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Date :     12-11-2002

Sujets :
Libye - Cités antiques: Oea, Sabratha, Leptis Magna, Cyrène

Notice :

Villes antiques des côtes de Tripolitaine et de Cyrénaïque

  • Introduction: La Libye, qui s’entrouvre au tourisme, a compris l’intérêt que représentent pour des visiteurs étrangers les importants vestiges des implantations antiques sur les côtes de la Tripolitaine et de la Cyrénaïque, même si elle n’y trouve pas vraiment ses racines.

    Dans la première de ces régions – celle des trois villes -, Oea , Sabratha et Leptis Magna ont bien des points communs : comptoirs phéniciens au 8e s. A.C., puis puniques, elles passent sous la domination romaine à partir du 2e s. A.C. et leur culture carthaginoise s’efface peu à peu tout en demeurant sous-jacente . Certains de leurs aménagements sont offerts par des évergètes d’origine locale. Christianisées, elles se défendent au 5e s. contre les Vandales qui les soumettent, puis sont reprises par les Byzantins. Entre-temps les ports de ces cités vouées au commerce de luxe se sont ensablés. Lors de la conquête arabe, Oea, l’actuelle Tripoli, se transforme, ne gardant, comme nous le verrons, que peu de vestiges de son passé antique tandis que Sabratha et Leptis Magna s’endorment sous les sables pour un sommeil plus que millénaire. Les archéologues européens les redécouvrent dès le 17e siècle, guidés surtout par le souci d’enrichir des collections privées et des musées. Ceux de l’ère mussolinienne entament, dans une perspective idéologique contestable certes, mais avec bonheur, leur restauration. Celle-ci est toujours en cours et les chantiers de fouilles sont incommensurables.

  • OEA/TRIPOLI : À part quelques colonnes encastrées çà et là dans la médina, proche du port, et le gracieux fronton du temple consacré au Génie de la colonie, le seul vestige du passé romain d’Oea, aujourd’hui Tripoli, est un bel arc tétrapyle édifié en l’honneur de Marc-Aurèle et de Lucius Vérus à la croisée de deux voies d’importance inégale. Réalisé entièrement en marbre blanc grec, il garde en bon état de conservation sa décoration raffinée de victoires ailées et de motifs floraux dans un contexte de terre battue, entre une mosquée et des souks, que de récents revirements politiques ramènent doucement à la vie.

    Dans le même quartier, le musée réserve bien des surprises de par son caractère composite. Entre la première voiture du Raïs, une vénérable coccinelle turquoise de 1956, et des reconstitutions d’habitations et de costumes traditionnels, on découvre, à côté (de copies) de vestiges préhistoriques, notamment des Nasamons, une prestigieuse collection d’antiquités puniques, grecques et romaines provenant principalement des fouilles de Sabratha, Leptis Magna et Cyrène. On en retient surtout de merveilleuses mosaïques de l’époque impériale où dominent les thèmes nilotiques, les représentations de faune marine et les jeux. La sculpture est aussi fort bien représentée : un bel athlète inspiré du Diadumène de Polyclète, une Aphrodite de type cnidien pudique dans sa nudité, un groupe enchanteur des trois Grâces, un curieux tombeau d’époque romaine orné d’un bestiaire d’inspiration punique, de bons portraits impériaux et surtout les reliefs de l’arc de Septime Sévère à Leptis Magna, où l’on voit notamment l’empereur associer à son pouvoir ses deux fils, Caracalla et l’infortuné Géta, sous le regard tutélaire de Julia Domna, son épouse.

  • SABRATHA : Sur fond de Méditerranée, Sabratha présente, à côté d’un tophet punique, dont la restauration ou plutôt la reconstitution est discutable, d’intéressants vestiges d’un Capitole, d’un temple avec podium et portique dédié aux Antonins, une basilique civile dite d'Apulée, de spacieux thermes publics (dont les latrines forcent l’admiration désabusée des visiteurs frustrés par l’indigence criante de ce confort dans la Libye d’aujourd’hui !). Signe de temps troublés, la basilique chrétienne de Justinien, édifiée à la hâte, dresse vers le ciel ses colonnes disparates arrachées à d’autres monuments. Un peu partout dans la ville, on se laisse charmer par les fûts verts de colonnes en marbre cipolin couronnés de blancs chapiteaux corinthiens. Mais le principal attrait de Sabratha est le décor de scène de son théâtre d’époque sévérienne, réédifié par les archéologues de la colonisation italienne. Le regard se laisse irrésistiblement emporter par l’envolée vertigneuse, baroque avant la lettre avec ses avancées et ses retraits, de trois prestigieux rangs de colonnes qui se superposent dans les tons dorés de la pierre locale. La porte centrale de ce décor d’exception s’ouvre sur la mer. La vision est unique dans sa majesté et l’acoustique prodigieuse. On se laisse aussi charmer par les bas-reliefs des replis du pulpitum où, au centre, Septime Sévère sacrifie à des dieux africains romanisés, à côté de scènes tragiques et comiques alternant avec des masques.

  • LEPTIS MAGNA : Plus verdoyante, plus vaste que Sabratha, Leptis Magna, annexée par César en 46 A.C., devint au 3e siècle une prodigieuse Rome africaine, comme le voulut son plus illustre fils, Septime Sévère (146-211). Son étendue, le luxe et la majesté de ses monuments, leur beauté, même écorchée impitoyablement par le temps et les caprices de la nature, créent une impression de grandeur qui, sans être écrasante, évoque l’Égypte pharaonique.

    D’emblée s’impose, coupant le décumanus et le cardo, un arc de triomphe tétrapyle, à l’attique flanqué de frontons brisés, qui fut érigé ou transformé à la gloire de Septime Sévère. Puis la ville s’ouvre : longues et larges voies pavées, impressionnants thermes d’Hadrien, ponctués de colonnes corinthiennes aux fûts de cipolin et de granit rose, une palestre, un nymphée, des temples…Parfois les colonnes se couronnent de feuilles de lotus. Puis on pénètre dans le vaste forum de Septime, jonché de reliefs aux motifs végétaux qui témoignent de l’antique splendeur de sa décoration. Quelques voûtes en plein cintre de son portique y ont été relevées, ponctuées de fascinants visages de Néréides. Puis, jouxtant ce forum, la merveilleuse et haute basilique sévérienne aux pilastres de marbre blanc dont les reliefs d’une luxuriance baroque évoquent les épisodes des gestes d’Hercule et de Bacchus. Les dimensions du bâtiment rappellent l’Égypte. Plus loin encore, sur l’ancien forum, la stèle de l’évergète Annobal Rufus, qui offrit à Leptis son théâtre à l’aube du 1er siècle, retient l’attention avec son inscription bilingue latino-punique, usage qui se perdra par la suite avec l’acculturation romaine. Comme à Sabratha, un jeu de colonnes (pas toutes redressées) remplacent le mur de scène du théâtre ouvrant ici la vue sur un temple consacré aux empereurs divinisés. Puis s’étendent de vastes marchés embellis par des évergètes, tandis que l’arc de Trajan commémore le statut de colonie conféré à Leptis Magna … Enfin, tout près du littoral, s’ouvre l’immense béance d’un amphithéâtre creusé, comme le théâtre, dans la roche. Il communique avec un bâtiment , également creusé, où gladiateurs et fauves attendaient leur sort. Sur une éminence près de la grève, trois (trop) lourdes colonnes de cipolin allongées côte à côte, attendent leur embarquement pour la France depuis 1689 ….

  • CYRÈNE : Tout autre est l’âme de Cyrène, cité grecque à l’autre extrémité de la Libye, à quelques deux cents kilomètres de Benghazi. Avec Apollonia, son port, elle faisait partie d’une pentapole. Elle fut fondée, selon Hérodote (IV 164), en 613 A .C. par des ressortissants de Théra obéissant à l’oracle d’Apollon. Voilà qui nous renvoie aux amours du dieu avec la nymphe locale du même nom, mère d’Aristée, et donc à la 4e Géorgique de Virgile. À l’histoire de la ville s’associe aussi le dramatique récit du sacrifice des frères Philènes. La cité vit aussi s’ouvrir l’école hédoniste des deux Aristippe. Le poète alexandrin Callimaque est un autre fils illustre de Cyrène, qui donna aussi son nom à la célèbre et praxitélienne statue d’Aphrodite, aujourd’hui au Musée National Romain.
    La ville s’accroche en trois paliers à un site méditerranéen et escarpé, bien différent de la « morne plaine » de Tripolitaine. Ses monuments ont connu des remaniements au cours des siècles et sont plutôt marqués par le classicisme et surtout l’époque hellénistique et, même si l’Égypte est très proche, on ne décèle nulle tentation de gigantisme. Tout en haut, au milieu de pins parasols, le visiteur est accueilli par le Ptolémaion, portique dorique, majestueux et élancé que Ptolémée VIII, au 2e siècle, offrit à la cité et que les Romains « agrémentèrent » d’un temple à leur Divin Jules. Le plan de la ville est plutôt lâche, qui nous fait découvrir deux petits théâtres – sans mur de scène !-, les marbres et mosaïques, toujours en plein air, de la maison de Jason Magnus, l’agora avec la tholos de Démêter et une splendide victoire qui prend un envol sans fin de la proue d’un navire. Tardif et assez mutilé, le long et curieux portique des hermès d’Héraclès et de Dionysos n’est pas du meilleur goût. Mais, enveloppées de beaux drapés de marbre blanc, de graves et gracieuses statues féminines, que le temps a rendues acéphales, veillent çà et là, dans le silence de la cité endormie et l’on ne peut s’empêcher de penser à Delvaux.
    Le monument le plus marquant de Cyrène est le temple de Zeus, qu’on découvre isolé au niveau intermédiaire. Il a connu, au cours de l’Antiquité diverses transformations et fut sauvagement attaqué lors de la révolte juive de 115 P.C. Les archéologues ont pris le parti de le restituer dans son état premier (6e/5e siècle A.C.). Long de 70 mètres sur une largeur de 19, cet impressionnant et pur cousin des temples d’Agrigente et de Paestum dresse vers le ciel la patine dorée de ses robustes et nobles colonnes doriques aux vastes chapiteaux bien évasés et offre un moment de bonheur à ses visiteurs qui le parcourent en toute liberté.
    Du dernier palier, le regard se laisse capter par une vaste étendue verdoyante, qui, veinée de quelques routes, va à la rencontre de la mer. On serait tenté de comparer le site de Cyrène, même s’il est nettement plus ouvert, à celui de Delphes. Bordée d’antiques tombeaux creusé dans le roc, la route actuelle, reprenant le tracé d’origine longe cette partie de la ville au plan toujours peu rigoureux. On retiendra ici, parmi d’autres, le temple d’Apollon aux colonnes lisses, la source et la fontaine de la nymphe Cyrène gardée par des lions de pierre. Tiens, mais revoilà des chapiteaux corinthiens sur des colonnes de cipolin : ce sont de beaux thermes offerts par Trajan, brûlés en 115 et reconstruits par Hadrien. Par contre, à l’extrémité du site, un théâtre a été transformé par les Romains – ô tempora, ô mores- en amphithéâtre, un vrai coup de poing dans cette enclave privilégiée de l’hellénisme qui s’est si bien implanté et épanoui, loin de sa terre d’origine.

Bibliograhie : J.M. Blas de Robles. Libye grecque, romaine et byzantine. Aix-en-provence, Edisud, 1999.
Gilbert Picard, Empire Romain. Photos par Y. Butler. Préface par Paolo Portoghesi. Coll. Architecture universelle. Office du Livre, Fribourg,1964.


Danielle De Clercq. Novembre 2002


 
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Dernière mise à jour : 17/02/2002