Notice : 1. Lecture : Poggio Bracciolini (1380 - 1459) fait l'éloge du mariage :
Poggio Bracciolini, Un vieillard doit-il se marier ? (dialogue) :
... Vides Nicolaum nostrum eam legem probare quam ipse sibi indixit, nulla quidem ratione,
sed timore nescio quo superuacaneo et austeritate quadam subagresti,
quam communis uitae usus repudiauit. Qui enim non improbare debemus eam
uiuendi consuetudinem, quam si omnes sequerentur, unico saeculo genus hominum
penitds interiret. Etenim maris et faeminae coniunctionem ad conseruationem orbis
necessariam, natura ipsa instituit, nedum inter homines, sed in reliquis quoque
animalibus. ltaque rectissimum puto malle communi uita uiuere, et se accommodare
ad ciuilem uitam, prolemque gignere ad amplitudinem ciuitatis, quam solitarium
degere, sterilem, remotum consuetudine caeterorum, uera ac perfecta amicitia, quam
maxime coniugium praestat, ac quotidiana beniuolentia priuatum. Turpe quidem est,
ac praeter natura nobis insitam rationem, cum homo animal sit sociabile ad procreationem natum, respuere gignendi facultatem, et eam societatem spernere quae sit
omnium optima ac iocundissima. Caetera animalia ratione carentia, uis ipsa impellit
naturae ad coniunctionem procreandi gratia, ut sua species cuique conseruetur. Quid
homo ratione utens, cuius foecunditas utilior est brutis, an erit caeteris deterior, et
facultate caelitus propagandae sobolis data, ad delendum genus hominum abutetur?
Vide ne erres nimium mi Nicolae, si id etiam uiro sapienti suadere uelles, quod
ad extinguendum, non solum ciuitates et hominum coetus, sed terrarum quoque
orbem spectaret. Quanquam sapiens nullo modo esse posset, qui naturae ordini
institutoque contrairet, a qua bene uiuendi omne principium ducitur.
Neque uero illos ab otio literarum matrimonium uocabit. Non enim Socrati,
Platoni, Aristoteli, Theophrasto, et e nostris Catoni illi prisco, M. Tullio, Varroni,
Senecae, reliquisque doctissimis uiris uxores impedimento extitere, quo minus caeteros
qui coniugia respuerent in omni uirtutum et doctrinae genere superarent. Quid quod
matrimonio qui abstinet uel adulter uel fornicator euadet, aut alteri uitio detestabiliori inuoluetur. Neque tu mihi uitae continentiam prae te feras : et quidem pauci
admodum existunt qui eam uirtutem amplectantur. Itaque propter honestiorem
quoque uitam uxoris muneri haerendum est. His ego de causis, etiamsi caetera
commoda abessent, omni aetati ad progeniem aptae nuptias suaderem : neque uererer
nescio quod inane seruitutis nomen, quod subesse in coniugio censes. Summa quidem
libertaa est uiuere ut uelis, quod solum coniugium praestat, in quo non seruis sed
imperas. Liber enim es a uitiis quae undique innuptos circumfluunt : imperas mulieri,
quae tibi parere ac seruire sua sponte condiscit.
Maxime uere senibus, quod tu paulo ante uerbis abhorrebas, matrimonium
esse utilissimum iudico, cum eo tempore uxorem quaerant, quo lasciuiis, inscitia,
leuitate, incuria uacua aetas, rebus autem agendis et consilio apta, optimum ac
praecipuum fructum ex re uxoria poterit percipere. Hic solus nouit quaeue
appetenda fuerint quaeue fugienda : inscitiam alterius suo reget consilio : appetitus
prudentia moderabitur. Labantem retinebit, et rudem uitam in suos mores traducet.
Traduction française : Alcide Bonneau. Édition Isidore Liseux, 1877
"Tu le vois, notre ami Niccolo préconise la loi du célibat, qu'il s'est, sans raison, imposée au
nom de craintes chimériques et d'une certaine sauvagerie austère répudiée dans les conditions
habituelles de l'existence. Comment ne blâmerions-nous pas une façon de vivre qui, si elle était
mise en pratique par tous, aboutirait à l'anéantissement du genre humain en moins d'un siècle.
L'union des sexes est indispensable à la conservation de la race ; cette nécessité, Dieu l'a établie
non seulement pour l'homme, mais encore pour tous les animaux. Je pense donc qu'on agit avec
plus de sagesse en suivant la loi commune, en se pliant aux convenances sociales, en ayant des
enfants qui contribueront à la splendeur de la cité, plutôt que de mener seul une existence stérile
après avoir fait fi de la coutume générale, de s'être privé de cette parfaite et inaltérable amitié qui
est la suite du mariage, ainsi que d'une affection de toutes les heures. Il est honteux et contre
nature que l'homme, né pour vivre en société, annihile en lui la faculté génératrice et dédaigne
l'association conjugale, la meilleure et la plus agréable de toutes. Les êtres privés de raison sont
poussés par l'instinct seul au rapprochement du mâle et de la femelle, en vue de la procréation et
de la conservation de leur espèce, et l'homme, doué d'intelligence, dont la fécondité a une bien
plus haute portée que celle des brutes, donnerait, en ce point, des signes d'infériorité? Ne pas
user de la faculté de reproduire, véritable don du Ciel, ce serait vouloir aboutir à la destruction de
la race. Examine un peu, mon cher Niccolo, si tu n'es pas dans l'erreur, s'il n'y a pas
d'exagération à vouloir faire adopter par un sage une manière de vivre qui, fatalement,
amènerait la disparition des cités, du genre humain, du monde entier. Pourrait-il être taxé de
sagesse, celui qui irait ainsi à rencontre de la loi et du but de la nature, de ce principe qui est la
base de toute vie bien ordonnée. Il n'est pas exact de prétendre que le mariage détourne des
travaux littéraires. Leurs femmes ne furent pas un obstacle aux loisirs studieux de Socrate, de
Platon, d'Aristote, de Théophraste et chez nous, de Caton l'Ancien, de Marcus Tullius,
de Varron, de Sénèque, et de tant d'autres savants; bien plus, ils ont surpassé en érudition et
en mérites de tous genres ceux qui avaient dédaigné le lien conjugal. Celui qui s'abstient du
mariage tourne à l'adultère, devient victime de son inconduite, s'enfonce dans la vie la plus
odieuse. Ne me cite pas en exemple la pureté de ta vie; il en est bien peu qui soient vertueux au
même degré. Afin d'assurer une existence honorable, le mariage doit être désiré. Par ces motifs,
quand même on n'en recueillerait pas d'autre avantage, je recommande de prendre femme à
tous ceux qui sont en âge d'espérer une descendance, et cela sans m'attarder à l'idée qui présente
le mariage comme une véritable servitude. La liberté absolue consiste à vivre à sa guise. Tu la
trouveras seulement dans le mariage, car là, loin d'être esclave, tu commandes en maître, tu es
délivré de mille pensées excentriques qui assiègent sans cesse les célibataires ; ta femme est là,
prête à obéir et à t'être agréable.
Les vieillards surtout, je l'affirme, malgré l'opinion contraire que tu émettais il y a un instant,
doivent se marier. Exempts de libertinage, d'étourderie, d'inconstance, d'imprévoyance, à
l'âge où ils s'engagent, ils sont plus aptes aux affaires, ont plus de prudence et peuvent ainsi
recueillir les fruits les plus sûrs et les meilleurs du mariage. Ils savent ce qu'il faut fuir ou
rechercher ; leur sagesse sert de guide à l'inexpérience, leur modération sait inspirer la retenue
dans les désirs. Si la jeune femme chancelle, ils la retiennent et façonnent à leurs habitudes ce
caractère encore indécis. ..."
2. Lecture : Poggio Bracciolini (1380 - 1459) : Un vieillard doit-il épouser une jeune fille, une veuve ou une femme d'un âge mûr ? :
Poggio Bracciolini, Un vieillard doit-il se marier ? (dialogue) :
Quod uero neque uirginem neque uiduam neque aetate maturam ducendam
existimabas, pace tua Nicolae dixerim, nimis aberrare uideris a recto iudicio, et
tuis moribus fauere. Ducet quidem uirginem, et eo magis quod annos teneros
nulla alterius praeterquam domestica parentum consuetudine edoctos, flectet quo
uolet, in suam institutionem inducet, suis moribus coaptabit, auctoritate et consilio
reget ; id esse optimum docebit quod fuerit honestum ; ostendet quanta sit
continentiae uirtus, quid pudicae ab impudicis differant, quatenus uoluptati indulgendum
sit, quatenus abstinendum. Ita uerbis, nisi animal stupidum fuerit, assequetur, ut
quod anni aliquando poscunt ratio moderetur ; quod uir suaserit, id potissimum
censeat faciendum. Vidua autem si uirum iuuenem fuerit experta, recordabitur
se quandoque ab eo spretam et contemptam fuisse, alteram quaesitam, se adulterae postpositam, lacessitam iurgio, et uerbere aliquando appetitam. Venient in
mentem uestes persepe aut uenundatae aut condonatae pellici. Adolescentiae leuitas
succurret, difficultas morum, inconstans matrimonii fides, ut cum ad senem
peruenerit ubi omnia cessant, in portum tranquillum ex procelloso mari se existimet
peruenisse. Maturos quoque annos senex non reformidabit; et absque liberorum spe,
propter ipsam naturae societatem, communisque uitae adiumenta, appetet uetulae
coniunctionem ; ut duorum imbecillitas communibus uiribus ualidior fiat : nam sicut
quod robustissimus saepe uir nequit, unius debilis accessione conficitur, ita quod
aliquis impotentior solus non potest assequi, alterius licet paruulum auxilium
subministrat ; et sicut cum manus unica manca est, duae altera alterius fulta adminiculo
perfectam rem efficiunt ; ita quod uni deest alterius subsidio fulcitur.
Traduction française : Alcide Bonneau . Édition Isidore Liseux, 1877
En n'accordant pas qu'un vieillard puisse épouser soit une jeune fille, soit une veuve, soit
une femme d'un âge mûr, laisse-moi te le dire, Niccolo, ton jugement me parait en défaut; tous
ne peuvent te ressembler. Le vieillard aura parfaitemenf raison d'épouser une jeune fille, il fera
d'autant mieux, que cet enfant, à la fleur de l'âge, n'aura encore reçu que les impressions de la
famille, il la pliera à son gré, il lui fera adopter sa manière de voir, il la façonnera à ses habitudes,
il la dirigera par son exemple et ses leçons. Il lui apprendra à discerner ce qui est bien, il lui
enseignera le mérite de la continence, en quoi les femmes chastes diffèrent des débauchées, en
un mot les limites qu'on ne doit pas franchir. A moins qu'elle ne soit inintelligente, ces sages
conseils auront sur elle un tel empire, que si son tempérament vigoureux s'insurge parfois, elle
saura le dompter et n'aura d'autre règle que la volonté de son époux.
S'agit-il d’une veuve au lieu d'une vierge? Celle qui a connu un jeune mari se souviendra du
temps où il la délaissait, l'abandonnait pour courir après une autre, où une aventurière lui
était préférée, où on ne lui réservait que des paroles blessantes, trop heureuse quand les coups
n'accompagnaient pas les injures. Bien souvent ses toilettes étaient vendues, ou données en
cadeau à une maîtresse. Tout cela lui revient à l'esprit en même temps que l'inconséquence de la
jeunesse, les embarras de la vie, la fragilité de la foi conjugale. Quel changement depuis qu'elle
est l'épouse d'un vieillard ! C'est avoir trouvé le port après la tempête.
L'âge avancé de celle qu'il désire avoir pour compagne, ne devra pas, non plus, faire reculer
le vieillard. Sans doute, il n'aura pas d'enfants, mais il la recherchera pour le charme de son
esprit, pour que leurs deux faiblesses se prêtent un mutuel appui. Ce qu'un homme robuste ne
peul, quelquefois, ne pas pouvoir faire seul, il y parvient en s'adjoignant un être plus faible ;
avec un peu de secours, on réussit des choses pour lesquelles oa était impuissant tout seul. Ainsi
encore, une main unique est maladroite, mais deux mains s'assistant viennent à bout de grandes
difficultés. Ainsi, dans l'union qui nous occupe, ce qui fait défaut à l'un, l'autre y supplée.
3. Lecture : Poggio Bracciolini (1380 - 1459) fait la description des bains de Bade :
Poggio Bracciolini, Lettre : Les bains de Bade au XVe siècle :
... Singulae domus sua habent balnaea interius, in quibus abluuntur hi soli qui ad eas
diuertere. Balnea, tum publica tum priuata, sunt numero circiter XXX. Publica tamen
duo existunt palam ab utraque parte, lauacra plebis et ignobilis uulgi, ad quae mulieres,
uiri, pueri, innuptaeque puellae, et omnium circumfluentium fex descendit. In his,
uallus quidam interraneus, utpote inter pacificos constructus, uiros a feminis seiungit.
Ridiculum est uidere uetulas decrepitas simul et adolescentiores nudas, in oculis
hominum aquas ingredi, ueranda et nates omnibus ostentantes. Risi saepius hoc
tam preclarum spectaculi genus, mente reuocans ad florales ludos; et mecummet
istorum simplicitatem admiratus sum, qui neque ad haec oculos aduertunt, neque
quicquam suspicantur aut loquantur mali.
At uero balnea in domibus priuatorum perpolita sunt, et ipsa uiris feminisque
communia tabulata quidam haec secernunt; et in his fenestressae perplures dimissae,
quibus et una potare simul et colloqui et utrumque uidere et attrectare queant,
ut eorum frequens est consuetudo.
Haec desuper fiunt deambulatoria, in quibus, conspiciendi et confabulandi causa,
homines consistunt. Nam cuiuis licet, uisendi, colloquendi, iocandi ac laxandi, animi
gratia, aliorum balnea adire et praestare, adeo ut et cum exeunt et ingrediuntur
aquas feminae, maiori parte corporis nudae, conspicantur. Nullae aditus custodiae
obseruantur, nulla hostia prohibent, nulla suspicio inhonesti. Pluribus in locis
idem qui uiris et mulieribus quoque ad balnea est ingressus, ut sepissime accidat
et uirum feminae nudae et feminam uiro nudo obuiam ire. Masculi campestribus
tantum utuntur; feminae uero lineis induuntur uestibus, cruratenus ab alto uel latere
scissis ; ita ut neque collum, neque pectus, neque bracchia aut lacertos tegant.
In ipsis aquis saepe de simbolis edunt, composita mensa desuper aquam natante,
quibus uiros assistere consueuerunt. ...
... Chaque maison [de Baden-Baden, Allemagne] possède à l'intérieur des bains particuliers, à l'usage desquels ont seules droit les personnes qui viennent y loger. Le nombre de ces bains, publics ou privés, est d'une trentaine à peu près.
Deux de ces réservoirs livrés au public sont ouverts des deux côtés ; ils servent de lavoirs à la plèbe et aux petites gens. Dans ces banales piscines s'entassent, pêle-mêle, hommes et femmes, jeunes garçons et jeunes filles, et tout le fretin des populations environnantes. Une cloison intérieure, pacifique retranchement, sépare à la vérité les deux sexes; mais il n'en est pas moins
risible de voir entrer dans l'eau des vieilles décrépites en même temps que des jeunes filles, les unes et les autres entièrement nues, et montrant à tout le monde leurs hanches, leurs reins et le reste. Je me suis souvent égayé à ce spectacle qui me rappelait les jeux floraux admirant en moi-même la simplicité de ces bonnes gens, qui ne détournent pas les yeux de pareilles choses et n'y soupçonnent aucun mal.
Les bains des maisons particulières sont plus propres et plus décents. Les deux sexes y sont également séparés par une cloison; mais cette séparation est criblée de petites fenêtres qui permettent aux baigneurs et baigneuses de prendre ensemble des rafraîchissements, de se causer et de se caresser de la main, selon leur habitude favorite.
Au-dessus du réservoir général sont établis des promenoirs qui permettent aux hommes d'aller regarder les dames et de plaisanter avec elles; chacun est libre de passer dans le bain des autres et d'y venir examiner, causer, brocarder, pour se récréer l'esprit. On peut, à sa fantaisie, se placer de manière à voir l'entrée à l'eau et la sortie des baigneuses, qui se montrent à peu près nues ; ces dames n'observent aucune précaution préliminaire; elles ne redoutent aucun danger et ne soupçonnent pas la moindre indécence dans cette naïve façon de prendre les eaux.
Il y a même plusieurs de ces bains particuliers où le passage qui mène à l'eau est commun aux deux sexes, de sorte qu'il arrive très fréquemment qu'une femme dévêtue se heurte à un homme dans le même état de costume, et réciproquement. Le costume des hommes consiste en un simple caleçon; celui des femmes est un léger vêtement de lin ouvert sur le côté, sorte de
peignoir transparent qui ne voile nullement, d'ailleurs, ni le cou, ni la poitrine, ni les bras.
Elles font souvent dans l'eau des repas en pique-nique, servis sur des tables flottantes, auxquels les hommes sont invités. ...
Analyse :
Tony GOUPIL : Une description des bains de Bade par le Pogge Florentin
4. Lecture : Poggio Bracciolini (1380 - 1459) à propos des plaisirs qui se pratiquent à Bade :
Poggio Bracciolini, Lettre : Les bains de Bade au XVe siècle :
... Ita uidebis innumeras, forma praestantes, sine uiris, sine cognatis, duabus ancillis et seruo, aut aliqua affini anicula quam leuius sit fallere quam nutrire. Singulae autem, quoad possunt, uestibus auro et argento, gemmisque ueniunt ornatae ; ut non ad balnea sed ad celeberrimas nuptias eas
dixeris accessisse.
Hic quoque uirgines Vestales, uel ut uerius loquar Florales. Hic abbates, monachi,
fratres, sacerdotes, maiori licentia quam ceteri uiuunt; et simul quandoque cum
mulieribus lauantes, sericis quoque comas ornantes, omni religione abiecta.
Omnibus una mens est tristitiam fugere, quaerere hilaritatem, nihil cogitare nisi
quemadmodum laeti uiuant, gaudiis fruuntur. Non de communi diuidendo agitur,
sed de communicando diuisa.
Mirabile dictu est in tanta multitudine, est fere hominum mille, in tam uariis moribus,
turba tam ebria, nullam discordiam oriri, nullam seditionem, nullum dissidium, nullum murmur, nullum maledictum. Cernunt uiri uxores tractari, cernunt cum alienoribus,
et quidem solum cum sola, nihil bis permouentur, nihil admirantur; omnia bona et
domestica mente fieri cogitant. Itaque nomen zelotypi, quod quasi omnes maritos
oppressit, apud istos locum non habet; incognitum est id uerbum et inauditum.
Nesciunt hoc genus morbi; nomen quo haec passio nominetur non habent. Nec mirum
eius rei nomen apud istos, non esse, cuius res non subsit ipsa; neque enim quisque
adhuc inuentus est in istis qui zelotypus esset.
O mores dissimiles nostris ! qui omnia semper accipimus in deteriores cogitationes;
qui adeo calumniis delectamur et obtrectationibus, ut si quid paruula uidimus
coniectura, statim pro manifesto crimine attestemur. Inuideo persaepe istorum quieti,
et nostras execror animi peruersitates, qui semper quaerimus, semper appetimus,
qui coelum et terras et mare peruertimus ad pecuniam eruendam. Nullo quaestu
contenti, nullo lucro satiati, dum futuras expauescimus calamitates, continuis
calamitatibus, anxietatibusque iactamur; et ne miseri fiamus, nunquam miseri esse
desistimus; semper inhiantes opibus, nunquam neque animo neque corpori indulgentes.
At isti, in paruo contenti, in diem uiuunt; quoslibet dies festos agunt, non appetentes
diuitias minime profuturas; opibus gaudentes suis non pauent futuram. Si quid aduersi
accederit, bono animo ferunt. Ita hac sola ditantur sententia : "Vixit dum uixit bene".
... On voit d'innombrables beautés, au corps superbe, qui abordent à Bade sans mari ni parents, n'ayant qu'un laquais, une ou deux servantes , ou simplement accompagnées de quelque vieille voisine plus facile à tromper qu'à rassasier. La plupart arrivent ornées de tout ce qu'elles possèdent de drap d'or et d'argent, et constellées de pierreries ; tu jurerais qu'elles sont venues plutôt pour célébrer des noces que pour prendre les eaux. Là viennent jusqu'à des vierges vestales ou mieux des prêtresses de Flora la Romaine. Là se pressent également des moines,
des abbés, des frères, des prêtres, qui s'y comportent avec moins de décence souvent que
les autres hommes. Ils semblent dépouiller leur caractère religieux avec leurs vêtements,
et ne se font pas scrupule de se baigner au milieu des femmes, ayant comme elles la chevelure ornée de rubans de soie.
Le but général est de chasser la mélancolie et de se livrer à la joie ; on ne pense qu'à jouir
de tous les fruits de la volupté. La grande préoccupation n'est pas de partager ce qui est en commun, mais bien de mettre en commun ce qui est divisé. Chose extraordinaire, dans ces
réunions composées souvent de près d'un millier d'hommes, dans ces foules ivres de plaisir, aucune discorde ne s'élève, on n'y surprend aucune querelle, aucun désaccord ; on n'y entend aucune parole de colère, aucun murmure.
Les maris regardent tranquillement caresser leurs femmes par ceux mêmes qu'ils n'ont jamais vus. Le tête-à-tête le plus familier ne les émeut ni les étonne; ils acceptent tout avec un esprit bienveillant et vraiment paterne. La passion de jalousie, qui tourmente ailleurs presque
tous les maris, leur est parfaitement inconnue. Ce genre de maladie n'a pas même de nom dans leur langue; elle leur est si étrangère qu'ils n'ont pas même songé à la désigner. Au fait,
comment auraient-ils pu chercher à exprimer le soupçon amoureux, quand on est encore à
découvrir parmi eux un mari véritablement jaloux ? Oh! combien ces moeurs diffèrent des nôtres ! Combien ces philosophes pratiques l'emportent sur nous, qui prenons tout cela en si mauvaise part, qui nous plaisons si fort aux calomnies et aux soupçons, qui sommes si
habiles à changer en crimes manifestes les moindres apparences de privauté !
Que j'envie la placidité de ces braves gens ! et combien je déteste l'extravagance de notre esprit toujours inquiet, toujours dévoré de soucis ! Nous fouillons fiévreusement, sans relâche, les terres et les mers, en quête de l'or; rien ne nous rassasie, nul gain ne nous contente. Nous nous plongeons dans des misères présentes pour éviter les misères à venir ; nous passons sottement notre vie à nous tourmenter le corps et l'àme; nous nous condamnons à une pauvreté réelle et
de tous les moments, pour éviter les douteuses menaces d'une pauvreté imaginaire.
Moins fous mille fois, ces bons Allemands vivent au jour le jour, contents de peu; ils changent en fêtes tous les instants de leur vie, sans rechercher l'excès des richesses; ils usent des biens qu'ils possèdent, sans se tracasser de ce que leur réserve l'avenir. Si quelque adversité
les frappe, ils l'accueillent patiemment, et sont riches surtout de l'adoption de cette belle devise : "Celui-là seul a vécu, qui a bien vécu". {Térence, L'Hécyre, v. 461}
5. ITINERA ELECTRONICA & textes préparés :
- Poggio Bracciolini (1380 - 1459), Dialogue Un vieillard doit-il se marier,
[Traduction française numérisée par nos soins]
latin :
http://pot-pourri.fltr.ucl.ac.be/files/Aclassftp/textes/Pogge_Le/vieillard_se_marier.txt
français :
http://pot-pourri.fltr.ucl.ac.be/files/Aclassftp/textes/Pogge_Le/vieillard_se_marier_fr.txt
- Poggio Bracciolini (1380 - 1459), Lettre Les bains de Bade au XVe siècle,
[Traduction française numérisée par nos soins]
latin :
http://pot-pourri.fltr.ucl.ac.be/files/Aclassftp/textes/Pogge_Le/bains_bade.txt
français :
http://pot-pourri.fltr.ucl.ac.be/files/Aclassftp/textes/Pogge_Le/bains_bade_fr.txt
Jean Schumacher
13 décembre 2013 |