnaître qu'ils nous _offrent tous deux des exemples d'affi- nités naturelles, aussi générales que possible. En effet, le soufre a de l'affinité pour l'huile, les exhalaisons des corps gras, la flamme, et peut-étre-la substance des étoiles; le mercure a de l'affinité pour. l'eau, les vapeurs aqueuses, l'air, et peut-être l'éther pur, qui remplit tous les espaces entre les corps célestes. Cependant ces composés géminés , et ces deux grandes familles de corps (à les considérer chacune dans son ordre) diffèrent extrêmement par la quantité de matière'et la densité, mais se ressemblent beaucoup par la composition même, comme l'expé- rience nous en donne mille preuves. Les métaux, au contraire, se ressemblent beaucoup par la quantité de matièie et la densité (surtout si on les compare aux êtres organisés), mais diffèrent singulièrement par la structure. 11 faut en dire autant -des diverses espèces de végétaux et d'animaux qui- diffèrent, à peu près à l'infini, par la structure, mais sont tous compris, relativement à la densité, entre deux degrés de l'échelle assei rapprochés. Immédiatement après cette double affinité., qui nous paraît au premier rang pour la généralité, nous devons placer celle qui existe entre les principaux corps et leurs foyers ou leurs ali- ments. Que l'on recherche donc vers quel climat, dans .quel terrain, à quelle profondeur s'engendre chacun des métaux; que l'on fasse les mêmes observations pour les pierres précieuses, celles que l'on extrait des roches comme celles que les mines contiennent; pour les plantes aussi, les arbres, arbrisseaux, herbes,, on doit observer quel sol leur convient, quels engrais leur profitent le mieux, soit fumiers de tout genre,- soit craie, sable marin, cendres, etc., et quelle convenance existe entre chaque espèce d'engrais et chaque nature de terrain. La greffe des arbres et des plantes, la méthode à suivre pour la bien pratiquer, le succès à obtenir dans ce genre d'opération, etc., voilà des choses encore qui dépendent des affinités. Dans cet ordre, on a fait récemment des expériences fort intéressantes qu'il serait bon de répéter et de varier : on a pratiqué la greffe sur les arbres des forêts, ce que l'on s'était borné jusqu'alors , à faire sur les arbres des jardins; on a obtenu pour résultat des feuilles plus larges, plus épaisses, des glands plus forts, un ombrage plus touffu. Par la même méthode, il faut savoir quels aliments conviennent le mieux à chaque espèce d'animaux, et joindre dans cette étude les expériences négatives aux. posi- tives. Par-exemple, les animaux carnivores ne peuvent se mettre au régime de l'herbe; aussi l'ordre des Feuillants, après expé- rience faite, se réduisit-il à presque rien, la _nature humaine protestant contre son régime intolérable; et cependant la volonté a plus de pouvoir sur nos, corps qu'elle n'en a sur aucune autre organisation dans le règne animal; il faut encore observer, dans le même esprit, les matières putrides d'où naissent diverses espèces de petits animaux. Ainsi donc, les affinités des corps principaux pour leurs subor- donnés (on peut donner ces titres aux divers principes que nous avons mentionnés) y sont assez manifestes. On aperçoit encore facilement les corrélations des sens et de leurs objets. Observer avec soin, saisir et analyser avec précision les affinités mani- festes, c'est répandre déjà une assez vive lumière sur celles qu e la nature nous cache. Tout le sujet des affinités et des répulsions, ou, si l'on veut, des amitiés et des hostilités (pour ne plus employer les. expres- sions de sympathie et d'antipathie, auxquelles sont attachées tant, d'idées superstitieuses et vaines), a été jusqu'ici traité avec une-rare imperfection ; à peine rencontrons-nous quelques faits certains, au tmilieu d'inexactitudes sans nombre et de fables qui défigurent tout. On voit que la vigne et le chou, plantés l'une auprès de l'autre, ne viennent pas bien ; faut-il en conclure qu'il .y a de la répulsion entre eux? Non pas. Tout s'explique par la na- ture de ces deux végétaux, qui ont besoin de beaucoup de sucs, les enlèvent avidement à la terre, -et. se. font ainsi une concur- rence funeste. On voit que le bluet et le coquelicot .poussent en abondance dans les champs de blé, et presqûe jamais on ne les aperçoit ailleurs; faut-if en conclure qu'il y a affinité et ami- tié entre ces fleurs et le blé? Non pas; on soutiendrait avec plus de raison que les fleurs en question et le blé. sont de natures contraires, parce que ces plantes délicates se nourrissent des sucs ,que le grain abandonne ou rejette ; de telle sorti qu'ense- mencer une terre de blé, c'est la préparer à produire coquelicots et bluets. Voilà cependant de fausses inductions qui ont eu cours et qu'il faut détruire; il en existe malheurèusement une foule de ce genre. Quant aux fables, ce qu'elles méritent, c'est une guerre d'extermination. Il ne resterait donc, après une revue critique, qu'un petit nombre de phénomènes certains et d'affi- nités bien constatées, comme celle de l'aimant et du fer, de l'or et du vif-argent, et quelques autres. Parmi le grand -nombre d'expériences que-les chimistes ont faites sur les métaux, -on trouverait encore certains effets d'affinité précieux à -connaftre. Nais la majorité des connaissances acquises• nous• est 'fournie par la -pratique médicale; il existe assurément des remèdes de di- verses sortes, qui, par leurs propriétés occultes -et spécifiques (comme on les nomme), semblent appropriés à certains organes, à certaines humeurs, à certaines maladies, quelquefois -mémo à telle constitution individuelle. On ne doit pas non plus-négliger les corrélations des mouvements et des phases de la lune, avec certaines dispositions ou accidents des corps inférieurs; ces corrélations existent; l'expérience de l'agriculteur, du marin, du médecin, ne permet pas d'en douter. Soumettez à un contrôle sévère les données- d'une telle expérience, et la science posse dera sur ce sujet des documents certains. Plus il est difficile -et rare de pénétrer les secrets de la nature, dans cet ordre-de dis- positions, plus il importe d'étre vigilant, attentif à la saisir, de recueillir les'relations dignes de foi, pourvu qu'on ne se laisse pas entralner légèrement à croire sans contrôle, et que l'esprit, toujours sur ses gardes, n'admette les faits qu'à bon escient. . Reste un genre de corrélations- qui, eu égard. au. -procédé. de l'opérateur, semble ne rien tenir de l'art, mais dont-il nous est donné de faire grand usage ; pour cette raison, on doit le- placer au rang des faits polÿchrestes et l'étudier fort -attentivement : c'est l'union et la combinaison, .facile ou difficile, -des diverses substances par voie de mélange ou de .simple juxtaposition. Il est des substances qui se mêlent et se combinent facilement; d'autres, au contraire, difficilement et mal : -ainsi les poudres s'incorporent volontiers avec l'eau; la chaux et-les cendres avec l'huile, etc. Étudions encore les faits de,propension•ou de ré- pugnance des corps, lion plus au point de vue des mélanges, mais relativement à la distribùtion des parties; sachons •com- ment elles s'ordonnent et dans quelle situation respective elles s'établissent enfin après le mélange ; sachons -en -dernier lieu quelles parties deviennent prédominantes quand -les mélanges sont opérés. 7° Alternation habile et sage, série et succession de tous -les moyens précédents, ou du moins de quelques-uns d'entre eux. , Quant à ce dernier procédé, il n'est pas opportun d'en pro- poser, des exemples avant d'avoir approfondi chacun des six premiers. Ce qu'il y a de plus important ici, et pour la théorie et pour la pratique, c'est la détermination de la série, l'ordre et la liaisôn des éléments alternatifs , et leur appropriation à cha- cun des effets que l'on veut produire. Malheureusement, les hommes ne se livrent pas volontiers aux recherches et aux opéra- tions de cette nature; une extrême impatience les en détourne bientôt; et cependant on peut dire que c'est là le fil du laby- rinthe; refusér de le suivre, c'est se rendre absolument inca- - pable,de grandes choses. Mais en voilà assez pour des exemples de faits polychrestes. .$1. Parmi les faits privilégiés, nous placerons en vingt-septième et dernier lieu ,les faits magiques. Nous appelons ainsi ceux qui présentent une matière ou une cause efficiente, petite et faible en çomparaison de la grandeur de l'ouvrage et de l'effet qui en résulte; de telle façon que, quand même ils seraient vulgaires , ils ne paraîtraient pas moins être des miracles, les uns' au pre- mier, regard, les autres après une observation attentive. La nature en produit peu de son jeu naturel, mais on verra plus tard , après la découverte des formes , des progrès et des consti- tutions intimes, ce qu'elle pourra faire, lorsqu'on l'aura remuée dans ses profondeurs. Il y a, trois. espèces de ces faits magiques . 1° Dans les uns, une certaine nature se multiplie elle-même; exemples.: le feu , les poisons que l'on nomme spécifiques ,.les mouvements communiqués et renforcés par un engrenage de roues; 2° Dans les phénomènes de la seconde espèce, une certaine puissance est excitée et provoquée par un corps dans un autre; exemples : l'aimant qui magnétise une .multitude d'aiguilles, sans rien perdre de sa vertu propre; le levain et toutes les-nia- tières analogues. 3° Daps les phénomènes de la troisième espèce, les effets mer- veilleux sont produits par l'énergie et surtout la promptitude d'un mouvement qui en prévient un autre, comme nous l'avons ex- pliqué de la pendre à canon, de l'artillerie, des mines. Do ces trois- procédés, les deux premiers exigent la connais- sauce des affinités,' le troisième, celle de la mesure des mouve- ments. Existe-t-il ou réalité un moyen de transformer lés corps en opérant sur- léurs- plus petites parties (dans leurs dernières molécules), et- de changer' leur texture la plus délicate, en leur en imposant une autre? Rien jusqu'ici ne nous permet de répon- dre affirmativement à cette grande question. Si l'homme âcqué- •rait jamais un tel pouvoir, il effectuerait toutes les transforma- tions possibles; et l'on •verrait'notre industrie produire én peu de temps ce que- la nature n'accomplit qu'en suivant millé dé- tours"ét au bout d'une longue période.' Jusqu'ici une telle espé- rance-ne serait que présomption; or;- ce même àmour de la vé- rité _qui, sur un terrain solide et parmi les , notions certainës, nous fait aspirer à tout ce qu'il y a dé plus haut et de plus grand; nous inspire- une aversion profonde et constante pour les pré- somptions et les idées chimériques, et nous excite à les combat- tre, à les détruire, autant qu'il est en notre pouvoir. - M. Voilà ce que nous avions à dire des prérogatives et privi- léges' des faits. Nous devons cependant avertir que , dans cet Organum , c'est de la logique que nous faisons et non de la phi Iosophie. Mais, comme notre logique instruit l'esprit et lui ensei- gne à ne point se payer des vaines abstractions qu'il crée (comme l'y pousse la logique 'vulgaire), mais à pénétrer dans la réalité des choses, à découvrir les puissances des corps, leurs actes et leurs lois déterminées dans la matière, en -sorte qüe la. vraie science ne reproduise pas seulement la'nature de l'intelligence , mais aussi celle des choses , il ne faut pas s'étonner si , pour en éclaircir les préceptes, nous l'avons remplie d'exemples emprun- tés•à des observations et à des expériences naturelles. • Il y .a .donc , comme le prouve tout ce qui précède, vingt-sept espèces de faits privilégiés, qui sont les faits solitaires, les faits de migration , les faits indicatifs , les faits clandestins,'les faits constitutifs , les faits conformes , les faits exceptionnels; les faits 'de déviation, les faits limitrophes, les faits de puissance; les -faits de concomitance et hostiles, les faits adjoncti fs, les faits d'alliance, les faits de la croix, les faits de divorce, les faits dé ta porte, les faits de citàtian, les faits de la route, les faits de sup- plément, les faits de dissection; les. faits de la verge, les faits de la carrière, les doses de la nature, les'faits'de la lutte, les faits significatifs , les faits polychrestes, les faits magiques: - L'usage de ces faits, par où ils l'emportent sur les faits vul- pires, est relatif ou à la théorie, ou à la -pratique, ou à toutes deux simultanément. En ce qui touche la partie théorique, ces faits donnent des secours, soit aux sens, soit à L'intelligence : aux sens, comme les cinq faits de la larnpeà l'intelligence, en .faisant connaître promptement ce qui n'est pas la forme, comme les faits solitaires; ou en préparant et en pressant la connaissance positive de' la forme, comme les faits de migration, les faits in- dicatifs,, ceux- de concomitance et les. faits adjonctifs, ou en éle- vans l'.esprit, et en le conduisant aux,genres et aux natures com- munes, et:cela immédiatement,.comme les faits clandestins, exceptionnels et «alliance; ou au «degré 'le plus proche, comme Ies faits constitutifs; ou au degré. le plus bas, comme les faits conformes, ou en dégageant l'esprit du faux pli que lui donnent les habitudes, .comme les faits de déviation; ou, en le conduisant à la forme générale, ou composition de l'univers, comme les faits limitrophes; ou en le mettant en garde contre les causes et les formes mensongères , comme les faits de la croix et' de divorce. En ce qui touche la pratique, les faits privilégiés indiquent les opérations, ou les mesurent, ou les rendent moins onéreuses. ils les indiquent, en montrant par où il faut commencer pour ne point refaire ce qui est déjà fait, comme les faits de puissance , ou à quel but il faut tendre , si l'on en a le pouvoir , comme les faits significatifs; ils les mesurent, comme les quatre sortés de faits.mathématiques; ils les rendent moins onéreuses, comme les faits polyclvrestes et magiques.. En, outre, parmi ces vingt-sept espèces de faits ,,il• en est plu- sieurs, comme nous I'àvons .dit plus haut., ,à propos de quelques- unes , dont il faut faire un recueil dès le commencement , sans attendre les recherches particulières sur chacune des natures. De ce genre sont les faits conformes , exceptionnels, de déviation., limitrophes , de puissance , de la porte, significatifs,, polychrestes., magique; car tous ces faits servent à l'intelligence et aux sens, ou les rectifient ou préparent les opérations d'une manière gène- raie. I1 faut au contraire recueillir les autres , lorsqu'on dresse les tables de comparution pour le travail de l'interprétation relatif à quelque nature particulière; car ces faits ont de tels privilèges et une telle importance , qu'ils sont comme l'âme des faits vul- gaires de comparution , et , comme nous.l'avons dit en. commen- çant, quelques-uns d'eux en valent une multitude des autres. C'est pourquoi, lorsque nous dressons les tables , il les faut re- chercher avec un soin extréme, et les recueillir dans les tables. Il nous faudra encore parler de ces faits dans la suite, mais noùs devions dès l'abord en traiter et les expliquer. Maintenant, nous devons en venir aux auxiliaires et aux rec- tifications de l'induction, puis ensuite, aux natures concrètes, aux progrès latents, aux constitutions cachées et à tous les autres sujets que nous avons proposés dans le vingt et unième apho- risme, pour que nous puissions enfin (comme des curateurs pro- bes et fidèles) confier aux hommes leur fortune, après que leur intelligence aura été émancipée et sera en quelque façon devenue majeure; d'où résultera nécessairement une amélioration de la condition humaine et .un accroissement de son pouvoir sur la nature. L'homme, par sa chute, a perdu son état d'innocence et son empire sur les créatures; mais l'une ét l'autre perte peut se réparer en partie dans cette vie , la première par la religion et la foi, la seconde par les arts et les sciences. La malédiction portée contre l'homme ne lui a pas rendu la créature compléte- ment et irrévocablement rebelle; mais au nom mémos de cet arrêt : Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front; elle est con- trainte par les travaux variés de l'homme (non certes par des discussions ou de vaines cérémonies magiques), à lui fournir son pain de quelque façon, c'est-à-dire à satisfaire les divers besoins de la vie.