[21,0] XXI. DEUCALION, ou la rénovation. La fable dit qu'après que le déluge universel eut emporté tous les habitants de la terre, Deucalion et Pyrrha, demeurés seuls et ardemment désireux de renouveler la race des hommes, apprirent de la bouche de l'oracle que toutes choses leur réussiraient selon leur désir, si prenants les os de leur mère, ils les jetaient derrière eux. D'abord cet oracle les affligea grandement et les mit comme au désespoir de ne venir jamais à bout de leur intention. Car la terre étant tout à fait bouleversée par le déluge, ils ne pouvaient espérer de reconnaître la tombe où reposaient les os de leur mère. Mais ils surent enfin que la terre était la commune mère de tous et que par des ossements il fallait entendre les pierres. Cette fable nous semble découvrir un secret de la nature et corriger une erreur qui n'est que trop familière aux esprits des hommes car l'ignorance les porte ordinairement à croire que les choses se renouvellent par le moyen de leur putréfaction, comme le Phénix croît de sa propre cendre. Mais pour moi je ne pense pas que cela se puisse aucunement, vu que telles matières sont déjà parvenues au bout de leur course et rendues entièrement incapables de servir de principes aux mêmes choses. C'est pourquoi le meilleur est de retourner en arrière aux principes qui sont plus communs.