[23,0] ACHELOUS, ou le Duel. Les anciens écrivent qu'Hercule et Achelous, ayant querelle ensemble pour les noces de Déjanire, en vinrent finalement aux mains. Là dessus ils ajoutent qu'Achelous, ayant sous diverses formes et selon le pouvoir qu'il en avait, assailli Hercule, prit finalement celle d'un fort taureau; de quoi s'avisant Hercule et retenant toujours la figure humaine, il se rua de toute sa force sur cet animal, auquel il rompit une de ses cornes, accident qui affligea de telle sorte Achelous, que pour la recouvrer il fit un présent à Hercule de la corne qu'on appelle d'Amalthée ou d'abondance. Cette fable appartient proprement aux entreprises militaires. Car les préparatifs de la guerre, faits par la partie qui défend et qui nous est représentée par le fleuve Achelous, sont différents et de plusieurs sortes. Quant à l'assaillant, ses forces sont composées d'une seule armée navale. Mais pour le regard de celui qui attend l'ennemi sur ses propres terres, l'on ne saurait croire combien il a de choses à faire. Il lui faut d'abord fortifier les places ou les démanteler, tantôt lever des gens et les appeler des champs aux villes ou les mettre en garnison dans les principales forteresses et, maintenant, faire des ponts tous nouveaux et abattre les vieux, tenir l'armée prête, la pourvoîr de vivres et les partager entre les soldats. Bref il ne manque jamais d'occupation ni sur les rivières, ni dans les ports, ni au creux des montagnes, ni parmi les forêts ou ailleurs. De manière qu'au jour du combat il change de face, en prend une autre toute nouvelle et en fait épreuve. Ainsi, quand il a bien disposé toutes choses et mis en état ses préparatifs, c'est alors qu'iI nous représente au vif la forme et les beuglements d'un taureau qui entre au combat. Or comme l'assaillant ne cherche qu'à donner la bataille, l'appréhension qu'il a de manquer de vivres dans les terres de l'ennemi lui fait hâter son entreprise. Que si la bonne fortune veut qu'il gagne la victoire par ses prouesses et par ainsi qu'il rompe par manière de dire une corne à son ennemi, il obtient alors que lui-même affaibli de réputation et tout tremblottant mette son salut en la fuite et se retranche en d'autres lieux mieux fortifiés et plus assurés afin de s'y pourvoir de nouvelles forces. Par ce moyen outre que la ville demeure au vainqueur, le butin en est aux soldats; ce qu'on peut tenir pour une espèce de corne d'Amalthée.