LFIAL 1130

 

APPROCHE COMPARウ DES LITTコATURES EUROPウNNES

 


1.2. Les hritages grec et latin

Prof. Paul-Augustin DEPROOST


 

Pr四iminaire

 

Il est banal de dire que les h屍itages grec et latin sont au cマur m仁e de la culture europ仔nne. C'est une 思idence que personne n'oserait contester, m仁e si de-ci de-l certains tentent d'en r仕uire l'importance en faisant valoir qu'ils n'ont pas 師 les seuls, et un cours comme celui-ci a le m屍ite de souligner que l'Europe, au moins litt屍aire, est issue de traditions diverses qui ne se limitent pas ces deux h屍itages. Il n'en reste pas moins que, m仁e s'ils ont 師 m仕iatis市 par de nombreux autres h屍itages, m仁e s'ils se sont m四ang市, de mani俊e violente ou pacifique, avec d'autres traditions culturelles, les h屍itages grec et latin ont litt屍alement fa腔nn la conscience europ仔nne, non seulement dans sa dimension culturelle et esth師ique, mais aussi dans ses aspects politiques, sociaux, 残onomiques, juridiques, philosophiques, moraux, et m仁e dans la constitution de la part essentielle de son imaginaire. Si l'on voulait prendre une image architecturale, on pourrait dire que les h屍itages grec et latin rel竣ent des fondations du ヌ patrimoine europ仔n ネ, alors que les autres h屍itages, en particulier celtique et germanique, seraient les 師ages qui ont permis ces fondations d'仕ifier une construction dont les ma杯res d'マuvre ont 師 Rome et son empire.

Et pourtant, il n'allait pas de soi que ces deux h屍itages, nonobstant leur valeur intrins述ue, s'imposassent de cette mani俊e : ils 師aient eux-m仁es en concurrence avec d'autres traditions culturelles puissantes, comme les traditions 使yptiennes et orientales ou pr残is士ent les traditions germaniques et celtiques. Mis part le r迅e 姿h士俊e d'Alexandre le Grand, l'instabilit et l'残latement politiques de la Gr縦e ne garantissaient pas la dur仔 et surtout le rayonnement de l'h屍itage culturel qu'elle avait produit ; d'autre part, pour le latin, il faut rappeler qu'au d姿art, il ne s'agit pas d'une langue de culture, loin de l : c'est la langue d'une communaut de paysans qui vit au centre de l'Italie, dans une r使ion que l'on appelle le Latium, et qui ne repr市ente pas grand'chose au milieu des p冤es culturels 師rusques et grecs install市 respectivement au nord et au sud de l'Italie. La chance des h屍itages grec et latin est ailleurs que dans leur valeur propre : d'autres h屍itages auraient m屍it de survivre et de s'imposer comme eux ou avec eux. Accessoirement, il faut rappeler que ces h屍itages eux-m仁es ne sont que l'infime partie conserv仔 (ア 10%) d'une immense production litt屍aire dont l'histoire des litt屍atures antiques ne cesse de d姿lorer le naufrage.

Pourquoi ces deux h屍itages se sont-ils finalement impos市 de la mani俊e que l'on conna杯 ? ヒ mon sens, parce qu'ils se sont trouv市 la confluence de deux projets universalistes qui ont eu pour ambition de prendre le monde temporel et spirituel en charge, et qui, apr峻 une longue p屍iode d'hostilit, se sont r残oncili市 pour r志ssir cette ambition. Je veux, bien s柮, parler de Rome et du christianisme. Sans Rome, la Gr縦e n'aurait pas surv残u : un vers fameux du po春e Horace affirme : Graecia capta ferum uictorem cepit (Hor., epod. II, 1, 157) ; c'est vrai pour les arts plastiques, l'architecture, la philosophie, c'est encore plus vrai pour la litt屍ature et m仁e pour la langue latine elle-m仁e, qui, au contact de la Gr縦e, a consid屍ablement enrichi son vocabulaire et d四i sa syntaxe pour s'ouvrir des formes litt屍aires et philosophiques jusque l peu famili俊es au paysan romain. Le p粛erinage en Gr縦e est devenu un passage oblig pour tout Romain qui souhaitait entrer dans les carri俊es politiques, administratives, juridiques ou culturelles. La Gr縦e a fascin Rome, en particulier plusieurs de ses empereurs et ceux-ci ont 師 un puissant levier pour assurer la permanence et la diffusion de l'h屍itage grec. Pour le latin, il en est de m仁e : sans Rome, le latin n'avait aucune raison de conna杯re le succ峻 qu'il a connu, mais il se trouve que Rome 師ait dans le Latium et que le latin est devenu naturellement l'outil linguistique d'un fantastique projet politique et urbain qui, au fil de ses conqu腎es, a r志ssi imposer, en m仁e temps que son id姉logie, la langue qui l'a port仔. Le destin du latin et de la culture latine est fondamentalement li celui de Rome et du mythe qu'elle a impos. Le premier h屍itage qu'a transmis la latinit au monde est celui d'une langue et d'une culture porteuses d'une conception de l'homme et de la soci師 qui fait toujours r伺屍ence celle qu'en a diffus仔 Rome. ヒ partir du IVe si縦le, apr峻 la conversion de l'empereur Constantin au christianisme, le ヌ mondialisme ネ romain relaie le message chr師ien de l'思ang四isation des peuples et, lorsque l'empire romain dispara杯ra en occident sous le d伺erlement des invasions barbares, c'est le christianisme romain qui lui permettra de survivre comme mod粛e de culture et de civilisation pour les nouveaux peuples install市 dans l'ancienne Romania occidentale, berceau de l'Europe actuelle. Les valeurs romaines ont fascin ces peuples barbares qui se sont la fois convertis au christianisme et aux valeurs romaines qu'il repr市entait. La Gr縦e a 師 sauv仔 par Rome, Rome a 師 sauv仔 par le christianisme, l'Europe 師ait n仔.

 

Responsable acad士ique : Paul-Augustin Deproost
Analyse : Jean Schumacher
Design & r斬lisation inf. : Boris Maroutaeff

Derni俊e mise jour : 23 ao柎 2020