Langue |
Latin |
Auteur |
Aulu-Gelle |
Références |
Les Nuits attiques, XII, 1 |
Sujet |
Plaidoyer pour l'allaitement maternel |
Descripteurs |
accouchement; femme; allaitement maternel; couches; enfant; poitrine; seins; beauté; nourrice; esclave; |
Hypertexte |
http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/intro.htm#aulu |
Extrait Latin |
Atque ubi percontatus est, quam diutinum puerperium et quam laboriosi nixus
fuissent, puellamque defessam labore ac uigilia somnum capere cognouit, fabulari
instituit prolixius et: 'nihil' inquit 'dubito, quin filium lacte suo nutritura sit.' (5) Sed
cum mater puellae parcendum esse ei diceret adhibendasque puero nutrices, ne ad
dolores, quos in enitendo tulisset, munus quoque nutricationis graue ac difficile
accederet, 'oro te,' inquit 'mulier, sine eam totam integram matrem esse filii sui. (6)
Quod est enim hoc contra naturam inperfectum atque dimidiatum matris genus
peperisse ac statim a sese abiecisse? aluisse in utero sanguine suo nescio quid, quod
non uideret, non alere nunc suo lacte, quod uideat, iam uiuentem, iam hominem, iam
matris officia inplorantem? (7) An tu quoque' inquit 'putas naturam feminis
mammarum ubera quasi quosdam uenustiores naeuulos non liberum alendorum,
sed ornandi pectoris causa dedisse?
Quae, malum, igitur ratio est nobilitatem istam nati modo hominis corpusque et
animum bene ingeniatis primordiis inchoatum insitiuo degenerique alimento lactis
alieni corrumpere? praesertim si ista, quam ad praebendum lactem adhibebitis, aut
serua aut seruilis est et, ut plerumque solet, externae et barbarae nationis est, si
inproba, si informis, si inpudica, si temulenta est; nam plerumque sine discrimine,
quaecumque id temporis lactans est, adhiberi solet. (18) Patiemurne igitur infantem
hunc nostrum pernicioso contagio infici et spiritum ducere in animum atque in
corpus suum ex corpore et animo deterrimo? (19) Id hercle ipsum est, quod
saepenumero miramur, quosdam pudicarum mulierum liberos parentum suorum
neque corporibus neque animis similes existere.
quoniam uidelicet in moribus inolescendis magnam fere partem ingenium altricis et
natura lactis tenet, quae iam a principio imbuta paterni seminis concretione ex matris
etiam corpore et animo recentem indolem configurat. (21) 'Et praeter haec autem,
quis illud etiam neglegere aspernarique possit, quod, quae partus suos deserunt
ablegantque a sese et aliis nutriendos dedunt, uinculum illud coagulumque animi
atque amoris, quo parentes cum filiis natura consociat, interscindunt aut certe
quidem diluunt deteruntque? (22) Nam ubi infantis aliorsum dati facta ex oculis
amolitiost, uigor ille maternae flagrantiae sensim atque paulatim restinguitur,
omnisque inpatientissimae sollicitudinis strepitus consilescit, neque multo minor
amendati ad nutricem aliam filii quam morte amissi obliuiost. (23) Ipsius quoque
infantis adfectio animi, amoris, consuetudinis in ea sola, unde alitur, occupatur et
proinde, ut in expositis usu uenit, matris, quae genuit, neque sensum ullum neque
desiderium capit. Ac propterea oblitteratis et abolitis natiuae pietatis elementis,
quicquid ita educati liberi amare patrem atque matrem uidentur, magnam fere
partem non naturalis ille amor est, sed ciuilis et opinabilis.'
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Traduction française |
Il demanda si l'accouchement avait été long et laborieux. On lui dit que la jeune
mère, fatiguée par les souffrances et les vieilles, prenait quelque repos.Alors le
philosophe donna un libre cours à ses idées « Je ne doute pas, dit-il, qu'elle ne soit
dans l'intention de nourrir son fils de son propre lait. » La mère de la jeune femme
répondit qu'il fallait user de ménagements, et donner à l'enfant des nourrices pour ne
pas ajouter aux douleurs que sa fille avait éprouvées pendant sa couche les fatigues
et les peines de l'allaitement. « Eh ! de grâce, répliqua le philosophe, femme,
permettez qu'elle soit tout à fait la mère de son fils. N'est-ce pas contre la nature,
n'est-ce pas remplir imparfaitement et à demi le rôle de mère, que d'éloigner aussitôt
l'enfant que l'on vient de mettre au monde ? Quoi donc ! après avoir nourri dans son
sein, de son propre sang, un je ne sais quoi, un être qu'elle ne voyait pas, elle lui
refuserait son lait lorsqu'elle le voit déjà vivant, déjà homme, déjà réclamant les
secours de sa mère ! Croyez-vous donc que la nature ait donné aux femmes ces
globes gracieux pour orner leur sein et non pour nourrir leurs enfants ? En effet, la
plupart de nos merveilleuses (et vous êtes loin de leur ressembler) s'efforcent de
dessécher, de tarir ces sources si saintes du corps, ces nourrices du genre humain, et
cela, au risque de corrompre le lait, en le détournant, car elles craignent qu'il ne
détériore ce charme de leur beauté.
Pourquoi donc dégrader cette noblesse innée avec l'homme, ce corps, cette âme
formés à leur origine d'éléments qui leur sont propres ? Pourquoi la corrompre on
leur donnant, dans un lait étranger, une nourriture dégénérée ? Que sera-ce si celle
que vous prenez pour nourrice est esclave ou de murs serviles, ce qui arrive le plus
souvent ; et elle est de race étrangère et barbare ; si elle est méchante, difforme,
impudique, adonnée au vin ? car, la plupart du temps, c'est au hasard que l'on prend
la première femme qui a du lait. Souffrirons-nous donc que cet enfant, qui est le
nôtre, soit infecté de ce poison contagieux ? Souffrirons-nous que son corps et son
âme sucent une âme et un corps dépravés ? Certes nous ne devons pas nous étonner,
d'après cela, si trop souvent les enfants des femmes pudiques ne ressemblent à leur
mère ni pour le corps ni pour l'âme.
En effet, rien ne contribue plus à former les moeurs, que le caractère et le lait de la
nourrice, ce lait qui, participant dès le principe des éléments physiques du père,
forme aussi cette, nature jeune et tendre d'après l'âme et le corps de la mère, son
modèle. Il est encore une considération qui n'échappera à personne, et que l'on ne
peut dédaigner : les femmes qui délaissent leurs enfants, qui les éloignent de leur
sein, et les livrent à des nourrices étrangères, brisent ou du moins affaiblissent et
relâchent ce lien sympathique d'esprit et d'amour par lequel la nature unit les enfants
aux parents. A peine l'enfant confié à des moins étrangers n'est-il plus sous les yeux
de sa mère, l'énergie brûlante du sentiment maternel s'affaiblit peu à peu, s'éteint
insensiblement. Tout le bruit de cette impatience, de cette sollicitude de mère fait
silence ; et le souvenir de l'enfant abandonné à une nourrice s'efface presque aussi
vite que le souvenir de l'enfant qui n'est plus. De son côté, l'enfant porte son
affection, son amour, toute sa tendresse sur celle qui le nourrit, et sa mère ne lui
inspire ni plus de sentiment ni plus de regret que si elle l'avait exposé. Ainsi
s'altèrent, ainsi s'évanouissent les semences de piété que la nature avait jetées dans le
cur de l'enfant ; et sil paraît encore aimer son père et sa mère, ce n'est pas la nature
qui parle : il n'obéit qu'à l'esprit de société, qu'à l'opinion.
Trad. : M. Charpentier - M. Blanchet, Oeuvres complètes d'Aulu-Gelle, Deux tomes. Paris, Garnier, 1927 (?) - Bibliothèque latine française n°31 |
Date : |
27-03-2008 |
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