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Date :     16-10-2009

Sujets :
Fiches de lecture : 9 ajouts; Lecture : Simone BERTIÈRE : Un signal de feu annonce la chute de Troie; Heuristique : Autour d'Iphigénie ; HODOI ELEKTRONIKAI : 7 nouveaux environnements hypertextes : Eschyle (x 4), Euripide, Sophocle (x 2);

Notice :

1. Fiches de lecture :

  • Adresse du site : Lectures (site arrêté à la date du 18 mai 2006)
  • Base de données : Fiches (depuis le 19 mai 2006)

  • Ajouts : consultation des ==> Nouveautés <==

Les Nouveautés concernent :

  • ==> GREC :

  • ESCHYLE, Les Euménides et Les Perses
  • EURIPIDE, Électre
  • SOPHOCLE, Ajax

  • Clytemnestre justifie l'assassinat d'Agamemnon, son mari
  • Athéna institue le tribunal de l'Aréopage
  • La bataille de Salamine entre les flottes Grecques et Perses
  • Darius condamne la démesure de son fils Xerxès : relier l'Asie à l'Europe par un pont
  • Ulysse : Dans la vie nous ne sommes qu'une ombre vaine
  • Ajax à Tecmesse : Femme, le silence est la parure de ton sexe
  • Ajax : vivre ou mourir avec gloire, est le devoir d'un homme de cœur
  • Ajax : les dons d'un ennemi ne sont point des dons et n'ont rien que de fatal
  • Ulysse à Agamemnon : L'homme de bien ne doit pas poursuivre, après la mort, celui même dont il aurait été l'ennemi pendant sa vie


2. Lecture : Un signal de feu annonce la chute de Troie :

Livre : Simone BERTIÈRE, Apologie de Clytemnestre
Paris, Éditions du Fallois, 2004, 296 pp.

Extrait : pp. 172-173 :

"... Hector était l'âme de la résistance troyenne. À la nouvelle de sa mort, nous [Clytemnestre et Égisthe] sûmes que la ville était perdue. Pour elle comme pour nous le compte à rebours avait commencé. Quelle serait l'échéance ? Selon les oracles, Achille devait périr dans cette guerre. Nous nous bercions de l'espoir que l'invulnérabilité conférée par les eaux du Styx lui permettrait de tenir longtemps. Certes un de ses talons était vulnérable, mais il n'avait pas coutume de les présenter à l'ennemi, il se battait de face. C'est au talon pourtant que l'atteignit un trait lancé par Pâris. Le plus valeureux des héros tué par le plus lâche ? Non, bien sûr ! Apollon en personne guida la flèche, ou peut-être tendit l'arc lui-même. Achille mourait invaincu, sa gloire intacte. Et le sort de Troie était scellé.

Le nôtre aussi, à Égisthe et à moi. Les chiens sombres d'Arès avaient épargné Agamemnon. Il ne tarderait pas à rentrer. Nous serions les premiers en Grèce à apprendre la chute de la ville, grâce aux courriers de feu imaginés par mon époux. Car lorsque la guerre, au bout de la neuvième année, parut proche de son terme, il fit installer, entre Troie et Mycènes, une série de relais disposés sur des hauteurs, à portée de vue les uns des autres. Dansant de promontoire en rocher, bondissant au-dessus des plaines et survolant la vaste croupe des mers, les hautes flammes, plus rapides que le vent, transmettraient le message triomphal. L'initiative m'en fut parfois attribuée, à tort. L'entreprise eût excédé mes modestes moyens. C'était bien une idée de lui, d'ailleurs, que de défier ainsi le temps et l'espace pour clamer sa victoire à la face du monde. Conformément à ses ordres, je postai chaque soir sur notre toit un vieux serviteur, dernier maillon de la chaîne lumineuse partie du mont Ida en Troade, pour scruter l'horizon en quête de la lueur messagère.

"Iou, iou", son appel strident nous tira du sommeil en pleine nuit. "Que l'épouse d'Agamemnon quitte son lit, qu'elle se lève en hâte ! Que ses cris d'allégresse montent dans le palais pour bénir ce fanal ! Oui, la ville de Troie est prise ! Le signal de feu nous l'annonce !"

Je me levai, je me ruai dehors. Sur la cime du mont Arachné, un brasier flamboyait tout proche, secouant sa crinière échevelée, si lumineux qu'on l'eût pris pour l'aurore, à minuit. Je fis ce qu'on attendait de moi. J'ordonnai des actions de grâces. Bientôt Mycènes embauma du parfum des huiles douces qu'on brûlait sur les autels en hommage à tous les dieux protecteurs de la ville, ceux d'en haut et ceux de dessous la terre, ceux des seuils, ceux de la Grand Place. Et dans chaque foyer montaient les bénédictions. ..."

Témoignage : ESCHYLE, Agamemnon, vers 1 à 35

(ΦΥΛΑΞ) 1 Θεοὺς μὲν αἰτῶ τῶνδ´ ἀπαλλαγὴν πόνων,
φρουρᾶς ἐτείας μῆκος, ἣν κοιμώμενος
στέγαις Ἀτρειδῶν ἄγκαθεν, κυνὸς δίκην,
ἄστρων κάτοιδα νυκτέρων ὁμήγυριν,
καὶ τοὺς φέροντας χεῖμα καὶ θέρος βροτοῖς
λαμπροὺς δυνάστας, ἐμπρέποντας αἰθέρι ἀστέρας, ὅταν φθίνωσιν, ἀντολάς τε τῶν. καὶ νῦν φυλάσσω λαμπάδος τὸ σύμβολον,
αὐγὴν πυρὸς φέρουσαν ἐκ Τροίας φάτιν

ἁλώσιμόν τε βάξιν? ὧδε γὰρ κρατεῖ
γυναικὸς ἀνδρόβουλον ἐλπίζον κέαρ.
εὖτ´ ἂν δὲ νυκτίπλαγκτον ἔνδροσόν τ´ ἔχων
εὐνὴν ὀνείροις οὐκ ἐπισκοπουμένην
ἐμήν, φόβος γὰρ ἀνθ´ ὕπνου παραστατεῖ,
τὸ μὴ βεβαίως βλέφαρα συμβαλεῖν ὕπνῳ.
ὅταν δ´ ἀείδειν ἢ μινύρεσθαι δοκῶ,
ὕπνου τόδ´ ἀντίμολπον ἐντέμνων ἄκος,
κλαίω τότ´ οἴκου τοῦδε συμφορὰν στένων
οὐχ ὡς τὰ πρόσθ´ ἄριστα διαπονουμένου.
νῦν δ´ εὐτυχὴς γένοιτ´ ἀπαλλαγὴ πόνων
εὐαγγέλου φανέντος ὀρφναίου πυρός.
ὦ χαῖρε λαμπτήρ, νυκτὸς ἡμερήσιον
φάος πιφαύσκων καὶ χορῶν κατάστασιν
πολλῶν ἐν Ἄργει, τῆσδε συμφορᾶς χάριν.
25 ἰοὺ ἰού.
Ἀγαμέμνονος γυναικὶ σημαίνω τορῶς
εὐνῆς ἐπαντείλασαν ὡς τάχος δόμοις
ὀλολυγμὸν εὐφημοῦντα τῇδε λαμπάδι
ἐπορθιάζειν, εἴπερ Ἰλίου πόλις
ἑάλωκεν, ὡς ὁ φρυκτὸς ἀγγέλλων πρέπει?
αὐτός τ´ ἔγωγε φροίμιον χορεύσομαι.
τὰ δεσποτῶν γὰρ εὖ πεσόντα θήσομαι
τρὶς ἓξ βαλούσης τῆσδέ μοι φρυκτωρίας.
γένοιτο δ´ οὖν μολόντος εὐφιλῆ χέρα
ἄνακτος οἴκων τῇδε βαστάσαι χερί.

(LE SURVEILLANT) 1 Dieux ! ne mettrez-vous point fin à mes travaux ! Des années s'écoulent, depuis que, placé, ainsi qu'un chien fidèle, au haut du palais des Atrides, je considère l'assemblée nocturne des étoiles, et le lever et le coucher de ces deux flambeaux du ciel, de ces deux princes brillants des astres, qui ramènent aux mortels l'hiver et l'été. J'attends le signal éclatant du feu qui doit annoncer la prise d'Ilion ; ainsi le veulent les insidieux desseins d'une épouse. Cependant, je ne quitte point cette couche inquiète et mouillée de la rosée; couche, que jamais ne visitent les songes, car la crainte en chasse le sommeil, et empèche qu'il ne ferme mes paupières. Lorsqu'on croit que, par des chansons ou par des airs, je charme la fatigue de mes veilles, je ne fais que pleurer sur le sort de ce palais, qui n'est plus gouverné sagement comme autrefois. Mais, grâce aux bieux, voici la fin de mes travaux ; l'heureux signal perce l'obscurité ... Salut, o flambleau de la nuit, ô toi, qui fais luire un jour de douceur, qui ramènes les fêtes de la victoire dans Argos ! quelle joie ! quelle joie! Portons cette nouvelle à l'épouse d'Agamemnon; éveillons-la : que dans son palais le cri de l'allégresse salue ce flambeau, puisqu'enfin Troie est prise ; ce feu brillant m'en assure. Ah ! c'est moi qui préluderai dans la fête ; c'est par moi que mes maitres sauront leur bonheur : mes veilles n'ont point été perdues. Puissé-je, à son retour, tenir dans cette main la main de mon roi ! ...

Référence (reprise aux Folia Electronica Classica [FEC]) :

Brigitte COLLARD, Les langages secrets dans l'Antiquité gréco-romaine :

"... III. Les signaux lumineux

 

Durant l’Antiquité, les signaux de feu furent fréquemment utilisés pour transmettre un message d’un endroit à l’autre. Dans la mythologie grecque aussi, le feu joue souvent le rôle de messager. La nouvelle de la chute de Pergame serait parvenue de Troie jusqu’à la forteresse d’Agamemnon à Mycènes grâce à de tels signaux. Dans l’Agamemnon (8-10; 20-21), Eschyle  commence sa pièce par un monologue du veilleur qui aspire à voir la lumière, signal de victoire :

 

« Ah ! puisse donc luire aujourd’hui l’heureuse fin de mes peines et le feu messager de joie illuminer les ténèbres ! » (20-21)

 

Le sens de ces quelques mots est révélé de la bouche de Clytemnestre lorsqu’elle affirme au coryphée que Troie a été prise pendant la nuit. Sa source est fiable puisqu’elle avait convenu avec Agamemnon que l’annonce de la prise de Troie lui parviendrait promptement grâce à des relais de feu. Dès qu’Ilion fut prise, un feu brilla sur l’Ida, feu que d’autres postes ont allumé pour transmettre la nouvelle. Au total, la flamme étincela en neuf relais[3] : Ida, le roc d’Hermès à Lemnos, le mont Athos, le Makistos en Eubée, le Messapios, le roc du Cithéron, l’Epiglancte, le mont d’Arachné et Mycènes.

 

« Et c’est là l’indice, […] le signal que mon époux m’a lui-même transmis de Troie. » (Esch., Ag., 315-316)

 

Ce système de fanaux permet la transmission d’un message sur une longue distance. Même s’il n’a aucune intention secrète, ce feu n’est compris que par ceux qui sont dans la confidence. ..."


3. Heuristique : Autour d'Iphigénie :

  • Premier mouvement : Faut-il tenir toutes les promesses ? :

    CICÉRON, Des devoirs, livre III, 25 :

    Quid? quod Agamemnon cum deuouisset Dianae, quod in suo regno pulcherrimum natum esset illo anno, immolauit Iphigeniam, qua nihil erat eo quidem anno natum pulchrius. Promissum potius non faciendum, quam tam taetrum facinus admittendum fuit.

    Et Agamemnon ? Il avait fait voeu d'immoler à Diane ce que l'année verrait naître de plus beau et il sacrifia Iphigénie qui se trouva précisément être ce que l'année avait produit de plus beau. Mieux eût valu manquer à sa promesse que de commettre un crime si noir.

  • Deuxième mouvement : Quelle victime faut-il immoler ? :

    DICTYS de Crète, Ephémérides de la guerre de Troie, livre I, 22 :

    [Achilles] ... propere ad lucum pergit, magna uoce Menelaum, et qui cum eo erant, inclamans, ab inquietudine Iphigeniae cohiberent sese, comminatus perniciem, ni paruissent. Mox attonitis his atque obstupefactis, ipse superuenit, reformatoque iam die uirginem abstrahit. Interim deliberantibus cunctis quidnam et ubi esset, quod immolari iuberetur, cerua forma corporis admiranda, ante ipsam aram intrepida consistit. Eam praedictam hostiam rati, oblatamque diuinitus comprehendere, moxque immolant. Quibus peractis sedata lues, instarque aestiui temporis reseratum est caelum. Caeterum uirginem [Iphigeniam] Achilles, atque hi, qui sacrificio praefuere, clam omnes regi Scytharum, qui eo tempore aderat, commendauere.

    ... il [Achille] quitte tout et court vers le bois. Là, de loin, il appelle à haute voix Ménélas et sa suite, leur défend de toucher à Iphigénie, et les menace de sa colère s'ils ne lui obéissent. Le jour était éclairci : il approche, les voit effrayés et s'empare d'Iphigénie. Cependant ceux-ci se demandaient quelle serait et où se trouverait la victime qu'il leur était enjoint d'immoler, lorsqu'une biche d'une grande beauté s'arrêta devant l'autel, sans témoigner la moindre crainte ; persuadés que c'était là cette victime prescrite, ils la reçoivent comme un présent du ciel, et l'immolent aussitôt. Ils avaient à peine achevé le sacrifice, que le fléau cessa, le ciel se découvrit, et l'air reprit cette sérénité parfaite qu'on lui voit en un temps d'été. Cependant Achille, et ceux qui avaient présidé à la cérémonie, recommandèrent secrètement la princesse au roi des Scythes qui était avec eux, et la confièrent à ses soins.

  • Troisième mouvement : Comment mesurer la douleur d'un père ? :

    VALÈRE MAXIME, Des faits et des paroles mémorables, livre VIII, 11 :

    8.11.ext.6 Quid ille alter aeque nobilis pictor luctuosum immolatae Iphigeniae sacrificium referens, cum Calchantem tristem, maestum Vlixen, {clamantem Aiacem} lamentantem Menelaum circa aram statuisset, caput Agamemnonis inuoluendo nonne summi maeroris acerbitatem arte non posse exprimi confessus est? itaque pictura eius aruspicis et amici et fratris lacrimis madet, patris fletum spectantis adfectu aestumandum reliquit.

    Que dirais-je de cet autre peintre non moins célèbre qui présenta le sacrifice si douloureux d’Iphigénie ? Après avoir placé autour de l'autel Calchas l'air abattu, Ulysse consterné, Ménélas poussant des plaintes, il couvrit d'un voile la tête d'Agamemnon : n'était-ce pas avouer que l'art ne saurait exprimer la douleur la plus profonde et la plus amère ?

  • Quatrième mouvement : Bis repetita [non] placent ? :

    SÉNÈQUE, Les Troyennes, vers 286 - 339 : Agamemnon parle à Pyrrhus, fils d'Achille, à propos de Polyxène, fille de Priam, que Pyrrhus veut immoler :

    ... Quidquid euersae potest Superesse Troiae, maneat ; exactum satis Poenarum, et ultra est : regia ut uirgo occidat, Tumuloque donum detur, et cineres riget,

    [290] Et facinus atrox caedis ut thalamos uocent, Non patiar ; in me culpa cunctorum redit : Qui non uetat peccare, quum possit, iubet.
    (Pyrrhus) Nullumne Achillis praemium manes ferent ?
    (Agamemnon) Ferent ; et illum laudibus cuncti canent ; 295 Magnumque terrae nomen ignotae audient. Quod si leuatur sanguine infuso cinis, Opima Phrygii colla caedantur gregis, Fluat nulli flebilis matri cruor. Quis iste mos est, quando in inferias homo est

    [300] Impensus homini ? Detrahe inuidiam tuo Odiumque patri, quem coli poena iubes
    (Pyrrhus) O tumide, rerum dum secundarum status Extollit animos ; timide, quum increpuit metus ! Regum tyranne, iamne flammatum geris 305 Amore subito pectus, ac ueneris nouae ? Solusne toties spolia de nobis feres ? Hac dextra Achilli uictimam reddam suam : Quam si negas retinesque, maiorem dabo, Dignamque quam det Pyrrhus : et nimium diu

    [310] A caede nostra regia cessat manus, Paremque poscit Priamus.
    (Agamemnon) Haud equidem nego Hoc esse Pyrrhi maximum in bello decus, Saeuo peremtus ense quod Priamus iacet, Supplex paternus.
    (Pyrrhus) Supplices nostri patris 315 Hostesque eosdem nouimus. Priamus tamen Praesens rogauit : tu graui pauidus metu Nec ad rogandum fortis, Aiaci preces Ithacoque mandas, clusus, atque hostem tremens.
    (Agamemnon) At non timebat tunc tuus, fateor, parens,

    [320] Interque caedes Graeciae, atque ustas rates, Segnis iacebat, belli et armorum immemor, Leui canoram uerberans plectro chelym.
    (Pyrrhus) Tunc magnus Hector, arma contemnens tua, Cantus Achillis timuit : et tanto in metu 325 Naualibus pax alta Thessalicis fuit. (Agamemnon) Nempe iisdem in istis Thessalis naualibus Pax alta rursus Hectoris patri fuit.
    (Pyrrhus) Est regis alti, spiritum regi dare.
    (Agamemnon) Cur dextra regi spiritum eripuit tua ?

    [330] (Pyrrhus) Mortem misericors saepe pro uita dabit.
    (Agamemnon) Et nunc misericors uirgines busto petis.
    (Pyrrhus) Iamne immolari uirgines credis nefas ?
    (Agamemnon) Praeferre patriam liberis regem decet.
    (Pyrrhus) Lex nulla capto parcit, aut poenam impedit.
    335 (Agamemnon) Quod non uetat lex, hoc uetat fieri pudor.
    (Pyrrhus) Quodcumque libuit facere uictori, licet.
    (Agamemnon) Minimum decet libere, cul multum licet.
    (Pyrrhus) His ista iactas, quos, decem annorum graui Regno subactos, Pyrrhus exsoluit iugo? ...

    ... Épargnons le peu qui reste de Troie : c'est assez et trop de carnage. Mais que je laisse égorger la fille d'un roi; qu'on l'immole de sang-froid sur un tombeau; que son sang arrose une cendre insensible;

    [290] qu'on ose appeler hyménée une pareille barbarie, non, je ne le souffrirai pas : le crime de tous retomberait sur moi : ne pas empêcher un crime quand on le peut, c'est l'ordonner.
    (Pyrrhus) Ainsi les mânes d'Achille n'obtiendront aucune récompense.
    (Agamemnon) Il aura la plus belle : son nom sera célébré par toutes les bouches, et parviendra jusque chez les peuples les plus reculés. Que s'il faut du sang pour apaiser son ombre, faisons couler sur sa tombe celui des plus beaux troupeaux de la Phrygie; mais n'en répandons point qui coûterait des larmes à une mère. Quelle est cette coutume barbare d'immoler des hommes à un homme qui n'est plus?

    [300] Cessez de réclamer pour votre père un sacrifice affreux, qui, loin de l'honorer, rendrait sa mémoire odieuse.
    (Pyrrhus) Homme orgueilleux quand la fortune vous sourit, timide au moment du danger, tyran des rois, l'amour aurait-il allumé tout à coup dans votre coeur une passion nouvelle? Seul, prétendez-vous dépouiller toujours notre famille? Cette main saura bien rendre à Achille la victime qui lui appartient ; ou si vous persistez dans vos refus, je lui en immolerai une plus grande, et plus digne de lui être offerte par Pyrrhus. Il y a trop longtemps que mon bras ne s'est rougi du sang d'un roi :

    [310] Priam demande un compagnon.
    (Agamemnon) Je ne saurais nier que le plus glorieux exploit de Pyrrhus ne soit d'avoir percé de son épée cruelle le vieux Priam, le suppliant d'Achille.
    (Pyrrhus) Je sais que les ennemis de mon père ont été réduits à l'implorer; mais Priam du moins est venu le trouver. Vous, en proie à de lâches terreurs, enfermé dans votre tente, n'ayant pas même le courage de demander grâce et d'aborder votre ennemi, vous avez mis Ajax et Ulysse entre Achille et vous.
    (Agamemnon) Votre père, j'en conviens, n'éprouvait alors aucune crainte.

    [320] Pendant le carnage de la Grèce et l'embrasement de nos vaisseaux, tranquille dans sa tente, sans s'occuper des armes ni de la guerre, il faisait vibrer sous ses doigts légers sa lyre harmonieuse.
    (Pyrrhus) Le grand Hector, qui méprisait vos armes, craignit ce paisible chanteur; et, au milieu de l'effroi général, la flotte thessalienne resta dans une paix profonde.
    (Agamemnon) Cette paix y régnait encore sans doute, quand le père d'Hector osa s'y présenter.
    (Pyrrhus) Il est d'un roi magnanime d'accorder la vie à un roi. (Agamemnon) Pourquoi donc l'avez-vous ôtée à ce même Priam?

    [330] (Pyrrhus) Souvent il est plus humain de donner la mort que de laisser la vie.
    (Agamemnon) Et c'est par humanité que vous immolez aujourd'hui des jeunes filles sur un tombeau?
    (Pyrrhus) Depuis quand regardez-vous comme un crime le sacrifice d'une vierge?
    (Agamemnon) Un roi doit préférer la patrie à ses propres enfants.
    (Pyrrhus) Aucune loi ne protège le vaincu et ne s'oppose à son supplice. (Agamemnon) Ce que la loi permet, l'honneur quelquefois le défend.
    (Pyrrhus) Non, la volonté du vainqueur est la loi suprême.
    (Agamemnon) Plus on a de pouvoir, moins on en doit abuser.
    (Pyrrhus) C'est bien à vous d'étaler ces maximes, vous qui avez fait gémir dix ans les Grecs sous un joug que Pyrrhus a enfin brisé ! ...


4. HODOI ELEKTRONIKAI & environnements hypertextes :

Christian RUELL continue son pensum hebdomadaire avec entrain : 7 environnements hypertextes nouveaux ont vu le jour :

  • ESCHYLE, Les Choéphores, tragédie complète [Traduction française reprise au site de Philippe Remacle]
  • ESCHYLE, Les Euménides, tragédie complète [Traduction française reprise au site de Philippe Remacle]
  • ESCHYLE, Les Perses, tragédie complète [Traduction française reprise au site de Philippe Remacle]
  • ESCHYLE, Les Suppliantes, tragédie complète [Traduction française reprise au site NIMISPAUCI d'Ugo Bratelli]
  • EURIPIDE, Électre, tragédie complète [Traduction française reprise au site de Philippe Remacle]
  • SOPHOCLE, Ajax, tragédie complète [Traduction française reprise au site de Philippe Remacle]
  • SOPHOCLE, Philoctète, tragédie complète [Traduction française reprise au site de Philippe Remacle]

Les textes bruts de ces oeuvres sont disponibles dans le Dépôt HODOI ELEKTRONIKAI.


Jean Schumacher
16 octobre 2009


 
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Dernière mise à jour : 17/02/2002