[2,14] On peut voir, par les tables précédentes, combien nous sommes pauvres en fait d'histoire naturelle. A côté d'expériences certaines et constatées se trouvent plusieurs faits connus, par ouï-dire, mais que nous ne donnons, il est vrai, qu'en avertissant de leur douteuse obscurité ; et souvent nous sommes obligés d'employer ces expressions., que l'on fasse expérience ou que l'on pousse plus loin les recherches. [2,15] L'oeuvre et l'office de ces trois tables est ce que nous avons coutume d'appeler la comparution des faits devant l'intelligence. Cette comparution étant faite, on doit travailler à l'induction. Il faut trouver dans la comparution de toutes et de chacune des expériences une propriété telle, que partout elle soit présente ou absente, qu'elle croisse ou décroisse avec la propriété donnée, et qu'elle soit, comme nous l'avons dit, plus haut, la limitation d'une nature plus générale. Si l'esprit débutait par établir une telle propriété ou loi (ce qu'il fait toujours quand il est abandonné à lui-méme), il rencontrerait des chimères, des fantaisies, des principes reposant sur des notions mal définies, des lois à réformer chaque jour, à moins de préférer, à la façon des écoles, combattre pour des erreurs. Sans aucun doute, de tels travaux auront plus ou moins de qualité, selon la force et le talent de l'esprit qui les produira. Mais il n'appartient qu'à Dieu, qui a.créé et mis dans la nature les formes, et peut-être aux anges et aux intelligences pures, de connaître Ies formes a priori et par une appréhension immédiate, qui excède les forces de l'homme; tout ce que peut notre esprit, c'est de procéder d'abord par des négatives, et d'aboutir en dernier lieu aux affirmatives, après avoir fait toutes les exclusions convenables. [2,16] Il faut donc opérer, dans la nature des solutions et des décompositions, non par le feu, certes, mais par l'intelligence, comme par une sorte de feu divin. Le premier travail de l'induction véritable, en ce qui touche la découverte des formes, consiste dans le rejet et l'exclusion de chacune des propriétés qui ne se trouvent point dans toutes les expériences où se présente la propriété donnée, ou qui se trouvent dans quelqu'une des expériences où la propriété donnée ne se rencontre pas ; ou que l'on voit dans certaines expériences croître, lorsque décroît la propriété donnée, ou décroître lorsque celle-ci croit. Alors seulement, et en second lieu, après qu'on aura procédé au rejet et à l'exclusion, selon les règles, il restera pour ainsi dire au fond, toutes les opinions légères s'envolant en fumée, la forme certaine, solide et vraie, et bien déterminée. Ce travail, que l'on indique ainsi en peu de mots, ne s'accomplit qu'à travers des difficultés et des détours nombreux. Mais, autant que possible, nous n'omettrons aucune des indications nécessaires pour le bien conduire. [2,17] Il faut prendre garde, et nous devons en avertir continuellement, de ne point appliquer ce que nous disons des formes auxquelles nous accordons tant d'importance, à ces formes dont jusqu'ici les pensées des hommes ont été occupées et les systèmes remplis. D'abord, nous ne parlons pas présentement des formes combinées qui sont, comme nous l'avons dit, la réunion ou fusion de plusieurs propriétés simples, telles que celles du lion, de l'aigle, de la rose, de l'or, et autres semblables. Le moment de traiter de ces formes viendra lorsque nous serons arrivés aux progrès latents et aux constitutions cachées, et à l'art de les découvrir telles qu'on les trouve dans les substances, comme on dit, ou natures concrètes. D'un autre côté, ce que nous disons des propriétés simples me doit pas s'entendre des formes ou idées abstraites, ou qui n'ont point de détermination matérielle, ou qui sont mal déterminées. Car, en parlant des formes, nous n'entendons rien autre chose que les lois mêmes et les déterminations d'un acte pur qui règlent et constituent quelques propriétés simples, comme la chaleur, la lumière, la pesanteur, en toute espèce de matière et dans tous les sujets qui peuvent recevoir cette propriété. Ainsi, la forme de la chaleur ou la forme de la lumière est absolument la même chose que la loi de la chaleur ou la loi de la lumière; car jamais nous ne faisons abstraction de la réalité et ne perdons de vue la pratique. C'est pourquoi, lorsque nous disons dans la recherche de la forme de la chaleur : rejetez la ténuité, ou la ténuité n'est point la forme de la chaleur, c'est la même chose que si nous disions : l'homme peut produire la chaleur dans un corps dense; ou sous un point de vue opposé, l'homme peut enlever ou éloigner la chaleur d'un corps léger. Que si, quelqu'un trouve que nos formes ont encore quelque chose d'abstrait, en ce qu'elles mêlent et réunissent des natures hétérogènes (car il semble que ce soient des choses fort hétérogènes que la chaleur des astres et celle du feu ; que le rouge posé sur la rose ou sur d'autres fleurs, et celui qui paraît dans l'arc-en-ciel ou dans les rayons de l'opale ou du diamant ; que la mort par l'eau, ou la mort par le feu, par la blessure d'une épée; par apoplexie, par atrophie ; et cependant toutes ces diversités se rencontrent dans la nature de la chaleur, de la rougeur et de la mort), il reconnaîtra que son intelligence est captivée et retenue par la coutume, la répugnance à décomposer, et des opinions sans fondement. Car il est très certain que toutes ces choses, quoique hétérogènes et diverses, conviennent dans la forme ou dans la loi qui règle la chaleur, la rougeur ou la mort; et qu'on ne peut émanciper le pouvoir de l'homme, l'affranchir du cours ordinaire de la nature, l'agrandir et le porter à des effets nouveaux et à de nouveaux modes d'opérer, que par la découverte et la mise au jour de ces formes. Cependant, après avoir insisté sur cette unité de la nature, qui est le point fondamental, nous parlerons après et en leur lieu des divisions de la nature, et comme de ses veines, tant apparentes qu'intérieures et essentielles. [2,18] Il nous faut maintenant proposer un exemple d'exclusion ou de rejet des propriétés, que par les tables de comparution on découvre ne point tenir à la forme de la chaleur, en avertissant cependant que pour l'exclusion d'une nature, non seulement chacune des tables suffit, mais encore chacun des faits particuliers contenus dans ces tables. Car, d'après ce que nous avons dit, il est manifeste que tout fait contradictoire suffit pour renverser une opinion conçue a priori sur la forme. Néanmoins, pour plus de clarté, et,pour que l'usage des tables soit parfaitement démontré ; nous répétons et multiplions quelquefois une même exclusion. Table d'exclusions et de rejets, pour une étude de la chaleur, et de sa forme essentielle. 1° Par les rayons du soleil, est exclue la nature élémentaire. 20 Par le feu ordinaire, et surtout par les feux souterrains (qui sont très éloignés des rayons du soleil, et la plupart sans communication avec eux), est exclue la nature céleste. 3° Par le phénomène de l'échauffement, qui se produit dans les corps de toute espèce (minéraux, végétaux, parties externes des animaux, eau, huile, air, et les autres), en vertu de la seule proximité du feu, ou d'un autre corps chaud, est exclue la diversité intime, ou la contexture moléculaire des corps. 4° Par le fait du fer rouge, et en général des métaux ardents qui échauffent les autres corps, sans perdre aucune partie de leur poids ou de leur substance, est exclue l'immixtion ou le mélange de quelque substance propre qui recèle la chaleur. 5° Par l'eau chaude, l'air, les métaux eux-mémes et les autres solides chauffés sans étre portés au rouge, est exclue la lumière ou l'éclat. 6° Par les rayons de la lune et des autres astres (à l'exception du soleil), est exclue la lumière ou l'éclat. 7° Par la comparaison du fer rouge et de la flamme de l'esprit-de-vin (le fer rouge ayant plus de chaleur et moins d'éclat; la flamme de l'esprit-de-vin, plus d'éclat et moins de chaleur), est exclue la lumière et l'éclat. 8° Par l'or et les autres métaux que nous pouvons chauffer jusqu'au rouge, et qui sont d'une densité extrême, est exclue la ténuité. 9° Par l'air, qui, le plus souvent est froid et demeure toujours léger, est exclue encore la ténuité. . 10° Par le fer rouge, qui ne se gonfle pas, et garde sensiblement son même volume, est exclu le mouvement local ou expansif, dans la masse du corps. 11° Par la dilatation de l'air dans le tube thermométrique et autres semblables, dilatation qui est un mouvement local, et manifestement expansif, sans que la chaleur de l'air s'accroisse sensiblement, est exclu de nouveau le mouvement local ou expansif dans la masse. 12° Par le facile échauffement de tous les corps, sans destruction, sans aucune altération notable, est exclue toute nature destructive, ou toute immixtion violente de quelque nature nouvelle. 13° Par l'analogie et la conformité des effets semblables que produisent le chaud et le froid, est exclu le mouvement tant expansif que contractif, dans la masse. 14° Par le fait de la production de la chaleur au moyen du frottement, est exclue toute nature principale. Nous appelons nature principale celle qui a une existence positive dans la réalité, et qui n'est la conséquence d'aucune nature antérieure. Il y a d'autres exclusions ; mais ce ne sont pas des tables complètes que nous dressons, nous donnons seulement des exemples. Aucune des natures que nous venons d'indiquer n'appartient donc à la forme essentielle de la chaleur. Aucune d'elles n'enchaîne l'industrie de l'homme, en ce qui concerne le calorique. [2,19] C'est dans cette table d'exclusions que sont les fondements de la véritable induction, qui cependant n'est accomplie que lorsque l'esprit se repose dans une connaissance positive. Une table d'exclusions n'est et ne peut d'aucune façon être parfaite dans les commencements. Car une exclusion, comme on le voit manifestement, est le rejet d'une certaine nature simple. Mais si nous n'avons pas encore de vraies et de bonnes notions des natures simples, comment pouvoir rectifier une table d'exclusions? Plusieurs des notions dont nous faisons usage dans les tables précédentes, comme celles de la nature élémentaire, de la nature céleste, de la ténuité, sont vagues et mal définies. C'est pourquoi, nous qui connaissons l'état de l'esprit et ses besoins, et qui pensons à la grandeur de notre oeuvre, qui est d'égaler l'esprit humain à l'immensité des choses et de la nature, nous ne nous reposons nullement sur les préceptes que nous avons donnés jusqu'ici; mais nous poussons plus loin notre ouvrage, et nous cherchons pour l'intelligence des secours plus puissants que nous allons maintenant exposer. Et certainement il faut, dans l'interprétation de la nature, que l'esprit soit instruit et réglé de telle sorte, qu'il se tienne toujours dans les degrés légitimes de la certitude, et qu'il pense cependant, surtout dans les commencements, que la valeur des connaissances acquises dépend beaucoup de celles qui restent à acquérir. [2,20] Cependant, comme la vérité ressort plus vite de l'erreur que de la confusion, nous estimons utile de permettre à l'esprit, après que les tables de première comparution, telles que nous les avons exposées, ont été recueillies et méditées, de s'essayer et de tenter l'oeuvre positive de l'interprétation de la nature, au moyen des faits contenus dans les tables, et de tous ceux qui se présenteraient en dehors d'elles. Nous appellerons ce genre d'essais, permission de l'intelligence, ou interprétation ébauchée, ou première vendange. - Il faut remarquer que la forme se trouve (comme il est manifeste d'après ce que nous avons dit) dans tous et chacun des faits ou se trouve la chose elle-même ; autrement, ce ne serait pas la vraie forme : c'est pourquoi l'on ne doit pouvoir lui opposer aucun fait contradictoire. Cependant la forme est bien plus évidente et manifeste dans certains faits que dans d'autres ; ces faits privilégiés sont ceux où la nature de la forme se trouve moins gênée et moins contrainte par d'autres natures, ceux ou la prédominance lui appartient. Nous appèlons ces faits, faits éclatants et indicatifs. Nous en venons maintenant à la première vendange sur la forme de la chaleur. Première vendange sur la forme de la chaleur. Toutes les expériences dans leur ensemble, chacune d'elles prise à part, démontrent que la nature, dont la limitation est la chaleur, c'est le moùvement. C'est ce que l'on voit parfaitement dans la flamme, qui est en mouvement continuel; dans les liquides chauffés et bouillants, dont le mouvement est aussi continuèl. On le voit encore dans tous les accroissements de chaleur produits par le mouvement, exemples : les effets connus des soufflets et des vents (Expér. 29, table 3); il en est de même de toute autre espèce de mouvement (Expér. 28 et 31, table 3). Ce qui le prouve encore, c'est l'extinction subite du feu et de la chaleur par une forte compression, qui empêche et fait cesser le mouvement (Expér. 30 et 32, table 3). Une autre preuve, c'est que tout corps est détruit ou du moins gravement altéré par le feu et par toute chaleur forte et violente. D'où manifestement il faut conclure que la chaleur produit une perturbation, un tumulte, une agitation extrème dans les parties internes du corps, qui est dès lors entraîné à sa dissolution. Ce que nous disons ici du mouvement, à savoir qu'il est à la chaleur comme le genre à l'espèce, doit être entendu, non pas en ce sens que la chaleur engendre le mouvement ou que le mouvement engendre la chaleur (quoique dans certains cas l'un et l'autre soient vrais), mais en ce sens que la chaleur, en ce qui la constitue, ou en d'autres termes, que l'essence même de la chaleur c'est le mouvement et rien autre chose; mais le mouvement, limité par certaines différences que nous déterminerons un peu après, quand nous aurons indiqué quelques précautions utiles pour lever toute équivoque. La chaleur sensible est une chose toute relative; ce que nous percevons en elle, ce n'est qu'une relation à la nature humaine, non pas une réalité absolue; on pourrait la définir : un effet du calorique sur les esprits animaux; et même ainsi considérée elle n'a rien de fixe et de précis, puisque le même corps, suivant la disposition de nos organes, produit en même temps la sensation du chaud et celle du froid (Expér. 41, table 3). La communication de la chaleur, ou sa nature transitive, en vertu de laquelle une substance approchée d'un corps chaud s'échauffe, ne doit pas être confondue avec la forme ou l'essence du calorique. Étre chaud, être échauffant, ce sont deux choses distinctes. Car, au moyen du frottement, vous produisez la chaleur sans le secours d'une substance déjà chaudé, d'où l'on conclut que le pouvoir d'échauffer et l'essence de la chaleur sont choses distinctes. Et lorsque l'échauffement est déterminé par l'action d'un corps chaud, ce n'est pas un effet propre de l'essence du calorique, c'est l'effet d'un principe plus général et plus élémentaire, à savoir de la propriété générale d'assimilation ou de reproduction de soi-même, sujet qui exige une étude toute spéciale. La notion de feu est vulgaire et n'a aucune valeur; elle répond au concours qui se fait de la chaleur et de la lumière dans certaines substances, comme dans la flamme ordinaire, et dans les corps chauflés au rouge. Nous étant mis en garde contre les équivoques, il faut exposer maintenant, les différences vraies qui limitent le mouvement, et font de lui la forme de la chaleur ou le calorique proprement dit. Première différence : La chaleur, c'est le mouvement expansif par lequel le corps tend à se dilater, et à occuper une plus grande sphère où un plus grand espace qu'il ne faisait auparavant. Cette différence se voit surtout dans la flamme, où la vapeur, c'est-à-dire l'exhalaison grasse, se dilate manifestement et fait explosion en flamme. Elle se voit dans tout liquide chauffé, qui manifestement se gonfle, monte, envoie des bulles et poursuit le cours de sa dilatation, jusqu'à ce qu'il soit changé en un corps beaucoup plus rare et diffus que les liquides, à savoir, une vapeur, une fumée, un air. Elle se voit dans toute espèce de bois et de combustible, où l'on observe souvent une exsudation, toujours une évaporation. Elle se voit dans la liquéfaction des métaux, qui étant des substances très compactes, ne peuvent se gonfler ni se dilater facilement; mais leur esprit, après s'être dilaté à l'intérieur de la masse, ayant besoin encore d'une plus grande dilatation, pousse et chasse devant lui les parties les plus grossières et les réduit en liquide. Si l'intensité de la chaleur s'accroit encore, l'esprit résout et convertit en une substance volatile une grande partie des molécules. Elle se voit encore dans le fer et les pierres, qui, sans se fendre et se liquéfier, s'amollissent du moins. Même phénomène pour les verges de bois : chauffées un peu dans les cendres chaudes, elles deviennent flexibles. Elle se voit parfaitement dans l'air, dans lequel un très faible degré de chaleur détermine une dilatation continue et manifeste (Expér. 38, table 3). Elle se démontre encore par la propriété contraire du froid. Le froid, en effet, resserre et contracte tous les corps; ainsi, par un froid très vif, les clous tombent des murs, l'airain se rompt; le verre, chauffé d'abord et soumis tout à coup à l'action du froid, se brise; l'air, au plus léger refroidissement, se contracte (Expér. 38, table 3). C'est ce que nous expliquerons plus au long, en traitant spécialement du froid. II n'est pas étonnant que le chaud et le froid produisent plusieurs effets semblables (Expér. 32, table 2), car il y a deux des différences suivantes qui leur sont communes; mais, pour cette première différence dont nous parlons maintenant, leurs actions sont diamétralement contraires : le mouvement proprre à la chaleur est expansif et dilate, le mouvement, propre au froid resserre et contracte. La seconde différence est une modification de la première; elle consiste en ce que le mouvement qui fait la chaleur est expansif, c'est-à-dire procède du centre à la circonférence, mais sous cette condition, qu'en même temps il procède de bas en haut: On sait, d'ailleurs, que plusieurs mouvements peuvent se rencontrer en un même sujet. Par exemple, une flèche, un dard, ont tout ensemble le mouvement de progression et celui de rotation: C'est ainsi que le mouvement constitutif, de la chaleur est à la fois expansif et ascendant. Cette différence se voit dans une tenaille ou une verge de fer mise au feu : placez-la perpendiculairement et tenez-la d'en haut, bientôt elle vous brûlera la main; tenez-la de côté ou d'en bas, elle ne fera son effet que beaucoup plus tard. Elle se voit dans les dsitillations par effet descendant, comme celles que l'on pratique pour les fleurs délicates, dont les parfums se dissiperaient facilement. L'industrie a imaginé de mettre le foyer au-dessus, et non au-dessous des fleurs, afin que l'action du feu soit plus douce. Car ce 'n'est pas seulement la flamme qui s'élève, mais toute espèce de chaleur. ' On devrait faire l'expérience inverse sur le froid ; rechercher si le froid contracte les corps, en se portant vers le bas, comme la chaleur les dilate en se portant vers le haut. Pour cette expérience, que l'on prenne deux verges de fer ou deux tubes de verre bien pareils; qu'on les change d'abord, et qu'ensuite on place une éponge trempée dans l'eau froide, ou de la neige au-dessous de l'un des tubes, et un même réfrigérant, au-dessus de l'autre. Il nous semble que l'on verrait le froid se communiquer plus vite à l'autre extrémité du tube refroidi par le haut qu'à celle du tube refroidi par le bas; ce qui est l'inverse des effets produits par la chaleur. Troisième différence : la chaleur est un mouvement expansif, non pas d'ensemble et de la masse entière, mais de chacune des molécules, en telle sorte qu'il est en même temps empêché, combattu, répercuté; de là une continuelle alternative, une trépidation et des efforts incessants, et par la lutte une irritation d'où provient la fureur du feu qui sévit. Cette différence se. voit surtout dans la flamme et dans les liquides en ébullition qui sont continuellement agités, se gonflent par petites parties et retombent alternativement. Elle se voit dans les substances d'une contexture si ferme qu'elles ne s'enflent point quand on les chauffe ou qu'on les porte au rouge, et qu'elles n'éprouvent point de dilatation sensible; comme le fer rouge, dont la chaleur est très intense. Autre preuve quand le froid est très vif, le feu de nos foyers devient très ardent. Autre preuve : lorsque l'air se dilate dans le tube thermométrique, sans aucun empêchement, d'un mouvement égal et tranquille, il ne se produit point de chaleur` sensible. Pareillement, lorsque les vents opprimés font éruption subite avec violence, on n'éprouve pas-de chaleur fort appréciable, parce qu'alors c'est un mouvement d'ensemble et non pas un mouvement alternatif de molécules. Pour mieux éclaircir ce point, il faudrait voir si la chaleur de la flamme. n'est pas plus intense aux bords qu'au milieu. Autre preuve : dans le phénomène de la combustion, la chaleur se communique à travers les plus petits pores de la substance, comme autant de canaux; elle mine pénètre, fouille, attaque les molécules; c'est comme l'action d'une multitude de petites pointes acérées. On explique ainsi que les eaux-fortes, quand elles ont de l'affinité pour une substance, y produisent les effets de la chaleur, en vertu de leur nature pénétrante et corrosive. La troisième différence, dont nous parlons maintenant, est commune à la chaleur et au froid ; le mouvement contractif du froid est combattu par une réaction expansive, comme le mouvement expansif de la chaleur est combattu par une réaction contractive. Que la première impulsion ait lieu de la circonférence au centre ou du centre à la circonférence, la loi est la même; bien qu'il y ait une très grande différence dans les degrés d'intensité; car nous ne voyons nulle part, à la surface de la terre, le froid s'élever très haut (Exper. 27, table 3). La quatrième différence est une modification de la précédente; elle consiste en ce que ce mouvement de stimulation et de pénétration doit être sans lenteur, assez rapide, distribué dans les petites particules, non pas toutefois dans les infiniment petites, mais dans ce que nous considérons comme molécules. Cette différence se démontre par la comparaison des effets du feu avec ceux du temps ou de l'âge. L'âge ou le temps dessèche, consume, mine, réduit en poudre, non moins que le feu, et même beaucoup plus subtilement; mais parce que les mouvements de ce genre sont très lents, et qu'ils appartiennent en propre aux plus petites particules, ils ne produisent aucune chaleur sensible. Elle se démontre aussi par la comparaison de la dissolution du fer avec celle de l'or. L'or se dissout sans qu'il y ait production de chaleur; la dissolution du fer est accompagnée d'un très vif dégagement de chaleur; et cependant les deux dissolutions s'effectuent à peu près dans le même temps. La différence provient de ce que, dans l'or, le dissolvant s'introduit doucement, pénètre d'une action subtile, et que les parties cèdent facilement; tandis que le fer est attaqué violemment, et que ses molécules résistent énergiquement à l'action du dissolvant. Cette différence se voit encore, jusqu'à un certain point, dans certaines gangrènes ou corruptions des chairs, qui ne produisent ni beaucoup de chaleur, ni une douleur vive, à cause de l'action subtile des principes de corruption. Telle est la première vendange, ou l'interprétation ébauchée sur la forme de la chaleur, due à la permission de l'intelligence. De cette première vendange, il résulte que la forme ou la définition vraie de la chaleur (considérée en elle-même, et non pas relativement à nos sensations) peut être exprimée ainsi, en peu de mots : La chaleur est un mouvement expansif, combattu, et qui opère dans les molécules du corps. Au caractère de l'expansion il faut ajouter que c'est un mouvement du centre à la circonférence joint à un mouvement de bas en haut. A cet autre caractère du mouvement, action moléculaire, il faut ajouter que. l'action se fait sans lenteur, avec une certaine rapidité, et même de l'impétuosité. Pour la pratique, méthode conforme à cette définition. Tel est, en effet, le procédé général : si l'on peut, dans un corps quelconque, déterminer un mouvement de dilatation ou d'expansion, et en même temps comprimer et refouler ce mouvement, en sorte qu'il n'ait pas un cours tranquille, mais qu'il procède à travers des alternatives d'action et de réaction, indubitablement on produira de la chaleur. Peu importe que le corps soit élémentaire (pour employer le langage reçu), ou mêlé de principes célestes, lumineux ou opaques, rare ou dense; qu'il ait le champ libre, ou qu'il soit contenu dans des bornes immuables, qu'il tende à se dissoudre ou qu'il garde son état qu'Il soit animal, végétal ou minéral; que ce soit de l'eau, de l'huile, de l'air, ou toute autre substance, pourvu qu'on puisse lui imprimer le mouvement que nous avons défini. La chaleur, dans ses rapports avec nos sensations, est, au fond, la même chose, mais considérée à un point de vue relatif, dans sa proportion avec notre capacité de sentir, Maintenant, il nous faut en venir à l'explication des autres secours.