[9,0] IX. Du mouvement des bouches à feu; il n'a été observé qu'en partie et ne l'a pas été dans la principale. [9,1] La connaissance de la cause des pièces d'artillerie, et l'explication de ce mouvement puissant et admirable, sont défectueuses et n'ont pas été envisagées dans leur partie principale. On dit que la poudre de guerre, quand elle est convertie et réduite en flamme, se dilate et occupe un espace plus considérable; qu'il s'ensuit que deux corps ne peuvent occuper la même place, ou qu'il ne peut y avoir pénétration des dimensions, ou que la forme élémentaire ne peut être détruite, ou enfin que la position des parties ne peut être contre la nature de tout un corps qui s'oppose à l'expulsion ou à l'effraction. C'est ce que l'on dit ; et ce raisonnement ne manque pas de justesse ; car cette tendance et cette propriété de la matière est pour quelque chose dans ce mouvement. Mais on se trompe pourtant en ce qu'on se hâte d'attribuer ce phénomène à la nécessité de se dilater, sans avoir auparavant réfléchi sur sa nature. En effet, que le corps de la poudre occupe un plus grand espace lorsqu'il est enflammé, il y a certainement nécessité; mais que le corps de la poudre s'enflamme et qu'il le fasse aussi rapidement, il n'y a pas même nécessité, mais cela dépend de la réunion et de la conformité précédente des mouvements. Nul doute que le corps solide et pesant, qui est poussé et éloigné par cette sorte de mouvement, ne fasse tous ses efforts pour résister jusqu'à ce qu'il cède; que s'il se trouve d'une force supérieure, la victoire lui reste, c'est-à-dire que la flamme ne chasse pas le projectile, mais que le projectile paralyse l'effort de la flamme; que si, au lieu de poudre de guerre, on prend du soufre ou du camphre, ou toute autre matière inflammable, si ensuite, l'assemblage des corps empêchant leur inflammation, on les réduit en grains de poudre, après les avoir mélangés avec une certaine quantité de poudre de genièvre ou de quelque autre bois combustible, on n'obtiendra pas cependant ce mouvement puissant et rapide s'il ne s'y trouve pas de salpêtre. Mais le mouvement d'inflammation sera arrêté et comprimé par la masse du corps résistant; il ne se développera point et n'atteindra pas son effet. [9,2] Voici ce qui se passe réellement. Le mouvement dont il s'agit est double et composé. En effet, outre le mouvement d'inflammation qui s'opère surtout dans la partie sulfureuse de la poudre, il s'en produit un autre plus fort et plus violent. Il vient de l'exhalaison crue et aqueuse, résultant principalement du nitre ainsi que du charbon de bois, qui se répand aussi, comme font les vapeurs produites par le calorique, et en même temps, ce qui est la cause capitale, excité par l'envahissement rapide du calorique et de la flamme, il éclate avec impétuosité, et facilite par ce moyen l'inflammation. Nous trouvons l'origine de ce mouvement dans les pétillements de feuilles sèches de laurier ou de lierre lorsqu'on les jette dans le feu, et plus encore dans le sel, qui a plus de rapport avec la nature de la substance dont il s'agit. Il se passe quelque chose d'analogue dans le suif humide des chandelles et dans la flamme qui sort en sifflant du bois vert. Ce mouvement se produit à un grand degré dans le vif argent, qui est un corps crû et semblable à une eau minérale. Si, après l'avoir enfermé dans un récipient, on le soumet à l'action du feu, ses forces ne le cèdent pas beaucoup à celles de la poudre de guerre. Nous avons cité ces exemples pour engager les hommes et leur apprendre en même temps à ne pas s'arrêter à une seule considération dans leurs investigations des causes, et à ne pas se prononcer trop légèrement; ils doivent au contraire examiner tout ce qui se rattache à leur sujet, de manière à y fixer des racines fortes et profondes.