LECTURE : Francis BACON (1561 - 1626) à propos des expériences pratiquées sur les animaux dans l'île de la Nouvelle Atlantide : Francis Bacon, La Nouvelle Atlantide, ch. 38 : [38] Habemus etiam septa et uiuaria pro bestiis et auibus omnigenis, quibus, non tam propter nouitatem et raritatem quam ad dissectiones et experimenta anatomica, utimur ut ab iis, quid fieri possit, circa corpus humanum lucem accipiamus. In quibus mirabiles multos effectus reperimus, ueluti uitae in iis continuationem, licet nonnullae partes quas uos uitalibus habetis, perierint aut extractae fuerint; resuscitationem nonnullarum quae species tenus mortuae erant et similia. Experimentum etiam sumimus super illas uenorum omnium in antidotorum et aliorum medicamentorum tam chirurgicorum quam medicinalium, ut corpori humano melius caueamus. Arte etiam reddimus alias maiores et proceriores quam pro natura sua, econtra alias nanas facimus et statuta iusta priuamus. Praeterea alias feraciores et partu numerosiores reddimus quam natura earum fert, econtra alias steriles et generationi ineptas. Etiam colore, figura et animositate eas multis modis uariamus. Procuramus etiam mixturas et copulationes animalium diuersarum specierum, quae nouas species produxerunt, neque tamen eas steriles prout communis fert opinio. Insuper complura genera serpentium, uermium, muscarum et piscium ex putrefactione producimus, quorum nonnulla in perfectas species maturantur sicut aues, aut bestiae, aut alii pisces. Et sexu discriminantur et generant. Neque tamen casu hoc facimus sed satis nouimus ex quali materia quale animal sit productibile. [38] Nous avons aussi des parcs et des clos où nous faisons nourrir des animaux terrestres et des oiseaux de toute espèce. Or, si nous les nourrissons, ce n'est pas à titre de rareté, et simplement pour satisfaire une vaine curiosité; mais afin de ne pas manquer de sujets pour l'anatomie comparée. Car nous ne hasardons aucune opération sur le corps humain, sans en avoir fait et réitéré fréquemment l'essai sur ceux des animaux; expériences qui nous présentent quelquefois des résultats fort extraordinaires; par exemple, nous voyons des animaux qui continuent de vivre, quoique même après la destruction ou l'amputation de telle de leurs parties que vous regardez comme essentielle à la vie; et d'autres que nous rappellons à la vie, quoiqu'ils soient dans un état où vous les jugeriez tout-à-fait morts, etc. Nous faisons aussi sur les animaux, l'essai de différentes espèces de poisons, comme nous faisons sur eux l'essai des opérations chirurgicales, ou des remèdes propres à la médecine. Nous parvenons quelquefois, par le moyen de l'art, à leur donner une taille plus grande, et surtout plus haute que celle qu'ils ont ordinairement, et quelquefois aussi arrtêtant l'accroissement des animaux, nous les réduisons à une taille extrêmement petite, et nous en faisons des espèces de nains. Nous rendons les uns plus féconds qu'ils ne le sont naturellement, et les autres moins féconds, ou même tout-a-fait stériles. Nous savons produire les variétés les plus singulières dans leur couleur, leur figure, leur tempérament, leur folie, leur activité, etc. en faisant accoupler des individus d'espèces différentes, et croisant ces espèces en mille manières. Nous en produisons de nouvelles dont les individus ne sont pas inféconds, comme on croit parmi vous qu'ils doivent l'être. Nous faisons naître de la seule putréfaction, des serpents, des vers, des mouches et des poissons d'une infinité d'espèces différentes, et parmi les individus ainsi engendrés, quelques-uns sont des animaux parfaits, ayant un sexe très distinct et la faculté de se multiplier par voie d'accouplement. Or, tous ces résultats, ce n'est point par hasard que nous les obtenons, mais nous savons d'avance quel sera le produit de nos opérations, nous pouvons dire avec certitude, qu'en combinant ensemble telles espèces de matière et par tel procédé, nous produirons telle espèce d'animal.