Extrait Grec |
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Traduction française |
Pour ce qui regarde la pudeur, on n'en peut guère parler comme d'une vertu ; car elle
semble plutôt être une passion, une affection fugitive, qu'une habitude morale. Aussi
peut-on la définir une sorte de crainte du déshonneur. Et, en effet, elle a beaucoup de
ressemblance avec la crainte que cause un danger imminent; car ceux qui éprouvent
de la honte rougissent, et la crainte de la mort se manifeste par une pâleur subite. Or,
ces deux affections, en quelque sorte purement corporelles, semblent indiquer un
sentiment plutôt qu'une habitude. Au reste, ce sentiment ne convient pas à tous les
âges, mais seulement à la jeunesse, parce qu'à cette époque de la vie, l'homme étant
exposé à faire beaucoup de fautes, par l'entraînement des passions, on suppose que
la pudeur est un frein propre à le retenir. C'est pourquoi on loue les jeunes gens qui
ont de la pudeur; au lieu que personne ne loue un homme avancé en âge, pour être
disposé à rougir de tout ; car on pense qu'il ne doit rien faire qui puisse lui causer de
la honte, puisque si les mauvaises actions peuvent seules faire naître ce sentiment, il
ne convient pas à un honnête homme de l'éprouver, car il ne doit rien faire qui puisse
y donner lieu. Et peu importe qu'il y ait des choses véritablement honteuses, et
d'autres qui ne le sont que dans l'opinion, car il ne faut faire ni les unes ni les autres,
afin de n'avoir point à rougir de sa conduite.
Trad. : J. VOILQUIN, Aristote, Éthique à Nicomaque. Classiques Garnier, 1965 et M. THUROT, La Morale et la Politique d'Aristote. Paris, Didier, 1824 |