Les Textes:

          Cicéron

                          - Cicéron, 1ère catilinaire, § 1 et 2
                          - Cicéron, 1ère catilinaire, § 5
                    
- Cicéron, 1ère catilinaire, § 9b
                     
- Cicéron, 3ème catilinaire, II, § 4 et 6

                    

 

          Salluste

                          - Salluste, La conjuration de Catilina, § 5
                          - Salluste, La conjuration de Catilina, § 14
                    
- Salluste, La conjuration de Catilina, § 17 et 21
                    

 

 

Cicéron, 1ère catilinaire, § 1 et 2

(exorde comminatoire, c'est-à-dire " qui attaque directement " ; on dit aussi " ex abrupto " (l'orateur entre brutalement dans le vif du sujet)).

 § 1. Quousque tandem abutere, Catilina, patientia nostra? Quamdiu etiam furor iste tuus nos eludet? Quem ad finem sese effrenata iactabit audacia? Nihilne te nocturnum praesidium Palatii, nihil urbis uigiliae, nihil timor populi, nihil concursus bonorum omnium, nihil hic munitissimus habendi senatus locus, nihil horum ora uultusque mouerunt? Patere tua consilia non sentis, constrictam iam horum omnium scientia teneri coniurationem tuam non uides? Quid proxima, quid superiore nocte egeris, ubi fueris, quos conuocaueris, quid consilii ceperis, quem nostrum ignorare arbitraris?

 § 2. O tempora ! O mores! Senatus haec intellegit. consul uidet; hic tamen uiuit. Uiuit? immo uero etiam in senatum uenit, fit publici consilii particeps, notat et designat oculis ad caedem unum quemque nostrum. Nos autem, fortes uiri, satis facere rei publicae uidemur, si istius furorem ac tela uitamus. Ad mortem te, Catilina, duci iussu consulis iampridem oportebat, in te conferri pestem, quam tu in nos omnes iamdiu machinaris.

 

[1] Jusqu'où en fin de compte abuseras-tu, Catilina, de notre patience ? Combien de temps encore ta folie furieuse nous esquivera-t-elle ? Jusqu'à quelle limite ton audace effrénée ira-t-elle ? Les rondes de nuit du mont Palatin, les vigiles de la ville, la terreur du peuple, le rassemblement de tous les bons citoyens, ce lieu très fortifié choisi pour tenir la séance du sénat, le visage et la physionomie de ceux-ci ne t'ont ému en rien ? Tes projets sont dévoilés, tu ne t'en rends pas compte? Ta conjuration a été étranglée à cause de la connaissance de tous ceux-ci, tu ne le vois pas ? Qui de nous, penses-tu, ignore ce que tu as fait la nuit dernière et la nuit d'avant, où tu étais, qui tu as convoqué, quelle décision tu as prise ?

 [2] Quelle époque! Quelles mœurs! Le sénat comprend cela, le consul le voit, cependant celui-ci est vivant. Il vit ? Mieux que ça, il vient même au sénat, il participe même au débat public. Il note et désigne du regard chacun d'entre nous pour le massacre.
Quant à nous, les citoyens courageux, nous apparaissons faire assez pour l'état si nous évitons la fureur et surtout les coups de ce sale type. A mort Catilina, c'est toi qu'il aurait fallu y conduire, sur l'ordre du consul, depuis belle lurette, c'est sur toi que le fléau que tu machines contre nous tous aurait dû retomber depuis longtemps déjà.

 

Cicéron, 1ère catilinaire, § 5

 Castra sunt in Italia contra populum Romanum in Etruriae faucibus collocata ; crescit in dies singulos hostium numerus ; eorum autem castrorum imperatorem ducemque hostium intra moenia atque adeo in senatu videmus, intestinam aliquam cotidie perniciem rei publicae molientem. Si te jam, catilina, comprehendi, si interfici jussero, credo, erit verendum mihi ne non hoc potius omnes boni serius a me quam quisquam crudelius factum esse dicat.Verum ego hoc, quod jampridem factum esse oportuit, certa de causa nondum adducor ut faciam. Tum denique interficiere,cum jam nemo tam improbus, tam perditus, tam tui similis inveneri poterit, qui id non jure factum esse fateatur.

 

Il y a un camp en Italie, dirigé contre le peuple romain, dans les gorges de l'Etrurie. Le nombre des ennemis croît de jour en jour. Or, nous voyons le général en chef de ce camp, le chef des ennemis, à l'intérieur des remparts et même jusqu'ici dans le Sénat, en train de machiner chaque jour un mauvais coup de l'intérieur contre l'Etat. Si dès maintenant, Catilina, j'ordonne que tu sois harponné, que tu sois mis à mort, je devrai craindre non pas que les gens bien disent que j'ai agi trop tard mais plutôt que le premier venu ne dise que j'ai agi trop cruellement ? Mais moi, en réalité, ce qu'il aurait fallu faire depuis longtemps déjà, je ne suis pas encore amené à le faire en raison d'une cause précise. Alors enfin tu seras mis à mort quand on ne pourra plus trouver personne d'aussi malhonnête que toi, d'aussi irrécupérable, d'aussi semblable à toi pour ne pas avouer que cela a été fait à bon droit.

 

Cicéron, 1ère catilinaire, § 9b

 Fuisti igitur apud Laecam illa nocte, Catilina ; distribuisti partes Italiae ; statuisti quo quemque proficisci placeret ; delegisti quos Romae relinqueres ; quos tecum educeres ; discripsisti urbis partes ad incendia ; confirmasti te ipsum jam esse exiturum ; dixisti paulum tibi esse etiam nunc morae, quod ego viverem. Reperti sunt duo equites Romani qui te ista cura liberarent et sese illa ipsa nocte paulo ante lucem me in meo lectulo interfecturos esse pollicerentur.

 Tu as donc été chez Laeca cette nuit-là, Catilina ; tu as distribué des parties de l'Italie ; tu as décidé où il te plairait que chacun aille ; tu as choisi ceux que tu laisserais à Rome, ceux que tu emmènerais avec toi ; tu as désigné les quartiers de la ville à incendier ; tu as confirmé que toi-même, tu étais déjà sur le point de partir; tu as dit que tu étais encore un peu retardé pour le moment parce que moi, je vivais encore.
On a trouvé deux chevaliers romains pour te libérer de ce souci et pour te promettre de me tuer cette nuit- même, un peu avant l'aube, dans mon petit lit.

 

Cicéron, 3ème Catilinaire, II, § 4 et § 6: les Allobroges

" Itaque ut comperi legatos Allobrogum, belli Transalpini et tumultus Gallici excitandi causa, a P. Lentulo esse sollicitatos eosque in Galliam ad suos ciues cum litteris mandatisque eodemque itinere ad Catilinam esse missos comitemque iis adjunctum T. Volturcium atque huic esse ad Catilinam datas litteras, facultatem mihi oblatam putaui ut, quod erat difficillimum quodque ego semper optabam a dis immortalibus, tota res non solum a me, sed etiam asenatum et a uobis manifesto deprehenderetur "

" Aussi, lorsque j'ai appris que les députés Allobroges avaient été sollicités par Lentulus pour soulever la Transalpine et amener la Cisalpine à prendre les armes ; qu'il les envoyait en Gaule vers leurs concitoyens et vers Catilina, qui était sur leur route, avec des messages écrits et des instructions, qu'il les faisait accompagner par Volturcius, à qui il avait donné une lettre pour Catilina, j'ai pensé que l'occasion m'était offerte de réaliser ce qu'il y avait de plus difficile, ce que je souhaitais obtenir des dieux immortels, à savoir de m'emparer des preuves matérielles de toute l'affaire pour moi, mais aussi pour le Sénat et pour vous-mêmes, citoyens. "

 

" …Cum iam pontem Muluium magno comitatu legati Allobroges ingredi inciperent unaque Volturcius, fit in eos impetus ; educuntur et ab illis gladii et a nostris. Res praetoribus erat nota solis, ignorabatur a ceteris…/… ipsi comprehensi ad me, cum iam dilucesceret, deducuntur. "

" …Les députés Allobroges, avec une grande escorte, s'engageaient déjà sur le pont Mulvius, accompagnés de Volturcius, quand nos hommes s'élancent contre eux ; on dégaine, de part et d'autre, les épées. Les préteurs savaient de quoi il s'agissait, les autres l'ignorait…. /…on les arrête tous, on me les amène au point du jour. "

 

Salluste, La conjuration de Catilina, § 5

 

L. Catilina, nobili genere natus, fuit magna ui et animi et corporis, sed ingenio malo prauoque. Huic ab adulescentia bella intestina, caedes, rapinae, discordia ciuilis grata fuere, ibique iuuentutem suam exercuit. Corpus patiens inediae, algoris, vigiliae, supra quam cuiquam credibile est. Animus audax, subdolus, varius, cuius rei lubet simulator ac disssimulator ; alieni appetens, sui profusus, ardens in cupiditatibus ; satis eloquentiae, sapientiae parum. Uastus animus immoderata, incredibilia, nimis alta semper cupiebat. Hunc post dominationem L. Sullae lubido maxuma inuaserat rei publicae capiundae, neque id quibus modis assequeretur, dum sibi regnum pararet, quicquam pensi habebat. Agitabatur magis magisque in dies animus ferox inopia rei familiaris et conscientia scelerum, quae utraque eis artibus auxerat quas supra memoraui. Incitabant praeterea corrupti ciuitatis mores, quos pessuma ac diuorsa inter se mala, luxuria atque auaritia, uexabant.

  Lucius Catilina, issu d'une noble famille, fut d'une grande force d'esprit et de corps, mais il avait un tempérament mauvais et immoral. Dès son adolescence, les guerres civiles, les massacres, les vols, la discorde entre les citoyens lui plaisaient, et c'est là qu'il exerça sa jeunesse. Son corps supportait le manque de nourriture, la douleur, les insomnies, plus que quiconque ne peut le croire. Son esprit insatiable convoitait toujours plus qu'il ne faut des choses infinies et incroyables. Après la domination de Lucius Sulla, un désir immense l'avait envahi de s'emparer de l'Etat, et il se souciait peu par quel moyen il y arriverait, pourvu qu'il se procurât le pouvoir. Son esprit sauvage était agité de plus en plus et de jour en jour par le manque de ressources et par la conscience de ses crimes, qui avaient augmenté l'un et l'autre à cause des caractéristiques de sa personnalité que j'ai rappelées plus haut. Il trouvait d'ailleurs de grands encouragements dans les mœurs d'une cité corrompue en proie aux pires des maux et les plus opposés, l'amour du luxe et celui de l'argent.

 

Salluste, La conjuration de Catilina, § 14

  In tanta tamque corrupta ciuitate Catilina, id quod factu facillumum erat, omnium flagitiorum atque facinorum circum se tamquam stipatorum cateruas habebat. Nam quicumque impudicus, adulter, ganeo manu, ventre, bona patria lacerauerat, quique alienum aes grande conflauerat, quo flagitium aut facinus redimeret ; praeterea omnes undique parricidae, sacrilegi, conuicti iudiciis aut pro factis iudicium timentes ; ad hoc, quos manus atque lingua periurio aut sanguine ciuili alebat ; postremo omnes quos flagitium, egestas, conscius animus exagitabat, ei Catilinae proxumi familiaresque erant. Quodsi quis etiam a culpa uacuus in amicitiam eius inciderat, cotidiano usu atque illecebris facile par similisque ceteris efficiebatur. Sed maxume adulescentium familiaritates appetebat ; eorum animi, molles etiam et fluxi, dolis haud difficulter capiebantur. Nam ut cuiusque studium ex aetate flagrabat, aliis uoluptates praebere, aliis canes atque equos mercari, postremo neque sumptui neque modestiae suae parcere, dum illos obnoxios fidosque sibi faceret.

  Dans une cité aussi grande et aussi corrompue, Catilina n'avait pas eu de mal à rassembler autour de lui tous les scandales et tous les crimes qui lui servaient de gardes du corps. En effet, tous les débauchés, les adultères, les joueurs qui avaient gaspillé leurs biens paternels par le jeu, par le ventre et qui s'étaient chargés de dettes pour se racheter d'un scandale ou bien d'un crime ; en outre, tous les parricides et tous les sacrilèges venant de partout, condamnés par la justice ou bien appréhendant un jugement pour leurs actes ; en plus, ceux que leurs mains ou leur langue nourrissaient par le parjure et le sang des citoyens, sans oublier tous ceux que tourmentaient le déshonneur, la pauvreté, la culpabilité d'esprit, tout ces gens-là étaient les proches et les familiers de Catilina. Même si quelqu'un d'encore innocent était tombé dans son amitié au moyen d'une fréquentation quotidienne et surtout par ses séductions, il devenait facilement semblable et pareil à tous les autres. Mais Catilina cherchait surtout la compagnie des jeunes gens : leurs esprits encore malléables et même changeants étaient séduits sans aucune difficulté par ses ruses; car dans la mesure où le désir de chacun brûlait en fonction de son âge, aux uns il fournissait des plaisirs, aux autres des chiens et des chevaux. En fin de compte, il n'épargnait ni son argent, ni sa réputation personnelle pourvu qu'il se les rendît complaisants et fidèles.

 

Salluste, La conjuration de Catilina § 17 (la réunion de juin 64)

"XVII - Igitur circiter kalendas Junias, L. Caesare et C. Figulo consulibus, primo singulos appelare, hortari alios, alios tentare ; opes suas, imparatam rem publicam, magna praemia conjurationis docere. Ubi satis explorata sunt quae voluit, in unum omnes convocat, quibus maxuma necessitudo et plurumum audaciae inerat ; Eo convenere senatorii ordinis P. Lentulus Sura, P. Autronius, L. Cassius Longinus, C. Cethegus, P. et Ser. Sullae, Ser. Filii, L. Vargunteius, Q. Annius, M. Porcius Laeca, L. Bestia, Q. Curius ; praeterea ex equestri ordine M. Fulvius Nobilior, L.Statilius, P.Gabinius Capito, C. Cornelius ; ad hoc multi ex coloniis et municipiis, domi nobiles."

"- Donc, aux environs des Kalendes de juin, sous le consulat de L. César et C. Figulus, Catilina appelle, un à un, ses partisans ; il encourage les uns, il sonde les autres ; il leur montre ses moyens d'action, la République sans méfiance, les grands profits de la conjuration. Une fois connu ce qu'il voulait savoir, il rassemble ceux qui étaient à la fois les plus audacieux . A cette réunion, vinrent P. Lentulus Sura, P.Autronius, L. Cassius Longinus, C. Cethegus, P. et Ser. Sullae, fils de Servius, L. Vargunteius, Q. Annius, M. Porcius Laeca, L. Bestia, Q. Curius ; en outre, de l'ordre équestre, M. Fulvius Nobilior, L.Statilius, P.Gabinius Capito, C. Cornelius ; ajoutez beaucoup de notables de colonies et des municipes."

" Catilina de Salluste", XXVII (extrait), Classiques Roma, Librairie Hachette. Traduction de Germaine Roussel, " L'affaire Catilina ", éditions 10/18, 1964.

 

"XXI - Postquam accepere ea homines, quibus mala abunde monia erant, sed neque res neque spes bona ulla, tametsi illis quieta movere magna merces videbatur, tamen postulavere plerique ut proponet, quae condicio belli foret, quae praemia armis peterent, quid ubique opis aut spei haberent. Tum Catilina polliceri tabulas novas, proscriptionem locupletium magistratus, sacerdotia, rapinas, alia omnia quae bellum atque lubido victorum fert."

"- Ce discours offrait à des hommes accablés de difficultés, sans fortune, sans espérance, l'attrait suffisamment grand de bouleverser l'Etat. Cependant, la plupart d'entre eux lui demandèrent de leur exposer les conditions de l'entreprise, les récompenses qu'elle leur apporterait, tout ce qu'ils pouvaient attendre en fait d'aide et de concours. Alors, Catilina de leur promettre de nouveaux registres de dettes, la proscription des riches, les magistratures, les fonctions sacerdotales, les pillages et tous les avantages que comporte la guerre et le bon plaisir des vainqueurs."

" Catilina de Salluste", XX (extrait), Classiques Roma, Librairie Hachette. Traduction de Germaine Roussel, " L'affaire Catilina ", éditions 10/18, 1964.

 

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