[5,0] TOPIQUES - LIVRE CINQUIÈME : LIEUX COMMUNS DU PROPRE. [5,1] CHAPITRE PREMIER. (129a) § 1. Quant à savoir si le terme indiqué est propre ou s'il ne l'est pas, voici comment on peut le reconnaître : § 2. Le propre peut être donné ou en soi et toujours, ou relativement à une autre chose et pour un certain temps. Par exemple, en soi, le propre de l'homme c'est d'être un animal naturellement doux; relativement à un autre, le propre de l'homme serait donné par la comparaison de l'âme au corps, parce que l'âme est faite pour commander et le corps pour obéir. Le propre qui est toujours, c'est, par exemple, en parlant de Dieu, de dire qu'il est immortel. Et le propre pour un certain temps, c'est, par exemple, pour tel homme, de dire qu'il se promène dans le gymnase. § 3. Le propre donné relativement à une autre chose peut former ou deux questions ou quatre questions. Si une même chose est affirmée d'une chose et aussi d'une autre, il n'y a là que deux questions : ainsi, le propre de l'homme relativement au cheval, c'est d'être bipède; car on pourrait soutenir, et que l'homme n'est pas bipède, et que le cheval est bipède : et l'on détruirait le propre donné, de ces deux façons. Mais si l'on affirme et si l'on nie l'un et l'autre de l'un et de l'autre, il y aura quatre questions : ainsi, le propre de l'homme relativement au cheval, c'est que l'un est bipède et l'autre quadrupède. Or on peut essayer de soutenir que l'homme n'est pas naturellement bipède, mais qu'il est quadrupède; et il est possible aussi de soutenir que le cheval est bipède et qu'il n'est pas quadrupède; et quelle que soit celle de ces propositions qu'on prouve, on renverse la proposition avancée. § 4. Le propre en soi est ce qui est donné au sujet quand on le compare à tout le reste et qui le sépare dé tout le reste. Ainsi, pour l'homme, animal mortel capable de science est le propre en soi. Le propre relativement à une autre chose, c'est ce qui ne sépare pas le sujet de tout, mais le sépare de quelque chose de spécial; ainsi, le propre de la vertu relativement à la science, c'est que l'une est dans plusieurs parties de l'âme, et que l'autre est par sa nature dans la partie raisonnable uniquement et dans les êtres qui ont de la raison. Le propre qui est toujours, est celui qui est vrai en tout temps et ne défaillit jamais : ainsi, pour l'animal, c'est d'être composé d'âme et de corps. Le propre, pour un certain temps, est celui qui est vrai dans un certain moment, mais qui n'est pas toujours une conséquence nécessaire du sujet : ainsi, pour tel homme, c'est de se promener dans la place publique. § 5. Donner le propre relatif, c'est dire la différence qui est ou dans tous les sujets et toujours, ou le plus souvent et dans la plupart des sujets: par exemple, un propre relatif qui est dans tous les sujets et toujours, c'est pour l'homme relativement au cheval d'être bipède; car l'homme est toujours bipède, et tout homme est bipède, et aucun cheval n'est jamais bipède. Le propre qui est le plus habituellement et dans la plupart des sujets, c'est, par exemple, le propre de la partie raisonnable de l'âme de commander à la partie concupiscible et irascible ; l'un ordonne et l'autre obéit : c'est qu'en effet la partie raisonnable ne commande pas toujours, mais quelquefois est commandée; et que la partie concupiscible et irascible n'est pas toujours commandée, mais quelquefois commande, quand l'âme de l'homme est pervertie. § 6. Parmi les propres, les plus logiques sont les propres en soi, ceux qui sont toujours et les propres relatifs. Le propre relatif renferme plusieurs questions, ainsi que nous lavons dit plus haut ; car il forme de toute nécessité deux ou quatre questions. C'est donc cette espèce de propre qui fournit le plus de questions. Quant au propre en soi et â celui qui est toujours, il peut être comparé à plusieurs choses ou être recherché dans plusieurs temps. Ainsi, le propre qui est en soi peut être comparé à plusieurs choses ; car il faut que le propre soit au sujet comparé à toutes les autres choses ; de sorte que si le sujet n'est pas isolé relativement à tout, c'est que le propre n'a pas été bien attribué. Pour le propre qui est toujours, on peut le chercher dans plusieurs temps et s'il n'est pas, s'il n'a pas été, s'il ne doit pas être, c'est qu'il n'est pas le propre. Quant au propre qui n'est que pour un certain temps, nous ne le cherchons dans aucun autre moment de la durée que celui dont il s'agit maintenant. Il n'y a donc pas pour ce propre beaucoup de raisonnements possibles; or, une question vraiment logique est celle où les raisonnements peuvent être nombreux et forts. § 7. Le propre que j'appelle relatif doit donc être traité par les lieux indiqués pour l'accident, et l'on doit voir s'il est à tel sujet, tandis qu'il n'est pas à tel autre. Quant aux propres qui sont perpétuels et aux propres en soi, il faut procéder comme on va dire. [5,2] CHAPITRE II. (130a) § 1. D'abord, il faut examiner si le propre a été bien ou mal donné. § 2. Pour savoir s'il a été bien ou mal donné, on peut se demander en premier lieu, si le propre a été expliqué par des termes qui ne sont pas plus connus ou qui sont plus connus. Quand on réfute, il faut regarder aux termes qui ne sont pas plus connus; et si l'on établit la proposition, il faut au contraire regarder aux termes qui sont plus connus. § 3. On peut n'avoir pas procédé par des termes plus connus, d'abord si le propre que l'on donne est absolument plus inconnu que la chose dont il est donné pour le propre: alors le propre n'aura pas été bien donné; car on ne donne le propre que pour faire connaître mieux les choses; et c'est pour s'instruire qu'on fait des propres et des définitions. Ainsi donc, il faut procéder ici par des termes plus connus ; car de cette façon on pourra plus pertinemment comprendre. Par exemple, si l'on dit que le propre du feu c'est d'être ce qui ressemble le plus à l'âme, comme on se sert de l'âme qui est beaucoup moins connue que le feu, car nous savons plutôt ce qu'est le feu que nous ne savons ce qu'est l'âme, il s'en suit que cette similitude du feu à l'âme ne saurait être un propre bien donné. § 4. En second lieu, on s'est trompé si l'attribution du propre au sujet n'est pas aussi plus connue que lui. C'est qu'il ne faut pas seulement que le propre soit plus connu que la chose, mais il faut que l'attribution du propre à cette chose soit aussi plus connue ; car si l'on ne sait pas que le propre est à telle chose, on ne saura pas non plus s'il est à cette chose seule, de sorte que dans l'un et l'autre cas le propre n'est pas parfaitement clair. Par exemple, quand on dit que le propre du feu c'est d'être l'élément primitif dans lequel est naturellement l'âme, on se sert d'une notion moins connue que le feu lui-même, à savoir que l'âme a été en lui et a été primitivement. Ainsi, le propre du feu n'est pas bien donné, si l'on dit que c'est le principe dans lequel naturellement l'âme a d'abord été. Quand on établit la thèse, il faut voir si le propre est donné dans des termes plus connus et par des termes plus connus dans l'un et l'autre sens; car c'est ainsi que le propre sera bien donné relativement au terme en question. En effet, parmi les lieux qui établissent que le propre est bien donné, les uns montrent qu'il l'est bien pour telle chose seulement, les autres montrent aussi qu'il l'est bien en général. Par exemple, quand on dit que le propre de l'animal c'est d'avoir la sensation, on donne le propre en termes plus connus, et on donne un propre plus connu dans les deux sens : ainsi le propre de l'animal aura donc été bien donné relativement à cette qualité d'avoir la sensation. § 5. Quand l'on réfute, il faut voir si l'un des mots donnés dans l'explication du propre a plusieurs significations, ou bien si la phrase toute entière a plusieurs sens ; car alors le propre n'est pas bien donné. Par exemple, puisque sentir a plusieurs significations, l'une avoir la sensation, l'autre se servir de la sensation, on ne peut pas donner pour propre de l'animal, être organisé naturellement pour sentir. Voilà pourquoi (130b) il ne faut se servir pour le propre, ni d'un mot à plusieurs sens, ni d'une définition qui en ait aussi plusieurs, parce que le mot à plusieurs sens obscurcit ce qu'on dit, et qu'on ne sait pas, quand on va discuter, lequel des différents sens a été adopté. Jamais on ne donne le propre que pour faire mieux connaître la chose; on peut ajouter encore que nécessairement on s'expose à quelque réfutation, quand on donne ainsi le propre, parce que l'adversaire fait son syllogisme sur le mot à plusieurs sens, en prenant celui qui est en désaccord avec la question. Il faut, quand on établit la thèse, faire en sorte qu'aucun des mots ni l'explication entière n'ait plusieurs sens; car alors le propre sera sous ce rapport bien établi. Par exemple, puisque le mot de corps n'a pas plusieurs sens, et que cette expression, ce qui se porte le plus vivement en haut, n'en a pas plusieurs non plus, et que la définition totale formée de ces éléments n'a pas davantage plusieurs sens, le propre du feu sera bien donné, si l'on dit qu'il est le corps qui se porte le plus vivement vers le haut. § 6. Il faut ensuite, quand on réfute, voir si la chose dont on donne le propre a plusieurs sens, et si l'on n'a pas déterminé celui dont on donne le propre; car alors le propre n'aura pas été bien donné. Et pourquoi cela? c'est ce qu'explique assez tout ce qu'on a dit plus haut ; car il faut nécessairement que les mêmes inconvénients se reproduisent : par exemple, savoir, ayant plusieurs sens, puisqu'il signifie à la fois avoir de la science, se servir de la science, avoir science de telle chose, et se servir de la science de cette chose, on n'aura pas bien donné le propre de savoir, si l'on n'a pas dit celles des diverses significations dont on donne le propre. Quand on établit la thèse, il faut faire en sorte que la chose dont on donne le propre ait, non pas plusieurs sens, mais un sens unique et simple ; car alors le propre en sera bien donné sous ce rapport. Par exemple, si l'on parle de l'homme d'une façon absolue, on donnera bien le propre de l'homme en disant qu'il est un animal naturellement doux. § 7. Il faut voir ensuite, quand on réfute, si la même chose est répétée plusieurs fois dans le propre; car souvent on ne s'aperçoit pas de cette faute, même dans les propres, non plus que dans les définitions. Mais le propre qui présentera ce défaut n'aura pas été bien donné; car une chose plusieurs fois répétée gêne celui qui l'entend, et il en résulte nécessairement que la proposition devient obscure et qu'on paraît alors perdre ses paroles. Or il peut arriver que l'on répète la même chose de deux manières : l'une, quand on nomme plusieurs fois la même chose, et que, par exemple, on dise que le propre du feu c'est d'être le corps le plus léger de tous les corps; car alors on répète corps plusieurs fois : et la seconde, quand l'on prend les définitions des mots pour les mots, et que, par exemple, (131a) on donne pour propre de la terre qu'elle est la substance qui, parmi tous les corps, se porte le plus vivement en bas; et qu'ensuite l'on prend au lieu du mot de corps, les noms de telles et telles substances; car le corps et telle et telle substance sont une seule et même chose. Ainsi, on aura répété substance plusieurs fois, de sorte que ni l'un ni l'autre des propres n'aura été bien donné. Quand on établit la thèse, il faut ne pas se servir plusieurs fois du même mot ; car alors le propre sera bien donné sous ce rapport. Par exemple, puisque quand on dit que l'homme est un animal susceptible de science, on ne se sert pas plusieurs fois du même mot, le propre de l'homme sera bien donné de cette façon. § 8. De plus, quand on réfute, il faut voir si l'on a donné dans le propre un mot qui peut aller à tout ; car le mot qui ne sépare pas le sujet d'un certain nombre de choses ne pourra pas être utilement employé; mais il faut que les termes qui forment les propres distinguent le sujet, aussi bien que les termes qui composent les définitions. Ainsi, le propre ne sera pas bien donné, par exemple en donnant le propre de la science, si l'on dit, que tout en restant une, c'est une conception inébranlable au raisonnement. Du moment qu'on dit; tout en restant une, on se sert dans le propre du terme un, qui est à tout, et le propre de la science n'est pas bien donné. Mais quand on établit la proposition, il faut ne se servir d'aucun terme commun, et se servir seulement de termes qui séparent le sujet de toute autre chose; car de cette façon le propre sera bien donné. Par exemple, comme en disant que le propre de l'animal c'est d'avoir une âme, on ne se sert d'aucun terme commun, avoir une âme sera bien, du moins à cet égard, le propre de l'animal. § 9. Quand on réfute, il faut voir si l'on donne plusieurs propres d'une même chose, sans avoir averti qu'on en prend plusieurs; car alors le propre ne sera pas bien donné. De même qu'il ne faut dans les définitions rien ajouter à l'explication même de l'essence, de même dans les propres il ne faut rien ajouter à la définition qui fait du terme indiqué le propre du sujet; car cette addition devient inutile. Par exemple, en disant que le feu est le corps le plus léger, le plus ténu, on a donné plusieurs propres; car l'un et l'autre attribut ne s'appliquent véritablement qu'au feu seul ; donc ce n'est pas bien donner le propre du feu que de dire qu'il est le corps le plus léger et le plus ténu. Quand on établit la thèse, il faut ne point donner plusieurs propres de la même chose, il faut n'en donner qu'un seul; car alors le propre sera bien établi en ce sens: par exemple, en disant que le propre du liquide, c'est d'être le corps qui peut prendre toute forme, on n'a donné là qu'un propre et non plusieurs; et, à cet égard, le propre du liquide a été bien donné. [5,3] CHAPITRE III. § 1. Ensuite, quand on réfute, il faut voir si l'adversaire emploie la chose même dont il donne le propre, ou quelqu'une des choses qui appartiennent à celle-là; car le propre ne sera pas alors bien (130b) donné. C'est qu'on ne donne jamais le propre que pour instruire; or, une chose est toujours aussi inconnue qu'elle-même; et ce qui est aux choses qui lui appartiennent lui est postérieur, et par conséquent n'est pas plus connu ; donc, par là, on ne saurait apprendre rien de plus. Par exemple, quand on dit que le propre de l'animal, c'est d'être une substance dont l'homme est une espèce, comme on emploie dans cette prétendue explication, une des choses qui appartiennent à l'animal, le propre ne serait pas bien donné. Quand on établit la proposition, il faut s'assurer que l'on ne se sert ni de la chose en question, ni d'une de celles qui lui appartiennent ; car le propre sera bien donné, du moins en ce sens. Ainsi, quand on donne comme propre de l'animal d'être un composé d'âme et de corps, comme on ne se sert ni de la chose même ni de rien de ce qui lui appartient, le propre de l'animal est alors bien donné. § 2. C'est de la même manière encore qu'il faut étudier les autres conditions qui font et ne font pas la chose plus connue. Pour réfuter, il faut voir si l'adversaire emploie quelque chose, ou d'opposé à l'objet en question, ou d'absolument simultané en nature, ou de postérieur; car alors le propre ne sera pas bien donné. L'opposé est simultané en nature; mais le simultané ou le postérieur ne peuvent servir à éclaircir la chose. Par exemple, quand on dit que le propre du bien c'est d'être ce qui est le plus opposé au mal, on se sert à tort de l'opposé du bien, et le propre du bien n'a pas été bien donné. Si l'on établit la thèse, il faut voir à ne se servir ni d'aucune chose opposée, ni simultanée en nature ni postérieure ; le propre à cet égard sera alors bien donné. Par exemple, quand on donne pour le propre de la science qu'elle est la conception la plus certaine, comme on ne se sert ni d'un terme opposé, ni d'un terme simultané en nature, ni d'un terme postérieur, le propre de la science a été bien donné. § 3. Quand on réfute, il faut voir si l'adversaire a donné pour propre ce qui ne suit pas toujours le sujet, mais ce qui cesse quelquefois d'être propre; car le propre alors ne sera pas bien donné. C'est que la chose à laquelle nous supposons que le propre est attribué n'en reçoit pas toujours nécessairement le nom avec vérité, non plus que la chose à laquelle nous supposons qu'il n'est pas attribué, n'est pas incapable nécessairement de recevoir ce nom. En outre, on peut ajouter qu'on ne sait pas toujours d'une manière très évidente si le propre qui a été donné peut servir d'attribut, puisqu'il est possible que ce propre cesse aussi d'exister. Le propre ne sera donc pas toujours parfaitement clair. Ainsi quand on donne pour propre de l'animal qu'il se meut et qu'il se tient debout, comme on a donné pour propre ce qui cesse quelquefois de l'être, le propre ne serait pas ainsi bien donné. Quand on établit la thèse, il faut avoir soin de donner pour propre ce qui est toujours nécessairement; car alors le propre à cet égard sera bien donné. Par exemple, quand on donne pour propre de la vertu d'être ce qui fait honnête celui qui la possède, on a donné pour propre ce qui suit toujours la vertu; donc le propre de la vertu est en ceci bien donné. § 4. Ensuite, quand on réfute, il faut voir si en donnant le propre actuel, l'adversaire a oublié de spécifier qu'il ne donne que le propre actuel ; car le propre ne sera point alors bien donné. C'est que d'abord tout ce qui est contre l'ordinaire a besoin d'une explication, et qu'on a coutume habituellement de donner pour propre ce qui accompagne toujours le sujet. En second lieu, c'est qu'on ne se fait pas comprendre, si l'on n'a pas dit qu'on a voulu parler seulement du propre actuel; car il ne faut pas donner prétexte d'attaque. Par exemple, quand on dit que le propre d'un homme c'est d'être assis avec quelqu'un, comme on ne donne que son propre actuel, on n'a pas bien donné le propre, si on ne l'a pas dit avec restriction que c'est seulement le propre dans le moment actuel. Quand on établit la thèse, il faut avoir le soin, en donnant le propre actuel , de bien spécifier que l'on ne donne que le propre actuel; car alors le propre en ceci sera bien donné. Par exemple, quand on dit que le propre de tel homme c'est de marcher actuellement en tel endroit, si l'on a fait cette distinction, on a bien donné le propre de cet homme. § 5. Ensuite, quand on réfute, il faut voir si l'adversaire a donné un propre qui n'est pas évident autrement que par les sens; car le propre alors ne sera pas bien donné. C'est que toute chose sensible, une fois en dehors de la sensation, nous échappe, et l'on ne sait plus si elle existe encore, puisqu'on ne peut la reconnaître que par les sens. Cela sera vrai surtout pour les choses qui ne sont pas toujours des conséquences nécessaires du sujet. Par exemple, quand on donne pour le propre du soleil d'être l'astre roulant au-dessus dé la terre, et qui est le plus brillant de tous, comme on se sert pour exprimer le propre du mouvement au-dessus de la terre, lequel n'est connu que par les sens, le propre du Soleil n'a pas été bien donné; car lorsque le soleil se couche, il est incertain s'il roule au-dessus de la terre, puisqu'alors nous n'en avons plus la sensation. Quand on établit la proposition, il faut avoir soin de donner un propre qui n'est pas évident par la sensation sèulement, ou bien qui étant sensible est évidemment de toute nécessité à ce sujet ; car alors le propre en ceci sera bien donné. Par exemple, quand l'on a donné pour propre de la surface d'être ce qui est d'abord coloré, on se sert, il est vrai, de quelque terme purement sensible, être coloré; mais comme cette chose est évidemment toujours au sujet, le propre de la surface aura été bien donné, du moins sous ce rapport. § 6. Ensuite, quand on réfute, il faut voir si l'on a donné la définition comme propre ; car alors le propre ne sera pas bien donné. C'est que le propre ne doit pas montrer l'essence ; par exemple, quand on dit que le propre de l'homme c'est d'être un animal terrestre à deux pieds, comme on a donné le propre de l'homme exprimant son essence, le propre de l'homme n'aura pas été bien donné. Quand on établit la thèse, il faut prendre garde de donner un propre qui soit de même étendue que le sujet, mais qui ne montre pas l'essence; car le propre en soi sera alors bien donné. Par exemple, quand on donne pour propre de l'homme d'être un animal doux par nature, comme on a donné un propre d'étendue égale à celle du sujet, mais qui ne montre pas l'essence du sujet, le propre de l'homme serait alors bien donné sous ce rapport. § 7. Ensuite, quand on réfute, il faut voir si l'adversaire n'a point placé le propre dans le genre; car il faut pour les propres comme pour les définitions donner d'abord le premier genre, et ensuite annexer les autres termes et séparer le sujet de tout le reste ; et le propre qui ne serait pas donné de cette façon ne serait pas bien donné. Ainsi, en disant que le propre de l'animal c'est d'avoir une âme, comme on n'a pas dit ce qu'est le genre de l'animal, le propre de l'animal ne serait pas bien donné. Quand on établit la thèse, il faut avoir le soin de placer dans le genre ce dont on donne le propre et d'y annexer tout le reste; car alors le propre sera bien donné ; par exemple, en donnant pour le propre de l'homme, être capable de science, comme on a donné le propre dans le genre, on a bien donné, en ceci, le propre de l'homme. § 8. On peut donc voir, de la façon qui précède, si l'on a bien ou mal donné le propre. [5,4] CHAPITRE IV. § 1. Voici comment on peut voir si ce qu'on a donné pour le propre est absolument propre ou ne l'est pas. Les lieux qui établissent d'une manière absolue que le propre est bien donné, seront les mêmes que ceux qui donnent simplement le propre. Ils seront donc exposés avec ceux-là. § 2. Il faut d'abord, quand on réfute, examiner chacune des parties du sujet dont on a prétendu donner le propre, et voir, par exemple, si ce propre n'appartient réellement à aucune de ces choses, ou du moins s'il cesse d'être vrai sous le rapport du sujet dont il est question, ou bien s'il cesse d'être le propre de chacune des choses sous le rapport de celle dont on a prétendu donner le propre; car alors ce qu'on a établi comme le propre ne le sera pas véritablement. Ainsi, pour le géomètre, il n'est pas vrai qu'il soit infaillible dans le raisonnement ; car le géomètre se trompe en traçant des figures inexactes : on ne pourrait donc pas dire que le propre du savant, c'est de ne pas être trompé par le raisonnement. Quand ou établit la thèse, au lieu de la réfuter, il faut voir si le propre est vrai pour tous les termes, et aussi s'il est vrai par rapport à celui dont il s'agit; car le propre donné sera réellement, le propre. Par exemple, puisqu'il est vrai de tout homme que c'est' un animal capable de science, et que cela est vrai en tant qu'il est homme, le propre de l'homme serait d'être un animal capable de science. Ce lieu peut encore servir, d'abord pour réfuter, quand l'explication cesse d'être vraie pour la chose qui reçoit le nom avec vérité, et aussi quand le nom cesse d'être vrai pour la chose qui reçoit l'explication avec vérité : et en second lieu, pour établir la thèse, quand l'explication est vraie pour la chose à laquelle le nom s'applique, et quand le nom est attribué sans erreur à la chose qui reçoit aussi l'explication. § 3. Ensuite, quand on réfute, il faut voir si le nom cesse d'être vrai pour la chose qui reçoit l'explication : et réciproquement, si l'explication cesse d'être vraie pour la chose qui reçoit le nom ; car alors ce qu'on a donné pour le propre ne sera pas le propre réellement. Par exemple, comme cette explication : être capable de science, est vraie de Dieu, et qu'homme n'est pas attribué à Dieu, le propre de l'homme n'est point être capable de science. Au contraire, quand on établit la proposition, il faut voir si le nom est attribué là où est attribuée aussi l'explication, et si l'explication est attribuée là où est attribué aussi le nom ; car ce qu'on donne pour n'être pas le propre le sera réellement. Par exemple, puisque le terme animal est vrai pour l'être dont avoir une âme est vrai aussi, et que avoir une âme est vrai pour ce dont le terme animal est vrai, avoir une âme est bien le propre de l'animal. § 4. Ensuite, pour réfuter, il faut voir si l'on a donné le sujet même pour propre de la chose qui est dans le sujet; car le propre donné comme tel ne sera pas propre réellement. Par exemple, si l'on a dit que le propre du corps le plus subtil c'est d'être le feu, on a donné le sujet comme propre de l'attribut, et alors le feu ne saurait être le propre du corps le plus subtil. Ainsi, le sujet ne peut pas être le propre de ce qui est dans le sujet, parce qu'alors une même chose serait le propre de plusieurs choses, même de choses différentes d'espèces ; car il se peut que plusieurs choses différentes en espèce soient à une même chose à laquelle seule elles sont attribuées; et alors le sujet serait le propre de toutes, si l'on pouvait donner ainsi le propre. Quand on établit la proposition, il faut voir si l'on a donné ce qui est dans le sujet pour propre du sujet; car alors ce qui a été donné comme n'étant pas le propre, sera réellement propre, puisqu alors il est attribué à la seule chose dont il est dit être le propre. Si, par exemple, quand on dit que le propre de la terre c'est d'être le corps le plus pesant de son espèce , on a donné au sujet un propre qui s'applique uniquement à cette chose, et qu'on la lui attribue comme propre, le propre de la terre a été bien donné. § 5. Quand on réfute, il faut voir si l'on a donné le propre en participation ; car ce qu'on aura donné pour propre ne le sera point. En effet, ce qui est en participation est compris dans la définition essentielle de la chose; et ainsi, le prétendu propre ne serait qu'une différence applicable à telle espèce. Par exemple, si en disant que le propre de l'homme est d'être un animal terrestre à deux pieds, on n'a donné qu'un propre en participation, le propre de l'homme ne serait pas d'être un être animal terrestre à deux pieds. Quand on établit la proposition, il faut voir à ne point donner un propre en participation, ni la définition essentielle de la chose, tout en ayant soin que la chose soit réciproquement attribuée; car le propre sera ce qu'on aura dit ne pas l'être. Par exemple, si en disant que le propre de l'animal c'est d'être fait pour sentir, on n'a point ainsi donné un propre en participation non plus que la définition essentielle de la chose, la chose étant réciproquement attribuable, le propre de l'animal sera d'être fait naturellement pour sentir. § 6. Ensuite, quand on réfute, il faut voir s'il est impossible que le propre soit en même temps que la chose à laquelle s'applique le nom, puisqu'il ne doit pas lui être postérieur ou antérieur ; car, dans ce cas, ce qu'on a donné pour le propre ne sera pas le propre, soit jamais, soit du moins pas toujours. Par exemple puisqu'il peut appartenir à quelqu'un de marcher dans la place publique, soit avant ou après la qualité d'être homme, marcher dans la place publique ne sera jamais ou du moins ne sera pas toujours le propre de l'homme. Quand on établit la proposition, il faut voir si le terme donné est toujours nécessairement simultané à la chose sans en être d'ailleurs ni la définition ni la différence; car alors le propre sera ce qu'on a donné comme ne l'étant pas. Par exemple, puisqu'animal susceptible de science est nécessairement toujours en même temps que homme, sans en être cependant ni la définition ni la différence, le propre de l'homme sera animal susceptible de science. § 7. Ensuite, quand on réfute, il faut voir si le propre des mêmes choses cesse d'être le même en tant qu'elles sont mêmes : car ce qu'on donne pour le propre ne le sera pas. Par exemple, si le propre de ce qui est à rechercher n'est pas de paraître bon à quelques-uns, le propre de ce qui est à désirer ne sera pas non plus de paraître bon à quelques-uns ; car ce qui est à rechercher et ce qui est à désirer sont une même chose. Mais quand on établit la proposition, il faut voir si le même propre est le propre du même en tant que même ; car le propre sera précisément ce qu'on a donné pour n'être pas le propre. Par exemple, si le propre de l'homme en tant qu'homme est d'avoir une âme divisée en trois parties, le propre du mortel, en tant que mortel, sera aussi d'avoir l'âme divisée en trois parties. Ce lieu est encore utile pour l'accident; car pour les mêmes choses en tant que mêmes, il faut que lés mêmes accidents soient ou ne soient pas. § 8. Quand on réfute, il faut voir si le propre cesse d'être toujours le même en espèce pour les choses qui en espèce sont les mêmes ; car ce qu'on donne pour le propre ne sera pas le propre du sujfct indiqué. Par exemple, comme en espèce l'homme et le cheval sont la même chose, le propre du cheval n'étant pas toujours de se tenir sur lui-même, le propre de l'homme ne sera pas non plus toujours de se mouvoir par lui-même. En effet, se tenir sur soi-même ou se mouvoir par soi-même c'est spécifiquement une même chose; car ces deux propriétés peuvent appartenir accidentellement à l'un et à l'autre, en tant qu'ils sont l'un et l'autre animal. Quand on établit la proposition, il faut voir si le propre est toujours le même pour les choses qui sont les mêmes en espèce; car le propre sera précisément ce qu'on donne pour ne pas l'être. Par exemple, puisque le propre de l'homme est d'être animal terrestre bipède, le propre de l'oiseau sera aussi d'être ailé bipède. Chacun d'eux est le même en espèce, en tant que d'une part, deux de ces termes sont espèces sous le même genre, étant tous deux sous l'animal ; et, d'autre part, que les deux autres sont des différences du genre de l'animal. Ce lieu, du reste, est faux lorsque l'un des termes dont il s'agit est à une seule espèce et que l'autre est à plusieurs, comme serait, par exemple, terrestre quadrupède. § 9. Du reste, le même et l'autre pouvant être pris dans plusieurs sens, il sera difficile, si l'on discute sophistiquement, de donner le propre d'une seule et unique chose: car le propre qui est à ce qui est un accident, sera aussi à cet accident pris avec le sujet auquel il appartient. Par exemple, ce qui est à l'homme sera aussi à l'homme blanc, en tant que l'homme est blanc, et ce qui est à l'homme blanc sera aussi à l'homme. Or, on pourrait attaquer la plupart de ces propres en prétendant que ce sujet est autre, pris en soi, et autre, pris avec l'accident : par exemple, en prétendant que l'homme est autre, et autre l'homme blanc. On peut encore faire une différence entre la possession et ce qui est dit d'après la possession ; car le propre qui est à la possession sera aussi à ce qui est dit d'après la possession; et le propre qui est à ce qui est dit d'après la possession sera aussi à la possession. Par exemple, puisque le savant est ainsi nommé relativement à la science, on pourra soutenir que le propre de la science n'est pas d'être inébranlable par le raisonnement ; car le savant sera précisément inébranlable par le raisonnement. Quand on établit la proposition, il faut soutenir qu'il n'y a pas une différence absolue entre le sujet auquel est l'accident, et l'accident pris avec le sujet auquel il est ; mais qu'il n'y a de différence que dans la qualité de leur être; car l'être n'est pas le même pour l'homme d'être homme, et pour l'homme blanc d'être homme blanc. Il faut regarder même aux cas, en disant, par exemple, que le savant ne sera pas ce qui est inébranlable par le raisonnement; mais bien celui qui est inébranlable par le raisonnement, et que la science n'est pas ce qui ne peut être ébranlé par le raisonnement, mais bien celle qui ne peut être ébranlée par le raisonnement. C'est, qu'en effet, il faut se défendre avec toutes les armes, quand l'adversaire ne craint pas de les employer toutes sans distinction. [5,5] CHAPITRE V. 1 Ensuite, quand on réfute, il faut voir si en voulant donner un attribut qui est de nature, on a choisi le mot de manière à exprimer que cet attribut est toujours au sujet ; car alors ce qui est donné pour le propre pourrait être réfuté. Par exemple si, en disant que le propre de l'homme est d'être bipède, on a voulu donner un attribut naturel, et exprimer par ce mot un attribut qui est toujours, bipède ne sera pas le propre de l'homme; car tout homme n'a pas toujours deux pieds. Quand on établit la proposition, il faut voir si l'on peut donner un propre naturel, et si on l'exprime bien aussi de cette façon par le mot qu'on emploie; car s'il en est ainsi, le propre ne sera point réfuté. Par exemple, si en ayant posé que le propre de l'homme c'est animal susceptible de science, on veut exprimer par cette expression même que c'est le propre qui est naturel à l'homme, le propre ainsi donné ne pourrait pas être réfuté, sous prétexte que le propre de l'homme n'est pas animal capable de science. 2 Il faut ajouter que pour les choses qui ne sont que relativement à une autre prise comme primitif, ou qui sont prises elles-mêmes comme primitifs, il est difficile de donner le propre ; car si on donne le propre de ce qui se rapporte à un autre terme, ce propre sera aussi attribué au primitif; et s'il l'est au primitif, il le sera aussi à ce qui est relatif au primitif. Par exemple, si l'on donne pour propre de la surface d'être colorée, être coloré sera vrai aussi pour le corps ; et s'il est attribué au corps, il le sera aussi à la surface, de sorte que le nom ne sera pas vrai pour la chose de laquelle cependant l'explication est vraie. 3 Il arrive pour quelques-uns des propres, que le plus souvent l'erreur vient de ce qu'on n'a pas déterminé comment et de quelles choses on entend donner le propre. 4 Car toujours on essaie de donner pour le propre, ou ce qui est naturel, comme pour l'homme d'être bipède; ou simplement ce qui est, comme pour tel homme de n'avoir que quatre doigts ; ou ce qui est à l'espèce, comme pour le feu d'être le corps composé des parties les plus légères ; ou on le donne absolument, comme pour l'animal d'être animal; ou relativement à une autre chose, comme la réflexion pour le propre de l'âme; ou, en remontant au primitif, comme la réflexion pour la raison ; ou bien, en s'arrêtant à ce que le sujet possède, comme lorsqu'on dit que le propre du savant c'est de n'être pas ébranlé par le raisonnement ; car c'est uniquement parce qu'il possède certaines qualités qu'il est inébranlable à la discussion ; ou bien, en s'arrêtant à la possession que donne le sujet, comme le propre de la science c'est de rendre inébranlable à la discussion; ou bien encore, en considérant la participation que communique le sujet, comme le propre de l'animal c'est de sentir; car quelque autre chose encore sent, et l'homme, par exemple; mais il ne sent aussi que par participation à l'animal ; ou enfin, en considérant la participation que reçoit le sujet, comme être animé est le propre de l'animal. 5 Si l'on n'ajoute pas que le propre est naturel on se trompe, parce qu'il se peut que le propre naturel ne soit pas réellement à la chose à laquelle il appartient par nature, comme à l'homme d'avoir deux pieds. 6 Et l'on se trompe encore si l'on ne spécifie pas qu'on donne simplement ce qui est, parce que la chose n'est pas toujours comme elle est maintenant : par exemple, qu'un homme n'ait que quatre doigts; 7 si l'on n'a point dit qu'on pose le terme comme primitif ou comme relatif à un autre, parce qu'alors le nom ne sera plus vrai pour la chose de laquelle l'explication est vraie : par exemple, être coloré, soit qu'on l'ait donné pour le propre de la surface ou pour celui du corps. 8 Si l'on n'a point dit à l'avance que l'on donne le propre parce que le sujet possède ou qu'il est possédé, on se trompe, parce qu'alors le terme donné ne sera pas le propre; car si l'on donne le propre parce que le terme est possédé, il sera aussi à ce qui possède; et s'il est à ce qui possède, il sera aussi à ce qui est possédé : par exemple, si l'on a posé pour propre du savant ou de la science d'être inébranlable à la discussion . 9 On se trompe encore, si l'on n'a point indiqué à l'avance qu'on donne le propre en ce qu'il participe ou en ce qu'il est communiqué, parce que le propre alors sera aussi à quelques autres choses que le sujet; car si on l'a donné en ce qu'il est communiqué, il sera aux choses qui en participent ; si on l'a donné en ce qu'il participe, usera aux choses dont il participe: par exemple, si l'on donne pour propre de tel animal ou de l'animal d'être animé. 10 Enfin l'on se trompe, si l'on n'a pas précisé qu'on donne le propre pour l'espèce, parce qu'il pourra n'être qu'à une seule des choses placées sous celle dont on donne le propre : ainsi, ce qui est dit par excellence n'est qu'à une seule chose, comme le plus léger n'appartient qu'au feu. 11 Quelquefois on se trompe encore, même en ajoutant qu'on parle de l'espèce; car il faudra qu'il n'y ait qu'une seule espèce pour les choses dont il est question, si l'on ajoute, qu'on entend parler de l'espèce. Parfois, pourtant, cela n'a pas lieu pour certaines choses, et par exemple cela n'est pas pour le feu ; car il n'y a pas une espèce unique du feu, puisque scientifiquement le charbon, la flamme, la lumière, sont choses différentes, bien que chacune d'elles cependant soit du feu. C'est pour cette raison qu'il ne faut pas, quand on ajoute qu'on parle de l'espèce, que l'espèce du sujet en question soit diverse, parce que le propre indiqué sera plus à ces choses-ci et moins à celles-là: ainsi, par exemple, la ténuité extrême donnée pour le propre du feu; car la lumière est plus ténue que le charbon et que la flamme. Mais il ne faut pas que cela soit, quand le nom n'est pas plus attribué à la chose pour laquelle l'explication est plus vraie; autrement le nom ne sera pas plus applicable à la chose pour laquelle l'explication est plus exacte. En outre, il arrivera que le propre sera le même et pour le terme qui est pris absolument, et pour celui qui est le superlatif dans cet absolu. Par exemple, l'extrême ténuité donnée pour le propre du feu ; car ce propre sera le même et pour la lumière et pour le feu pris absolument, la lumière étant aussi d'une extrême ténuité. 12 Quand c'est un autre qui donne ainsi le propre, il faut l'attaquer; mais il ne faut pas lui laisser le même moyen de réfutation; il faut, dès qu'on donne le propre, déterminer de quelle manière on entend le donner. 13 Ensuite, quand on réfute, il faut voir si l'on a donné pour propre la chose même à elle-même; car le propre ne sera point alors ce qui a été donné pour tel; car toute chose attribuée à elle-même ne fait qu'indiquer l'existence. Mais ce qui démontre l'être n'est pas un propre, mais une définition : par exemple, si en disant que le propre du beau c'est d'être convenable, on a donné la chose elle-même pour le propre de cette chose, comme le beau et le convenable sont une même chose, il s'ensuit que le convenable ne saurait être le propre du: beau. Quand on établit la proposition, il faut voir si, sans donner la chose même pour le propre de cette chose, ou n'a pas pris pour propre un terme d'attribution réciproque; car le propre sera précisément ce qu'on donne pour n'être point tel. Par exemple, si en disant que le propre de l'animal c'est d'être une substance animée, on n'a point donné pour propre de la chose la chose même, mais si l'on a donné un terme d'attribution réciproque, substance animée sera bien le propre de l'animal. 14 Ensuite, il faut examiner dans les choses à parties semblables, quand on réfute, si le propre du tout n'est pas vrai aussi pour la partie, ou bien si le propre de la partie n'est pas dit aussi pour le tout; car alors ce qui a été donné pour le propre ne sera pas le propre. Et cela peut fort bien arriver dans quelques cas ; car pour les choses à parties semblables, on peut en donner parfois le propre soit en regardant au tout, soit quelquefois aussi en regardant uniquement à la partie. De l'une ni de l'autre façon, le propre ne sera bien donné: par exemple, si, en regardant au tout, on dit que le propre de la mer c'est d'être la plus grande masse d'eau salée, on a donné cette définition pour le propre d'une chose composée de parties similaires, et l'on a donné ainsi un propre qui n'est pas vrai pour la partie; car, telle mer n'est pas la plus grande quantité d'eau salée; le propre de la mer n'est donc pas d'être la plus grande quantité d'eau salée. D'autre part, on n'a regardé qu'à la partie, par exemple, si l'on a donné pour le propre de l'air d'être respirable. On a donné le propre d'une chose à parties similaires, mais on a donné un propre vrai d'un certain air, et qui ne s'applique pas à l'air tout entier; car tout air n'est pas respirable : ainsi, être respirable n'est pas le propre de l'air. Quand on établit la proposition, il faut voir si l'on peut appliquer à chacune des choses à parties semblables, le propre qui s'applique au tout; car le propre alors sera précisément ce qu'on aura dit ne point l'être. Par exemple, s'il est vrai pour la terre entière qu'elle soit naturellement portée en bas ; et que cela soit le propre aussi d'une certaine terre relativement au tout, c'est-à-dire relativement à la terre, et en tant qu'elle est terre, le propre de la terre sera bien alors d'être naturellement portée en bas. [5,6] CHAPITRE VI. 1 Ensuite il faut examiner les opposés, et d'abord examiner les contraires. Quand on réfute, il faut voir si le contraire n'est pas le propre du contraire; car alors le contraire ne le sera pas non plus du contraire. Par exemple, comme la justice est le contraire de l'injustice, et que le pire est le contraire du meilleur, si le propre de la justice n'est pas le meilleur, le propre de l'injustice ne sera pas non plus le pire. 2 Quand on établit la proposition, il faut voir si le contraire est le propre du contraire ; car le contraire sera le propre du contraire : par exemple, le mal étant le contraire du bien, et le désirable le contraire du haïssable, si le désirable est le propre du bien, le haïssable sera le propre du mal. 3 En second lieu, il faut examiner les relatifs. Quand on réfute, si le relatif n'est pas le propre du relatif, le relatif en question ne sera pas non plus le propre du relatif en question : par exemple, le double étant le relatif de là moitié, et le surpassant du surpassé, le surpassé ne sera pas le propre de la moitié, si le surpassant n'est pas le propre du double. 4 Quand on établit la proposition, il faut voir si le relatif est le propre du relatif; car le relatif en question sera le propre du relatif en question : par exemple, si le double est relativement à la moitié comme deux est à un, le propre du double étant d'être comme deux est à un, le propre de la moitié sera d'être comme un est à deux. 5 Troisièmement, quand on réfute, il faut voir si le terme tiré de la possession n'est pas le propre de la possession; car le terme tiré de la privation ne sera pas non plus le propre de la privation. Et si ce qui est nommé d'après la privation n'est pas le propre de la privation, ce qui est nommé d'après la possession ne sera pas non plus le propre de la possession. Par exemple, puisqu'on ne dit pas que le propre de la surdité soit l'insensibilité, attendu que ce terme est commun aussi à d'autres choses, on ne dira pas non plus que le propre de l'ouïe c'est la sensibilité. 6 Quand on établit la proposition, il faut voir si le propre de la possession est le terme tiré de la possession ; car le propre de la privation sera le terme tiré de la privation. Et si le propre de la privation est ce qui est nommé d'après la privation, le propre de la possession sera aussi ce qui est nommé d'après la possession. Par exemple, puisque le propre de la vue c'est de voir, en tant que nous avons la vue, le propre de l'aveuglement sera de ne pas voir en tant que nous n'avons pas la vue, bien que par nature nous dussions l'avoir. 7 Ensuite, il faut examiner les affirmations et les négations, et d'abord les choses mêmes attribuées. Ce lieu n'est utile que quand on réfute. Par exemple, il faut voir si l'affirmation ou ce qui est dit par affirmation est le propre des choses; car alors ce ne sera ni la négation ni ce qui est dit par négation qui en sera le propre. Et si la négation ou ce qui est dit par négation en est le propre, l'affirmation ou ce qui est dit par affirmation n'en sera pas le propre : par exemple, si l'animé est le propre de l'animal, le non animé ne sera pas le propre de l'animal. 8 En second lieu, il faut examiner les choses attribuées ou non attribuées, et aussi les choses auxquelles elles sont attribuées ou ne sont pas attribuées. Quand on réfute, si l'affirmation n'est pas le propre de l'affirmation, la négation alors ne sera pas le propre de la négation ; et si la négation n'est pas le propre de la négation, l'affirmation ne sera pas le propre de l'affirmation. Par exemple, comme le propre de l'homme n'est pas animal, le non-animal ne serait pas non plus le propre du non-homme ; et si le non-animal ne paraît pas le propre du non-homme, l'animal ne sera pas non plus le propre de l'homme. 9 Quand on établit la proposition, si l'affirmation est le propre de l'affirmation, la négation sera le propre de la négation; et si la négation est le propre de la négation, l'affirmation sera le propre de l'affirmation. Par exemple si le non-vivre est le propre du non-animal, le propre de l'animal sera de vivre; et si vivre paraît le propre de l'animal, le non-vivre paraîtra aussi le propre du non-animal. 10 En troisième lieu, il faut examiner les sujets eux-mêmes. Quand on réfute, si le propre donné est le propre de l'affirmation, le même terme ne sera pas, en outre, le propre de la négation ; et si le terme donné est le propre de la négation, il ne sera pas le propre de l'affirmation : par exemple, si l'animé est le propre de l'animal, l'animé ne sera pas le propre du non-animal. 11 Quand on établit la proposition, si le propre donné n'est pas celui de l'affirmation, il le sera de la négation. Mais ce lieu est faux; car l'affirmation n'est pas le propre de la négation, ni la négation le propre de affirmation : l'affirmation, en effet, n'est pas du tout dans la négation ; la négation est bien de son côté dans l'affirmation, mais elle n'y est pas comme propre. 12 Ensuite il faut examiner les choses comprises dans une même division. Quand on réfute, si aucune des choses subdivisées n'est le propre d'une des autres choses subdivisées, c'est que le propre donné ne sera pas le propre de ce dont on le donne pour propre. Par exemple, si être sensible n'est le propre d'aucun des êtres mortels, être intelligible ne sera pas le propre de la divinité. 13 Quand on établit la proposition, si un terme quelconque indiqué est le propre du reste des choses comprises sous la division, en admettant que chacun des termes subdivisés ait un propre parmi les autres termes, le reste sera le propre du reste dont on prétend qu'il n'est pas le propre. Par exemple, si le propre de la réflexion c'est d'être, par elle-même et naturellement, la vertu de la partie raisonnable dans l'homme, et qu'on prenne de même chacune des autres vertus, le propre de la tempérance sera d'être par elle-même et naturellement la vertu de la partie concupiscible. [5,7] CHAPITRE VI?. 1 Il faut ensuite voir aux cas. Quand on réfute, il faut examiner si le cas n'est pas le propre du cas ; car alors l'autre cas ne saurait être le propre de l'autre cas : par exemple, si le bien n'est pas le propre du justement, le bon ne sera pas non plus le propre du juste. 2 Il faut voir, quand on établit la proposition, si le cas est le propre du cas ; car alors l'autre cas sera le propre de l'autre cas : par exemple, si terrestre bipède est le propre de l'homme, on peut dire que ce qui est propre à l'homme c'est d'être dit terrestre bipède. 3 Mais il ne faut pas seulement regarder aux cas pour la chose en question, il faut aussi regarder aux opposés, comme on l'a dit pour les lieux antérieurs. 4 Quand on réfute, il faut donc voir si le cas de l'opposé n'est pas le propre du cas de l'opposé ; car le cas de l'autre opposé ne sera pas non plus le propre du cas de l'autre opposé. Par exemple, si bien n'est pas le propre de justement, mal ne sera pas non plus le propre d'injustement. 5 Quand on établit la proposition, il faut voir si le cas de l'opposé est le propre du cas de l'opposé; car alors le cas de l'autre opposé sera le propre du cas de l'autre opposé : par exemple, si le meilleur est le propre du bien, le pire sera le propre du mal. 6 Il faut regarder aussi aux choses semblables. Quand on réfute, il faut voir si ce qui est semblable n'est pas le propre du semblable; car alors le terme semblable en question ne sera pas le propre de l'autre terme semblable. Par exemple, l'architecte étant dans une position semblable relativement à la construction de la maison que le médecin relativement au recouvrement de la santé, si le propre du médecin n'est pas de faire recouvrer la santé, le propre de l'architecte ne sera pas de faire construire une maison. 7 Quand on établit la proposition, il faut voir si ce qui est semblable est le propre de ce qui est semblable; car alors l'autre terme semblable sera le propre de l'autre terme semblable. Par exemple, si le médecin est à celui qui fait la santé comme le gymnaste est à celui qui fait l'embonpoint, et que le propre du gymnaste soit d'être celui qui fait l'embonpoint, le propre du médecin sera d'être celui qui fait la santé. 8 Il faut étudier enfin les choses qui sont de même façon. Quand on réfute, il faut voir si ce qui est de la même façon n'est pas le propre de ce qui est de la même façon; car alors l'autre terme qui est de la même façon ne sera pas le propre de l'autre terme qui est de la même façon. Et si ce qui est de la même façon est le propre de ce qui est de la même façon, il ne sera pas le propre de ce dont on le prétend le propre. Par exemple, si la pensée est dans un même rapport au bien et au mal parce qu'elle est la science de l'un et de l'autre, et que le propre de la pensée ne soit pas d'être la science du bien, le propre de la pensée ne sera pas non plus d'être la science du mal. Si, au contraire, le propre de la pensée est d'être la science du bien, le propre de la pensée ne sera pas d'être là science du mal; car il est impossible qu'une même chose soit le propre de plusieurs. 9 Mais ce lieu n'est d'aucune utilité quand on établit la proposition; car ce qui est de la même façon peut fort bien se comparer lui tout seul à plusieurs choses. 10 Ensuite, quand on réfute, il faut voir si ce qui est dit pour l'être simple n'est pas le propre de ce qui est dit pour l'être simple; car le périr ne sera pas non plus le propre de ce qui est dit pour le périr, non plus que le devenir de ce qui est dit pour le devenir. Par exemple, si être animal n'est pas le propre de l'homme, devenir animal ne sera pas le propre du devenir homme, et l'animal périmé sera pas non plus le propre de l'homme périr. Il faut procéder de la même manière pour le devenir relativement à l'être et au périr, et pour le périr relativement à l'être et au devenir, ainsi qu'on l'a dit ici de l'être pour le devenir et le périr. 11 Quand on établit la proposition, il faut voir si le propre du terme relatif à l'être est bien aussi ce qui est relatif à l'être; car alors le propre de ce qui est relatif au devenir sera aussi ce qui est relatif au devenir, et au périr ce qui est rapporté au périr. Par exemple, si le propre de l'homme est d'être mortel, le propre du devenir homme sera de devenir mortel, et de l'homme périr, le mortel périr. Il faut, du reste, procéder de la même manière pour le devenir et le périr relativement à l'être, et pour les choses qui deviennent les unes par les autres, ainsi qu'on l'a dit pour le cas où l'on réfute. 12 Il faut aussi regarder à l'idée du sujet. Quand on réfute, il faut voir si le propre n'est pas à l'idée, ?u du moins s'il n'y est pas dans le sens applicable à l'objet dont on donne le propre ; car ce qu'on donne pour le propre ne le sera pas. Par exemple, si être en repos est non pas à l'homme lui-même, en tant qu'il est homme, mais seulement en tant qu'il est idée, le repos ne sera pas le propre de l'homme. 13 Quand on établit la proposition, il faut voir si le propre est à l'idée, et s'il y est de la façon qu'il est dit être à cette chose dont on soutient qu'il n'est pas le propre; car, alors ce qu'on donne pour n'être pas le propre sera le propre. Par exemple, s'il appartient à l'animal en soi d'être composé d'âme et de corps, et que cela soit à l'animal en tant qu'animal, le propre de l'animal serait alors d'être composé d'âme et de corps. [5,8] CHAPITRE VIII. 1 Il faut aussi regarder au plus et au moins. D'abord on réfute, si plus n'est pas le propre de plus; car alors moins ne sera pas non plus le propre de moins, ni le moins du moins, ni le plus du plus, ni le terme absolu du terme absolu. Par exemple, si être plus coloré n'est pas le propre de ce qui est plus corps, être moins coloré ne sera pas davantage le propre de ce qui est moins corps, ni être coloré simplement ne le fera point de ce qui est simplement corps. 2 On établit la proposition, si plus est le propre de plus; car alors moins sera le propre de moins, et le moins du moins, et le plus du plus, et le terme absolu du terme absolu. Par exemple, si plus sentir est le propre de ce qui est plus vivant, moins sentir sera le propre de ce qui est moins vivant, et le plus du plus, et le moins du moins, et sentir absolument sera le propre de vivre absolument. 3 Il faut comparer aussi les termes pris absolument aux mêmes termes pris en plus et en moins. On réfute si le terme absolu n'est pas le propre du terme absolu ; car alors plus ne le sera pas de plus, ni moins de moins, ni le plus du plus, ni le moins du moins. Par exemple, si vertueux n'est pas le propre de l'homme, plus vertueux ne sera pas davantage le propre de ce qui est plus homme. 4 On établit la proposition, si le terme absolu est le propre du terme absolu ; car alors plus sera le propre de plus, moins de moins, le moins du moins, et le plus du plus. Par exemple, si le propre du feu est d'être naturellement porté en haut, le propre de ce qui est plus feu sera d'être naturellement plus porté en haut. 5 Il faut, du reste, appliquer les mêmes considérations de l'un de ces termes à tous les autres. 6 En second lieu, on réfute si plus n'est pas le propre de plus; car alors moins ne sera pas le propre de moins : et si, par exemple, sentir est plus le propre de l'animal, que savoir n'est le propre de l'homme, et que sentir ne soit pas le propre de l'animal, le propre de l'homme ne sera pas non plus de savoir. 7 On établit la proposition, si moins est le propre de moins; car alors, plus sera le propre de plus. Par exemple, si doux par nature est moins le propre de l'homme que vivre n'est celui de l'animal, et que le propre de l'homme soit d'être doux par nature, le propre de l'animal sera de vivre. 8 Troisièmement, on réfute si le propre ne s'applique pas à la chose dont on dit qu'il est plus le propre ; car alors le propre donné comme étant moins le propre ne le sera pas davantage, et s'il est le propre de l'un des termes, il ne le sera pas de l'autre. En effet, si être coloré est plus le propre de la surface que du corps, et qu'il ne le soit pas de la surface, être coloré ne sera pas le propre du corps; et si c'est le propre de la surface, ce ne sera pas le propre du corps. 9 Ce lieu, du reste, n'est pas utile quand on établit la proposition; car il est impossible qu'une même chose soit le propre de plusieurs. 10 En quatrième lieu, on réfute, si ce qu'on donne pour être plus propre à la chose ne l'est pas ; car alors ce qui est donné pour être moins propre ne sera pas non plus le propre. Par exemple, sensible étant plus le propre de l'animal que divisible, si sensible n'est pas le propre de l'animal, divisible ne sera pas le propre de l'animal. 11 On établit la proposition, si ce qui est dit moins propre à la chose en est le propre; car alors, ce qui est plus propre à la chose sera le propre. Par exemple, si sentir est moins propre à l'animal que vivre, et que sentir soit le propre de l'animal, vivre sera le propre de l'animal. 12 Ensuite, il faut étudier les propres qui sont également aux choses. On réfute si ce qui est dit également propre n'est pas le propre de ce dont on le dit également le propre; car ce qui est également le propre ne sera pas le propre de ce dont il est dit également le propre. Par exemple, si le propre est également pour le désir de désirer et pour la raison de raisonner, et que le propre du désir ne soit pas de désirer, le propre de la raison ne sera pas de raisonner. 13 On établit la proposition, si ce qui est dit également propre est bien le propre de la chose dont on le dit également le propre; car alors, ce qui est également propre sera le propre de ce dont on le dit également le propre. Par exemple, si le principe raisonnant est le propre de la raison tout aussi bien que le principe sage l'est du désir, et que le principe raisonnant soit le propre de la raison, le principe sage sera aussi le propre du désir. 14 En second lieu, on réfute si ce qui est également propre n'est pas le propre de la chose; car ce qui est également propre à l'autre terme n'en sera pas le propre. Par exemple, si voir et entendre sont également le propre de l'homme, et que voir ne soit pas le propre de l'homme, entendre ne sera pas non plus le propre de l'homme. 15 On établit la proposition , si ce qui est également le propre de la chose en est bien le propre; car alors, ce qui est également le propre de l'autre chose en sera aussi le propre. Par exemple, si le propre de l'âme est qu'une de ses parties soit animée de désirs et que l'autre ait essentiellement la raison, et qu'il soit propre à l'âme qu'une de ses parties soit animée de désirs, le propre de l'âme sera qu'une de ses parties soit essentiellement raisonnable. 16 Troisièmement, on réfute, si le propre n'est pas le propre de ce dont on le dit également le propre; car alors il ne sera pas le propre de l'autre terme dont on le dit également le propre. S'il est le propre de l'un, il ne sera pas le propre de l'autre : par exemple, si brûler est également le propre de la flamme et du charbon, et que brûler ne soit pas le propre de la flamme, brûler ne sera pas non plus le propre du charbon; et si c'est le propre de la flamme, ce ne pourra pas être le propre du charbon. 17 Quand on établit la proposition, ce lieu n'a pas d'utilité. 18. Le lieu tiré des propres qui sont dans un rapport égal, diffère de celui qui est tiré des propres qui sont également au sujet, en ce que l'un est pris par analogie sans considération de ce qui est réellement dans le sujet, tandis que l'autre tire sa comparaison de quelque chose de réel dans le sujet. [5,9] CHAPITRE IX. 1 Ensuite on réfute, si en donnant le propre en puissance, on a donné le propre en puissance même pour le non-être, la puissance ne pouvant être à ce qui n'est pas; car ce qu'on donne pour le propre ne sera pas le propre. Si, par exemple, en disant que le propre de l'air c'est d'être respirable, on a donné le propre en puissance, car une chose qui est susceptible d'être respirée est respirable, on a donné le propre, même pour ce qui n'est pas; car, en l'absence de l'animal qui est fait naturellement pour respirer l'air, il peut y avoir de l'air encore. Mais cependant, s'il n'y a pas d'animal, l'air ne peut pas être respiré. Donc, le propre de l'air ne sera pas d'être tel qu'il puisse être respiré, toutes les fois qu'il n'y aura pas d'animal tel qu'il puisse le respirer : donc, respirable ne sera pas le propre de l'air. 2 On établit la proposition, si en donnant le propre en puissance on le donne, soit pour ce qui est, soit pour ce qui n'est pas, la puissance pouvant être aussi à ce qui n'est pas; car le propre sera précisément ce qu'on donne pour n'être pas le propre. Par exemple, si on a donné pour propre de ce qui est d'être capable d'agir ou de souffrir, tout en ayant donné le propre en puissance on a donné le propre pour l'être; car du moment que l'être existe, il sera capable aussi d'agir ou de souffrir, de sorte que le propre de l'être sera d'être capable de souffrir ou d'agir. 3 Ensuite on réfute, si l'on a placé le propre dans l'excès; car ce qu'on a donné pour le propre ne le sera point: il arrive en effet que quand on donne ainsi le propre, le nom n'est pas vrai là où l'explication l'est cependant. Ainsi, la chose étant détruite, l'explication n'en subsistera pas moins ; car elle est toujours en excès à quelqu'une des choses existantes. Par exemple, si l'on a donné pour propre du feu d'être le corps le plus léger, le feu aura beau être détruit, il restera toujours quelque corps qui sera le plus léger de tous, de sorte que le corps le plus léger ne serait pas le propre du feu. 4 On établit la proposition, si l'on n'a point placé le propre dans l'excès; car le propre sera alors bien donné à cet égard. Par exemple, si ayant donné pour propre de l'homme, animal doux par nature, on n'a point donné le propre par excès, le propre sera du moins à cet égard convenablement donné.