[9,366] LIVRE NEUVIÈME. Chap. I. Timocrate: (366a) « Çà, parlons encore du souper ; qu'on nous verse de l'eau sur les mains : toi et moi nous aurons de quoi parler, même dès l'aurore, si tu le veux. » On venait de servir des jambons ; quelqu'un ayant dit : Sont-ils tendres et juteux, Ulpien prit la parole : « Mais où trouve-t-on g-takeron dans le sens de tendre et juteux? Et quelqu'un a-t-il dit g-napy, pour g-sinapi, de la moutarde? car je vois qu'on en sert à la ronde avec les jambons. Quant au mot g-koleos, jambon, je sais qu'on le dit aussi au masculin, et non au féminin seulement, comme nos Athéniens.» Epicharme, dans sa Mégaride, fait mention de jambons (au masculin) : (366b) « Des intestins, de petit fromage, g-kooleoi, des jambons, des spondyles; du reste, aucun comestible. » Il dit, dans son Cyclope: « C'est un manger agréable que des intestins grêles, et des jambons. » Or, messieurs les Savants, sachez de moi qu'Epicharme appelle dans ce passage g-chordee, ce qu'il nomme toujours ailleurs g-orya, intestin ; mais je vois aussi des sels d'une saveur agréable dans les autres plats. Pour les Cyniques, ce sont des gens pleins de sels, d'une saveur fade. Or, voici ce que dit parmi eux un autre chien, dans la pièce d'Antiphane, intitulée la Besace : « Nous n'avons jamais qu'un de ces mets marins ; (366c) toujours le même : c'est du sel. Nous buvons par là-dessus de la piquette, en nous servant du vinaigrier même pour gobelet. Voilà, par Jupiter, l'espèce de boisson qui nous est propre, et qui fait du bien à tous ceux d'entre nous qui se trouvent à nos repas. » Mais j'aperçois aussi du garum mêlé avec du vinaigre. Or, je sais que certains habitants du Pont se font ainsi de l’oxygarum pour leur usage particulier. 2. A ces paroles, Zoïle interrompit Ulpien : Mon cher, Aristophane a employé le mot g-takeros pour délicat, dans ses Lemniènes. Voici ce qu'il dit : (366d) « Lemnos qui produit des fèves délicates (g-takerous) et fort belles. » Phérécrate dit, dans ses Krapatales : « Pour y rendre délicats les pois chiches. » Quant à la moutarde de Colophone, Nicandre l'a nommée dans ses Thériaques : « Appliquez-y même une ventouse d'airain, ou de la moutarde.» Il écrit, dans ses Géorgiques : « Des graines mordantes de moutarde : g-sineepios. » Et dans un autre passage : « Du cresson, du mufle de veau et de la moutarde, g-sineepi, à feuille noire. » Cratès, dans son Traité de la Diction attique produit ce vers d'Aristophane : [9,367] (367a) « Il a regardé de la moutarde, et il a crispé son visage. » Mais Seleucus dit, dans son ouvrage sur l’Hellénisme que ce vers est des chevaliers, et que le texte porte cette leçon, g-kablepse g-napy ; il a regardé de la moutarde (il n’avait pas l'air content) : d'ailleurs, aucun attique n'a dit g-sinapi ; mais l'un et l'autre mot (g-napy et g-sinapi), sont de bon aloi, car g-napy peut s'entendre comme g-naphy, c'est-à-dire, g-nee g-phy, qui n'a pas de volume. On appelle g-aphyes ce qui est petit ; c'est pourquoi l’on nomme g-aphye certain petit poisson. Quant à g-sinapi, ce nom vient de ce que cette graine blesse les yeux (g-sinetai g-oopas) lorsqu'on la flaire; comme on a dit g-kromyon, oignon, parce que nous fermons les yeux. Xénarque le comique dit, dans ses Scythes: « Mais il n'y a plus de mal à cela.(367b) Ma petite fille s'est renfrognée tout le visage à la vue de cette vieille. » Quant au sel et au vinaigre, le charmant Aristophane en fait mention dans ce qu'il dit du tragique Sthénélée. « Je mangerais, en vérité, une des paroles de Sthénélée ; mais après l'avoir imprégnée de vinaigre et de beau sel blanc. » 3. Voilà donc, mon cher, comme je réponds, et abondamment, certes, à tes demandes : c'est à présent à toi de nous dire où se trouve le mot g-paropsis, pour un vaisseau quelconque. Je sais (367c) que Platon le comique a employé le terme de g-paropsis pour une espèce de mets tout prêt. C'est dans ses Fêtes qu'il parle ainsi : « Où aurons-nous donc une maze et des plats (g-paropsides).» Il emploie aussi ce mot pour g-paropseema dans un assez long passage de son Europe ; en voici un extrait : « A. Ma femme dort, et ne s'occupe de rien. B. J'entends. A. Mais il y a là des plats éveillés qui valent, sans contredit, seuls infiniment mieux pour nous réjouir. Il ne s'agit que de les prendre. B. Où sont donc ces plats, (367d) je te prie? » Le mot g-paropsis revient encore à la suite pour g-paropseema : « Le bien d'autrui est semblable à des plats (g-paropsisi); promptement dissipé, il ne procure qu'un plaisir bien court. » Aristophane dit, dans son Dédale : « Il en est des femmes comme des plats; il y a toujours pour elles quelque amateur prêt à bien faire. » 4. Ulpien ne disant rien à ces propos, Léonide prit la parole : « Il est juste sans doute (367e) que je parle à mon tour après avoir longtemps gardé le silence. » Evène de Paros dit : « Il est des gens qui ont pour habitude de contredire indistinctement sur tout ; mais le faire par de bonnes raisons, ce n'est pas leur usage. Ces gens s'en tiennent à l'ancien proverbe : Tu penses comme cela, moi je pense autrement. Mais des gens sensés, on les a bientôt persuadés en leur donnant de bonnes raisons; on les trouve toujours dociles à l'instruction. » 5. Chap. II. Myrtile, car je t'arrête ici, (367f) Antiphane s'est servi de g-paropsis pour le vaisseau même, dans son Béotien : « Appelant, elle mit dans la g-paropsis, ou le plat. » Alexis dit, dans son Hésione : « Mais il ne me regarda plus, lorsqu'il vit entrer deux serviteurs portant une table chargée de l'appareil de diverses g-paropsis. » L'auteur des vers qu'on attribue à Magnés dit, dans son Bacchus non retouché: « Or, cela fut pour moi des g-paropsis (des plats) de malheurs. » [9,368] (368a) On lit dans l’Æthon satirique d'Achée : « Qu'on me fasse un hachis des autres (plats, g-paropsidoon) choses qui doivent se servir, soit bouillies, soit simplement passées au feu, et dont l'odeur se fait sentir. » Sotades le comique dit, dans son Paralytroumène: « Crobyle me prend, à ce qu'il me semble, pour une g-paropsis, car après avoir mangé celui-ci, il me gruge par-dessus, pour passer le temps. » Ce mot est employé avec équivoque dans le premier livre de la Cyropédie de Xénophon, car ce philosophe y dit : « On lui servit des plats, et de toutes sortes de sauces. » (368b) On trouve aussi g-paropsis, pour assaisonnement, dans le Chiron attribuée Phérécrate, et non pour le vase même, comme le prétend Didyme dans son Traité de la Diction vicieuse. En effet, le poète y dit : « Par Jupiter! comme les plats n'ont de valeur que par les assaisonnements ; de même, celui qui nous invite n'a aucun mérite par lui-même. » Nicophon dit, dans ses Syrènes : « Qu'un autre se batte pour la place où il mettra un plat. » Aristophane écrit, dans son Dédale: (368c) « Il en est des femmes comme des plats ; il y a toujours pour elles quelque amateur prêt à bien faire. » Platon dans ses Fêtes: « Ou aurons-nous donc une maze et des plats. » Or, il parle de la manière d'assaisonner les truffes. Mais les Attiques, ô Syrattique Ulpien! se servent du mot g-embamma, pour une sauce où l'on peut tremper, comme Théopompe dans sa Paix. (368d) Quant aux jambons, on dit g-kooleenes au pluriel. 6. Eupolis a dit g-kolee au féminin, dans son Autolycus : "Mais des cuisses, ou pour mieux dire des jambons, g-koleenees, après le rhothos." Euripide dit, dans son Sciron : « Ni de jambons (cuisses) de faons.» Or, ce mot a été fait par contraction de g-koolea, comme on a dit g-sykea g-sykee, g-leontea g-leontee, peau de lion. Aristophane a dit, dans son Plutus, retouché : « Eh! qu'est devenu ce jambon que je mangeais tout entier? » Et dans ses Dœtalées : (368e) « Et des jambons de tendres porcelets, et de petits gâteaux tout chauds. » Il dit, dans ses Cicognes : « Des têtes d'agneaux et des cuisses de chevreaux (g-koolas). » Platon le comique écrit, dans ses Gryphons: « Des poissons, des jambons (g-koolas), des andouilles. » On lit, dans la Barbe, pièce d'Ameipsias : « On donna surtout, pour viandes consacrées, un jambon (g-koolee), un quarré, la moitié gauche d'une tête. » Xénophon, dans son Cynégétique, écrit (g-kooken g-sarkodee) l’épaule charnue, les flancs mollets. On lit, dans les Élégies de Xénophane de Colophone : « Ayant envoyé un jambon (l’épaule) de chevreau, tu as voulu avoir pour ta part une cuisse de bœuf gras, pièce qui fait honneur à un homme dont la gloire a éclaté par toute la Grèce, et qui ne se ternira point tant qu'il y aura des poètes dans cette contrée. » 7. Comme on servit de suite nombre d'autres différents mets, notons ici ceux qui méritent d'être nommés. [9,369] En effet, on ne finissait pas d'apporter des oiseaux ; des oies, des poulets, ou comme d'autres les appellent g-pippoi (pipiones), des cochons et des faisans, (369a) oiseaux des plus recherchés. Ainsi, quand je vous aurai exposé ce qui concerne les légumes, je vous parlerai des autres choses. 8. Raves. Apollas dans son ouvrage concernant les Villes du Péloponnèse, dit que les Lacédémoniens appellent les raves gastères ; mais selon les gloses de Nicandre, ce sont les choux que les Béotiens appellent ainsi: quant aux raves, ils les nomment g-zakeltides; mais Amérias et Timachidas disent que ce nom se donne aux courges. (369b) Speusippe écrit, dans son livre 2 des Choses semblables : « Le raifort, la rave, le rapys et le mufle de veau sont semblables; mais Glaucon, dans son Art d'assaisonner, écrit par rapys, ce que Speusippe appelle raphys. Or, il n'y a rien de semblable à ces plantes que celle que nous appelons g-bunias, ou navet. Théophraste, il est vrai, ne nomme pas le navet (g-bunias), mais il appelle mâle certaine rave, qui est peut-être le navet. Nicandre rappelle le g-bunias dans ses Géorgiques : « Mais sème des raves en passant le cylindre sur la plaine, (369c) afin qu'elles croissent basses, et aussi unies que des carreaux à mettre le pain au four. Qu'il y ait aussi, parmi, du navet et du rafanus. Mais sache qu'il y a deux espèces de raves, l'une longue, l'autre formant un globe dur dans les planches des jardins. » Cratès fait mention des raves de Céphise dans ses Rhéteurs : « très semblables aux raves de Céphise. » Théophraste dit qu'il y a deux espèces de raves; mais qu'elles viennent toutes deux d'une seule graine; mais Posidonius le Stoïcien dit, au liv. 7 de ses Histoires, qu'il croît aux environs de la Dalmatie des raves (369d) sans culture, et des panais sauvages. Selon Diphile de Siphne, le médecin, la rave est atténuante, acrimonieuse, de difficile digestion et flatueuse; mais le navet vaut mieux, car outre qu'il est stomachique et nourrissant, il est aussi plus doux, et digère plus facilement. Il ajoute que la rave rôtie digère mieux, et atténue davantage. Eubule la rappelle ainsi dans son Arikylon : (369e) « J'apporte cette rave, bonne à rôtir. » Alexis dit, dans son Inspiré : « Je parle à Ptolémée en faisant cuire des tranches de rave. » Mais la rave salée est plus atténuante que celle qui est bouillie ; surtout si au sel on joint de la moutarde, comme le dit Diphile. 9. Choux ; Krambee. Eudème d'Athènes dit, dans son Traité des Herbages, qu'il y a trois espèces de chou, l’halmyris, celle à feuille lisse, et la sélinusie, ou analogue au persil par sa feuille; que l’halmyris plaît plus que les autres. (369f) Il en vient beaucoup à Erétrie, à Cume, à Rhodes, et même à Cnide, à Ephèse. Celle à feuille lisse, dit-il, vient dans tous les pays ; la sélinusie a eu son nom de sa feuille découpée, crépue, dense, et analogue à celle du persil (g-selinon), mais voici comme en parle Théophraste : « Il y a deux espèces de raphanos ou chou : (je l'entends ici du krambee) savoir la crépue et la sauvage. Selon Diphile de Siphne, le chou crambe vient très beau à Cume, et d'une saveur douce, mais il est amer à Alexandrie. La semence du crambe apportée de Rhodes à Alexandrie fournit, pour l'année seulement, un chou de saveur douce ; mais, ce temps révolu, elle revient à son caractère originaire. » Nicandre en parle ainsi, dans ses Géorgiques : [9,370] (370a) « On rencontre quelquefois, dans les campagnes, le chou à feuilles lisses. Si on le sème dans les planches des jardins, il se pare d'un feuillage épais. Il y a aussi le chou frisé qui prend la forme d'un thyrse, et devient par son feuillage une espèce de buisson. Il en est une autre espèce tirant sur la couleur rouge, et semblable aux halmyris, ou choux marins. Une autre de couleur sale de grenouille, telle que celle du chou de Cume, ressemble par sa feuille aux semelles qu'on met à des pantoufles. C'est cet herbage que les anciens appelaient chou prophétique. » Nicandre n'aurait-il pas appelé prophétique le choux (crambe) qui passe pour sacré? En effet, on trouve quelques termes analogues (370b) à cela dans les Iambes d'Hipponax. « Mais échappé du danger, il fit sa prière au chou à sept feuilles, auquel Pandore offrait l'hommage d'un petit gâteau coulé en moule, le jour des Thargélies, avant l’expiation. « Je t'aime plus que nombre d'autres personnes, dit Ananius, et j'en jure par le chou. Téléclide a dit aussi dans ses Prytanées : Par les choux! Épicharme, dans la Terre et la Mer, jure aussi par le chou, comme le fait Eupolis dans ses Baptes. (370c) Il paraît que ce jurement vient des Ioniens; mais il ne doit pas paraître étrange que l'on ait juré par le chou, puisque Zenon de Citium, fondateur de la secte stoïque, voulant imiter le serment de Socrate qui jurait par le chien, faisait serment par la capre ; selon ce que rapporte Empode dans ses Dits mémorables. On présentait du chou aux accouchées à Athènes, comme un antidote alimentaire. C'est à ce sujet qu'Éphippe parle ainsi: « ... Eh! quoi donc? Il n'y a aucune (370d) couronne devant la porte! Aucune odeur appétissante ne vient frapper les narines, tandis que c'est le jour des Amphidromies, où il est d'usage de faire griller des tranches de fromage de Chersonèse ; de faire cuire un chou dans de l'huile qui le couvre tout entier; de servir une daube de poitrine d'agneaux bien gras; de plumer des ramiers, des grives, avec des pinsons ; de gruger des sèches, des calmars; d'empiler force bras de polypes; enfin, de vider nombre de rasades plus pures qu'à l'ordinaire. » Antiphane rappelle aussi le chou dans son Parasite, (370e) comme un aliment assez vil. Voici ce qu'il dit : « ... Femme, sais-tu donc ce que veulent dire ces aulx, ce fromage, ces gâteaux, ces fines pâtisseries, cette saline, ces quartiers d'agneaux chargés d'assaisonnements, cette thrymmatide si bien mélangée; enfin, tous ces plats qui sont la perte même de l'homme! Que dis-je, juste ciel! ils font encore bouillir des choux avec de la graisse, et ils y joignent de la purée de pois! » Diphile dit, dans son Insatiable: « A. Mais voici toutes sortes de biens qui m'arrivent d'eux-mêmes, (370f) du chou (g-raphanos), de grosses fressures, beaucoup de différentes viandes très tendres. B. Oh! tout cela n'est pas à comparer à mes menues pâtisseries toutes chaudes, ni à mes olives contuses. » Alcée dit, dans sa Lutte : « Il a déjà fait cuire une marmite de chou (g-raphanoon). » Polyzèle, dans sa Naissance des Muses, les nomme krambee, et dit : « Il y avait quantité de choux à hautes feuilles. » [9,371] 11. Poirée, ou Bette. Théophraste (371a) écrit que la blanche est d'un meilleur suc que la noire, et porte moins de graine; on appelle cette espèce sicilienne. Théophraste dit la g-seutlis est différente du g-teutlon, ou poirée; c'est aussi en raison de cette distinction que Diphile, dans sa pièce intitulée le Héros, blâme un homme comme parlant mal, en disant g-teutlis, au lieu de g-teutlon, pour de la bette. Eudème, dans son Traité des Plantes potagères, établit quatre espèces de bettes, la spaste, ou celle qui pousse certain nombre de tiges séparées l'une de l'autre, celle de laquelle s'élève une seule tige; la blanche et la commune. Selon Diphile de Siphne, la bette (g-seutlion) est d'un meilleur suc que le chou (g-crambe), et plus nourrissante; mais bien bouillie dans l'eau, et prise avec de la moutarde, elle devient atténuante et vermifuge; (371b) cependant la blanche est plus propre à tenir le ventre libre : la noire pousse plus les urines ; du reste, les racines en sont plus savoureuses et plus nourrissantes. 12. Le Panais. Le panais a une saveur acrimonieuse, selon Diphile ; mais il est assez nourrissant, l'estomac s'en accommode passablement ; il favorise les selles, donne quelques vents, digère difficilement, pousse les urines, et stimule avec assez d'efficacité aux ébats amoureux; voilà pourquoi quelques écrivains l'ont aussi nommé philtre. Numénius en parle ainsi dans ces vers : « Usez des herbages qui sans être semés prennent racine en terre, (371c) soit pendant l'hiver, soit lorsque le printemps fleuri reparaît, savoir, le scolyme (artichaut sauvage) hérissé, le panais sauvage, la raphis fortement enracinée, et la carotte champêtre. » Nicandre dit au second livre de ses Géorgiques : « Mais il y a aussi la tige et les racines de fenouil, qui aime un terrain pierreux, et en outre le panais qui a une vilaine apparence, le maceron, le laiteron, la cynoglosse ou langue de chien, la chicorée; joignez-y les feuilles acres de pied de veau que vous aurez grattées, sans excepter l’ornithogalon. » Théophraste parle aussi du panais. Phanias s'exprime ainsi au sujet de cette plante, dans le liv. 5 de ses Plantes : (371d) « On dit même que la graine de panais est bonne pour la morsure du serpent appelé seps. » Il avait écrit dans son premier livre : « Il y a plusieurs plantes qui fleurissent en ombelles, comme l'anis, le fenouil, le panais, la carotte sauvage, la ciguë, le chervis, le chaméléon, auquel plusieurs donnent l'épithète de tue-rat. » Chap. III. Mais puisque Nicandre a fait mention du pied de veau dans le livre cité, il faut observer ici ce que Phanias a dit: « Le dracontium, que quelques-uns appellent pied de veau, ou g-aron et g-aroonia. » Dioclès, liv. 1 de son Hygiène, appelle le panais astaphylinos, pour staphylinos, mais ce qu'on nomme g-karton (c'est une espèce de panais qui devient grand, haut) est d'un meilleur suc que l'ordinaire; (371e) il est aussi plus chaud, plus diurétique, va bien à l’estomac, se distribue bien, selon le rapport de Diphyle. 13. Poireau : g-Kephalooton. Selon Diphile, le porreau se nomme aussi g-kephalooton, il a un meilleur suc que le g-karton, est médiocrement atténuant et nourrissant ; mais flatueux. Epænète écrit, dans son Art Culinaire, que le (g-kephalooton) poireau a aussi le nom de g-gethyllis. Je trouve qu'Eubule a rappelé ce nom dans son Pornobosque, ou Leno : (371f) « Non, je ne saurais manger d'aucun pain ; je viens d'en manger chez la Gnathænion, que j'ai trouvée occupée à faire bouillir des poireaux (g-gethyllidas). » D'autres disent que ce qu'on appelle g-géthyon (ciboule) est la même chose. Phrynicus en fait mention dans son Kronos. Didyme, interprêtant cette pièce, dit que les g-gethya sont semblables aux porreaux de vigne, ou sauvages et qu'on les appelle aussi g-géthyllides. Epicharme fait aussi mention des porreaux, géthyllides, dans son Philoctète : « Il y avait deux aulx, et deux géthyllides. » [9,372] (372a) Aristophane écrit, dans son Æolosicon retouché. « Des racines de ciboules (g-gethyoon) qui ont une odeur d'ail. » Polémon le Périégète dit, en traitant de la Samothrace, que Latone étant grosse, eut envie de manger du porreau, g-gethyllis. Voici le passage: « Il est établi à Delphes que celui qui, le jour des Théoxénies, apporte le plus grand porreau à Latone, ait une portion de la table sacrée. J'ai moi-même vu un porreau qui n’était pas moindre qu'une rave, ou un raifort rond. (372b) Or, on dit que Latone étant grosse d'Apollon, eut envie de manger du porreau : voilà pourquoi on lui en fit tous les ans l'hommage. » 14. Courge : g-Kolokyntee. Comme on nous servit des courges, au milieu de l'hiver, tout le monde fut surpris, croyant qu'elles venaient d'être cueillies, et nous nous rappelâmes ce que le charmant Aristophane avait dit, dans ses Saisons, en faisant l'éloge de la belle ville d'Athènes. « A. Mais tu y verras, au milieu de l'hiver, concombres, raisins, fruits, couronnes de violettes, et voler une poussière qui même aveugle. (372c) Quant à cet homme, il vend des grives, des poires, des rayons de miel, des olives, du petit-lait, des intestins, des hirondelles, des cigales, de la chair d'embryons. Tu peux même voir des cabas (tout blancs de neige) pleins de figues et de baies de myrtes ; ensuite des courges que l'on sème en même temps que les raves, de sorte que personne n'y sait vraiment à quelle terme on est de l'année. B. Voilà, certes, un grand avantage, que de pouvoir se procurer, toute l'année, ce qu'on désire! A. Dis plutôt un grand mal ; car si cela n’était pas, on n'aurait point ces désirs, (372d) on ne ferait pas ces dépenses ; mais je puis, en soufflant très peu de temps, vous ôter tout cela ; et c'est ce que je fais pour toutes les autres villes, non pour Athènes: si elle a cet avantage, c'est que parce qu'on y honore les dieux. B. Assurément ils jouissent bien du fruit de leur piété, car tu as fait d'Athènes une autre Egypte. » Quant à nous, nous fûmes très surpris d'avoir des courges à manger au mois de janvier. Elles étaient dans toute leur fraîcheur, et faisaient sentir toute la saveur qui leur est particulière. C’étaient de ces légumes que les cuisiniers savent arranger pour les avoir de garde, car ces gens s'entendent très bien à cela. Larensius demanda pour lors si les anciens connaissaient l'usage de ces courges de réserve. (372e) Oui, dit Ulpien, Nicandre de Colophone en fait mention dans ses Géorgiques, nommant g-sikyas, les courges, au lieu de g-kolokyntas ; car c'est par ce nom-ci qu'on les désignait comme nous l'avons vu ci-devant. Voici ce qu'il dit : « Enfile des courges à mesure que tu les coupes par morceaux, afin de les faire sécher à l'air, et suspens-les à la fumée, afin que pendant l'hiver les esclaves en remplissent une vaste marmite, et s'en repaissent (372f) à l'aise lorsqu'ils n'ont plus d'ouvrage. Mais que la mouleuse répande des herbages, de toutes sortes de graines, en proportion convenable, dans cette marmite où ils auront jeté ces chapelets de courges, après les avoir lavés. Mêles-y bien aussi du champignon, de l'endive étendu depuis longtemps sur d'autres herbages, des choux crépus, pour ces gens affamés. » [9,373] 15. (373a) Poules : g-Orneis. On avait mis des poules sur les courges et autres légumes hachés (g-knistois), car c'est ainsi que parle Aristophane dans sa Délie : « Des légumes hachés ensemble (g-knista pour g-syncopta), et du marc d’olives (ou de raisin). » Alors, Myrtile prit la parole : Mais, dit-il, l'usage actuel veut qu'on appelle g-ornythes et g-ornythia ces poules dont on nous sert un si grand nombre à la ronde. Chrysippe se sert aussi du mot g-ornithes, au liv. 5 de son Traité de l'Honnêteté et de la Volupté. Voici ce qu'il écrit : « Comme quelques-uns prétendent que les poules (g-ornithas) blanches sont plus savoureuses que les noires. » Quant aux mâles, il est d'usage de les appeler alectryones, ou alectorides ; (373b) mais les anciens se servaient du mot g-ornis pour désigner le mâle ou femelle de tout oiseau quelconque, et non particulièrement la poule, comme nous disons à présent g-ornithas g-ooneesasthai, acheter des oiseaux. Homère dit, dans un sens général : « Beaucoup d’oiseaux parurent vers l'orient (g-ornithes g-pollai). » Mais, ailleurs, il dit au féminin, g-ornithi g-ligyree; avi canorœ ; et dans un autre passage, il le met encore au même genre : « Comme un oiseau omis, vient distribuer à ses petits la becquée qu'il a trouvée, et même avec beaucoup de fatigue et de danger. » (373c) Ménandre, dans son Épiclère non retouchée, montre bien clairement quel était l'usage de son temps, lorsqu'il dît : « Un coq (g-alectryoon) criait très fort : Ne chasserez-vous donc pas ces poules loin de nous (g-omithas)? Et ailleurs : « Elle eut beaucoup de peine à chasser ces poules dehors. » Cratinus a employé le mot g-ornithion au neutre dans sa Némésis : « Tous les autres oiseaux (g-ornithia"). » Mais il a dit g-ornitha et g-ornin, à l'accusatif, en parlant du mâle, (373d) dans la même pièce : « Un oiseau à plumes rouges, g-ornitha. Le flamant. » Et ailleurs : « Il faut que tu deviennes un grand oiseau, g-ornitha. » Sophocle écrit, dans ses Anténorides : « Un coq, un héraut, un serviteur, ou ministre, g-ornitha. » Eschyle dit, dans ses Cabires: « Je ne te fais pas mon coq pour le voyage. » Xénophon, liv. 2. de sa Cyropédie, nous dit que Cyrus chassait aux oiseaux, g-ornithas, dans le plus fort de l'hiver. On lit dans les Jumeaux de Ménandre : « Je viens vous apporter des poules, ou volailles, g-ornithas. » Et plus loin : « Il vous envoie ces volailles, g-ornithas. » On vient de voir dans Ménandre même, qu'on disait g-orneis au pluriel; (373e) mais Alcman dit quelque part, au même nombre : « Ces jeunes filles se dispersèrent sans avoir fait la chose, comme des (g-orneis) volailles sur lesquelles plane un milan. » Eupolis écrit aussi, dans ses Bourgades : « N'est-il pas affligeant que j'aie engendré des enfants grossiers et intraitables, tandis que les oiseaux ont toujours des petits qui leur ressemblent? » 16. Les anciens, au contraire, ont aussi dit g-alectryoon au féminin par la poule; comme dans ce passage de la Némésis de Cratinus : « Léda, il faut que tu t'acquittes de la fonction avec toute la décence convenable, et que tu imites exactement la poule (g-alectryoon); couve donc cet œuf, de sorte qu'en cassant (373f) la coquille il en paraisse un poussin des plus beaux. » Strattis écrit, dans ses Psychastes, avec le mot g-Alektryoon : « Toutes nos poules, nos petits cochons, nos petites volailles, sont mortes. » On lit dans le Térée d’Anaxandride : « Elles considèrent avec plaisir des cochons qui s'accouplent, et des poules qui se font cocher. » Mais puisque j'ai fait mention de ce poète comique, et que je sais d'ailleurs que son Térée n'a pas été couronné, [9,374] je vais, mes amis, vous exposer ce qu'en a dit Chaméléon d'Héraclée, dans son liv. 6 sur la Comédie, afin de vous mettre en état d'en juger. « Anaxandride parut un jour à cheval au spectacle d'Athènes, pour y réciter un dithyrambe, et fit entendre un morceau de sa pièce. C'était un homme d'une belle et grande taille. Il laissait croître ses cheveux, et portait une robe de pourpre garnie de franges d'or. Son caractère sombre et mélancolique était cause qu'il n'épargnait pas ses productions, (374b) car s'il était vaincu par ses rivaux, il donnait aussitôt ses pièces au marchand droguiste, pour être coupées et détaillées avec la marchandise, sans s'inquiéter de les retoucher, comme faisaient la plupart des auteurs. Il anéantit ainsi nombre de jolies pièces, devenu encore plus chagrin avec la vieillesse, et fâché contre les spectateurs. On dit qu'il était originaire de Camire, une des villes de Rhodes. Cest pourquoi je suis fort surpris que son Térée, qui n'a pas été couronné, soit parvenu jusqu'à nous, de même que plusieurs autres de ses pièces. » Théopompe, dans sa Paix, s'est aussi servi du mot g-alektryoon, au féminin, en parlant de la poule. Voici ce qu'il dit: « Je suis chagrin d'avoir perdu ma poule, g-alektryona, qui me pondait des œufs magnifiques. » (374c) Aristophane dit, dans son Dédale : « Elle a pondu un très gros œuf, comme une poule, g-alektryoon. » Et ailleurs : « Nombre de poules, g-alektryonoon, pondent souvent des œufs clairs, lorsqu'on veut trop les pousser. » Le même poète, dans ses Nuées, apprenant au vieillard les différents usages de ce mot, dit : « A. Mais comment dois-je les appeler? B. Celle-ci une poule, cet autre un coq. » (374d) On dit aussi g-alektoris et g-alektoor. Simonide écrit : « O ! coq (g-alektoor) d'un chant agréable. » Cratinus dit, dans ses Saisons : « Il fredonne de toute sa voix à chaque heure, comme un coq de Perse. » On l'appelle g-alektoor, parce qu'il nous éveille et nous fait sortir du lit: g-lektrou. mais les Doriens, qui écrivent g-ornix, disent, au génitif, g-ornichos. Alcman écrit le nominatif en s, g-ornis. « L'oiseau pourpré du printemps. » Cependant je connais chez lui le génitif pluriel formé avec la lettre chi « Des oiseaux, g-ornichoon. » 17. Cochon : Delphax. Epicharme appelle ainsi le porc mâle (374e) dans son Ulysse (g-automole) transfuge : « A. Tu as malheureusement perdu le g-delphax que tu gardais pour les fêtes d'Eleusis. B. Oui certes! bien malgré moi. Mais lui, il prétend que c'est pour conspirer avec les Achéens, et il jure que je leur ai livré ce cochon! » Anaxilas, dans sa Circée, a dit g-delphax au masculin, et même pour signifier un porc parvenu à son point : « Circée fera de vous des porcs errants sur les montagnes, courants dans les bois ; les autres, elle les changera en panthères sauvages, en lions, en loups. » Mais Aristophane s'en est servi au féminin, dans ses Tagénistes : « Ou le bas-ventre d'une g-delphax d'automne (g-opoorinees). » Il dit aussi dans ses Acharnes: « Elle est encore jeune ; mais lorsqu'elle sera truie d'un âge fait, elle aura une queue grande, rouge et épaisse ; [9,375] (375a) et si tu veux l'élever tout à fait, tu la verras belle truie. » C'est ainsi qu'Eupolis a parlé dans son Siècle d'or; mais Hipponax a dit : « Une g-delphax (truie) d'Éphèse. » Ce nom conviendrait particulièrement aux femelles, puisque ce sont elles qui ont g-delphya, une matrice, autrement g-metra. C'est aussi de g-delphys, matrice, que vient le mot g-adelphos, frère. Cratinus, dans ses Archiloques, dit, en distinguant l'âge de cet animal : « Ils sont déjà g-delphakes, mais g-choirai pour d'autres. » Aristophane le grammairien dit, dans son Traité des différents âges : (375b) Les petits, qui ont déjà la chair bien ferme, se nomment g-delphakes, et lorsqu'ils sont tendres et pleins de sucs, on les nomme g-choiroi. C'est pourquoi Homère a dit : « Mange maintenant, ô étranger! Les domestiques de mon maître ont pour eux les viandes des g-choiroi (jeunes porcs); mais ce sont les amants de notre maîtresse qui mangent les grands cochons. » Platon le comique a dit au masculin, dans son Poète : « Il emmena sans bruit le g-delphax. » Il y avait, dit Androtion, une ancienne loi qui défendait de tuer une brebis qui n'avait pas été tondue, ou qui n'avait pas agnelé ; c’était afin d'entretenir la propagation de l'espèce. (375c) Voilà pourquoi on ne mangeait que des animaux faits comme les amants dans Homère : « Mangent les grands porcs. » Voilà pourquoi la prêtresse de Minerve n'immole même pas actuellement une agnelette, et ne mange pas non plus de fromage. Philochore nous apprend que les bœufs ayant manqué, on publia une loi par laquelle il était ordonné de s'abstenir de ces animaux, vu leur rareté. On voulait ainsi en réparer l'espèce en s'abstenant d'en sacrifier aucun. Les Ioniens donnent le nom de g-choiros au cochon femelle, comme le remarque Hipponax. « Au milieu des libations, et des entrailles de truie sauvage ; (d'une laie) g-agrias g-choirou. » (375d) Sophocle dit, dans ses Tœnariens: « C'est pourquoi il fallait garder cette truie sauvage, comme si elle eût été liée. » Ptolémée, roi d'Egypte, dit, au liv. 9 de ses Mémoires : « Me trouvant en voyage à Assos, les Assiens me présentèrent un cochon porc ayant deux coudées et demie de haut, et de même longueur, aussi blanc que la neige, en disant que le roi Eumène était fort jaloux d'en avoir de pareils chez eux, au prix même de quatre mille dragmes pour un seul. Eschyle dit : (375e) « Je vais mettre un cochon (g-choiron) de lait, bien gras, dans ce four de campagne ; car quel meilleur rôti peut-on servir à un homme? » Et ailleurs : « A. Quoi! un blanc (cochon)? B. Pourquoi non? et même rôti comme il faut. A. Faites-le cuire en bouillant, et non rôtir au feu. Ne prenez cependant pas mal cet avis. » Il dit encore : « Sacrifiant le cochon de cette même truie qui a fait beaucoup de mal dans la maison, culbutant, mettant tout sens dessus dessous. » (375f) Ces passages d'Eschyle sont cités par Chaméléon dans ce qu'il a écrit sur Eschyle. 18. Quant au cochon, c’était un animal sacré chez les Crétois ; Agathocle de Babylone le rapporte en ces termes, au liv. 1 de son ouvrage concernant la ville de Cyziane : « On raconte que Jupiter naquit en Crète sur le Dictée, où l'on fait un sacrifice secret, dans lequel on immole une truie ; [9,376] (376a) parce que ce fut une truie qui allaita l'enfant, et qui, tournant autour du lieu où il était, en grognant, empêcha que ceux qui passaient n'en entendissent les cris. C'est pourquoi tous les habitants ont cet animal en vénération et ne mangent pas de chair de porc. » Les Præsiens sacrifient aussi un porc, et ce sacrifice est établi-chez eux comme préparatoire. Néanthe de Cyzique raconte quelque chose de semblable dans son liv. 2 de l'Initiation. Achée d'Érétrie fait mention des truies petalides dans son Æthon satyrique, et s'explique ainsi : « J'ai souvent ouï dire que les truies petalides avaient cette forme. » (376b) Or, il les nomme petalides en faisant application de ce mot, qui se dit des veaux qu'on nomme g-pétales, de la forme que prennent leurs cornes lorsqu'elles commencent à s'étendre. C'est ainsi qu'Eratosthène, à l'imitation d'Achée, appelle, dans son Antierinnys, les cochons, g-larinoi, en leur appliquant ce mot qui se dit des bœufs gras. Or, on a donné ce nom aux bœufs, ou du verbe g-larineuesthai, qui signifie remplir de nourriture, comme Sophron a dit : « Mais les bœufs sont engraissés, » (376c) ou de Larine, bourgade de l'Épire, ou de celui qui les menait paître, et qui se nommait Larinus. 19. Chap. IV. On nous servit entre autres un jeune porc, dont une moitié avait été rôtie avec beaucoup d'art; et l'autre cuite au bouillon fondait sous la dent. Tous les convives admirant l'habileté du cuisinier, il nous dit, tout fier de son talent : Eh bien, Messieurs, je défie que quelqu'un me montre par où il a été tué, ou même comment on lui a rempli le ventre de toutes sortes de bonnes choses ; en effet, il est farci de grives, d'autres volailles, (376d) et quelques parties de bas-ventre de porc, et de tranches de vulve, de jaunes d'œuf, de ventres de poules avec leurs grappes d'œufs remplis de jus exquis, de hachis de viandes assaisonnées avec du poivre, car je n'ose lâcher ici le mot latin "isicia" devant Ulpien, quoique je sache très bien qu'il en mange avec volupté; mais Paxamus, historien, et mon compatriote, rappelle aussi le mot "isicia" : d'ailleurs, je m'inquiète peu des expressions attiques. Au reste, montrez-moi par où ce cochon a été tué, comment il se trouve rôti d'un côté et bouilli de l'autre. (376e) Comme nous le cherchions, le cuisinier nous dit: Si vous pensez que je suis moins instruit que ces anciens cuisiniers dont parlent les comiques, entre autres Posidippe dans ses Danseuses, je vais vous désabuser en vous citant un passage dans lequel un cuisinier instruit ainsi ses élèves : 20. « Leucon, mon élève, et vous autres aides de cuisine, tout lieu convient lorsqu'il s'agit de parler de notre art. De tous les assaisonnements qu'un cuisinier puisse connaître, le plus essentiel est sans contredit la jactance; (376f) mais même dans tous les arts tu verras que c'est la jactance qui fait principalement valoir l'homme qui sait en avoir. Que le capitaine d'une troupe étrangère ait une cotte de mailles, ou un dragon gravé sur sa cuirasse de fer, aussitôt il paraît un Briarée, pour devenir lièvre dans l'occasion. Qu'un cuisinier aille travailler chez un bourgeois, menant avec lui ses élèves [9,377] (377a) et autres serviteurs en sous-ordre, gens qui tous ne savent que hacher du cumin, et affamer, cet appareil plaît : on est aussitôt dans l'admiration ; mais qu'il se présente lui seul, comme vraiment au fait de son art, il ne sortira de là qu'après avoir été maltraité. Ainsi aie de la jactance, comme je viens de te le faire entendre, et instruis-toi bien du goût de celui qui t'emploie ; car notre art ne diffère point du commerce, quant au point essentiel, qui est de savoir faire bonne bouche. S'agit-il de faire un repas de noce, ce sera un bœuf qu'on immolera: (377b) celui qui marie sa fille est un homme distingué ; celui qui la prend pour femme ne l'est pas moins. On y verra leurs femmes, des prêtresses, des déesses, des dieux, des corybantes. Les flûtes se feront entendre toute la nuit. Imagine-toi voir tout sens dessus dessous, et entendre le bruit d'un hippodrome : or, voilà le principal et les accessoires de notre art ; et souviens-t'en très bien. » Le même poète parle ainsi d'un autre cuisinier nommé Seuthes :« Seuthes (377c) passe dans leur esprit pour un homme très ordinaire: cependant, mon ami, tu sais qu'il ne paraît pas différer de ce qu'on appelle habile capitaine. Voilà, par exemple, les ennemis en présence. Que fait un général expérimenté et de sang-froid? Il s'arrête, et se dispose à bien recevoir l'ennemi. Or, cet ennemi, c'est pour nous l'assemblée des convives : ces gens avalent volontiers coup sur coup. Il y a même souvent quinze jours qu'ils sont arrivés d'avance dans l'attente du festin, et disposés à s'en bien donner : ils n'attendaient que le moment où l'on allait apporter l'eau pour laver les mains. Imagine-toi donc voir cette tourbe, cette racaille entassée autour de la table. » 21. (377d) Mais écoutez ce que conseille un cuisinier dans les Synéphèbes d'Euphron :« Carion, lorsque tu travailleras à quelques repas où chacun paie sa quote-part, il ne s'agit pas d'y jouer d'adresse, ni de faire, ce que tu as appris de moi. Hier, tu manquas d'être pris en flagrant délit ; car aucun de tes boulerots n’avait son foie. Ils étaient tous vides ; la cervelle même n'y était plus. Si donc tu vas cuisiner chez ces gens de bas étage, tels que Dromon, Cerdon, Sotéride, qui te paient bien ce que tu auras demandé, (377e) il faut y être honnête ; mais pour aujourd'hui, nous pouvons égorger le maître de la maison où nous allons faire le repas de noces ; et si tu m'entends à demi-mot, je te reconnais pour mon élève, et pour vrai cuisinier. L'occasion ne pouvait être plus favorable ; mets-la bien à profit. C'est un vieillard avare qui donne peu. Si donc je ne te trouve pas à dévorer ce que tu pourras, ne fût-ce même que du charbon, tu es un homme perdu. Allons, entre ; car voici le vieillard qui vient. O ! la lésine est peinte dans ses yeux! » 22. (377f) Chap. V. Il y a encore un cuisinier grand raisonneur, et aussi plein de jactance que nos médecins, dans le menteur convaincu de Sosipatre. Voici son discours : « A. Demyle, notre art n'est pas tout à fait à mépriser en lui-même, si tu m'entends bien ; mais le métier ne vas plus, depuis que tant de gens, qui n'y entendent rien, se donnent presque tous pour de grands cuisiniers. Voilà, mon ami, ce qui gâte le métier. [9,378] (378a) En effet, imagine-toi un cuisinier, vraiment cuisinier, bien initié dans les mystères de l'art depuis l'enfance, réunissant tous les talents requis, instruit de toutes les finesses de la théorie, tenant même tout par ordre ; alors tu jugeras bien autrement de notre profession. Nous ne restons plus que trois cuisiniers, Boidion, Chariadès et moi : moque-toi du reste. B. Que dis-tu là? A. Moi! je dis que c'est nous qui soutenons (378b) l'école de Sinon : c’était le grand maître de notre art. D'abord il nous enseigna l'astrologie; à la suite de cette science, il nous montra l'architecture, et nous instruisit de la physique, car il tenait tout ce qu'on avait dit à ce sujet. Après toutes ces instructions, il nous apprit l'art militaire : voilà ce qu'il voulut que nous sussions avant la cuisine. B. Eh! mon cher, est-ce que tu veux me berner ici! A. Non, certes : mais, en attendant que le serviteur revienne du marché, je veux te toucher quelque chose sur cette partie, (378c) pour en parler entre nous plus utilement a l'occasion. B. Par Apollon! c'est bien de l'ouvrage pour moi que de t'entendre! A. Çà, mon cher, écoute-moi donc. Il faut d'abord qu'un cuisinier soit bien instruit de la météorologie, du coucher des astres et de leur lever ; qu'il sache quand le soleil se lève pour nous donner de courts ou de longs jours, et dans quels signes du zodiaque il est; car, n'en doute pas, on dit que tous les poissons, tous les aliments ont une saveur (378d) qui nous flatte différemment, selon les points de la révolution générale du ciel. Or, celui qui est instruit à cet égard, n'a plus qu'à penser à la saison où l'on n'est, pour savoir employer tout à propos : celui, au contraire, qui n'en sait rien, n'est qu'un gâte-métier. Mais tu es peut-être étonné de ce que j'ai dit que l'architecture pouvait être utile dans notre art? B. Oui, je te l'avoue. A. Eh bien, permets-moi de parler. Sans doute qu'il est avantageux pour le travail que la cheminée soit bien placée, qu'on ait un jour suffisant, (378e) qu'on puisse voir d'où vient le vent. La fumée, portée d'un côté ou de l'autre, fait toujours quelque différence pour les mets qu'on apprête. Or, je vais te montrer à présent qu'un tel cuisinier a tout ce qu'il faut pour l'art militaire. L'ordre est assurément partout bien essentiel dans les arts ; (378f) mais dans le nôtre, c'est l'ordre qui doit présider presque à tout. En effet, servir et desservir chaque chose avec ordre, voir alors d'un coup d'œil quand il faut se hâter, aller doucement, discerner comment les convives trouvent ce qu'on leur sert, quand il convient de leur servir les mets, tantôt plus chauds, tantôt moins, tantôt tièdes, ou tout froids ; [9,379] (379a) ce sont des connaissances qu'on puise dans les principes de l'art militaire. Enfin, que veux-tu de plus? B. Oh! tu peux te retirer après m'avoir appris des choses si essentielles. » 23. C'est à peu près le langage que tient le cuisinier dans les Milésiens d'Alexis : « Ignorez-vous donc que dans la plupart des arts, celui qui les exerce n'est pas la seule cause du plaisir qui en résulte ; mais qu'il faut que ceux qui jouissent du travail contribuent aussi à ce plaisir par la manière avantageuse dont ils en jouissent. (379b) B. Comment cela? car, à titre d'étranger, j'ai droit d'être curieux. A. Un cuisinier, par exemple, ne doit qu'apprêter les viandes comme il faut, et s'en tenir là. Si donc celui qui doit les manger et en juger vient à temps, il est sûr que c'est à l'avantage de notre art ; mais s'il tarde, et qu'elles ne soient pas prises à point, de sorte qu'il faille réchauffer ce qui était cuit, ou faire cuire à la hâte ce qu'on avait différé, c'est empêcher l'art de produire le plaisir qui devait en résulter. Pour moi, je mets les cuisiniers et les sophistes au même rang. Vous voici tous arrêtés autour de moi. Pour moi, on m'allume promptement du feu ; (379c) les chiens de Vulcain sont aussitôt occupés à rôtir à leur aise, en plein air, comme vous savez que cela se fait souvent, et personne de nous autres ne meurt qu'au terme ordinaire, mais inconnu, que les destins ont fixé. » 24. Messieurs, qui êtes ici mes juges, car je vous nomme ainsi avec confiance en attendant le jugement que votre palais va porter, cet Euphron dont je viens de parler plus haut, produit, il est vrai, sur la scène, dans ses Adelphes, un cuisinier fort savant (379d) et bien élevé, qui rappelle les noms des gens de son art, antérieurs à lui; quel en était le talent; en quelle partie chacun excellait : cependant il ne fait mention d'aucun mets, tel que ceux que je vous prépare fort souvent. « Lycus, j'ai fait beaucoup d'élèves ; mais, toi, tu sors de chez moi parfait cuisinier en moins de dix mois, quoique tu sois fort jeune : c'est un effet de ton intelligence et de ton esprit. (379e) Ægis de Rhodes fut le seul qui sût rôtir parfaitement un poisson : Nérée de Chio savait faire cuire au bouillon un congre, de manière qu'on eût pu le présenter aux dieux. Chariadès d'Athènes faisait mieux que personne un thrion blanc : Lamprias imagina le premier la sauce noire ; Aphthooète, le boudin ; Euthynus, l'art de cuire la lentille : Aristion trouva les moyens de varier de diverses manières les mêmes choses dans les repas où chacun payait son écot. Voilà donc quels furent les sept sages de notre art, après les sept anciens sophistes de la Grèce. (379f) Pour moi, voyant qu'on m’avait prévenu en tant de choses, j'imaginai le premier l'art de voler, de sorte que, loin d'encourir pour cela l'inimitié de qui que ce soit, on me demande partout. Mais toi, t'apercevant que je t'avais aussi prévenu en cela, tu imaginas cependant une ruse, et qui te fut propre. Des Téniens, vieillards aux cheveux blancs, qui avaient fait un long trajet par mer, offrirent un sacrifice ; ce fut le cinquième jour depuis leur embarquement. [9,380] (380a) La victime était un petit chevreau assez maigre. Lycus, il n'y avait pas là moyen de rien enlever de la victime, ni pour toi, ni pour ton maître. Tu les forças cependant à présenter deux autres chevreaux. Pendant qu'ils s'occupaient à considérer plusieurs fois le cœur, tu glissas ta main par le bas, sans qu'on s'en aperçût, et tu jetas hardiment dans la fosse le rognon que tu avais pris ; tu causas même beaucoup de vacarme. Il n'y a pas de rognons, dirent les assistants, (380b) baissant la tête avec consternation ; ils en immolèrent donc un second ; mais moi je t'en vis bien dévorer avidement le cœur. Sache donc qu'il y a déjà du temps que tu es un grand maître ; car c'est toi qui seul as trouvé le moyen de ne pas laisser ouvrir en vain la gueule au loup. On cherchait un jour deux brochettes où l'on avait enfilé des intestins grêles; pendant ce temps-là tu jetas deux poissons crus dans le feu, et tu fredonnas avec le dichorde. Je fus spectateur (380c) du drame dont il s'agit plus haut ; car pour ceci ce n’était qu'un badinage. » 25. Quelqu'un de ces sept Sages d'un temps postérieur a-t-il jamais rien fait de pareil à ce que vous voyez dans ce porc, dont l'intérieur se trouve rempli de tant de choses, et dont un côté est rôti, tandis que l'autre a été cuit en bouillant, et sans qu'il ait été égorgé? Nous le priâmes, le conjurâmes de nous montrer l'adresse dont il avait usé ; mais il nous répondit : Non, Messieurs, je ne le dirai pas cette année-ci; j'en jure par ceux qui ont bravé tous les dangers au combat de Marathon, et même par ceux qui ont combattu sur mer à Salamine. (380d) Après un tel serment, on crut ne pas devoir presser davantage cet homme, et qu'il fallait tout simplement porter les mains à d'autres plats. Chap. VII. Oh! dit Ulpien, non, j'en jure par les guerriers d'Artémise, personne ne goûtera de rien avant qu'on ait dit où se trouve le mot g-parapherein, servir, présenter ; car pour le mot g-geumata, je suis le seul qui sache dans quel auteur on le lit. Aussitôt Magnus prit la parole, Aristophane se sert du mot g-parapherein dans son Proagoon : « Pourquoi n'avez-vous pas commandé de présenter (g-parapherein) les gobelets. » (380e) Sophron, dans ses Mimes féminins, l'emploie plus généralement, en disant : « Cœcoa présente (g-paraphere) le verre plein. » Platon a dit, dans ses Lacédémoniens, g-parapheretoor « Qu'il les présente, ou serve, toutes. » Alexis écrit, dans sa Pamphile: « Il approcha la table, ensuite servant, g-parapheroon, des chariots (quantité) d'excellentes choses. » A présent, Ulpien, c'est à toi de parler des g-geumata, dégustations, dont tu t'es réservé l'honneur, car pour le verbe g-geusai, goûter, nous l'avons dit dans les Chèvres d'Eupolis : « Prends ceci, et goûte-le, g-geusai. » A ces mots, Ulpien dit : On lit dans le Peltaste d'Éphippe : « Il y avait des écuries pour les ânes et les chevaux, et des (g-geumata) cabarets. » Antiphane écrit, dans ses Jumeaux : « Il goûte du vin (g-oinogeustei) et se promène couronné. » 26. Eh bien, reprit le cuisinier, je vais vous dire à présent une invention, non ancienne, mais bien la mienne, de peur que le joueur de flûte n'en porte la folle enchère ; comme le dit Eubule dans ses Lacédémoniens, ou sa Léda: [9,381] (381a) « Oui, par Vesta! j'ai entendu dire ceci : Un cuisinier fait-il une faute au logis, c'est le joueur de flûte, dit-on, qui est battu. » Philyllius, ou l'auteur quelconque de la pièce intitulée les Filles, a dit: « Que le cuisinier fasse une friponnerie, c'est le joueur de flûte qui en a les coups. » Mais pour revenir à ce porc moitié rôti, moitié bouilli, et plein sans avoir été égorgé, le cuisinier nous montra qu'il avait été saigné par une petite plaie faite au-dessous de l'épaule. (381b) Lorsqu'il en eut coulé beaucoup de sang, nous dit-il, je tirai toutes les entrailles moyennant l'opération qu'on nomme exérèse (car, messieurs les convives babillards, ce mot est d'usage), je les lavai plusieurs fois avec du vin que j'y fis passer, et je le suspendis par les pieds. Je le lavai encore avec du vin. Je fis cuire d'avance au bouillon, et avec beaucoup de poivre, les mêmes viandes dont j'ai parlé. Pour lors je les fis entrer de force par le gosier, y versant en même temps beaucoup de jus bien fait. Après cela je couvris la moitié de ce porc, comme vous le voyez, avec de la farine d'orge que j'avais bien imbibée de vin et d'huile. (381c) Je le mis au four de campagne, sur une petite table d'airain, et je le fis ainsi rôtir à feu doux, de manière à ne pas le brûler, ni le retirer sans être cuit. Lorsque la peau eut pris belle couleur, je fis bouillir l'autre côté. C'est donc ainsi que je vous le sers, après en avoir enlevé la farine. » 27. Charmant Ulpien, Denys le comique s'est aussi servi du mot exérèse dans sa pièce intitulée les Homonymes. Il y introduit un cuisinier qui tient ce discours : (381d) « Çà, Drimon, si tu sais quelque chose de beau, de bien imaginé, d'élégant dans ton métier, fais-le voir actuellement à ton maître; car c'est dans ce moment-ci que je te demande une preuve de ton habileté. Je vais te mener en pays ennemi. Sois intrépide dans tes excursions. On y donne par compte la viande aux cuisiniers ; mais fais-les si bien bouillir et fondre ensemble, que tu puisses en confondre tout le nombre : fais attention à cet avis. S'il y a un bon gros poisson, il t'appartient de droit. (381e) Si tu détournes un tronçon de saline, il est à toi, aussi longtemps que nous serons dans la maison. Mais en sortant emporte tout cela comme m'appartenant, et les autres accessoires qui ne sont, ni donnés en compte, ni enregistrés, mais qui sont comme autant de rognures et de levures. Le lendemain nous nous en régalerons; cependant aie grand soin d'en donner à celui qui vend ordinairement ces rognures à son profit ; car il faut que tu trouves la porte facile à s'ouvrir. Mais qu'ai-je besoin de te conseiller? Tu sais trop bien ce que tu as à faire. Tu es mon élève, je suis ton maître ; tâche seulement de ne rien oublier, et marche avec moi. » 28. (381f) Nous faisions tous à ce cuisinier les compliments qu'il méritait tant pour sa facilité à s'énoncer, que pour son habileté dans son art, lorsque notre charmant hôte Larensius dit : Ne vaut-il pas infiniment mieux que les cuisiniers apprennent de telles choses, que ce qu'un de nos concitoyens, riche et voluptueux, exigeait des siens en leur faisant apprendre les dialogues de l'admirable Platon, [9,382] (382a) et voulant que lorsqu'ils servaient les plats ils dissent : « Un, deux, trois; mais, Timée, où est donc le quatrième des convives que nous avions hier, et qui est aujourd'hui un de ceux qui traitent? » Un autre cuisinier répondit : « Socrate, il s'est trouvé incommodé. » C’était ainsi qu'ils récitaient une grande partie du dialogue, fatiguant les convives indignés, et exposant tous les jours à la raillerie ce prétendu Sage qui n'ignorait de rien ; de sorte que plusieurs de ses amis firent les plus grands serments de ne plus manger chez lui ; mais si nous faisions apprendre aux nôtres des passages de poètes, tels que ceux que nous venons d'entendre, sans doute qu'ils nous amuseraient beaucoup. (382b) Alors le serviteur que nous venions de louer pour son habileté en cuisine, dit : Eh! bien, qu'est-ce que les anciens ont inventé, ou dit de semblable à ce que je viens de faire? mais pourquoi m'arrêter à ces médiocres cuisiniers, pour en tirer quelque gloire, tandis que je ne prétends pas me prévaloir de mon talent? Koroebus lui-même, qui fut le premier de ceux qui méritèrent des couronnes aux jeux olympiques, était un cuisinier d'Élide, et cependant il n'eut jamais, en conséquence de son habileté, cette morgue du cuisinier qui paraît dans la Phœnicide de Straton. Voici ce qu'en dit celui qui le prend à ses gages : « A. Je viens de prendre chez moi un sphinx mâle, non un cuisinier ; (382c) car en vérité je ne comprends rien à ce qu'il dit. C'est un homme qui a un magasin de termes nouveaux. Dès qu'il fût entré chez moi, il me fit de grands yeux, en me disant : B. Combien avez-vous invité de méropes à souper? dites. A. Moi! j'ai invité des méropes à souper? Eh! tu extravagues. Quels sont donc ces méropes que tu crois que je connais? (382d) Va, il n'y en aura aucun. Inviter des méropes à souper! C'est ma foi ce à quoi j'ai le moins pensé. B. Il n'y aura absolument pas non plus de dœtymon? A. Non, je pense ; point de dœtymon. Alors je comptai ; je pourrais avoir Philinus, Moschion, Nicérate, tel et tel, et je repassai mon monde en le nommant ; mais je vis qu'il ne me viendrait pas un seul convive (dœtymon), et je lui répondis : Non, il n'y aura aucun dœtymon. B. Que dites-vous aucun? A. Mon homme se fâche très fort, comme si je lui faisais une injure de ne pas inviter de dœtymons. B. Voilà qui est bien malheureux! (382e) vous ne sacrifierez pas non plus un erysichthon. A. Non, lui dis-je. B. Ni un bœuf eurymétope. A. Non, mon pauvre homme, je ne sacrifie pas de bœuf. B. Au moins vous immolez des meela? A. Non, ma foi ; rien de tout cela. Mais je sacrifie une brebis (probation). B. Quoi, répond-t-il! meela et probata ne sont pas la même chose? A. Pour moi, je n'en sais rien, et je m'inquiète peu de le savoir. Je suis de ces grossiers campagnards, à qui il faut parler tout rondement. (382f) B. Ignorez-vous donc qu'Homère a dit meela pour brebis? A. Mon cher cuisinier, il lui était libre de parler ainsi ; mais, par Vesta, qu'est-ce que cela nous fait? Parle-moi un langage ordinaire pour ce qui te reste à me dire ; car comprendre Homère c'est pour moi un supplice. B. Je suis accoutumé à parler ainsi. A. Soit ; mais puisque tu es chez moi, ne parle plus de même. B. Eh! vous dites que je renonce à ma coutume, [9,383] pour les quatre (383a) drachmes que vous m'avez promises? Apportez-moi les oulochytes?(119) A. Qu'est-ce que cela? B. De l'orge. A. Insensé que tu es, pourquoi donc ces termes embarrassants? B. Y a-t-il du peegos? A. Du peegos! mais ne me parleras-tu donc pas clairement, de manière à faire entendre plus distinctement, ce que tu veux? B. Insensé vieillard, me répond-il, apportez-moi du sel : voilà ce qu'est le peegos. Ensuite montrez-moi où il y a de l'eau pour laver les mains, cherniba. On lui en présenta. Il sacrifia donc, et lâcha une foule d'autres termes que jamais, j'en jure, personne n'a compris : Découpez les viandes, (383b) g-mystille g-moiras: apportez double broche, g-diptych' g-obelous, de sorte que j'eus besoin de prendre le livre de Philétas, et de chercher quel était le sens de ses termes. Mais, lui dis-je, je t'en prie, change donc de langage, et parle-moi comme parlent les hommes. Mais, non ; g-Peithoo, ou la Persuasion même ne l'aurait pas déterminé facilement à cela : j'en jure par la terre! » 30. Chap. VIII. Je sais que la gente cuisinière est réellement fort curieuse d'historiettes, et de nouveaux mots. Les plus éloquents d'entre eux se servent d’ g-engion, plus près, dans ce proverbe, le genou est plus près que la jambe. Ils diront, avec g-perieelthon, j'ai parcouru l'Asie et l'Europe. (383c) S'ils saluent quelqu'un, il ne faut pas, disent-ils, d’ g-œnée en faire un Pélée. Mais parmi les anciens cuisiniers j'en ai particulièrement admiré un, pour avoir fait avec avantage l'expérience d'une invention qui lui est due. C'est Alexis qui l'introduit sur la scène, parlant ainsi dans sa pièce intitulée le Chaudron : « A. Il a fait bouillir, à ce qu'il me semble, un morceau de jeune porc dans un vaisseau bien clos ; mais sa négligence est cause qu'il s'est ensuite brûlé. B. Oh! il y a du remède. A. Comment? (383d) B. Prends du vinaigre, verse-le dans un bassin, froid, tu m'entends bien; ensuite plonge dans ce vinaigre ta marmite toute chaude. Comme elle sera presque toute ardente, elle attirera le fluide dans son propre corps. L'effervescence la fera ouvrir en nombre de petits canaux spongieux, comme ceux de la ponce, par lesquels elle pompera tout le vinaigre. La viande, loin d'y demeurer aride, s'y abreuvera peu à peu de suc, et deviendra comme une rosée. A. Par Apollon! mon cher Glaucias; voilà ce qui s'appelle entendre la cuisine : (383e) or, je vais le faire. Valet, tu vas nous le servir ; mais il faut, tu m'entends bien, qu'il soit froid pour nous le présenter. Par ce moyen, la vapeur ne nous prendra pas au nez, et ce sera un délice que de le manger, car il sera beaucoup meilleur. Mais à t'entendre, es-tu orateur ou cuisinier? B. Oh! c'est parler pour ne rien dire : vous affrontez l'art. » 31. Mais, Messieurs les convives, voilà assez de cuisiniers; de peur que l'un ou l'autre d'entre eux ne vienne d'un ton fier nous dire, (383f) comme dans le Dyskole de Ménandre: « Personne n'a jamais impunément injurié un cuisinier. Notre art est en quelque sorte sacré. » Je vous présente donc, pour parler avec le charmant Diphile : « Un agneau tout entier, bien dodu, et bien assaisonné : j'ai d'ailleurs bien fait rôtir les jeunes cochons enveloppés de leur couenne. J'apporte ensuite une pie aussi volumineuse que le cheval de bois, tant elle est gonflée de graisse. » [9,384] 32 (384a) Oies. Comme on servait à la ronde ces oies et plusieurs autres apprêtées avec beaucoup de recherche, quelqu'un dit : Oh! ce sont des oies g-siteutoi, engraissées. Aussitôt Ulpien demande en quel auteur on avait jamais lu une oie g-siteutos, engraissée. Plutarque répond : Théopompe de Chio rapporte dans ses Histoires Grecques et dans la treizième de ses Philippiques, qu'Agésilaüs de Lacédémone étant allé en Egypte, les habitants lui envoyèrent des oies et des veaux g-siteutes, Epigène le comique dit dans ses Bacchantes : « Oh! si quelqu'un me prenait pour me nourrir comme une oie qu'on engraisse, g-siteute. » (384b) Archestrate parle ainsi dans son Fameux Poème : « Et préparez-nous aussi ce petit d'oie, g-siteute, tout simplement rôti, et ce --- » Mais, pour toi Ulpien, qui nous interroges à tout ce qui paraît, tu ne peux refuser de nous dire en quel passage des anciens il est fait mention de ces somptueux foies d'oie. Quant aux gardeurs d'oies, les anciens ne les ont pas ignorés : Cratinus en parle, dans son Dionys-Alexandre, en ces termes : « Des g-chenoboskoi g-boukoloi, ou des gardeurs d'oie pâtres. » Pour le genre, Homère a pris tantôt le masculin, tantôt le féminin. « Une aigle enlevant une oie blanche. » Ailleurs, il dit encore au féminin : (384c) « Ainsi, lorsqu'il a enlevé une oie nourrie à la maison. » Et ailleurs : « J'ai à la maison vingt oies qui y mangent du froment écrasé dans l'eau. » Quant aux foies d'oies, dont on fait le plus grand cas à Rome, Eupolis (Eubule) en fait mention dans ses Vendeuses de Couronnes, en ces termes ; « A moins que tu n'aies un foie, ou une âme d’oie. » 33. On servit aussi plusieurs demi-têtes de jeunes porcs. Kréobyle en parle dans son Faux-supposé: (384d) « Il parut des demi-têtes fondantes de jeunes porcs. Oh! pour moi, je n'en laissai rien. Après cela vint de la viande en pot, g-kreokakkabos. » Ce mets est fait de viandes hachées avec du sang, de la graisse, édulcorées avec du jus. Selon Myrtile, Aristophane le grammairien rapporte que le terme de g-kreokakkabos est particulier aux Achéens. Anticlide écrit dans son liv. 78 des Retours, que les habitants de Chio devant être tués par les Erythréens dans un repas, (384e) quelqu'un, instruit de ce qui devait arriver, leur dit : « O habitants de Chio, les Érythréens sont très injurieux; fuyez après avoir mangé de la chair de porc, et n'attendez pas le bœuf. » Aristomène parle ainsi de viandes bouillies entre deux plats, dans sa pièce intitulée les Prestigiateurs --- {le passage manque}. Les anciens mangeaient aussi les testicules des animaux, et les appelaient rognons. Philippide en fait mention, parlant ainsi de la gourmandise d'une courtisane nommée Gnathaine, dans sa pièce intitulée le Renouvellement: « Ensuite il apporta, outre ces choses, beaucoup (384f) de testicules : toutes les autres femmes se faisant un scrupule d'y toucher, cette homicide Gnathaine se mit à rire : Par Cérès, dit-elle, voilà de beaux rognons, et elle en prit deux qu'elle avala, de sorte qu'on pensa tomber à la renverse tant on riait. » [9,385] 34. Un autre convive ayant dit que le coq avec une sauce grasse au vinaigre était un manger délicieux: (385a) Ulpien le censeur, couché seul sur un lit, mangeant peu, mais toujours prêt à saisir le moindre mot, prit la parole, et dit : Qu'est-ce que cet g-oxyliparon, à moins que vous n'ayez intention de nommer les g-kottanes et les g-lepidin, qui sont des aliments ordinaires de mon pays. Mais, lui dit-on, Timoclès le comique a fait mention de l’ g-oxyliparon dans son Dactylos. (385b) Alexis a donné à certains personnages l'épithète d' g-acroliparoi, ou de gras à l'extérieur, tandis que tout l'intérieur du corps était de bois. On servit un grand poisson dans une saumure acéteuse, g-oxalmee. Quelqu'un dit : Rien de meilleur que le poisson servi dans cette saumure. Aussitôt Ulpien qui ne s'occupait qu'à ramasser des épines, fronce le sourcil, et dit : Où trouverez-vous le mot g-oxalmee? D'ailleurs, je ne sache pas qu'aucun des auteurs vivants ait employé le mot g-opsarion pour désigner le poisson; mais la plupart des convives, méprisant son verbiage, songèrent à manger, tandis que Cynulque lui cita très haut ce passage des Aures de Métagène. (385c) « Çà, mon ami, mangeons ; après cela fais-moi toutes les demandes que tu voudras, car à présent je suis si affamé que je ne me souviens de rien.» Myrtile approuva volontiers la réflexion, dans l'intention de ne rien manger alors, mais de dire tout ce qu'il se rappellerait. Cratinus, dit-il, a fait mention de l’ g-oxalme dans ses Ulysses, où Polyphème parle ainsi : « En revanche, je vous prendrai tous, chers compagnons ; je vous ferai frire, bouillir, griller sur la braise, rôtir en broche, (385d) pour vous mettre dans une saumure ordinaire, dans l’ g-oxalme (saumure acide), dans une saumure à l'ail (g-scorodalme), en vous y plongeant lorsqu'elle sera toute chaude, et celui qui me paraîtra le mieux rôti, ô braves guerriers! sera celui que je dévorerai le premier. » Aristophane dit, dans ses Guêpes : « Ensuite soufflant sur moi pour me nettoyer, jette-moi dans l' g-oxalme toute chaude. » 35. Nous disons de nos jours g-opsarion pour poisson, et Platon le comique l'a dit aussi dans son Pisandre : (385e) « Quand il y a quelque temps que tu n'as mangé, que te donne-t-on? B. Du poisson. A. Quoi! tu t'es fatigué au travail, et voilà ce que tu as? Oh! pour moi, je mangeai hier une langouste. » Phérécrate dit dans ses Transfuges : « Qui nous a servi ce poisson? g-opsarion. Philémon dans son Trésor : « Il n'est pas possible de falsifier la vérité, ni d'avoir en même temps de bon poisson. » Ménandre dit dans son Carthaginois: « Puisque après m'être fâché contre Borée je n'ai pu prendre pour moi un méchant poisson, je vais faire cuire des lentilles. » (385f) On lit dans son Ephésien : « Ayant pris pour dîner du poisson, g-opsarion. » Après quoi il dit : « Un des poissonniers vendit des boulerots quatre dragmes. » Anaxilas écrit dans son Hyacinthe Pornobosque (g-leno) : « Mais avec quoi vous achèterai-je du poisson, g-opsarion. » Et peu à près : « Valet, apprête-nous du poisson, g-opsarion. » Mais nous entendons de tout mets le mot g-opsariois, qui se trouve dans l’Anagyre d'Aristophane : « Si je ne me consolais par quelques petits mets. » [9,386] (386a) En effet, Alexis met ce mot, en ce sens, dans la bouche du cuisinier, qu'il fait parler dans sa Veillée: « A. Aimez-vous à manger vos mets (g-opsariois) bien chauds, ou entre deux, ou encore moins chauds. B. Le moins chaud. A. Que dites-vous, maître? B. Comment? A. Voilà un homme qui ne sait guère ce que c'est que vivre! Quoi! que je vous serve tout froid? B. Point du tout. A. Tout bouillant donc? B. Non, parbleu! A. C'est donc tiède? B. Oui da. A. Aucun des gens de mon métier, que je sache, ne sert ainsi. (386b) B. Aucun de tes pareils ne fait non plus ce que tu fais ; mais mon plaisir est tel ; je veux donner à mes convives le temps de lier conversation, et de se connaître. A. Mais est-ce que vous avez immolé le chevreau? B. Ne m'étourdis pas; mais va couper tes viandes. Valets, conduisez-le. A. Y a-t-il une cuisine ici? B. Il y en a une, et même avec une cheminée. A. Cela ne me paraît bien clair. B. Il y a une cheminée, te dis-je. (386c) A. Mais non sans danger si elle fume car elle me ferait ainsi crever. » 36. Voilà donc, ô voluptueux Ulpien! je dis voluptueux, puisque tu ne vis que pour le plaisir du ventre (g-olbiogastoor), voilà, dis-je, ce que j'avais à te rappeler de notre part, nous qui sommes, bien vivants. Quant à toi, il me semble que comme moi tu pratiques ce que dit Alexis dans son Atthis, ne mangeant rien de ce qui ait vie. Voici le passage : « A. Celui qui a dit le premier qu'aucun sophiste (sage), ne mange de ce qui a vie, était vraiment un sage. Pourquoi je reviens du marché n'ayant pris rien (386d) qui ait vie. Les poissons que j'ai achetés sont morts, mais beaux. J'ai des pièces d'agneau fort gras que je donnerai à manger ; mais il nevit pas. B. Sans doute, autrement pouvais-tu avoir ces pièces telles qu'elles sont? Y a-t-il encore autre chose. A. Oh! oui. J'ai pris un foie rôti. Or, si quelqu'un peut me prouver qu'une seule de ces choses ait voix ou vie, je conviendrai que je suis dans, mon tort, et que j'ai violé la loi. » Après ces détails, permets-nous donc de souper, car, vois, pendant que je m'entretiens avec toi, les faisans ont passé tout près de nous, mais en nous dédaignant, à cause de ton impertinente démangeaison de parler. (386e) Soit, dit Ulpien ; cependant, maître Myrtille, apprends-moi au moins où tu as pris le mot g-olbiogastoor, et si quelqu'un des anciens a fait mention de ces oiseaux du Phase, et je t'assure que demain, de bon matin, je vais, non m'embarquer pour l'Hellespont, mais au marché, pour y acheter un faisan, que je mangerai avec toi. 37. J'y consens à ces conditions, répond Myrtille. Amphis rappelle le mot g-olbiogastoor dans sa Gynœcomanie, en ces termes : « Vaurien que tu es! gourmand! n'es-tu pas un franc g-olbiogastoor, ou un homme qui ne met son bonheur qu'à vivre pour son ventre? » (386f) Chap. IX. Faisan, g-Phasianikos. L'aimable Aristophane fait mention du faisan dans ses Oiseaux. Il s'agit là de deux vieillards désœuvrés, qui cherchent une ville où ils pourront demeurer à ne rien faire. Or, la vie des oiseaux paraît avoir de l'attrait pour eux. Ils s'en vont donc parmi les oiseaux; mais certain oiseau sauvage volant au-dessus d'eux, sans qu'ils s'y attendent, [9,387] ils s'effraient de sa présence, puis se rassurent réciproquement, et se disent, entre autres choses, (387a) ce qui suit : « A. Ne saurais-tu donc me dire quel est cet oiseau-ci qui vient de chier sur moi? B. C'est un faisan, g-phasianikos. » C'est aussi de cet oiseau que j'entends le mot g-phasianos dans les Nuées du même, non de chevaux comme plusieurs le prétendent, et je dis que dans ce passage, « Non, par Bacchus, quand vous me donneriez les g-phasianous que nourrit Leogoras.» On peut entendre aussi bien des g-phasianoi, oiseaux, que des chevaux du Phase qu'il nourrissait. D'ailleurs, Leogoras a été persiflée pour sa gourmandise dans la Périalgée de Platon le comique. Mnésimaque, un des poètes de la moyenne comédie, dit ce qui suit, dans son Philippe, ou Amateur de Chevaux: (387b) « Il y a ici, ce qui est assez rare, du lait de poule, et un faisan bien plumé.» Théophraste d'Erèse, disciple d'Aristote, fait mention de ces oiseaux dans son troisième livre des Animaux. Voici à peu près ses termes : « Il y a cette différence entre les oiseaux, que quelques-uns sont courts des ailes, et volent peu, comme l’attagen, la perdrix, le coq, le faisan; mais ils marchent dès qu'ils sont nés, et sont couverts de plumes. Aristote écrit ceci, liv. 7 de son Histoire des Animaux. Parmi les oiseaux il y en a de pulvérateurs; d'autres se baignent, d'autres ne se roulent pas dans la poussière, ni ne se baignent. (387c) Quant à ceux qui ne quittent point la terre, et ne volent pas, ils sont pulvérateurs, comme la poule, la perdrix, l'attagen, le faisan, l'alouette. Speusippe parle aussi des faisans dans son Traité des Choses semblables, liv. 2 ; mais ceux-ci appellent cet oiseau g-phasianos, non g-phasianikos. » 38. Agatharcide de Cnide traitant l'article du fleuve Phasis dans le trente-quatrième livre de ses Histoires d'Europe, écrit ceci : « Les oiseaux qu'on appelle faisans viennent en quantité vers les embouchures du fleuve, pour y chercher leur nourriture. » Callixène de Rhodes (dans le liv. 4 de son ouvrage sur la ville d'Alexandrie), (387d) décrivant la fête publique que Ptolémée Philadelphe donna dans cette ville, parle de ces oiseaux comme de quelque chose de merveilleux, et dit : « Ensuite on portait en pompe, dans des cages, des perroquets, des paons, des pintades, des faisans et des oiseaux d'Ethiopie en grande quantité. » Mais Artémidore, disciple d'Aristophane, dans les Gloses qu'il a publiées sous le nom de termes culinaires, Pamphile d'Alexandrie dans ses observations sur les noms et sur les termes particuliers, citent Epænète disant, dans son Art Culinaire, que le faisan est un oiseau qu'on appelle aussi g-tatyras. Ptolémée Évergète dit, au second livre de ses Commentaires, que le faisan se nomme g-tetarton. (387e) Voilà ce que j'avais à dire sur les oiseaux faisans que j'ai vus, à cause de toi, passer seulement autour de moi, comme les malades voient passer le manger; mais, toi, si tu ne me paies demain ce dont tu es convenu, je ne te traduirai pas en justice, il est vrai, pour cause de fraude, (387f) mais je t'enverrai au Phase pour y habiter, comme Polémon le Périégète envoya l'historien Istrus se noyer dans le fleuve du même nom. 39. Attagas varié. Aristophane écrit dans ses Chognes : « On mange avec beaucoup de plaisir la chair de l’attagas bouilli, lorsqu'on célèbre une victoire. » Alexandre de Mynde dit qu'il est un peu plus gros qu'une perdrix. Il est tout tacheté de diverses couleurs sur le dos, de couleur de brique, mais tirant plutôt sur le roux. Sa pesanteur et la brièveté de ses ailes l'exposent à être poursuivi par les chasseurs. [9,388] (388a) C'est un oiseau pulvérateur qui prolifie beaucoup, et vit de graines. Socrate nous apprend, dans son ouvrage sur les Limites, les Lieux, le Feu, et les Pierres, que les attagas furent apportés de Lydie en Egypte, et qu'ayant été lâchés dans les bois, ils firent entendre pendant quelque temps le courcaillet de la caille ; mais les eaux basses du Nil ayant occasionné une famine, dont il mourut beaucoup de monde, ces oiseaux ne cessèrent de dire jusqu'ici, et plus clairement même que les enfants qui articulent le mieux : « Tous les maux accablent les malfaiteurs ». Ces oiseaux une fois pris ne font plus entendre leurs voix ; (388b) mais si on les relâche ils cessent d'être muets. Hipponax en fait ainsi mention : « Ne mangeant ni attagas, ni lièvre. » Aristophane en parle aussi dans ses Oiseaux; mais, dans ses Acharnes, il donne à entendre qu'il y en a quantité dans le pays de Mégare. Les Attiques écrivent le nom de cet oiseau avec un circonflexe contre la règle générale, car les noms terminés en as, qui ont plus de deux syllabes, et la pénultième en a, sont barytons, ou ont l'accent aigu sur cette pénultième; comme adamas, akamas et akadas, mais il faut dire au pluriel attagai, non attageênes. 40. Chap. X. Porphyrion. Il est évident qu'Aristophane en a fait mention. (388c) Polémon, dans le liv. 5 de l'ouvrage qu'il adresse à Antigone et à Adée, dit que le porphyrion, oiseau accoutumé à vivre dans les maisons, garde scrupuleusement les femmes mariées. Il a même la faculté de sentir la femme adultère au point que lorsqu'il s'en aperçoit, il commence par la faire connaître au mari, et finit sa vie en se pendant. Cet oiseau, ajoute Polémon, ne prend aucune nourriture, qu'après s'être promené, cherchant un lieu qui lui convienne; alors il se roule dans la poussière, se lave, et mange. Selon Aristote, cet oiseau est fissipède, et a une couleur bleue, (388d) de longues jambes, le bec rouge dès sa racine ; il est de la grandeur d'un coq. Il a l'œsophage étroit; voilà pourquoi il coupe par petits morceaux ce qu'il prend avec ses doigts : quant à l'eau, il la saisit comme en mordant, et l'avale. Ses doigts sont au nombre de cinq, dont celui du milieu est le plus grand. Alexandre de Mynde écrit que c'est un oiseau de Libye, et sacré selon les habitants de cette contrée-là. Porphyris. Callimaque dit, dans son Traité des Oiseaux, que le porphyrion diffère de la porphyris, et il le nomme séparément. Selon lui, le porphyrion prend sa nourriture dans l’obscurité, de peur qu'on ne le regarde : (388e) il s'irrite contre ceux qui approchent de ce qu'il mange. Aristophane a fait mention de la porphyrisdans ses Oiseaux. Ibycus rappelle certains oiseaux qu'il nomme g-lathiporphyras dans ce passage : « Sur l'extrémité de son branchage jaune. Les pénélopes bigarrés, les lathiporphyrides dont le col est paré de plumes variées, et les alcyons aux larges ailes. » Dans un autre passage (il nomme la porphyris). « O mon ami! tu m'écoutes comme lorsque la porphyris étendant --- » 41. Perdrix, ou Bartavelle. Nombre d'auteurs en on fait mention ; comme Aristophane. (388f) Quelques écrivains abrègent i dans les cas obliques, comme a fait Archiloque, « Tremblant comme une perdrix, g-perdika.» Ils abrègent de même la syllabe du milieu dans g-ortyga, une caille ; g-chœnika, un chœnix (mesure); mais les Attiques font beaucoup plus souvent long i du milieu dans ce mot, comme Sophocle dans ses Kamiques: « Il parut dans les bourgades renommées des Athéniens, un homme qui avait le nom de perdrix, g-perdikos. » Phérécrate, ou l'auteur du Chiron: « Il sort pour venir ici autant contre son gré, qu'une perdrix, g-perdikos. » [9,389] (389a) Phrynicus dit, dans ses Tragoodes : « Kleombrote, fils de perdrix, g-perdikos. » Or, on prend cet oiseau pour le symbole de la lubricité. Nicophron écrit, dans ses Gagnes-deniers: « Les epsètes et les perdrix, g-perdikas. » Epicharme dit, dans ses Débauchés, faisant i bref: « Des sèches d'une saveur douce, et des perdrix volantes, g-perdikas. » Voici ce qu'Aristote dit de cet animal : « La perdrix se tient sur terre, et a le pied fendu : elle vit quinze ans. La femelle passe ce terme. (389b) Les femelles des oiseaux vivent en général plus que les mâles. Elle couve ses œufs, et élève ses petits comme la poule. Lorsqu'elle s'aperçoit qu'on la chasse, elle va en avant de sa couvée, se roule près des pieds du chasseur, lui faisant espérer en apparence qu'il peut la prendre, et le tient dans cette erreur jusqu'à ce que ses petits soient envolés ; ensuite elle s'envole aussi. 42. C'est un animal méchant et malicieux ; d'ailleurs, fort salace. Voilà pourquoi le mâle casse les œufs de la femelle, afin de pouvoir jouir d'elle; mais comme elle sait son intention, elle s'enfuit, et pond à l'écart. » Callimaque dit les mêmes choses dans son Traité des Oiseaux. Les mâles qui ne sont pas appariés se battent, (389c) et celui qui est vaincu devient la jouissance du vainqueur. Aristote dit même que celui qui a été vaincu est obligé de se laisser cocher par tous les autres mâles qui le reprennent tour à tour. Les mâles privés s'accouplent avec les sauvages. Si un d'entre eux a été vaincu par un second mâle, il est coché secrètement par celui-ci qui a prévalu : or, les mâles ne s'accouplent ainsi qu'en certaine saison de l'année, selon Alexandre de Mynde. Les perdrix mâles et femelles font leur nid à terre, où elles ont leur loge séparée. Quant à la manière de prendre les perdrix, si l’on se sert d'un mâle pour chasseur, le chef des perdrix sauvages s'avance à lui pour le combattre. Dès que celui-ci est pris, il en vient un autre pour combattre. (389d) Voilà ce qui arrive en se servant d'un mâle pour chasseur; mais si l'on chasse avec une femelle, elle chante jusqu'à ce que le chef des perdrix sauvages ait été séduit par elle. Alors les autres se rassemblent, chassent celui-ci loin de la femelle, voyant qu'il ne s'occupe que d'elle, et non d'eux. C'est aussi pour éviter cette poursuite que souvent ce chef approche d'elle en silence, de peur qu'un autre l'entendant ne vienne se battre avec lui. Quelquefois même la femelle fait taire le mâle qui s'approche d'elle. Souvent aussi une femelle quitte les œufs qu'elle couve lorsqu'elle voit son mâle aller à celle avec laquelle on chasse, et se fait cocher pour le détourner de celle-ci. (389e) Les perdrix et les cailles sont si passionnées pour l'accouplement, qu'elles viennent tomber sur les chasseurs, assis sur les toits des maisons. On a dit aussi que les perdrix femelles qu'on emmène chasser, sont fécondées si elles voient un mâle, ou en sentent l'odeur étant sous le vent de l'endroit où il se trouve, ou s'il vole seulement près d'elles ; on ajoute même qu'elles pondent sur-le-champ. Pendant le temps de l'accouplement, les perdrix mâles et femelles volent le bec ouvert, et en allongeant la langue au dehors. (389f) Cléarque écrit, dans son Traité de la terreur panique, que les moineaux, les perdrix, les coqs et les cailles éjaculent non seulement en voyant une femelle, mais même en entendant leur voix. La cause est l'idée de l'accouplement dont ces oiseaux mâles sont alors frappés. Or, leur passion pour le coït se manifeste surtout lorsqu'on leur présente un miroir. Ils accourent à l'objet qu'ils aperçoivent, et se font prendre, en lâchant leur semence. Il faut cependant en excepter les coqs. L'objet qui les frappe ne fait que les provoquer au combat. Tels sont les détails de Cléarque. [9,390] 43. Quelques-uns appellent les perdrix g-caccabai, (390a) comme Alcman dans ce passage : « Alcman a introduit une espèce de chant qu'il a trouvé en formant, d'une manière articulée, le son que font entendre les g-kakabis. Or, il montre clairement par-là que c'est des perdrix qu'il a appris à moduler ce chant. Voilà aussi pourquoi Chaméléon du Pont a dit que les anciens avaient imaginé la musique sur le chant des oiseaux des lieux déserts, et que c'est ainsi qu'elle s'est formée par imitation ; mais toutes les perdrix ne forment pas le son g-caccabi. Théophraste, parlant de la différence des sons que forment les espèces homogènes, observe que les perdrix de l'Attique, (390b) habituées en-deçà de Corydale, cacabent; et que celles qui sont au-delà, tittybisent. Basilis écrit, dans le second livre de son Histoire des Indes, que les petits hommes qui font la guerre aux grues se servent de perdrix à leur chariot. On lit, dans la première partie de la collection de Ménéclès, que les Pygmées font là guerre aux grues et aux perdrix. Mais il y a en Italie une autre espèce de perdrix, dont le plumage est plus sombre ; elle est aussi plus petite de corps, et n'a pas le bec rouge. Celles qui sont du côté de Cirra ont la chair d'une saveur rebutante à cause de leur pâture. (390c) Celles de la Béotie ne passent pas en Attique, ou si elles y viennent, elles se manifestent par leur son de voix, comme je l'ai dit. Selon Théophraste, les perdrix de la Paphlagonie ont deux cœurs. Celles de l'île de Sciathe mangent des limaçons. Elles pondent quelquefois quinze ou seize œufs. Elles ne volent pas loin, comme le dit Xénophon, dans le premier livre de son Anabase. Voici ses termes : Si quelqu'un fait lever précipitamment les outardes, il les prend facilement, car, (390d) comme les perdrix, elles ne volent pas loin, et sont bientôt fatiguées. La chair en est agréable à manger. 44. Plutarque trouve vrai ce que Xénophon dit des outardes, et dit qu'on apporte de la Libye adjacente quantité de ces oiseaux à Alexandrie. La chasse s'en fait de cette manière. Otus, Hibou, moyen Duc. L'otus est un animal naturellement porté à imiter ce qu'il voit faire, surtout à l'homme. Il fait donc tout ce que lui paraissent faire les chasseurs. Ceux-ci s'arrêtent en face de lui, oignent leurs yeux d'une drogue quelconque, et ont près d'eux d'autres drogues qui peuvent coller les yeux et les paupières. (390e) Ils les laissent alors dans de petits plats, et s'éloignent. Ces oiseaux ayant vu les chasseurs se frotter les yeux, prennent des drogues qui sont dans les plats et s'en oignent à leur tour; ce qui les fait bientôt prendre. Voici ce qu'Aristote en écrit : Ces oiseaux changent de climat, sont fissipèdes, ont trois doigts, la taille d'un grand coq, la couleur d'une caille, la tête allongée, le bec aigu, le col mince, les yeux grands, la langue osseuse ; mais ils n'ont pas de gésier. (390f) Selon Alexandre de Mynde, on donne aussi à l'otus le nom de g-lagoodias. On dit qu'il rumine, et qu'il aime à voir un cheval. C'est pourquoi on en prendrait autant qu'on voudrait en se couvrant de la peau d'un cheval, parce qu'il en approche avec confiance. Aristote dit ailleurs que l’otus est semblable au chat-huant, mais non oiseau nocturne. Il a de petits ailerons à côté des oreilles; ce qui l’a fait nommer otus. Il est de la grandeur d'un pigeon, imite ce qu'il voit faire à l'homme. On le prend en lui donnant occasion de danser, en dansant devant lui. [9,391] Sa figure tient de celle de l'homme (391a) et il imite tout ce que l'homme fait. Voilà pourquoi les comiques appellent otus tout homme qui se laisse facilement tromper. Ainsi, lorsqu'on veut en prendre, l'homme le plus adroit danse en présence de cet oiseau, qui se met aussi à danser comme un automate, en fixant le danseur ; un autre vient par derrière sans être aperçu, et se saisit de l'oiseau ravi du plaisir de l'imitation. 45. Scopes : petits Ducs. On dit que les scopes en font autant, et se laissent prendre par la danse. Homère fait mention de ces oiseaux. Il y a une espèce de danse qui en a pris le nom de scopes, et dans laquelle on représente tous les mouvements variés que fait cet animal. (391b) Les scopes se plaisent à imiter, et c'est de leur nom que nous avons pris le mot g-scooptein, pour dire se moquer en contrefaisant, et prenant pour modèle ceux dont on se moque en imitant ce qu'ils font. Tous les animaux qui ont la langue large, et librement articulée imitent les sons des hommes, et des autres oiseaux; comme le perroquet et la pie. Mais le scoope, selon Alexandre de Mynde, est plus petit que le chat-huant; de couleur plombée, ayant des taches d'un gris clair ou blanchâtres; deux plumes qui partent des sourcils de chaque côté des tempes. (391c) Selon Callimaque, il y a deux espèces de scoopes; les uns rendent un son de voix; les autres sont muets. On appelle les seconds scoopes simplement, et les premiers æiscoopes. Ils ont une couleur bleue de mer. Alexandre de Mynde dit que ce mot est écrit sans la lettre s au commencement dans Homère, g-koopes, et qu'Aristote a ainsi nommé ces oiseaux. Ces scoopes paraissent en tout temps ; mais on n'en mange pas. Les autres ne paraissent que deux jours ou même un seul en automne. Ils diffèrent des æiscoopes par la rapidité, et sont assez semblables à la tourterelle, ou au pigeon ramier. Speusippe, au second livre des Choses semblables, écrit g-koopes, sans la lettre s. (391d) Epicharme a dit : « Les koopes ; les huppes et les chats-huants. » Alektryoon, ou Coq. Métrodore dit, dans son Traité de la Coutume, que les g-koopes se prennent lorsqu'ils dansent pour imiter les hommes qui dansent devant eux. 46. Mais puisque nous avons dit, en parlant des perdrix, qu'elles étaient très salaces, ajoutons à ces détails que le coq est un oiseau extrêmement lascif. Aristote rapporte donc à ce sujet que parmi les coqs consacrés dans les temples, celui qui a été offert le dernier, devient la jouissance de ceux qui y étaient auparavant, et qui le cochent jusqu'à ce qu'on en présente un autre en offrande; (391e) mais si l'on n'en consacre pas de nouveau, alors ils se battent, et le vainqueur jouit à son gré de celui qui s'est laissé vaincre. On dit que le coq baisse toujours la crête en passant sous une porte quelconque, et que jamais il ne se soumet à servir de femelle à un autre sans se battre. Selon Théophraste, les coqs sauvages sont plus salaces que les privés. Le même dit que les mâles (coqs) veulent cocher les poules, en quittant le juchoir ; au lieu que celles-ci ne s'y prêtent plus facilement que lorsqu'il fait grand jour. Moineaux : Strouthoi. Les passereaux sont aussi fort salaces, et Terpsiclès dit pour cette raison que ceux qui mangent de ces oiseaux sont aussi plus lascifs. (391f) N'est-ce pas en conséquence de cette opinion que Sapho a dit que Vénus était traînée sur un char par des passereaux? car c'est un animal porté à l'accouplement, et qui prolifie beaucoup. Selon Aristote, il pond jusqu'à huit œufs. Alexandre de Mynde distingue deux espèces de passereaux; l'une privée, l'autre sauvage. Selon lui, les femelles sont plus faibles, à tous égards; elles ont en outre le bec plus approchant de la couleur de corne, et ne présentent absolument rien de blanc, ni de noir sur le devant de la tête. [9,392] Aristote dit (392a) que les mâles disparaissent en hiver; tandis que les femelles restent dans la contrée ; présumant au moins ceci comme probable, de ce que leur couleur change comme celle des merles et des piettes, qui blanchissent en quelques temps. Les Éléens donnent le nom de g-deirites aux moineaux, selon ce que dit Nicandre de Colophone, liv. 3 de ses Gloses. 47. Chap. XI. Cailles : Ortyges. On a demandé pourquoi dans les noms terminés en "yx" au singulier, la consonne caractéristique du génitif n'est pas généralement la même; par exemple, dans g-onyx et g-ortyx (dont, l'un fait g-onychos, l'autre g-ortygos) ; tandis que les noms dissyllabes simples masculins terminés en y précédés de x, (392b) mais qui ont pour caractéristique de leur dernière syllabe une des immuables, ou de celles par lesquelles on forme la première conjugaison des barytons, se fléchissent au génitif par k, comme g-keerykos du héraut, g-pelykos de la hache, g-erykos d'Eryx, g-bebrykos de Bebryce, et pourquoi d'un autre côté ceux qui n'ont pas ce caractère se fléchissent au génitif en g, comme g-ortygos de la caille, g-kokkygos du coucou, g-orygos de l'oryx; car le mot g-onychos d'onyx, ongle, est remarquable ici comme particulier. On observa aussi qu'en général le génitif singulier à la caractéristique du nominatif pluriel, soit consonne, soit voyelle. Aristote dit que la caille est un des oiseaux qui changent de climat, et fissipèdes ; qu'elle ne fait pas de nid, mais une espèce de gîte dans la poussière qu'elle recouvre (392c) avec des brins secs où elle couve pour se garantir des éperviers. Alexandre de Mynde écrit, au second livre de son Traité des Animaux, que la caille femelle a le cou plus mince que le mâle, et sans aucune tache noire sous.la racine du bec. Si on l'ouvre, on ne voit pas qu'elle ait de grand jabot ; mais elle a le cœur grand, formant comme trois lobes, et le foie, le fiel adhérents aux intestins ; la rate petite, et à peine visible. Ses testicules sont sous le foie comme ceux du coq. (392d) Phanodème, liv. 3 de son Attique, parlant de la génération des cailles, dit: « Erysichthon ayant aperçu Délos, île que les anciens appelaient Ortygie à cause des bandes de cailles qui s'y jettent en venant de la mer, vu la facilité qu'il y a de l'aborder. » Eudoxe de Cnide dit, liv. 1 du Circuit de la terre, que les Phéniciens sacrifient des cailles à Hercule, parce qu'Hercule, fils de Jupiter et d'Astérie, allant en Libye, fut tué par Typhon, (392e) et qu'Iolaüs lui approchant une caille des narines, Hercule ressuscita, ayant flairé cet oiseau : il avait, dit-il, beaucoup aimé cet animal étant vivant. 48. Eupolis s'est servi du diminutif ortygion, petite caille, en parlant de cet oiseau, dans ses Villes: « Tu as nourri des cailles par le passé, et moi de petites cailles : Eh bien! quoi? » Antiphane en use de même dans son Campagnard : « Qu'es-tu donc capable de faire n'ayant qu'une âme de caille? » (392f) Pratinas, dans ses Lacédémoniennes, ou ses Caryatis, dit que la caille a particulièrement un chant agréable. Sans doute qu'au territoire de Phlionte et de Lacédémone elles font entendre un son de voix comme les perdrix. Or, Didyme dit que c'est pour cette raison qu'on a nommé cet oiseau g-sialis ou bavard, car la plupart des oiseaux ont eu leur nom de leur voix, de leur chant, ou de leur cri. Il y a aussi un oiseau qu'on appelle g-ortygomeetra ou caille-mère, dont Craies fait mention dans ses Chirons, l'appelant « Caille-mère d'Ithaque. » [9,393] (393a) Alexandre de Mynde dit qu'elle est de la grosseur d'une tourterelle, et qu'elle a les jambes longues; que d'ailleurs elle est difficile à élever, et fort timide. Cléarque de Soli rapporte quelque chose de particulier concernant la chasse des cailles, dans ce qu'il a écrit sur ce que Platon a dit en géomètre dans sa République : « Si, lorsque les cailles s'accouplent, on leur présente un miroir devant lequel on ait mis un collet, elles courent vers l'oiseau qu'elles voient dans le miroir, et tombent dans le piège. » Choucas, Koloios. Il dit aussi quelque chose de semblable concernant les oiseaux qu'on appelle choucas : (393b) « Si l'on présente aux choucas un vaisseau plein d'huile, quelque fins qu'ils soient, l'amour qu'ils ont les uns pour les autres les fait arrêter sur les bords. Considérant alors l'objet qu'ils aperçoivent, ils agitent l'huile avec leurs ailes; mais cette huile, dont ils se sont aspergés leur collant toutes les plumes, devient la cause qui les fait prendre. » (Les Attiques font longue la lettre y dans les cas obliques d'onyx comme dans ortygos, etc. Ils en usent de même dans doidykos de doidyx, pilon ; keerykos de keeryx, héraut; selon ce que dit Démétrius (393c) Aristophane dans sa Paix, mais Ixion a fait cet y bref, dans son Traité du Dialecte Alexandrin pour la mesure du vers, en disant : « Des cailles nées à la maison, g-ortyges g-oikogeneis.) » Chennia, ou petites Cailles. Cléomène en fait mention dans son Épître à Alexandre; disant : « Des (g-phalerides) piettes sacrées, dix mille ; des g-tylades, cinq mille ; des g-chennia salés, dix mille. » Hipparque écrit, dans son Iliade Egyptienne: « Non, je n'aimerais pas la vie que mènent les Égyptiens, plumant de petites cailles, et --- » Cygnes. Les cygnes parurent souvent à notre table. (393d) Le cygne, dit Aristote, prolifie beaucoup. Il est courageux ; se bat avec son semblable jusqu'à la mort, et même contre l'aigle; mais il ne l'attaque pas le premier. Ces oiseaux ont un chant, surtout aux approches de la mort. Ils traversent la mer en chantant; sont palmipèdes et paissent l'herbe : cependant Alexandre de Mynde dit en avoir vu plusieurs expirants, et ne pas les avoir entendu chanter. Hégésianax d'Alexandrie, qui a composé l'ouvrage intitulé les (393e) Troïques de Céphalion, rapporte que Cycnus, qui combattit seul contre Achille, fut nourri par un cygne à Leucophrys. Boios, ou Boioo dit, dans son Ornithogonie, selon Philochore, que Cycnus fut changé en cygne par le dieu Mars ; que s'étant rendu sur le fleuve Sibaris il s'accoupla avec une grue, et qu'il mit dans sa couvée une herbe appelée lygaia. Quant à la grue, Boioo ajoute qu'il y eut chez les Pygmées une femme fort renommée, qu'on honorait comme déesse, mais qui, elle-même, méprisait les vraies divinités, surtout Junon et Diane. (393f) Junon indignée la changea en grue (oiseau difforme), ennemie des Pygmées, qui n'eurent pour elle que de la haine après lui avoir rendu tant d'honneurs. Selon le même ouvrage, la tortue terrestre naquit de cette femme et de Nicodamas : le poète y assure même que tous les oiseaux avaient été hommes auparavant. Pigeons ramiers. 50. Selon Aristote, il n'y a qu'un genre de pigeons, divisé en cinq espèces. [9,394] (394a) La péristère, la vinagine, le phaps, le ramier et la tourterelle. Il ne nomme pas le phaps au liv. 5 des Parties des Animaux ; Eschyle a cependant fait mention de cet oiseau-ci, dans son Protée tragique. « Un malheureux phabs cherchant à manger, et enlacé par le milieu du corps, près des vans. » Il a aussi employé ce mot au génitif pluriel (g-phaboon) dans son Philoctète. La vinagine, dit Aristote, est plus grande que la péristère privée; mais moindre que le phabs, ou petit ramier. Le grand ramier, ou phatta, est de la grosseur d'une poule; sa couleur est g-spodion, mais la tourterelle est la plus petite de tous, et sa couleur est g-tephron; (394b) celle-ci paraît en été, pour se cacher en hiver ; mais le petit ramier et le pigeon privé demeurent en tout temps. La vinagine ne se montre qu'en automne. Le gros ramier, dit-on, est celui qui vit plus longtemps, car il va jusqu'à trente, et même quarante ans. Les mâles et les femelles ne se quittent qu'à la mort de l'un ou de l'autre, et celui qui reste persévère dans la viduité. C'est ce que font aussi les corbeaux, les corneilles, les choucas. Toutes les espèces de pigeons proprement dits, couvent tour à tour. Dès que les petits sont éclos, le mâle crache sur eux pour empêcher qu'ils ne soient exposés à aucun maléfice. Ils pondent deux œufs, (394c) dont le premier est mâle, le second femelle, et dans toutes les saisons de l'année. Voilà pourquoi ils font dix pontes, et même onze par an; en Egypte, ils en font douze, car la femelle est fécondée le lendemain de sa ponte. Aristote dit, dans le même ouvrage, que la g-peristera doit être distinguée de la g-peleias ou biset, qui est plus petit, et s'apprivoise difficilement. Le biset est petit, noirâtre, a les pieds courts et rouges. Voilà pourquoi personne n'en nourrit. Selon le même, il est particulier aux pigeons privés de se baiser (394d) lorsqu'ils veulent s'accoupler ; sans ce baiser, la femelle ne se laisserait pas cocher. Le mâle déjà âgé jouit de la femelle sans l'avoir baisée auparavant; mais les jeunes ne cochent jamais leur femelle qu'après le baiser. Les femelles se cochent réciproquement après s'être baisées lorsque les mâles sont absents ; mais elles ne s'injectent rien l'une à l'autre; elles pondent des œufs dont il ne résulte pas de petits. Les Doriens emploient le mot g-peleias pour g-péristera, comme Sophron le rapporte dans ses Mimes féminins. Callimaque, dans son Traité des Oiseaux, présente comme différents les uns des autres, le ramier, la pyralis, la péristère, la tourterelle. 51. Alexandre de Mynde (394e) dit que le g-pkassa ou ramier, de même que la tourterelle, ne boit pas en relevant la tête en arrière, et qu'il ne se fait pas entendre en hiver, à moins qu'il ne fasse beau, et calme. On dit que si la vinagine qui a mangé trop de graine de gui, lâche ses excréments sur un arbre, il y croît du gui. Daïmachus rapporte, dans ses Hist, de l’Inde, qu'on y voit des pigeons de couleur de coing. Charon de Lampsaque, racontant ce que firent les Perses sous la conduite de Mardonius, et leur défaite près du mont Athos, dit que ce fut alors qu'on vit les premiers pigeons blancs en Grèce, où jamais il n'en avait paru. Selon Aristote, (394f) lorsque les petits pigeons sont éclos, les père et mère mâchent de la terre, surtout salée, leur ouvrent le bec, et y introduisent cette terre, pour les préparer ainsi à recevoir de la nourriture. Il y a certain temps fixe à Éryx en Sicile, qu'on appelle le départ, dans l'opinion que Vénus passe alors en Libye. Les pigeons disparaissent donc tous alors de cet endroit-là comme pour accompagner la déesse. [9,395] Neuf jours après, temps qu'on appelle celui du retour, (395a) il arrive un pigeon qui a traversé la mer, et vient voler dans le temple; bientôt après les autres arrivent. C’est pourquoi tous les gens à leur aise, dans les environs de ce temple, font une fête, et se traitent splendidement. Les autres font résonner leurs crotales avec des transports de joie. Tout cet endroit-là exhale pour lors une odeur de beurre, et c'est le signe qu'on prend pour celui du retour de la déesse. Autocrate rapporte, dans ses Histoires d’Achaïe, que Jupiter, amoureux de la jeune Phthia d'Ægium, se métamorphosa en colombe pour jouir d'elle. Les Attiques disent g-peristeros, pigeon, au masculin, pour g-peristera, féminin, colombe. En voici un exemple des Syntrechontes d'Alexis : (395b) « Je suis le pigeon (g-peristeros) blanc de Vénus ; Bacchus ne sait, non ne sait que boire et s'enivrer ; que le vin soit nouveau ou vieux, peu importe. » Il a aussi dit g-peristera au féminin, dans son Rhodien, ou sa Poppyzeuse, autrement Flatteuse, et il montre que les colombes de Sicile sont différentes des autres : « Nourrissant chez lui de ces belles colombes de Sicile. » Phérécrate écrit, dans ses Peintres, au masculin: « Envoie un pigeon messager, g-peristeros. » Et dans sa Pétale, ou Jeune fille, il l'écrit en diminutif : (395c) « Mais, ô ma Colombine! toi qui ressembles à Callisthène, vole, transporte-moi à Cythère et en Chypre. » Nicandre rappelle les pigeons de Sicile dans ces vers du liv. 2 de ses Géorgiques : « Si tu nourris des pigeons dracontiades qui pondent deux œufs, ou de ceux du temple de Sicile, que jamais l'eau, ni certaine quantité de coquillages ne leur manquent. » 52. Chap. XII. Cannes, Canards. Neilai. Alexandre de Mynde observe que les mâles sont plus grands et présentent des couleurs plus variées que les femelles. Celui qu'on appelle glaucion, à cause de la couleur de ses yeux, est un peu plus petit que le canard ordinaire. Quant à l'espèce qu'on appelle boschas; (395d) le mâle est moins tacheté que le canard. Les boschas mâles ont le bec camard et trop petit pour leurs autres proportions. La petite colymbis est le moins gros de tous les oiseaux aquatiques, d'un noir sale; ayant le bec aigu, et les yeux toujours comme en observation.(238) Elle plonge souvent. Il y a une autre espèce de boschas, ou de sarcelle, plus grande que le canard, mais moindre que l'oie-renard ou bergandier. Ceux qu'on appelle g-phaskades sont un peu plus gros que les petites colymbis; du reste pareils aux canards. (395e) L'oiseau qu'on nomme g-uria est à peu de chose près de la grosseur du canard. Il est de couleur de brique sale, et il a le bec long et étroit. La g-phaleris a aussi le bec étroit. Elle paraît plus ronde; son ventre est de couleur cendrée, mais le dos tirant un peu plus sur le noir. Quant au canard g-neetta et à la g-colymbas (dont les noms ont fourni les verbes g-neechestai, nager, et g-colymban, plonger), Aristophane en fait mention, en même temps que de plusieurs autres oiseaux marécageux, dans ses Acharnes: (395f) « Des canards, des choucas, des attagas, des piettes, des trochiles (roitelets). » Callimaque en fait aussi mention dans son Traité des Oiseaux. 53. On nous servit encore des g-parastates, dont Épænète fait mention dans son Art culinaire, de même que Simarus dans le liv. 3 et 4 de ses Synonymes. Or, ces g-parastates sont ce qu'on appelle autrement testicules. Il parut quelques viandes bien arrosées d'une sauce qui flattait l'odorat; quelqu'un ayant dit: [9,396] (396a) Donnez-moi de ces mêmes viandes cuites entre deux plats (étouffées) ; Ulpien, ce dédale où l'on se perd avec les mots, dit aussitôt : Ma foi, je vais moi-même étouffer, si vous ne nommez l'auteur où vous avez trouvé de telles viandes, car je me garderai bien de les nommer avant de connaître l'écrivain ; le convive lui répond : Mais Strattis s'est servi de g-pniktos, étouffe, dans ses Macédoniens, ou Cinésias. « Qu'il y ait toujours chez toi quelque chose de semblable, étouffé, g-pnikton.» Eubule écrit, dans son Agglutiné, ou Amant passionné : « Des viandes étouffées à la manière de la Sicile, et des tas de plats.» Aristophane a dit, dans ses Guêpes : « Etouffé dans une huguenote. » Cratinus dans ses Déliades : (396b) « Écrase-lui en une partie que tu feras cuire proprement en l'étouffant, g-pnixon. Antiphane dit, dans son Campagnard : « A. D'abord j'enlève une maze précieuse que Cérès, source de la vie, donne aux mortels comme un présent qui les flatte infiniment. Après cela, des membres étouffés de moutons, et pleins de jus, flanqués, autour, d'une jeune viande aussi tendre que l'herbe naissante. B. Que dis-tu-là? A. Je lis la fin d'une tragédie de Sophocle. » 54. Cochons de lait. Comme on servait des cochons de lait, les convives demandèrent à ce sujet (396c) si le mot g-galatheenos (de lait) se disait. Quelqu'un répondit : On lit dans le Doulodidascale de Phérécrate : « J'ai volé des animaux qui tétaient encore (g-galatheena) et non faits. » Il dit dans ses Transfuges: « N'est-ce pas un cochon de lait que tu vas sacrifier? » On lit dans la Lutte d'Alcée : « Il est ce qu'il faut être. Si de ce dont je te fais part, je lâche un mot de plus qu'un cochon de lait ne peut dire ---» Hérodote dit, dans son premier livre, qu'il n'est permis à Babylone d'immoler sur l'autel d'or que des animaux qui tètent Antiphane écrit, dans son Philétaire : (396d) « Ce petit-maître, dont on ne peut approcher; ce blanc-bec, g-galatheenos.» Héniochus dit, dans son Polyeucte: « Le bœuf était dur comme de l'airain, et n'a pas voulu cuire ; lui, il a peut-être sacrifié un cochon de lait. » Anacréon dit: « Comme un jeune faon qui tète, et dont la frayeur s'est emparé, lorsqu'il a été abandonné de sa mère-cornue. » Cratès dit, dans ses Voisins : « Maintenant vous vous régalez de quelque chose de délicieux, comme d'agneaux et de cochons de lait. » (396e) Simonide fait ainsi parler Danaé au sujet de Persée. « O mon fils, que j'ai de peine! et toi tu ronfles encore avec ton cœur enfantin. » Il dit ailleurs ; concernant Archemore « Ah! la funeste couronne! Ils t'ont pleuré, cher enfant encore à la mamelle, lorsque tu rendis cette âme si douce! » Cléarque dit, dans ses Vies, que le tyran Phalaris poussa la cruauté jusqu'à manger des enfants à la mamelle. On a dit g-theesthai, pour sucer le lait. (396f) « Hector, mortel, a sucé la mamelle d'une femme. » g-Theesthai a ce sens parce que l'on met le mamelon dans la bouche des enfants. Le mot g-titthos vient aussi de ce qu'on met (g-entithesthai) les mamelons dans la bouche (le mot g-galatheenos, qui tète, se trouve encore dans ce vers). « Ayant endormi des faons nouvellement nés qui tétaient. » [9,397] 55. (397a) g-Dorkas : Chevreuil. Comme on servit des g-dorkades, Palamède d'Elée, onomatologue, nous dit : La viande de g-dorkoones n'est pas désagréable. Myrtille le reprend : « On a dit seulement g-dorkades, non g-dorkoones. » Xénophon écrit au liv. 1 de son Anabase : « Il y avait des outardes et des g-dorkades, ou chevreuils. » 56. Paon : g-Taoos. Cet oiseau a été rare, comme le montre Antiphane dans le Soldat, ou Trychon. « Quelqu'un ayant une fois amené une paire de paons, chose rare pour lors; mais à présent il y en a plus que de cailles. » Eubule dit, dans son Phœnix : « En effet, on n'admire le paon que pour sa rareté.» (397b) Le paon, dit Aristote, est fissipède, et paît l'herbe. Il pond lorsqu'il est âgé de trois ans. C'est alors qu'il acquiert la variété de ses couleurs. Il couve environ trente jours, et ne pond qu'une fois par an; le nombre de douze œufs, non de suite, mais par intervalles de deux en deux jours. Les femelles qui pondent pour la première fois n'ont qu'une couvée de huit œufs. Cet oiseau est sujet à pondre des œufs clairs, comme la poule; mais jamais plus de deux. Il couve, et casse la coquille comme elle. Eupolis en parle ainsi dans ses Astraleutes, ou Exempts du service militaire. (397c) « Quoi! nourrirai-je chez Proserpine un tel paon, qui éveille ceux qui dorment?» Antiphon, l'orateur, a écrit un discours ayant pour titre, sur les paons; mais le nom de cet oiseau n'y est aucunement rappelé. Il se contente de le nommer oiseau d'un plumage varié. Il ajoute que Démus, fils de Périlampe, en nourrissait; que même plusieurs personnes venaient par curiosité, tant de Lacédémone, que de la Thessalie, pour contempler ces oiseaux, et faisaient beaucoup d'instances pour en avoir des œufs. Après avoir parlé de ce qui concerne leur forme extérieure, il dit : (397d) Si quelqu'un voulait transporter de ces oiseaux à la ville, ils la quitteraient pour s'envoler aussitôt ; si d'un autre côté on leur rogne les ailes c'est les priver de leur beauté, car ce sont les grandes plumes qui font leur beauté, et non celles du corps. Il nous apprend aussi dans ce même discours, qu'on était fort curieux de les voir : il ajoute qu'on n'avait cette satisfaction que les premiers de chaque mois, mais que personne ne l'obtint jamais un autre jour, et cela, non un jour, ni deux, mais pendant plus de trente ans. 57. (397e) Selon Tryphon, les Athéniens aspirent la dernière syllabe de ce mot, en écrivant g-tahôos pour g-taoos, y mettant même un accent circonflexe. C'est ainsi qu'ils lisent, comme on le voit dans le passage précédent d'Eupolis, cité de ses Astrateutes. Aristophane dit aussi dans ses Oiseaux : « Tu es Térée? mais es-tu Térée l'oiseau, ou paon, g-tahoos? Et dans un autre endroit : « C'est ma foi un oiseau: mais quel oiseau? ce n'est pas un paon, g-tahôos. » Les Attiques disent g-tahôoni (au paon) au datif, comme Aristophane l'écrit dans la même pièce. Le langage Attique et l'Ionien ne permettent pas d'aspirer la dernière syllabe d'un mot, si cette syllabe commence par une voyelle. Il est d'usage qu'elle soit prononcée avec un esprit doux, ou sans être aspirée. (397f) Comme g-neoos, temple; g-Tyndareoos, Tyndarée; g-Meneleoos, Ménélas; g-leiponeoos, déserteur de vaisseau; g-Euneoos, Eunée; g-Neileoos, Nilée, g-praos, doux; g-hyios, fils; g-Keios, de Cée; g-Chios, de Chio; g-dios, divin; g-chreios, utile; g-pleios, plein; g-laios, gauche; g-baios, petit; g-phaios, brun; g-peeos, allié, ou parent; g-goos, gémissement ; g-thoos, vite ; g-rhoos, ruisseau ; g-zooos, vivant. [9,398] En effet, l'esprit rude, demandant naturellement à se trouver sur les premières syllabes, ne peut en aucune manière être fixé (398a) sur les dernières parties des mots. Quant au mot g-taoos, paon, ce mot vient de g-taoo, j’étends, parce que cet oiseau étend son plumage. Séleucus dit, dans son cinquième chapitre de l’Hellénisme : « C'est mal à propos que les Attiques aspirent la dernière syllabe de g-tahôos, et y mettent même un circonflexe. Il est naturel que l'esprit rude se fasse sentir sur les premières syllabes des mots qu'on prononce, et que commençant à se faire sentir là, il passe plus rapidement sur la superficie des mots. C'est même en conséquence de ce principe que les Athéniens considérant la nature de la prosodie dans l’ordre du discours, ne posent point la marque de l'aspiration sur les voyelles, comme ils y mettent les accents, mais avant les voyelles. (398b) Selon moi, la marque de l'esprit rude était H, chez les anciens. Voilà pourquoi les Romains surtout, font toujours précéder de ce signe les mots qui doivent être aspirés, marquant ainsi le mouvement organique qui doit précéder l'articulation de ces mots. Or, si telle est la destination naturelle de l'esprit rude, n'est-ce pas contre toute raison que les Attiques marquent de cet esprit la syllabe finale de g-tahoos? (au lieu de dire g-taoos). 58. Chap. XIII. Tetrax. On avait déjà beaucoup disserté sur chaque mets qu'on servait au repas, lorsque Larensius prit la parole : Je vais aussi, nous dit-il, vous proposer quelques questions, à l'exemple d'Ulpien, car ces demandes nous servent aussi d'aliments ; que pensez-vous donc que soit le tetrax? Quelqu'un répondit: C'est une espèce d'oiseau; (398c) suivant en cela l'usage des grammairiens qui répondent à ce qu'on leur demande : « C'est une espèce de plante, une espèce d'oiseau, une espèce de pierre. » Pour moi, je te dirai, brave Ulpien, que le charmant Aristophane parle du tetrax dans ses Oiseaux ; c'est ce que je n'ignore pas. Voici le passage : « Au porphyrion, au pélican, à l'onocrotale, au phléxide, au tetrax et au paon. » Je demande ensuite si quelque autre auteur en a fait mention. Je sais qu'Alexandre de Mynde, dans son liv. 52 des Oiseaux, parle du tetrax, non comme d'un grand oiseau, mais comme d'un des plus petits : (398d) « Le tetrax, dit-il, est égal en grandeur au spermologue, et de couleur de brique ; marqueté de taches ternes, et de grandes raies; il est frugivore. Lorsque la femelle a pondu, elle fait entendre un son analogue à son nom, et l'on dit qu'elle tetraze.» On lit, dans les Noces d'Hébé d'Epicharme : « Prenant des cailles, des passereaux, des alouettes qui aiment à rester dans la poussière, des tetraces ramasseurs de grains. » Le même dit ailleurs : « Il y avait des hérons au long cou, qui se courbe, et des tetraces, canne-petières, ramasseuses de grains. » Mais puisque vous gardez le silence, je vais vous faire voir l'oiseau : (398e) « Étant gouverneur en Mysie, pour l'empereur, et à la tête des affaires de ce département, j'eus occasion de voir cet oiseau dans cette contrée-là. Apprenant que les Mysiens et les Péoniens le nommaient ainsi, je me le rappelai par ce qu'Aristophane en avait dit. Je présumais que cet oiseau avait été assez digne de l'attention du savant Aristote, pour être nommé dans son histoire qui coûta tant de talents, car on dit que ce philosophe stagirite en reçut huit cents d'Alexandre, à ce sujet; mais n'y trouvant rien sur le tetrace, (398f) je fus très satisfait d'avoir au moins pour garant de ce nom le charmant Aristophane. » Larensius finissait de parler, lorsqu'un esclave entra, et nous apportant un tetrace dans une cage. Il est au-dessus de la taille du plus grand coq, et assez semblable pour la forme extérieure au porphyrion ; ayant de chaque côté deux barbillons pendants aux oreilles, comme les coqs; [9,399] (399a) sa voix est grave. Peu de temps après que nous eûmes admiré la beauté du plumage de cet oiseau, on nous le servit bien apprêté. Sa chair ressemble à celle de l'autruche, dont nous avons souvent mangé. 59. g-Psyai : Lombes. L'auteur du Retour des Atrides dit au troisième chant : « Hermionée atteignant, de ses pieds rapides, Nisus, lui perça les lombes, g-psyas, avec sa lance. » Simariste écrit ceci au troisième article de ses Synonymes : (399b) Les chairs, qui s'élèvent obliquement le long des lombes, se nomment g-psyai en grec; on nomme g-cyboi et g-galliai les enfoncements qui sont de chaque côté. Cléarque s'exprime ainsi au second chapitre du Squelette : « Les chairs musculeuses qui sont de chaque côté, et que l'on appelle g-psyai ou renards, ou, selon d'autres, g-neuromeetrai, mères des nerfs. » Le vénérable Hippocrate fait aussi mention des lombes sous le nom de g-psyai. On les a ainsi nommés de ce qu'on les détache et enlève facilement, leur chair n'étant que comme superposée sur la surface des os. Euphron le comique en parle dans ses Théores. (399c) « Il y a certaine partie charnue qu'on appelle g-psyas ou lombes : apprends à les entamer avant de les considérer. » 60. Chap. XIV. Mamelle : g-Outhar. Téléclide dit, dans ses Bourus : « Comme femme, il est juste que j'aie des mamelles. » Hérodote dit, liv. 4 de ses Histoires, lorsqu'on souffle dans la vulve d'une jument, les veines se gonflent, et ses mamelles s'abaissent ; mais il est rare de trouver le mot g-outhar, appliqués à d'autres animaux. On emploie seulement le mot hypogastre (bas-ventre), tant pour les chevaux, que pour les poissons. Strattis écrit dans son Atalante : « Un hypogastre de thon, et une issue. » (399d) Théopompe dit, dans son Kallœschre: « Il attendait le bas-ventre des poissons, mais il l'a manqué. » Mais, dans ses Sirènes, il nomme les bas-ventres g-hypeetria : « Des bas-ventres de thons blancs de Sicile. » 61. Lièvre : g-Lagoos. Voici ce que le grand cuisinier Archestrate en dit: « Il y a plusieurs manières de faire cuire et d'apprêter le lièvre. Mais voici le meilleur procédé. Servez-le brûlant, un peu rouge, après l'avoir saupoudré de sel en le tirant de la broche, et présentez-en la chair à chacun de vos convives affamés. Ne voyez pas avec dégoût le jus tomber rouge (399e) de la chair; mais dévorez-la promptement. Toutes les autres manières de l'apprêter sont, à mon avis, fort inutiles ; comme d'y verser de ce jus visqueux, de le flanquer de fromage, d'y mettre une sauce à l'huile ; cuisine qui n'est faite que pour un chat. » Nausicrate le comique dit, dans sa Persienne, qu'il est rare de trouver un lièvre (g-dasypoda) (399f) dans l'Attique. « Qui a jamais vu dans l'Attique un lion, ou tout autre animal féroce? Il n est même pas facile d'y trouver un lièvre. » Il semblerait cependant, par ce que dit Alcée, dans sa Callisto, qu'il y en aurait beaucoup. « Il faut avoir du coriandre très fin, pour en saupoudrer, avec du sel, les lièvres que nous pourrons prendre. » [9,400] 62. (400a) Tryphon rapporte qu'Aristophane a écrit g-lagoon à l'accusatif avec un accent aigu sur la dernière syllabe, dans ses Danaïdes : « Si vous lâchez (ce chien) il pourrait emporter ce lièvre, g-lagoon. » Il dit aussi dans ses Dœtalées : « Je suis perdu! on me verra épiler (ou déchiqueter) le lièvre. » Xénophon écrit g-lagoô sans n dans son Cynégétique, et avec un accent circonflexe, parce que selon notre usage g-lagos porte un accent, mais aigu, la syllabe étant brève. Les Attiques en usent de même sur les mots que nous terminons en -os, bref aigu; comme les accusatifs g-neôon, temple; g-leôon, peuple; g-lagôon, lièvre; (400b) mais Sophocle a dit g-lagoi au pluriel, en se réglant sur l'accusatif commun g-lagon, dans son Amyclus satyricus. « Des grues, des corneilles, des chats-huants, des milans, des lièvres, g-lagoi. » On trouve par la même analogie g-lagoo pluriel, dans les Flatteurs d'Eupolis, comme venant de la forme attique g-lagoon, à l'accusatif singulier. « Il y avait des raies, des lièvres, et des femmes qui dansaient avec agilité.» Il y en a qui prononcent sans raison la dernière syllabe de ce mot, comme si elle était marquée d'un circonflexe; mais il faut en élever le ton en parlant, (400c) car les mots terminés en -os conservent le même accent, quoique changés en -oos selon le dialecte attique, où ils ont toujours l'accent aigu, comme g-naos, temple, g-kalos, câble; attique g-neoos, g-kaloos, et c'est ainsi qu'en ont usé Epicharme, Hérodote et l'auteur des Ilotes. Les Ioniens disent aussi g-lagos. « Après avoir troublé l'eau, perce le lièvre marin. » Mais g-lagoos est attique. Nous avons cependant vu que les Attiques disaient aussi g-lagos, et de là g-lagoi au pluriel, comme dans Sophocle. (400d) « Des grues, des corneilles, des chats-huants, des milans, des lièvres, g-lagoi. » Quant à cette expression : « Ou un lièvre (g-lagooon) timide, » si on la prend pour ionienne, l’ -oo long est de trop ; si elle est attique, il faut en retrancher l’ -o final. On a dit g-lagoôa g-krea, de la viande de lièvre. 63. Hégésandre de Delphes rapporte, dans ses Commentaires, que les lièvres se multiplièrent tellement, dans Astypalée, sous le règne d'Antigone Gonatas, que les habitants envoyèrent consulter l'oracle à ce sujet, et que la Pythie leur ayant répondu d'élever des chiens et de chasser, on en prit plus de six mille. Ce grand nombre ne vint que de deux lièvres qu'un homme d'Anaphée jeta dans cette île; comme auparavant un homme d'Astypalée ayant lâché deux perdrix (400e) dans Anaphée, elles y avaient tant multiplié que les habitants avaient été sur le point d'abandonner leur demeure. Or, il n'y avait pas de lièvres auparavant dans l'île d'Astypalée, mais des perdrix. Le lièvre est un animal qui multiplie beaucoup, comme le dit Xénophon dans son Cynégétique. Voici ce qu'en dit Hérodote: « Le lièvre devient la proie de tous les animaux, homme, oiseau, quadrupède : voilà sans doute pourquoi il multiplie tant. C'est le seul animal en qui la superfétation ait lieu. Il a dans le ventre des petits velus, d'autres sans poil : (400f) d'autres se forment dans la matrice, et il en conçoit encore de nouveaux. » g-Kouniklos : Lapin. Polybe dit, au liv. 12 de ses Histoires, qu'il y a un autre animal analogue au lièvre, et qu'on le nomme g-kouniklos. Voici ses termes : « Le g-kouniklos vu de loin paraît être un petit lièvre; mais lorsqu’on l'a pris on voit qu'il y a une grande différence tant pour la forme que pour la qualité de la chair. Il est le plus souvent caché en terre. [9,401] (401a) Le philosophe Posidonius en parle dans son histoire, et nous en avons vu beaucoup lorsque nous passâmes de Dicéarchée à Naples. C'est dans une île qui n'est pas éloignée du continent, et située vers les extrémités de Dicéarchée: il y a peu d'habitants, mais beaucoup de ces lapins. Lièvres chélidoniens. Il y a des lièvres qu'on appelle chélidoniens, Diphile, ou Calliades, en fait mention dans sa pièce intitulée l’Ignorance : « Qu'est-ce que cela? d'où vient ce lièvre de couleur d'hirondelle? le civet en est bleuâtre!....» Théopompe dit, dans son liv. 5, en (401b) parlant de la Bisaltie, que le lièvre naît avec deux foies. 64. Sanglier : Cochon sauvage. On venait de servir un cochon sauvage, ou sanglier, qui n’était pas moindre que le beau sanglier de Calydon, lorsque quelqu'un de la compagnie dit : "Méditatif et éloquent Ulpien, je voudrais bien savoir qui est celui qui a rapporté que le sanglier de Calydon était une laie, et même blanche". Ulpien, après avoir bien réfléchi, et voulant éluder de répondre à la demande, dit : « Enfin, gourmands que vous êtes, si vous n'avez pas encore assez mangé, après avoir tant empilé, (401c) il me semble que vous surpassez tous ceux qui se sont rendus fameux par leur grande voracité. C'est à vous maintenant de chercher qui ils sont. Quant au mot qui signifie cochon, ou g-sys, il est plus exact de prononcer ce mot avec s, ou g-sys, que sans s, ou g-hys, car cet animal a été ainsi nommé du mot g-seuesthai, c'est-à-dire, de ce qu'il se lance avec impétuosité; mais il est d'usage de prononcer ce mot sans s au commencement. D'autres prétendent qu'on a dit g-sys, pour g-thys, parce que cet animal convient pour les sacrifices. Maintenant, répondez-moi, si bon vous semble, et trouvez celui qui, comme nous, a écrit en composé g-syagros, pour désigner le sanglier. Sophocle s'est servi de ce mot en parlant d'un chien, parce que cet animal poursuivait les sangliers. (401d) Voici le passage de ses Amis, ou Amants d'Achille. « Et toi g-syagre élevé, à poursuivre de tous côtés. » On lit g-syagros dans Hérodote, liv. 7, comme nom propre d'un Lacédémonien qui se rendit avec le titre d'ambassadeur auprès de Gélon, roi de Syracuse, pour l'engager à se liguer contre les Mèdes. Je me rappelle aussi un Etolien, nommé Syagrus, général d'armée, dont Phylarque fait mention dans le liv. 4 de ses Histoires. Démocrite dit alors : « Ulpien, tu as coutume de ne toucher de rien (401e) avant de savoir si l'on se servait ou non, dans l'antiquité, du nom de la chose qu'on présente comme telle; mais tu veux sans doute par cette manière d'agir et ces réflexions creuses, te miner et mourir comme ce Philétas de Coo, qui se dessécha en cherchant le sens qui peut se trouver faux dans les termes. » En effet, épuisé de marasme, en voulant s'occuper de ces demandes, il y succomba, comme le montre l'inscription de son tombeau : « Étranger, je suis Philétas; les sophismes captieux et les profondes réflexions nocturnes m'ont fait périr. » 65. Ainsi, de peur que tu ne te dessèches, en cherchant le g-syagre, sache qu'Antiphane a produit ce nom dans sa Fille enlevée : (401f) « Je prendrai et je ramènerai cette nuit-ci Syagre, Léonte et Lycus. » Denys le tyran dit, dans son Adonis : « Aller dans l'antre des nymphes, couvert par la nature, forcer avec des javelots ce sanglier qu'il sera facile de prendre; des nymphes ; dis-je, auxquelles j'offre le plus souvent mes prémices. » Lyncée de Samos écrit ceci dans sa Lettre à Apollodore : [9,402] (402a) « Afin de donner la viande de chèvre à tes esclaves, et que tu aies pour toi celle de syagre, ou de sanglier. » Hippolochus le Macédonien, dont nous avons fait mention dans les discours précédents, a aussi parlé de nombre de sangliers dans sa lettre à ce même Lyncée. Mais Ulpien, puisque tu as éludé de répondre lorsqu'on t'a interrogé sur la couleur du sanglier de Calydon, pour savoir de toi si quelqu'un a rapporté qu'il fût blanc, nous allons te nommer celui qui l'a dit : c'est ensuite à toi de chercher le passage. Il y a donc longtemps que j'ai lu les Dithyrambes de Cléomène de Rhégio : or, il l'assure dans celui qui a pour titre Méléagre. (402b) Mais je n'ignore pas non plus que les voisins de la Sicile appellent un sanglier g-aschedooros. Eschyle même se sert de ce mot dans ses Filles de Phorcys, comparant Persée au porc sauvage, sanglier : « Il entra dans l'antre comme un g-aschedooros. » On le lit aussi dans le Méléagre, de Sciras, natif de Tarente, poète de la comédie italique. « Dans un lieu où jamais un berger ne mène paître, et où un aschédore ne fût non plus accouplé avec une laie. » (402c) Mais il n'est pas étonnant qu'Eschyle emploie beaucoup de termes siciliens ayant vécu quelque temps en Sicile. g-Eriphoi ; Chevreaux. On nous servit aussi plusieurs fois du chevreau différemment apprêté. Il y en avait entre autres d'assaisonné avec du suc de silphium, qu'on n'y avait pas plaint, et ils nous fit beaucoup de plaisir, car la viande de chèvre est fort nourrissante. Cléarque de Carthage, qui pour les recherches ne le cède à aucun philosophe de la nouvelle académie, rapporte qu'un athlète de Thèbes l'emporta pour la force sur tous ceux de son temps, parce qu'il n'usait que de ces viandes. (402d) Elles fournissent des sucs robustes, gélatineux, et qui peuvent longtemps séjourner sans se dissiper, mais cet athlète était exposé à la raillerie, parce que sa sueur avait une odeur forte. Quant à la viande de porc et d'agneau, comme elles sont naturellement difficiles à digérer, elles se corrompent dans l'estomac, où elles sont en résidence avec la graisse. Mais pour venir aux soupers des comiques, ils flattent plus les oreilles que le gosier, comme on le voit dans l’Acestrie d'Antiphane : « A. De quelles viandes mangeriez-vous plus volontiers? B. De quelle viande? mon cher! Pour le bon marché, je préfère celle des moutons qui ne font ni laine, ni fromage. (402e) Après cela, je préfère la viande de chèvre qui ne donne pas encore de lait; car ne voulant priver personne du profit qu'il peut tirer, je me contente de manger de ces viandes, qui sont ce qu'il y a de plus commun. » Il dit, dans son Cyclope : « Voici ce qui vous viendra de ma part, quant aux produits terrestres : un bœuf de mon troupeau, un bouc qui parcourt déjà les bois, une chèvre qui grimpe jusqu'au ciel, un bélier coupé, un porc coupé, une truie non châtrée, un cochon de lait, un lièvre, des chevreaux, du fromage tout nouveau, du fromage sec, du fromage en tourteau, du fromage râpé, du fromage coupé par tranches, du fromage de lait épaissi au feu. » 64. Chap. XV. Mais voici un autre repas de l'arrangement de Mnésimachus ; il parle ainsi dans son Hippotrophe: (402f) « Manès, sors de ces chambres à coucher, lambrissées de cyprès; va-t-en à la place vers les statues de Mercure, où se réunissent nos chefs de tribus, et où Phidon s'occupe de montrer à notre élégante jeunesse à monter à cheval. Entends-tu ce que je dis? Annonce-leur que les poissons refroidissent, que le vin s'échauffe déjà, que les sauces se dessèchent, le pain durcit, [9,403] (403a) les fressures sont rôties et havies, qu'il ne reste bientôt plus de viande dans la saumure; déjà l'on a avalé l'andouille, la caillette, les intestins grêles, les gros boyaux ; enfin, on nous prend à la gorge dans la salle. Le vin pétille dans les cratères, on porte les santés à la ronde ; il ne manque plus que la danse. La cervelle du jeune mari s'échauffe. Souviens-toi bien de ce que je te dis; fais-y bien attention. Quoi! tu bâilles? regarde ici: vois comment tu vas leur dire tout cela. Je vais te le répéter : ainsi dis-leur de venir sans tarder, et de ne pas faire gâter les apprêts (403b) du cuisinier ; le poisson est cuit, les viandes sont rôties, mais tout refroidit. Détaille-leur en particulier tout ce qu'il y a; des truffes, des olives, de l'ail, du chou, des courges, de la purée, du thrion, de la farce aux herbes et au miel, des tronçons de thon, de glanis, de chien de mer, de lime, de congre, du phoxin ou véron entier, un coracin entier, de la membrade, du maquereau, du thon femelle, du boulerot, de l'hélacatène ou fuseau, de la queue salée de chien carcharias ou requin, de la torpille, du diable de mer, de la perche, du lézard de mer, de la petite alose, de la tanche de mer, du trinque, du surmulet, du coucou de mer, de la pastenague, de la murène, du pagre, (403c) du mylle ou moyen coracin, du foie marin, du spare, du scare femelle et bigarré, des thraites, de l'hirondelle de mer, de la squille, du calmar, de la plie, de la vive, du polype, de la sèche, de l'orphe, de là, langouste, de l’escharos, des aphyes, des aiguilles, du muge, de la scorpène, de l'anguille, des pains, et d'autres viandes innombrables; comme de l'oie, du porc, du bœuf, de l'agneau, de la brebis, du sanglier, de la chèvre, du coq, du canard, de la pie, de la perdrix, du renardeau ; en outre, il y aura après le repas quantité de bonnes choses. Tous les gens de la maison s'occupent même encore à pétrir, pâtisser, plumer, broyer, couper, rôtir. On se divertit, on jase on saute, on mange, (403d) on boit, on danse, on se persifle, on se pique, on se pousse. Rien de si charmant que le son mélodieux des flûtes; on chante, on sonne de la trompette, on fait grand tapage, on va et vient, la chevelure exhale le parfum des pays éloignés, de l'Arabie, de la Syrie. L'odeur ravissante de l'encens, du marum, de la myrrhe, du jonc odorant, du styrax, de la mousse (de cèdre), du telinum, du mendesium, du costus, de la menthe.» 68. Après ces détails, on nous servit la marmite qu'on appelle g-rhodountia, ou de roses, au sujet de laquelle notre docte cuisinier étala toute son éloquence avant de laisser voir ce qu'il portait. Il plaisanta beaucoup sur les plus célèbres cuisiniers, (403e) dont il rappela même les noms. Qu'est-ce qu'a inventé, dit-il, de semblable ce cuisinier qu'Anthippe introduit sur la scène dans son Caché ? Or, voici ce qu'il raconta : Chap. XVI. « A. Sophon d'Acarne et Damoxène de Rhodes apprirent leur art ensemble, et eurent pour maître Labdacus le Sicilien. (403f) Ils effacèrent de leurs répertoires toutes ces vieilles recettes vulgaires d'assaisonnements, bannirent le pilon de leur cuisine ; je veux dire, le cumin, le vinaigre, le silphium, le fromage, la coriandre dont Saturne usait à la sienne, et ils ont regardé comme un ignorant, à tous égards, le cuisinier qui avait recours [9,404] (404a) à ces vendeurs de toutes sortes d'ingrédients. Or, papa, ils ne voulaient que de l'huile, une marmite neuve, un feu vif et qu'il ne fallût pas souffler : avec cela seul, leur repas était promptement apprêté. Ce sont eux qui ont fait disparaître de la table les larmes, les éternuements, cette abondante salivation, et qui ont mis les canaux sécrétoires à sec. Quant au Rhodien, il mourut d'une saumure qu'il avala ; (404b) c’était en effet une boisson peu d'accord avec la nature : il est donc mort, comme cela devait être. Pour Sophon, qui a été mon maître, ô papa, il court à présent toute l'Ionie. Moi, je m'occupe de laisser un ouvrage bien raisonné sur les inventions dont j'ai enrichi mon art. B. Eh! tu vas me tuer avec tes discours : ce n'est pas moi, mais la victime qu'il faut égorger! A. Oh! vous me verrez demain, de grand matin même, chercher dans les livres tous les procédés relatifs à mon art; (404c) car je ressemble au musicien Aspendius, et vous me verrez manger de bon appétit, avec votre permission, des mets que j'ai imaginés; car je ne cuisine pas de même pour tout le monde. J'ai différentes manières d'accommoder, selon la vie que chacun mène; ainsi, d'amants aux philosophes, de ceux-ci aux traitants, ma cuisine change d'allure. Est-ce un jeune égrillard, qui pour plaire à sa maîtresse dissipe son patrimoine? Oh! je lui sers des sèches, des calmars, et toutes sortes de poissons saxatiles, accompagnés de coulis exquis, car un tel personnage dépense plus en huile qu'en coton, (404d) et ne s'occupe guère que de ses amours. A un philosophe, animal ordinairement très vorace, je sers un jambon, des pieds : au traitant, je présente un glauque, une anguille, un spare lorsque je puis en avoir. Mais si ce poisson vient trop tard, j'assaisonne des lentilles. Quant aux repas funèbres, je vous en fais un des plus splendides. Mais la bouche des vieillards est beaucoup plus insensible que celle des jeunes gens. (404e) Je vous leur mets donc force moutarde, et j'aiguise mes sauces en conséquence de leur stupeur. Par ce moyen, je fouette aussi l'air interne chez eux, et je viens a bout de tendre l'arc de l'amour. Oui, un seul regard que je jetterais sur vous autres, me suffirait pour savoir ce que chacun de vous aime le mieux à manger. » 69. Il ne sera pas plus hors de propos de faire mention ici du cuisinier que Denys introduit sur la scène dans son Thesmophore, ou Législateur. Voici donc, Messieurs les convives, ce qu'il dit : « Par les dieux, le savoir de ce cuisinier, (404f) tel que vous venez de me le raconter, est une chose bien vaine et bien futile! D'abord, il faut qu'un cuisinier, qui veut préparer un repas, le fasse selon le goût des convives; car s'il ne s'occupe que de faire son repas sans avoir songé auparavant à la manière dont il doit tout apprêter, au temps, à l'étiquette du service, et qu'il n'ait pas pris toutes ses précautions à ces différents égards, ce n'est plus un cuisinier, mais un simple fricasseur : or, ce sont deux choses bien différentes; l'une n'est assurément pas l'autre! [9,405] (405a) On appelle, il est vrai, Général d'une armée celui qui est chargé de la conduire ; mais le vrai Général est celui qui a le talent de maîtriser les circonstances, de prévoir tout; autrement il n'est que conducteur d'hommes. Il en est de même dans notre profession : le premier venu peut couper, préparer, faire bouillir des ingrédients, souffler le feu; c'est ce que j'appelle un fricasseur. Mais un cuisinier est bien autre chose ; il doit bien connaître le lieu, le moment, celui qui invite, (405b) celui qui est invité au repas, et quelle espèce de poisson il doit prendre au marché, et quand. Je sais qu'on y trouvera toujours de tout, parce qu'il y a toujours de tout ; mais tout n'est pas toujours à son juste point, et ne flatte pas toujours de même. Archestrate a écrit sur la cuisine ; il passe même, selon plusieurs, pour avoir dit quelque chose d'utile; cependant il a ignoré bien des choses, et parle sans avoir vu. (405c) Non, n'écoutez pas tout ce qu'on dit ; n'allez pas non plus apprendre tout ce qu'on a écrit pour les cas les plus pressés seulement (ou pour le simple nécessaire). La cuisine est un art sur lequel on ne peut raisonner ; autrement n'en parlez que d'après la circonstance actuelle; car cet art n'a, comme l'occasion, rien de fixe. C'est de lui-même qu'il tire tout son talent. Quant vous emploieriez toutes les ressources de l'art, si vous ne savez pas profiter du moment de les employer, l'art n'est plus rien. B. Mon ami, que tu es un grand homme!... Mais il semble que tu as oublié de faire voir ici (405d) ce cuisinier que tu disais si versé dans l'art d'apprêter ces repas splendides et si variés. A. Oh! en vous montrant comment je prépare un thrion, je vais vous donner preuve de tout le reste, et je vous apprêterai un souper dont l'odeur aura toute la finesse de l'atticisme pur : puissé-je être condamné à la sentine, pour y vivre, en malheureux, des aliments les plus vils, si à l'odeur seul des mets je ne vous fais pas dormir sur le plat! » 70. A ces mots, Émilien lui dit: « Mon cher, plusieurs écrivains ont dit beaucoup de choses sur la cuisine,» Selon les Adelphes d'Hégésippus : ainsi, « Ou fais nous (405e) voir un nouveau plat de ton métier, inconnu de tes prédécesseurs, ou ne me fends pas la tête. » Et montre-moi ce que tu apportes, en me disant ce que c'est. — Quoi! vous me méprisez parce que je ne suis qu'un cuisinier? Peut-être que « J'ai autant gagné que vous à ma profession. » Pour me servir des termes du comique Démétrius dont voici le passage. Il est de son Aréopagite : « J'ai gagné a ma profession autant qu'aucun comédien ait jamais gagné à la sienne : mon art est un empire enfumé. (405f) C'est moi qui préparais l'abyrtace chez Seleucus. J'ai introduit l'usage de la lentille royale chez Agathoclès de Sicile ; mais je n'ai pas encore dit le principal. Certain Lacharès traitant ses amis pendant une famine, régala Minerve sans suite; mais moi je régale Jupiter avec tout son train. » [9,406] (406a) Mais moi, dit Émilianus, si tu ne montres pas ce que tu apportes, je vais... Alors cet homme, quoiqu'un peu malgré lui, répondit : Voici donc ce que j'appelle marmite aux roses. Je l'ai ainsi préparée afin que vous eussiez, tant sur la tête, qu'intérieurement, le parfum suave des couronnes, et que tout votre corps se sentît de ce régal. Après avoir pilé les roses les plus odoriférantes dans un mortier, j'y ai jeté beaucoup de cervelles d'oiseaux et de porc, bien bouillies, dont j'ai ôté jusqu'à la moindre fibre; j'y ai ajouté des jaunes d'œufs ; ensuite de l'huile, du garum, du poivre, du vin. (406b) Après avoir bien broyé et mêlé tout cela, je l'ai jeté dans une marmite neuve, et je n'y ai donné qu'un feu doux bien soutenu. En disant cela, il découvrit le vaisseau : il s'en exhala une odeur suave qui parfuma toute la salle du repas, et l'un des convives ne put s'empêcher de dire (avec Homère), « Ce parfum remué remplit de sa vapeur le palais d'airain de Jupiter, et se répandit dans le ciel et sur la terre, « Tant l'odeur de ces roses était vaporante. 71. Chap. XVII. Après cela, on servit des oiseaux rôtis, des lentilles, des pois dans les marmites mêmes, et de tous ces légumes analogues, (406c) dont Phanias d'Érèse parle ainsi dans son Traité des Plantes : « Tous les légumes, non sauvages et satifs, se sèment pour être cuits en bouillant, tels que la fève, le pois : car on en fait une décoction et de la purée. D'autres tiennent de la nature du pois, comme la gesse ; d'autres sont analogues à la lentille, comme le viseron, la lentille d'eau; ces espèces se sèment pour en avoir du fourrage pour les animaux, comme l'orobe pour les bœufs de labour, et le viseron pour les moutons. Eupolis rappelle le pois légume dans son Age d'or, ou Chrysogène. (406d) Héliodore le Périégète dit, dans son premier livre de la Citadelle, que lorsqu'on eut imaginé de faire bouillir les différents bleds, on les appela dans cet âge ancien g-pyanon, ce que l'on dit actuellement g-holopyron, c'est-à-dire, tout de bled, ou bled entier. Après ces réflexions et autres semblables, Démocrite dit : « Permettez-nous au moins de prendre de ces lentilles, ou de les goûter dans la marmite, de peur que l'un ou l'autre d'entre vous ne soit attaqué avec des pierres, comme parle Hégémon de Thase. » A ces mots, Ulpien prend la parole : Que veut donc dire cette attaque avec des pierres? Je sais qu'il se fait à Éleusine, ma patrie, une assemblée qu'on appelle g-balleetys, mais je ne vous en dirai rien que chacun ne m'ait récompensé d'avance. (406e) Oh! pour moi, dit Démocrite, qui ne reçois pas d'argent en mercenaire, pour dire l'heure qu'il est (selon ce qui est dit dans le Souper préliminaire de Timon), je vais vous apprendre ce qui concerne Hégémon : 72. « Chaméléon, poète de l'ancienne comédie, natif, du Pont, rapporte qu'Hégémon, auteur de Parodies, fut surnommé la Lentille, et dit dans une de ses pièces : « Tout occupé de ces réflexions, je vis Minerve se présenter à côté de moi ; elle tenait une verge d'or dont elle me frappa, (406f) et me dit: Lentille, qui as souffert les plus grands maux, audacieuse que tu es, vas donc au combat. Alors plein de confiance..... » Or, il parut un jour sur le théâtre pour donner une comédie, ayant le pan de sa robe plein de pierres, qu'il jeta dans l'orchestre ; ce qui surprit les spectateurs, incertains de la raison de ce procédé. Il cessa un peu, et dit: [9,407] (407a) « Voilà des pierres, en jette qui voudra : la lentille est une bonne chose en été et en hiver. » Cet homme s'est fait une réputation, surtout par ses Parodies, et gagnait tous les suffrages en déclamant ses vers épiques. Il était rusé, possédant bien le talent de l'imitation dans tout son extérieur. Voilà pourquoi il charmait tous les Athéniens. Il les fit même tant rire le jour qu'on leur annonça au théâtre leur revers en Sicile, que personne ne se retira, quoiqu'il n'y eût peut-être pas un citoyen qui n'y eût perdu un parent; (407b) mais on se couvrit la tête pour pleurer, et sans sortir de place, de peur de montrer aux députés des autres villes, présents au spectacle, qu'on se croyait accablé par ce malheur. Tout le monde resta donc pour l'entendre, quoiqu'Hégémon fût sur-le-champ même déterminé à se taire au bruit de cette nouvelle. Les Athéniens étant maîtres de la mer, obligèrent les insulaires de venir plaider à Athènes; ce fut alors que quelqu'un intenta un procès à Hégémon, et le traduisit au tribunal de cette ville. Hégémon s'y rendit, réunit avec lui le corps des artisans consacrés au culte de Bacchus, et alla trouver avec eux Alcibiade, pour lui demander de le protéger. (407c) Alcibiade lui dit de ne rien craindre, et leur ordonna à tous de le suivre. Aussitôt il se rendit au temple de Cybèle, où étaient les registres des causes, se mouilla le doigt avec sa salive, et effaça l'accusation formée contre Hégémon. Le greffier et l’Archonte, offensés de ce procédé, demeurèrent cependant tranquilles, vu la crainte qu'ils avaient d'Alcibiade, et l'accusateur prit la fuite. 73. Chap. XVIII. Voilà donc, Ulpien, ce que nous appelons g-Balleetys. Pour toi, tu nous diras, si tu veux, ce qui concerne la g-Balleetys d'Eleusis; mais, répond Ulpien : (407d) « En faisant mention de marmite tu m'as rappelé, excellent Démocrite, celle qu'on nomme la marmite de Télémaque, et que j'ai souvent désiré de connaître. » Eh bien! dit Démocrite, Timoclès le comique (car il y eut Timoclès le tragique) s'exprime ainsi dans son drame intitulée Leethee : « Après lui arriva Télémaque, qui, le saluant d'un air fort gracieux, lui dit : Prête-moi, prête-moi les marmites (407e) dans lesquelles tu as fait bouillir les fèves. Ayant dit cela, il aperçut de loin le gros Philippe, fils de Chæréphile ; il le caressa, et lui dit d'envoyer des paniers. » Or, le même poète nous apprend que ce Télémaque était de la bourgade d'Acharne. Voici le passage de son Bacchus : « A. Ce Télémaque d'Acharne harangue encore le peuple (ou capte encore la bienveillance du peuple) : il ressemble à ces esclaves Syriens qu'on vient d'acheter pour la première fois. B. Comment donc, ou que fait-il? Je voudrais bien le savoir. A. Il porte une fort belle marmite, mais la mort est, je crois, dedans. » (407f) Il dit encore dans ses Satyres Icariens: « … parce qu'il n'y avait rien chez nous ; ainsi j'ai passé une nuit fort pénible. D'abord je dormis sur la dure ; ensuite Thudippe, ce lion, nous reçut en nous bernant. Pendant cet intervalle la faim nous prit. Nous nous rendîmes chez Dion, homme fort ardent ; mais il n’avait rien non plus chez lui. Courant alors chez le brave Télémaque, du bourg d'Acharné, j'y aperçus un tas de fèves; j'en empoignai, et je les mangeai. Mais cet âne, fils de Céphisodore, nous ayant vu, vint se placer sur son siège en pétant. » [9,408] (408a) On voit donc par ces détails que Télémaque, qui se nourrissait de fèves, faisait, des pyanepsies, une fête qu'il célébrait d'ordinaire en pétant. 74. Héniochus le comique fait mention de la purée de fèves dans son Trochyle, en disant : « A. Quand je considère en moi-même, par les dieux! combien il y a de différence entre le cresson et les figues. B. Mais toi, ne dis-tu pas qu'un tel a fait une insulte à Pauson? (408b) A. Tu me fais une demande à laquelle il n'y a pas à rire, et j'aurais bien à penser avant de me tirer de cette affaire. B. Allons, dis-moi cela. Quoi! ne peut-on pas rire d'un plat de fèves en purée! A. Mon ami, c'est que ces fèves gonflent le ventre. Or, cela ne plaît pas à ceux qui savent que Pauson est un sophiste, dont la seule occupation est de faire cuire des fèves. » 75. Après nombre de propos semblables, on apporta l'eau pour laver les mains. Aussitôt Ulpien demanda si le mot g-chernibon (bassin à laver les mains) était en usage dans l'acception actuelle. Quelqu'un lui répondit par ces vers de l'Iliade : (408c) « Le vieillard pressa une domestique d'aller chercher de l'eau pure, et de la verser sur les mains; aussitôt cette servante se présenta tenant en main le bassin et le pot. » Les Attiques disent g-chernibion, comme on le voit dans le discours de Lysias contre Alcibiade : « Avec des bassins (g-chernibiois) et des g-thymiatères d'or. » (408d) Eupolis a dit g-cheironiptron dans ses Bourgades. «... si quelqu'un arrive le premier au but, il gagne, pour prix de la course, un g-cheironiptron, mais qu'un homme soit citoyen utile, et plus honnête que tous les autres, il n'y a pas pour lui de g-cheironiptron. » Epicharme a dit g-cheironiba dans ses Théores : « Une cithare, des trépieds, des chars, des tables d'airain, des g-cheironiba (bassins à laver), des jattes à faire les libations. » (408e) Mais l'usage le plus général est de dire de l’eau sur les mains, comme Eupolis dans son Age d'or, Ameipsias dans sa Fronde, Alcée dans sa Noce sacrée. C'est l'expression dont on se sert le plus. Philyllius dit, dans son Augée ; g-kata g-cheiroon, sur les mains: « Or, les femmes ont déjà soupé; ainsi il est temps d'ôter les tables, et de balayer ; ensuite qu'on verse sur les mains à chacune d'elles, et qu'on leur présente du parfum. » Ménandre écrit dans son Urne : (408f) « Mais eux, ils ont déjà pris (l'eau) sur les mains, et ces bons amis nous attendent. » 78. Aristophane le grammairien, dans ses Commentaires sur les tables de Callimaque, se moque de ceux qui ne savent pas la différence des expressions, g-kata g-cheiros, sur les mains, et se laver, g-aponipsasthai; il observe que chez les anciens on disait g-kata g-cheiros, pour se laver les mains avant de dîner ou de souper, et g-aponipsasthai, pour se les laver après les repas; [9,409] mais il paraît que ce grammairien a noté cette observation d'après quelques écrivains Attiques, (409a) car Homère s'est servi du mot g-nipsasthai. « La servante leur apporta de l'eau pour se laver, g-nipsasthai, et leur dressa une table bien polie. » Il dit ailleurs : « Les hérauts leur versèrent de l'eau sur les mains, et les servantes présentèrent du pain dans des corbeilles. » Sophron a dit dans ses Mimes féminins : « Malheureuse Kaikoa, après nous avoir donné (de l'eau) sur les mains, laisse-nous enfin à table. » Le mot g-cherniba se lit ordinairement chez les tragiques et les comiques, en relevant le ton de la pénultième. C'est ainsi qu'Euripide écrit ce mot avec l'accent sur cette syllabe dans son Hercule : (409b) « Afin qu'ils plongeassent, dans le bassin à laver (g-cherniba), le fils d'Alcmène. » On lit de même dans les Chèvres d'Eupolis: « Vous arrêterez l'eau qu'elle versera, g-cherniba. Mais on donnait aussi ce nom à l'eau dans laquelle on plongeait le tison ardent qu'on retirait de l'autel sur lequel on avait fait le sacrifice; et on aspergeait les assistants pour les purifier: Cependant il faut placer l'accent aigu sur l'antépénultième, ou relever, en parlant, le ton de cette syllabe. En effet, tous les mots composés analogues, terminés au nominatif par ps, et formés de la seconde personne du parfait passif, (409c) dont la première a deux mm, et qui conservent la finale du parfait, sont marqués d'un accent aigu sur la pénultième. C'est ainsi qu'on écrit g-aigdips de g-leleipsai, g-leleimmai, g-oikotrips de g-tetripsai, g-tetrimmai; g-boïkleps de g-keklepsai, g-keklemmai; mot qui se trouve dans Sophocle. On lit celui de g-katoobleps, épithète de Mercure, dans la pièce d'Archélaüs de Chersonèse, intitulée les Idiophyes, ou produits particuliers d'un pays. Or, ces mots, et semblables, conservent leur ton ou leur accent sur la même syllabe dans les cas obliques. Aristophane a dit en diminutif, g-chernibion dans ses Héros. 77. On se servait de ces vaisseaux pour se laver les mains, et les déterger avec du savon, comme on le voit dans le Koryque d'Antiphane. (409d) « Pendant que je vous écoute, ordonnez qu'on apporte à laver; qu'on donne de l'eau ici, et du savon. » D'ailleurs on se frottait aussi les mains avec des odeurs, laissant de côté ces magdaléons, qu'on servait par honneur, et que les Lacédémoniens appelaient g-kynades, ou faites pour les chiens, comme le dit Polémon dans sa Lettre sur les noms hors d'usage. Or, Epigène, ou Antiphane, rappelle l'usage de se frotter ainsi les mains avec des substances odorantes ; c'est dans sa pièce intitulée la Disparition de l’argent. « Alors tu te promèneras, et tu te laveras (409e) les mains comme il faut, en prenant de la terre odorante » Philoxène dit, dans sa pièce intitulée le Souper: « Ensuite les esclaves versèrent des lavages sur les mains : c’était de l'eau tiède dans laquelle on avait délayé des substances savonneuses parfumées d'Iris, et ils en versèrent autant qu'il fallut. Ensuite ils présentèrent, pour essuyer les mains, des serviettes du lin le plus blanc, puis des parfums d'une odeur d'ambroisie, et des couronnes garnies de violettes. » Dromon dit, dans sa Psahrie, ou Chanteuse qui s'accompagne du psalterion. « Comme nous eûmes dîné promptement, aussitôt on ôta les tables ; on nous servit les lavages ; nous nous lavâmes ; (409f) nous reprîmes nos couronnes de fleurs d'automne, et nous les posâmes sur nos têtes. » 78. On appelait également g-aponiptron, l'eau qui servait à laver les pieds et les mains. Aristophane a dit : « Comme s'ils versaient l’ g-aponiptron le soir. » Peut-être même qu'on appelait g-aponiptron le bassin dont on se servait; comme on disait g-cheironiptron. On appelait proprement aussi g-aponimma, chez les Athéniens, les ablutions qu'on faisait pour honorer les morts, et celles qui et aient en usage pour ceux qui expiaient et purifiaient des gens coupables involontairement, comme le dit Clidémus dans son Exégétique. [9,410] (410a) Après avoir parlé des purifications, voici ce qu'il y dit : « Il creusa une fosse a l'occident du tombeau ; ensuite regardant au-delà de la fosse, il versa de l'eau en disant ceci : Que cette ablution soit pour vous, pour qui elle est nécessaire et juste après quoi il répandit du parfum pour la seconde ablution. » Dorothée a rapporté la même chose. Voici ce qu'il dit : « On lit ceci écrit dans les Lois des Thyrgonides, concernant les expiations de ceux qui viennent supplier. (410b) Lorsque vous vous serez lavé (le coupable) vous et ceux qui ont part à la viscération, prenez de l'eau, faites une ablution, et purifiez le sang de celui qu'on expie, et après l'ablution agitez-le, et versez-le au même endroit. » 79. On appelait g-cheiromactron, ou essuie-main, la toile de lin cru dont on s'essuyait, et que Philoxène a nommé plus haut g-ekirimma, ou détersoir. Aristophane dit, dans ses Tagénistes: « Çà! valet, apporte promptement de l'eau pour laver les mains, et fais passer un essuie-main, g-cheiromaktron. » Mais j'observerai ici que pour l'eau dont on se lavait après souper on se servait aussi de l'expression g-kata g-cheiros, sur les mains, simplement, et non avant de manger, comme l'a dit (410c) des Attiques Aristophane le grammairien, ajoutant qu'ils employaient le mot g-nipsasthai, pour se laver les mains après le souper. Sophocle dit, dans son Œnomaüs : « C'est un g-cheiromactre, car il est rasé comme un Scythe. » Hérodote emploie aussi ce mot dans son liv. 2. Xénophon écrit au second livre de sa Cyropédie : « Lorsque tu touches de quelques-unes de ces choses-ci, tu t'essuies aussitôt les mains avec une serviette, g-cheiromactre, comme si tu étais très fâché qu'elles en fussent pleines. » Polémon, liv. 6 de l'ouvrage qu'il adresse à Antigone et Adée, parle de la différence qu'il y a entre g-kata g-cheiros, sur les mains, et g-nipsasthai, se laver. (410d) Démonicus a employé, dans son Achélonius, l'expression g-kata g-cheiros, pour l'eau dont on se sert avant le souper ou le repas. « Chacun s'empressait, vu qu'il traitait un homme de grand appétit, et surtout Béotien. » Mais il semble ne plus limiter l'expression g-kata g-cheiros, puisqu'il lui arrive de l'employer pour l'eau dont on se lave après le souper. Cratinus a fait mention du lin crud, oomolinon, dans ses Archiloques. « Une chevelure ébouriffée et pleine d'ordure, telle qu'une toile de lin cru. » Lorsque Sapho, (410e) liv. 5 de ses chansons, dit en s'adressant à Vénus : « Ne méprise pas les g-cheiromactres ou voiles pourprés de mes poupées ; je te les ai envoyés comme de précieux présents de ta chère Sapho. » Elle entend par g-cheiromactres, de ses poupées, un ornement de tête, comme le montre Hécatée, ou celui qui a écrit les voyages autour de l’Asie. Les femmes, dit-il, ont sur la tête des g-cheiromactres. Hérodote rapporte ce qui suit, liv. 2. Par la suite on a dit que ce roi descendit dans les lieux bas où les Grecs placent l'enfer ; qu'il y joua aux dés avec Cérès, tantôt vainqueur, (410f) tantôt vaincu; et qu'enfin il revint du séjour de cette déesse, ayant un g-cheiromactre d'or dont elle lui avait fait présent. Hellanicus rapporte, dans ses Histoires, que l'on appelait Archias l'enfant qui versait à Hercule de l'eau sur les mains, et que ce héros tua d'un coup de poing; ce qui l'obligea de fuir de Calydon; mais il dit, au second livre de sa Phoronide, que cet enfant se nommait Chérias. [9,411] (411a) Hérodote l'appelle Eunomus, au dix-septième article de son ouvrage sur les Exploits d'Hercule. Ce héros tua aussi, sans le vouloir, Cyathus, fils de Polète, frère d'Antimaque, et qui était son échanson, selon ce que rapporte Nicandre, liv. 2 de ses Œtaïques, ou histoire du mont Œta ; Hercule lui consacra, dans le Proschion, un lieu particulier, qu'on appelle encore aujourd'hui le champ de l’échanson. Mais nous finissons ici ce récit, pour commencer les suivants par la voracité d'Hercule.