Langue |
Latin |
Auteur |
Sénèque |
Références |
Questions naturelles, V, 15 |
Sujet |
A propos de l'exploitation de mines souterraines à la recherche d'un trésor y enfoui |
Descripteurs |
caverne; mines; or; avarice; lumière; nuit; épouvante; Philippe de Macédoine; Asclépiodote; fable; ténèbres; vice; ancêtres; gouffre; poison fatal; |
Hypertexte |
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Extrait Latin |
[5,15] Nunc mihi permitte narrare fabulam. Asclepiodotus
auctor est demissos quam plurimos a Philippo in metallum
antiquum olim destitutum, ut explorarent quae ubertas eius
esset, quis status, an aliquid futuris reliquisset uetus auaritia;
descendisse illos cum multo lumine et multos duraturo dies, deinde
longa uia fatigatos uidisse flumina ingentia et conceptus aquarum
inertium uastos, pares nostris nec compressos quidem terra
supereminente sed liberae laxitatis, non sine horrore uisos.
(5,15,2) Cum magna hoc legi uoluptate; intellexi enim saeculum
nostrum non nouis uitiis sed iam inde antiquitus traditis laborare,
nec nostra aetate primum auaritiam uenas terrarum lapidumque
rimatam in tenebris male abstrusa quaesisse: illi maiores nostri,
quos celebramus laudibus, quibus dissimiles esse nos querimur,
spe ducti montes ceciderunt et supra lucrum sub ruina steterunt.
(5,15,3) ante Philippum Macedonum reges fuere qui
pecuniam in altissimis usque latebris sequerentur et recto spiritu
liberoque in illos se demitterent specus, in quos nullum noctium
perueniret dierumque discrimen. A tergo lucem relinquere
quae tanta spes fuit? Quae tanta necessitas hominem ad sidera
erectum incuruauit et defodit et in fundum telluris intimae mersit,
ut erueret aurum non minore periculo quaerendum quam
possidendum?
(5,15,4) Propter hoc cuniculos egit et circa praedam
lutulentam incertamque reptauit oblitus dierum, oblitus rerum
naturae melioris, a qua se auertit. Ulli ergo mortuo terra tam
grauis est quam istis, supra quos auaritia ingens terrarum pondus
iniecit, quibus abstulit caelum, quos in imo, ubi illud malum
uirus latitat, infodit? Illo descendere ausi sunt ubi nouam
rerum positionem, terrarum pendentium habitus uentosque per
caecum inanes experirentur et aquarum nulli fluentium horridos
fontes et alteram perpetuamque noctem: deinde, cum ista
fecerunt, inferos metuunt!
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Traduction française |
[5,15] XV. Laissez-moi maintenant vous raconter une fable
qu'Asclépiodote nous a transmise. Philippe, dit-il, fit descendre,
un jour, nombre d'ouvriers dans une mine ancienne et
qui avait été abandonnée. Il s'agissait de connaître la richesse
et l'état de la mine, et si l'avarice des générations précédentes
avait laissé de quoi glaner aux races futures. Les ouvriers descendent
avec de nombreux flambeaux pour plusieurs jours.
Enfin, fatigués par une longue route, ils ne découvrent que des
fleuves immenses, de vastes amas d'ondes immobiles, semblables
aux nôtres, mais que ne gênait point la compression de
la voûte supérieure, et qui s'étendaient à l'aise en ces lieux
inconnus. Tous tremblaient! J'ai lu ce récit avec délices. Il
m'a appris que les vices de notre siècle ne datent pas d'hier, et
sont un legs de nos ancêtres; j'y ai vu que ce n'est pas de nos
jours seulement que l'avarice a commencé à fouiller le sein
de la terre et des rocs pour en arracher des trésors mal cachés
au fond même des ténèbres. Nos ancêtres mêmes, ces héros
dont nous chantons les louanges, dont nous gémissons d'avoir
dégénéré, dociles à d'avides espérances, ont, dans leur ardeur
de s'enrichir, coupé les montagnes, et, sous une voûte chancelante,
ont penché sur l'or leur tête avide. Avant Philippe de
Macédoine, des rois avaient cherché des trésors dans les plus
profondes retraites, et, renonçant à l'air libre, s'enfonçaient
dans les abîmes, où il n'est plus de différence entre le jour et
la nuit, et où on laisse la lumière derrière soi. Dans quel
espoir? quelle impérieuse nécessité a courbé si bas l'homme,
fait pour regarder les cieux? Qu'est-ce qui a pu l'enfouir et le
plonger dans les entrailles mêmes de la terre pour en exhumer
l'or, dont la recherche n'est pas moins dangereuse que la possession?
C'est pour le trouver que l'homme a creusé ces longues
galeries, qu'il a rampé autour d'une proie fangeuse et
précaire, qu'il a oublié le soleil, oublié cette belle nature dont
il s'exilait. Nul cadavre ne sent la terre peser sur lui autant
que ces victimes de l'avarice, placées par elle sons un poids
énorme de terre minérale, privées du ciel, ensevelies dans le
gouffre qui recèle ce poison fatal. Des hommes ont osé descendre
dans des lieux où tout épouvante : l'aspect insolite de la
nature, l'attitude de la terre suspendue sur leurs têtes, des
vents sifflant au loin dans le vide, des sources effrayantes, des
eaux courantes où nul ne vient puiser; nuit sombre et perpétuelle,
ils ont bravé tout cela, et ils craignent encore les enfers !
Trad. : M. Charpentier - F. Lemaistre, Oeuvres complètes de Sénèque T. IV, Paris, Garnier, 1861 |
Date : |
30-05-2006 |
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