LECTURE : Francis BACON (1561 - 1626) conclut par un plaidoyer pro domo les 9 livres sur la dignité et l'accroisement des sciences : Francis Bacon, De la dignité et de l'accroissement des sciences, IX, 1 : ... Quo in opere, sicubi a sententia ueterum recesserim, intelligatur hoc factum esse animo proficiendi in melius, non innouandi aut migrandi in aliud. Neque enim mihimetipsi, aut argumento quod in manibus habeo, constare potui, nisi plane decretum mihi fuisset aliorum inuentis quantum in me fuerit addere ; cum tamen non minus optauerim etiam inuenta mea ab aliis in posterum superari. Quam autem in hac re aequus fuerim, uel ex hoc apparet; quod opiniones meas proposuerim ubique nudas et inermes, neque alienae libertati per confutationes pugnaces praeiudicare contenderim. Nam in iis quae recte a me posita sunt, subest spes id futurum, ut si in prima lectione emergat scrupulus aut obiectio, at in lectione iterata responsum se ultro ait exhibiturum ; in iis uero in quibus mihi errare contigit, certus sum nullam a me illatam esse uim ueritati per argumenta contentiosa ; quorum ea fere est natura, ut erroribus authoritatem concilient, recte inuentis derogent. Siquidem ex dubitatione error honorem acquirit ; ueritaa patitur repulsam. Interim in mentem mihi uenit responsum illud Themistoclis, qui cum ex oppido paruo legatus quidam magna nonnulla perorasset, hominem perstrinxit ; "Amice, uerba tua ciuitatem desiderant." Certe obiici mihi rectissime posse existimo, quod uerba mea saeculum desiderent ; saeculum forte integrum ad probandum ; complura autem saecula ad perficiendum. Attamen, quoniam etiam res quaeque maximae initiis suis debentur, mihi satis fuerit seuisse Posteris et Deo Immortali ; cuius numen supplex precor, per Filium suum et Seruatorem nostrum, ut has et hiscesimiles Intellectus Humani Victimas, Religione tanquam sale respersas, et Gloriae suae immolatas, propitius accipere dignetur. Que si, dans cet ouvrage, je me suis quelquefois écarté du sentiment des anciens, on doit penser que je ne l'ai fait qu'en vue d'un mieux, et point du tout dans l'intention d'innover et de suivre une route différente. Et je n'aurais pu être d'accord avec moi-même et avec le sujet que j'avais dans les mains, si je n'eusse eu la ferme résolution d'ajouter, autant qu'il était en moi, aux inventions des autres; ce qui ne m'empêchera pas de souhaiter que par la suite mes inventions soient surpassées par celles des autres. Et pour s'assurer de l'équité avec laquelle je me suis conduit à cet égard, il suffit de considérer que partout, en exprimant mes propres opinions, je les présente toutes nues, et que je ne m'efforce point d'attenter à la liberté d'autrui par des réfutations contentieuses : car, dans les points où j'ai saisi la vérité, j'ai quelqu'espoir que si, à une première lecture, il se présente quelque doute, quelqu'objection ; à une seconde lecture, la réponse se présentera d'elle-même. Mais, dans les points mêmes où j'ai pu me tromper, je suis bien certain de n'avoir pas fait violence à la vérité, par des arguments contentieux, lesquels sont presque toujours de nature à donner à l'erreur une sorte d'autorité qu'ils ôtent aux véritables découvertes; l'effet du doute étant de donner du relief à l'erreur, et de faire rebuter la vérité. Au reste, je me suis rappellé cette réponse de Thémistocle, qui, entendant le député d'une très petite ville, pérorer magnifiquement, lui lança ce trait : "Mon ami, à tous ces beaux discours il manque une cité". {Plutarque, Apophthegmes des Lacédémoniens, p. 229c} Certes, on pourrait m'objecter de même, qu'à mes paroles il manque un siècle; un siècle peut etre tout entier pour ébaucher, et une infinité de siècles pour achever. Cependant, comme on a obligation des meilleures choses à ceux qui ont eu le mérite de les commencer, que ce soit assez pour nous d'avoir eu le courage de frayer la route et de semer pour la postérité {...}.