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Date :     30-08-2013

Sujets :
Lecture : Jérôme (Saint ; vers 347 - 420) se voit accusé : Ciceronianus es, non christianus ; Lecture : Francis BACON (1561 - 1626) compare (certaines) expériences scientifiques à des rémores ; ITINERA ELECTRONICA & textes préparés : Irénée de Lyon (vers 130 - 202), Contre les hérésies, Préface (texte grec perdu, connu par la traduction latine du IIIe ou Ve siècle), Francis Bacon, De la dignité et de l'accroissement des sciences, livre III, ch. 4 ;

Notice :

1. Lecture : Jérôme (Saint ; vers 347 - 420) se voit accusé : Ciceronianus es, non christianus :

Jérôme, Lettre XXII à Eustochia : Du soin de conserver la virginité, par. 30 :

[30] Cum ante annos plurimos domo, parentibus sorore, cognatis, et quod his difficilius est, consuetudine lautioris cibi, propter coelorum me regna castrassem, et Ierosolymam militaturus pergerem, Bibliotheca, quam mihi Romae summo studio ac labore confeceram, carere omnino non poteram. Itaque miser ego lecturus Tullium, ieiunabam. Post noctium crebras uigilias, post lacrymas, quas mihi praeteritorum recordatio peccatorum ex imis uisceribus eruebat, Plautus sumebatur in manus. Si quando in memetipsum reuersus, Prophetas legere coepissem, sermo horrebat incultus; et quia lumen caecis oculis non uidebam, non oculorum putabam culpam esse, sed solis. Dum ita me antiquus serpens illuderet, in media ferme Quadragesima medullis infusa febris, corpus inuasit exhaustum: et sine ulla requie (quod dictu quoque incredibile sit) sic infelicia membra depasta est, ut ossibus uix haererem. Interim parantur exequiae, et uitalis animae calor, toto frigescente iam corpore, in solo tantum tepente pectusculo palpitabat: Cum subito raptus in spiritu, ad tribunal iudicis pertrahor; ubi tantum luminis, et tantum erat ex circumstantium claritate fulgoris, ut proiectus in terram, sursum aspicere non auderem. Interrogatus de conditione, Christianum me esse respondi. Et ille qui praesidebat: Mentiris, ait, Ciceronianus es, non Christianus: ubi enim thesaurus tuus, ibi et cor tuum. Illico obmutui, et inter uerbera (nam caedi me iusserat) conscientiae magis igne torquebar, illum mecum uersiculum reputans: 'In inferno autem quis confitebitur tibi'? Clamare tamen coepi, et eiulans dicere: Miserere mei, Domine, miserere mei. Haec uox inter flagella resonabat. Tandem ad praesidentis genua prouoluti qui astabant, precabantur, ut ueniam tribueret adolescentiae, et errori locum poenitentiae commodaret, exacturus deinde cruciatum, si Gentilium litterarum libros aliquando legissem. Ego qui in tanto constrictus articulo, uellem etiam maiora promittere, deierare coepi, et nomen eius obtestans, dicere, Domine, si unquam habuero codices saeculares, si legero, te negaui. In haec sacramenti uerba dimissus, reuertor ad superos; et mirantibus cunctis, oculos aperto tanto lacrymarum imbre perfusos, ut etiam, incredulis fidem facerem ex dolore. Nec uero sopor ille fuerat, aut uana somnia, quibus saepe deludimur. Testis est tribunal illud, ante quod iacui, testis iudicium triste, quod timui: ita mihi nunquam contingat in talem incidere quaestionem. Liuentes fateor habuisse me scapulas, plagas sensisse post somnum, et tanto dehinc studio diuina legisse, quanto non ante mortalia legeram.

[30] Je quittai il y a plusieurs années pays, père, mère, soeur, parents, et, ce qui coûte aussi à quitter, une table où je faisais bonne chère : j’allai à Jérusalem pour y servir Dieu et pour y gagner le royaume du ciel. J'avais avec moi des livres dont je ne pouvais me passer, et que je m'étais procurés à Rome avec beaucoup de peines et de recherches. Ma passion et mon aveuglement étaient alors si grands que je jeûnais pour lire Cicéron. Après de longues et de fréquentes veilles, après des larmes abondantes occasionnées par le souvenir de mes péchés passés, je lisais Plaute; et lorsque; rentrant en moi-même, je lisais les prophètes, leur style dur et incorrect me dégoûtait aussitôt. Aveugle et incapable de voir la lumière; je m'en prenais au soleil au lieu de reconnaître ma folie. Entraîné ainsi par les artifices du démon, il me prit vers la mi-carême une fièvre violente qui, me fatiguant jour et nuit, réduisit mon corps, déjà accablé par de continuelles austérités, à un tel état de maigreur que je n'avais plus que les os. Je commençais déjà à me refroidir. Je n'avais plus qu'un reste de vie qui se révélait par le battement du coeur et l'on se disposait à m'ensevelir, lorsque soudain il me sembla en songe paraître devant un tribunal stupéfait de l'éclatante majesté de ceux qui étaient présents, je restai prosterné contre terre sans oser seulement lever les yeux. «Quelle est votre profession ? » me dit le juge. « Chrétien. » — « Vous en imposez : vous n'êtes pas chrétien, mais cicéronien ; car où est votre trésor là est aussi votre coeur. » Je gardais le silence, plus déchiré par les remords de ma conscience que par les coups de verges qu'on me donnait. (car le juge avait ordonné qu'on me frappât ), et je me rappelais ce verset du Psalmiste : « Qui publiera vos louanges dans l'enfer, Seigneur? » Je me mis à crier et à dire en gémissant : « Ayez pitié de moi, Seigneur ! avez pitié de moi ! » On m'entendait continuellement répéter cette prière au milieu des coups que je recevais. Enfin les spectateurs, s'étant jetés aux pieds du juge, le prièrent de pardonner à ma jeunesse et de m'accorder le temps de faire pénitence de ma faute, sauf, à me punir ensuite rigoureusement si j'y retombais. Quant à moi, dans une telle circonstance j'aurais voulu promettre encore plus : je lui fis les plus grands serments du monde, et, le prenant lui-même à témoin, je lui dis : « Seigneur, s'il m'arrive jamais d'avoir ou de lire des livres profanes, je consens que vous me regardiez comme un homme qui vous a renié. » Aussitôt après je fus mis en liberté. Je revins à moi, et, au grand étonnement de ceux qui entouraient mon lit , je versai des larmes si abondantes que les plus incrédules furent convaincus de la douleur que j'éprouvais. J'en atteste et ce tribunal redoutable devant lequel j'ai comparu et ce jugement rigoureux qui m'a tant effrayé, il n'y avait là ni songe ni vision. Fasse le ciel que je ne sois jamais appliqué à une telle question ! j'avais les épaules meurtries à mon réveil, et je ressentais encore la douleur des coups que j'avais reçus. Aussi ma passion pour l'étude des livres sacrés fut-elle beaucoup plus grande que ne l'avait été ma passion pour les livres profanes.

Référence :

Stephen GREENBLATT, Quattrocento, pp. 107-109 :
Titre original : The Swerve (2011)
Traduction française par Cécile Arnaud.
Paris, Flammarion, 2013, 350 pp.

Après une longue et lente agonie, l'Empire romain d'Occident finit par s'effondrer — le dernier empereur, Romulus Augustule, abdiqua en 476 après Jésus-Christ. Les tribus germaniques qui s'emparèrent peu à peu des provinces n'avaient pas de tradition d'alphabétisation. Les Barbares pénétraient dans les bâtiments publics et occupaient les villas sans hostilité affichée envers la culture, mais sans non plus montrer le moindre intérêt pour la préservation des traces matérielles de cette culture. Les anciens propriétaires de ces villas, réduits en esclavage et déportés dans des fermes lointaines, avaient des biens domestiques plus importants que les livres à sauver et à emporter avec eux. Dans la mesure où les conquérants étaient en majorité chrétiens, ceux qui savaient lire et écrire avaient peu de raison d'étudier les oeuvres des auteurs classiques païens. Comparé aux forces déchaînées de la guerre et de la foi, le Vésuve fut plus clément envers l'héritage de l'Antiquité.
UNE PRESTIGIEUSE TRADITION CULTURELLE, ayant façonné la vie intérieure de l'élite, ne disparaît pas aussi facilement, même chez ceux qui se réjouissent de sa perte. Dans une lettre écrite en 384 de notre ère, Jérôme — le saint savant à qui l'on doit l'histoire de la folie et du suicide de Lucrèce — décrivait la lutte intérieure qu'il menait. Dix ans plus tôt, se souvenait-il, il avait quitté Rome pour se rendre à Jérusalem afin de rompre avec les contingences de ce monde, mais en emportant sa précieuse bibliothèque. Il s'était engagé à discipliner son corps et sauver son âme, mais il ne parvenait pas à renoncer aux plaisirs de l'esprit : "Je jeûnais pour lire Cicéron. Après de longues et de fréquentes veilles, après avoir versé des torrents de larmes, que le souvenir de mes péchés passés faisait couler du fond de mon coeur, je me mettais à lire Plaute." Jérôme pouvait bien savoir que Cicéron était un païen qui affichait le plus grand scepticisme à l'égard de toute affirmation dogmatique, dont celles de la religion, l'élégance de sa prose lui semblait irrésistible. Plaute, c'était encore pire : ses comédies étaient pleines de prostituées, de souteneurs et de profiteurs, mais elles respiraient un humour délicieux. Délicieux, et néanmoins pernicieux, car chaque fois que Jérôme se détournait de ces plaisirs littéraires pour se replonger dans les Écritures, les textes sacrés lui paraissaient frustes et incultes. Son amour pour la beauté et l'élégance du latin était tel que, lorsqu'il décida d'apprendre l'hébreu, il commença par être physiquement rebuté : "Et après avoir goûté avec tant de plaisir les vives et brillantes expressions de Quintilien, la profonde et rapide éloquence de Cicéron, les tours délicats et naturels de Pline, le style grave et majestueux de Fronton, écrivit-il en 411, je m'assujettis à apprendre l'alphabet de la langue hébraïque, et à étudier des mots que l'on ne saurait prononcer qu'en parlant de la gorge et comme en sifflant". Ce qui le sauva, poursuivait-il, ce fut un cauchemar. Il tomba gravement malade et dans son délire rêva qu'il était traîné devant Dieu pour le Jugement. Quand on lui demanda quelle était sa profession, il répondit qu'il était chrétien. Le Juge répliqua sévèrement : « Tu mens ; tu n'es pas chrétien, mais cicéronien » ("ciceronianus es, non christianus"). La réplique, terrible, aurait pu signer sa damnation éternelle, mais le Seigneur, dans sa miséricorde, ordonna que Jérôme ne soit que fouetté. Le pécheur fut absous : « Ceux qui étaient présents à cette exécution, s'étant jetés aux pieds du Seigneur, Le prièrent de pardonner à ma jeunesse et de me donner le temps de faire pénitence de ma faute, dont ils pourraient ensuite me punir rigoureusement si jamais je lisais les auteurs profanes. » À son réveil, Jérôme découvrit que ses épaules étaient couvertes de bleus. ...


2. Lecture : Francis BACON (1561 - 1626) compare (certaines) expériences scientifiques à des rémores :

Francis Bacon, De la dignité et de l'accroissement des sciences, III, ch. 4 :

... Etenim qui causas adduxerit huiusmodi, palpebras cum pilis pro sepi et uallo esse ad munimentum oculorum; aut corii in animalibus firmitudinem esse ad propellendos calores et frigora; aut ossa pro columnis et trabibus a natura induci quibus fabrica corporis innitatur; aut folia arborum emitti quo fructus minus patiantur a sole et uento : aut nubes in sublimi fieri ut terram imbribus irrigent; aut terram densari et solidari ut statio et mansio sit animalium ; et alia similia ; is in Metaphysicis non male ista allegarit, in Physicis autem nequaquam. Imo, quod coepimus dicere, huiusmodi sermonum discursus (instar Remorarum, uti fingunt, nauibus adhaerentium) Scientiarum quasi uelificationem et progressum retardarunt, ne cursum suum tenerent et ulterius progrederentur ; et iampridem effecerunt ut Physicarum Causarum inquisitio neglecta deficeret ac silentio praeteriretur. ...

... En effet, si, pour expliquer certaines dispositions et conformations du corps humain, l'on disait : "que les paupières, avec les poils qui les couvrent, sont comme une haie, comme un rempart pour les yeux"; ou que "la fermeté de la peau, dans les animaux, a pour but de les garantir du chaud et du froid"; ou que "les os sont comme autant de colonnes ou de poutres que la nature a élevées pour servir d'appui à l'édifice du corps humain"; ou encore que "les arbres poussent des feuilles afin d'avoir moins à souffrir de la part du soleil ou des vents"; que "les nuages se portent vers la région supérieure, afin d'arroser la terre par des pluies; ou enfin, que "la terre a été condensée et consolidée, afin qu'elle pût servir de demeure stable, de base aux animaux", et autres choses semblables, on n'aurait pas tort d'alléguer de telles raisons en métaphysique; mais en physique, elles sont tout-à-fait déplacées. Disons donc (et c'est ce que nous avons déjà commencé à dire), que toutes les explications de cette espèce sont semblables à ces rémores, qui, comme l'ont imaginé certains navigateurs, s'attachent aux vaisseaux et les arrêtent; que ces explications ont pour ainsi dire retardé la navigation et la marche des sciences, les ont empêchées de se tenir dans leur vraie route, et les ont comme forcées de rester là. ...


3. ITINERA ELECTRONICA & textes préparés :

  • Francis Bacon (1561 - 1626), De la dignité et de l'accroissement des sciences, III, ch. 4 [Texte latin et traduction française numérisés par nos soins]
    latin :
    http://pot-pourri.fltr.ucl.ac.be/files/Aclassftp/textes/BACON/de_dign_augm_sc_lv03_ch04.txt
    français :
    http://pot-pourri.fltr.ucl.ac.be/files/Aclassftp/textes/BACON/de_dign_augm_sc_lv03_ch04_fr.txt

  • Irénée de Lyon (vers 130 - 202), Contre les hérésies, Préface [Texte latin numérisé par nos soins et traduction française reprise au site de Philippe Remacle]
    latin :
    http://pot-pourri.fltr.ucl.ac.be/files/Aclassftp/textes/IRENAEUS/contra_haereses_praefatio.txt
    français :
    http://pot-pourri.fltr.ucl.ac.be/files/Aclassftp/textes/IRENAEUS/contra_haereses_praef_fr.txt



 
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Dernière mise à jour : 17/02/2002