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Date :     28-02-2013

Sujets :
Lecture : Francis BACON (1561 - 1626) : La fable (de l'énigme) du Sphinx paraît être une allégorie de la science ; Lecture : Francis BACON (1561 - 1626) : à propos de la superstition et de l'athéisme ; ITINERA ELECTRONICA : 5 nouveaux environnements hypertextes : Jérôme Fracastor, Francis Bacon (x 3), Yves de Chartres ;

Notice :

1. Lecture : Francis BACON (1561 - 1626) : La fable (de l'énigme) du Sphinx paraît être une allégorie de la science :

Francis Bacon, De la sagesse des anciens, XXVIII, 2 :

[28,2] Fabula elegans, nec minus prudens est ; atque uidetur conficta de scientia, praesertim coniuncta practicae. Siquidem scientia non absurde monstrum dici possit, cum ignorantibus et imperitis prorsus admirationi sit. Figura autem et specie multiformis est, ob immensam uarietatem subiecti, in qua scientia uersatur : uultus et uox affingitur muliebris ob gratiam et loquacitatem : adduntur alae, quia scientiae et earum inuenta momento discurrunt et uolant, cum communicatio scientiae sit instar luminis de lumine, quod affatim incenditur. Elegantissime autem attribuuntur ungues acuti et adunci ; quia scientiae axiomata et argumenta penetrant mentem, eamque prehendunt et tenent ut mouere et elabi non possit : quod et sanctus philosophus notauit : "Verba sapientum", inquit, "sunt tanquam aculei, et ueluti claui in altum defixi". Omnis autem scientia collocata uidetur in arduis et editis montium. Nam res sublimis merito putatur et excelsa, et ignorantiam tanquam ex superiore loco despiciens, atque etiam late et undequaque speculatur et prospicit, ut in uerticibus montium fieri solet. Vias autem obsidere fingitur scientia, quia ubique in itinere isto, siue peregrinatione uitae humanae, materia et occasio contemplationis se ingerit et occurrit. Proponit autem Sphinx quaestiones et aenigmata mortalibus uaria et difficilia, quae accepit a Musis. Ea tamen quamdiu apud Musas manent, saeuitia fortasse curent ; donec enim nullus alius finis meditationis et disquisitionis sit praeter ipsum scire, intellectus non premitur, nec in arcto ponitur, sed uagatur et exspatiatur, atque in ipsa dubitatione et uarietate nonnullam iucunditatem et delectationem sentit : sed postquam a Musis huiusmodi aenigmata ad Sphingem transmissa sunt, id est, ad practicam, ut instet et urgeat actio, et electio, et decretum : tum demum aenigmata molesta et saeua esse incipiunt, et, nisi soluantur et expediantur animos hominum miris modis torquent et uexant, et in omnes partes distrahunt et plane lacerant. Proinde in aenigmatibus Sphingis duplex semper proponitur conditio ; non soluenti mentis laceratio; soluenti imperium. Qui enim rem callet, in fine suo potitur, atque omnis artifex operi suo imperat.

[28,2] Cette fable ingénieuse et pleine de sens paraît figurer allégoriquement la science, surtout lorsque la pratique y est jointe à la théorie. En effet, on peut regarder la science comme une sorte de monstre, attendu qu'elle excite l'admiration ou plutôt le stupide étonnement des ignorants qui la regardent comme une espèce de prodige. II est dit que la forme du Sphinx participait de celles de différentes espèces d'animaux, à cause de l'étonnante diversité des êtres qui peuvent être tes objets des contemplations humaines. Ce visage et cette voix de jeune fille représentent les discours agréables des savants, qui, pour le dire en passant, sont aussi un peu bavards. Les ailes du Sphinx signifient que les sciences et leurs inventions se répandent aussitôt et volent en tous lieux ; car la science se communique aussi aisément que la lumière; et un seul flambeau suffit pour en allumer un grand nombre d'autres. C'est aussi avec raison qu'on donne au Sphinx des ongles très aigus et recourbés; car les principes et les arguments des sciences pénètrent l'esprit, s'en saisissent et le maîtrisent à tel point, qu'il reste subjugué par la force des raisons et ne peut résister à la conviction ; c'est une observation qu'a faite Salomon lui-même : "Les paroles du sage", dit-il, "sont comme autant d'aiguillons ou de clous enfoncés profondément" (Cfr. Proverbes, I, 6). Or, toute science semble être placée sur une montagne escarpée : c'est avec fondement qu'on la regarde comme quelque chose de sublime et d'élevé; car, de cette hauteur où la science est placée, elle semble abaisser ses regards sur l'ignorance, et les promener sur l'espace immense qui l'environne, comme on le peut faire du sommet d'une montagne très élevée. On ajoute que le Sphinx infestait les chemins; parce que, dans le pélerinage de cette vie, l'homme trouve partout l'occasion de s'instruire et des sujets de méditation. Le Sphinx propose aux passants des questions obscures, des énigmes difficiles à expliquer, et que les muses lui ont apprises. Cependant, tant que ces énigmes ne sont connues que des muses, il ne s'y joint aucune teinte de cruauté. Car, tant que le but des méditations et des recherches se borne au seul plaisir de savoir, de s'instruire, l'entendement est à son aise et aucune nécessité ne le presse ; il ne fait alors qu'errer, et, pour ainsi dire, se promener en toute liberté; la diversité des sujets qu'il médite est agréable, et ses doutes mêmes ne sont pas sans plaisir. Mais sitôt que les énigmes passent des muses au Sphinx, c'est-à-dire, lorsqu'il faut appliquer la théorie à la pratique, faire un choix entre plusieurs moyens, former une résolution fixe, prendre son parti sur-le-champ et passer aussitôt à l'exécution, alors ces énigmes ne sont plus un amusement, et, si l'on n'en trouve le mot, elles deviennent une source d'inquiétudes, l'esprit est tiraillé en tous sens et l'âme est déchirée; c'est un vrai supplice. En conséquence, à ces énigmes proposées par le Sphinx, sont jointes deux conditions de natures bien opposées ; celui qui ne peut les résoudre, est conduit au supplice de l'incertitude et de l'irrésolution ; au lieu que celui qui les résout, obtient une couronne : car tout homme qui ne se mêle que des affaires qu'il entend, arrive à son but, ou, ce qui est la même chose, il est couronné par le succès, et tout habile ouvrier commande à son ouvrage; il est maître et comme roi de la chose.


Lecture : Francis BACON (1561 - 1626) : à propos de la superstition et de l'athéisme :

Francis Bacon, Sermones fideles siue interiora rerum, Sermo XVII, 1 :

[17,1] Praestat nullam aut incertam de Deo habere opinionem, quam contumeliosam, et Deo indignam : alterum enim infidelitatis est, alterum impietatis et opprobrii. Ac superstitio certe diuinitatis est dedecus. Plutarchus non abs re inquit : "Mallem sane multo, ut homines dicerent, nunquam fuisse talem in rerum natura uirum, qualis ferebatur Plutarchus; quam ut dicerent, fuisse quendam Plutarchum, qui liberos suos recens natos, comedere et deuorare solitus erat; quod poetae de Saturno memorant". Quemadmodum autem contumelia superstitionis ingrauescit aduersus Deum ; ita et periculum maius illa incumbit hominibus. Atheismus non prorsus conuellit dictamina sensus, non philosophiam, affectus naturales, leges, bonae famae desiderium ; quae omnia, licet religio abesset, morali cuidam uirtuti externae conducere possunt: at superstitio haec omnia deiicit, et tyrannidem absolutam in animis hominum exercet. Itaque atheismus turbas in rebuspublicis raro ciet : homines enim cautos reddit, et securitati suae consulentes. Quin et uidemus tempora ipsa, in atheismum procliuiora (qualia fuerunt Augusti Caesaris) tranquilla fuisse. At superstitio compluribus regnis et rebuspublicis ruinae fuit : introducit enim nouum primum mobile, quod omnes imperii sphaeras rapit. Magister superstitionis populus ; atque in omni superstitione sapientes stultis obsequuntur; atque argumenta practicae succumbunt, ordine peruerso. …

[17,1] Il vaut mieux n'avoir aucune idée de Dieu, que d'en avoir une idée indigne de lui, l'un n'étant qu'ignorance ou incrédulité; au lieu que l'autre est une injure et une impiété; car on peut dire avec fondement que la superstition est injurieuse à la divinité. Certes, dit le judicieux Plutarque, j'aimerais mieux qu'on dit que Plutarque n'existe point, que d'entendre dire qu'il existe un certain homme appelé Plutarque, qui mange tous ses enfants aussitôt après leur naissance, comme les poètes le disent de Saturne. Et comme la superstition est plus injurieuse à Dieu que l'irréligion, elle est aussi plus dangereuse pour l'homme; l'athéisme du moins lui laisse encore beaucoup d'appuis et de guides, tels que la philosophie, les sentiments de tendresse qu'inspirent la nature même, les lois; l'amour de la gloire, le désir d'une bonne réputation; toutes choses qui suffiraient pour le conduire à un certain degré de vertu morale, du moins extérieure, en supposant même qu'il soit tout-à-fait sans religion. Au lieu que la superstition renverse tous ces appuis, et établit dans les âmes humaines un vrai despotisme. Aussi l'athéisme n'a-t-il jamais troublé la paix des empires; car il rend les individus très prudents par rapport à ce qui les regarde eux-mêmes, et fait qu'ils ne s'occupent que de leur propre sûreté, sans s'embarrasser de tout le reste. Nous voyons aussi que les temps les plus enclins à l'athéisme, sont les temps de paix et de tranquillité, tels que celui d'Auguste : au lieu que la superstition a bouleversé plusieurs états en y introduisant un nouveau premier mobile qui, en imprimant son mouvement violent à toutes les sphères du gouvernement, démontait tout le système politique. Le plus habile maître, en fait de superstition, c'est le peuple; car dans toute ce qui tient aux opinions de cette nature, les sages sont forcés de céder aux fous; et en renversant l'ordre naturel, on ajuste tous les raisonnements aux usages établis. …

Référence :

Plutarque, Œuvres morales, De la superstition, 10 :

… τί σὺ λέγεις; ὁ μὴ νομίζων θεοὺς εἶναι ἀνόσιός ἐστιν; ὁ δὲ τοιούτους νομίζων οἵους οἱ δεισιδαίμονες, οὐ μακρῷ δόξαις ἀνοσιωτέραις σύνεστιν; ἐγὼ γοῦν ἂν ἐθέλοιμι μᾶλλον τοὺς ἀνθρώπους λέγειν περὶ ἐμοῦ μήτε γεγονέναι τὸ παράπαν μήτ´ εἶναι Πλούταρχον ἢ λέγειν ὅτι Πλούταρχός ἐστιν ἄνθρωπος ἀβέβαιος εὐμετάβολος, εὐχερὴς πρὸς ὀργήν, ἐπὶ τοῖς τυχοῦσι τιμωρητικός, μικρόλυπος· ἂν καλῶν ἐπὶ δεῖπνον ἑτέρους παραλίπῃς ἐκεῖνον, ἂν ἀσχολίας σοι γενομένης ἐπὶ θύρας μὴ ἔλθῃς ἢ μὴ προσείπῃς, διέδεταί σου τὸ σῶμα προσφὺς ἢ συλλαβὼν ἀποτυμπανιεῖ τὸ παιδίον, ἢ θηρίον ἔχων τοῖς καρποῖς ἐφήσει καὶ λυμανεῖται τὴν ὀπώραν. …

Qu'est-ce à dire? Celui qui ne croit pas à l'existence des dieux est-il un sacrilège ? et celui qui les croit tels que les superstitieux se les figurent, n'est-il pas dans des opinions bien plus sacrilèges encore ? Pour ma part, j'aimerais beaucoup mieux que l'on dît de moi : « Plutarque n'a jamais existé, Plutarque n'existe pas », que si on disait : « Plutarque est un homme sans principes, un homme inconstant, irascible, vindicatif, se chagrinant pour des bagatelles. Si vous en avez invité d'autres à dîner et que vous ayez laissé de côté ce même Plutarque ; si, retenu pour vos affaires, vous ne vous êtes pas présenté à sa porte, ou bien si vous ne lui avez pas adressé la parole, il s'élancera sur vous et vous mangera, ou bien il saisira votre petit enfant et le rouera de coups, ou bien il aura quelque bête sauvage qu'il lâchera sur vos moissons et qui dévorera vos fruits mûrs ».


3. ITINERA ELECTRONICA & environnements hypertextes :

Cette semaine-ci, Christian RUELL a pu confectionner 5 nouveaux environnements hypertextes :

  • Jérôme Fracastor (Girolamo Fracastoro, 1478/1483 - 1553), La Syphilis, livre I [Texte latin et traduction française (en vers; très libre) numérisés par nos soins]
  • Francis Bacon (1561 - 1626), De la sagesse des anciens, XXVIII : Le Sphinx, ou la science [Texte latin et traduction française numérisés par nos soins]
  • Francis Bacon (1561 - 1626), Sermones fideles siue interiora rerum, Sermo XVII : De la superstition [Traduction française numérisée par nos soins]
  • Francis Bacon (1561 - 1626), Sermones fideles siue interiora rerum, Sermo XL : De la jeunesse et de la vieillesse [Traduction française numérisée par nos soins]
  • Yves de Chartres (vers 1040 - vers 1116), Lettres, Lettre I : A Aimery, frère de bonne espérance [Traduction française reprise au site de Philippe Remacle]

Les textes bruts de ces oeuvres sont disponibles dans le Dépôt ITINERA ELECTRONICA.


Jean Schumacher
1er mars 2013


 
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Analyse, design et réalisation informatiques : B. Maroutaeff - J. Schumacher

Dernière mise à jour : 17/02/2002