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Date :     17-08-2007

Sujets :
Fiches de lecture : 7 ajouts; HODOI ELEKTRONIKAI : 3 nouveaux environnements hypertextes : Diogène Laërce (x 2), Denys d'Halicarnasse; Lecture : Achille et Priam (Charles FICAT); Lecture : A propos de la notion de barbare (François HARTOG); Articles : Rois de l'entre-deux-fleuves (Le MONDE; Stéphane Foucart);

Notice :

1. Fiches de lecture :

  • Adresse du site : Lectures (site arrêté à la date du 18 mai 2006)
  • Base de données : Fiches (depuis le 19 mai 2006)

  • Ajouts : consultation des ==> Nouveautés <==

Les Nouveautés concernent :

  • ==> GREC :
  • PLUTARQUE, Vie de Pyrrhus et Vie de Camille

Nouvelles étincelles glanées :

  • Fabricius à Pyrrhus : Hier votre or ne m'a point ému, et votre éléphant ne m'émeut pas davantage aujourd'hui
  • Pyrrhus contre les Romains : une victoire à la Pyrrhus
  • Plutarque à propos de l'attitude à avoir vis-à-vis des prodiges
  • A Rome, il n'était pas d'usage, avant Camille (Ve s. av. J-Chr.), de faire l'éloge d'une femme à ses funérailles
  • Les Vestales, gardiennes du feu perpétuel
  • Les oies du Capitole à Rome
  • Brennus, le Gaulois, à Sulpicius, le Romain : Malheur aux vaincus !


2. HODOI ELEKTRONIKAI : nouveaux environnements hypertextes :

Juste avant de partir en vacances, Christian RUELL a pu traiter un reliquat de textes préparés et ainsi constituer 3 nouveaux environnements hypertextes :

  • Diogène Laërce, Vies, doctrines et sentences des Philosophes illustres, Préface [texte et traduction française repris au site de Philippe Remacle]
  • Diogène Laërce, Vies, doctrines et sentences des Philosophes illustres, Livre I [texte et traduction française repris au site de Philippe Remacle]
  • Denys d'Halicarnasse, Les Antiquités romaines, Livre XV [fragments] - traduction anglaise reprise au site LACUS CURTIUS de Bill Thayer

Les textes bruts de ces oeuvres sont disponibles dans le Dépôt HODOI ELEKTRONIKAI.


3. Lecture : Achille et Priam :

Livre : Charles FICAT, La colère d'Achille,
Paris, Bartillat, aoüt 2006, 175 pages

Extrait : pp. 133-139 :

"...Je m'étonne d'avoir toujours su garder sang-froid et tempérance dans les situations les plus aiguës. Je ne tue pas Agamemnon lorsqu'il me vole Briséis, ma plus belle conquête. La sagesse retient mon bras. Je ne tue pas Priam lorsqu'il me réclame le corps de son fils. Avec audace, il franchit les portes du camp grec. Son courage me touche. Jamais il n'a craint que je ne le frappe au visage. Ses paroles sur mon père m'ont ému au plus profond. Je respecte la vigueur du patriarche de Troie. Il règne avec majesté et porte dignement le poids de ses ans. Il me retourne et me chavire. Il connaît tous les recoins de sa région. Quel chef grec en sait autant sur ses propres terres ? Les profiteurs sont enfermés dans leurs palais. Pas un ne conduit un char. Ils se retrouvent, font bombance et se complaisent du sang versé par les Grecs. Lorsque Priam réveille le souvenir de mon père, Pélée vieil homme accablé de maux et de souffrances, qui sut séduire une déesse, je frémis de tout mon être. Les sanglots fondent sur mon visage. Je frissonne. Offrant ses mains à mes genoux, il évoque Hector avec superbe. Jamais la vieillesse ne m'est apparue si respectable, si pure. Priam reflète la grâce des dieux qui ont l'éternité. Il a vu nombre de ses fils jetés dans la mort par mon bras, à commencer par le premier d'entre eux, l'étincelant Hector.

Ce dernier ne fut qu'un bon fils. Il servit sa patrie sans génie. Il eut raison tout le temps. Il pensait qu'en combattant bien, il se maintiendrait. C'était sans croiser sur sa route Achille aux pieds rapides. Le meilleur des Troyens a aussi fini la tête dans la poussière sous le regard affligé des siens : femme, fils et père. Hector avait toutes les qualités, sauf l'aura d'un dieu. Comme tous les fils de roi. Il devait crever comme un chien. Les pleurs de son père sont contagieux. Son deuil réveille le mien : Patrocle, mon doux ami, te voilà parti loin. Nous nous retrouverons dans le sommeil éternel des Enfers. Devant Priam, je prends la mesure du temps.

Moi aussi, je suis père. Où es-tu Néoptolème, fils solaire ? Vis-tu encore ? La distance nous sépare. Je t'ai à peine connu. Tu es un garçon maintenant. Neuf ans de guerre, l'éloignement, les jours heureux à Skyros, ces souvenirs étouffent mon coeur. La peine qui m'étreint se fait trop vive. Le ressouvenir d'une mémoire enfuie est aussi cruel que la mort. Il faut encore lutter, batailler jusqu'au dernier souffle. Les paroles ailées de Priam m'émeuvent : je lui accorde toutes ses doléances parce qu'il n'est pas le roi de la puissante Troie pour rien. Jamais le mot de noblesse n'a mieux convenu. Il fallut que ce soit le prince de la sainte Ilion.

Je ne me remettrai pas de cette entrevue, parce que le retour m'est interdit par les dieux, parce que ni mon père, ni mon fils, ni mes bien-aimées ne s'offriront plus jamais à mes yeux. Priam a bien joui de sa vie. Ses jours furent lumineux et prospères. Dans les cruelles épreuves, il sait se montrer digne. J'ignorais cette beauté de la vieillesse. De la voix du patriarche s'exhale une profondeur dont je n'avais pas conscience : qu'un père supplie l'assassin de son fils de lui rendre le corps trépassé, tout en rendant hommage au vainqueur. Je me moque de son offre de rançon. Ma logique n'est pas celle-là. Personne ne me rendra Patrocle. Le retour de Briséis est gâté par le chagrin. Certains hommes sont des fleurs, d'autres des arbres. Ma vie ressemble à une rose, au passage éphémère, au souvenir éternel. Une éclosion en clin d'oeil. Priam porte sur son visage les charmes de l'olivier. Les plis des ans n'entament en rien sa grâce.

Comment oublier cette scène où il est venu jusqu'aux nefs des Myrmidons ? Situation où se mêlent tant de perceptions : beauté, sagesse, chagrin, tenue, la mer, la voûte étoilée. De ce jour, je considère autrement la vieillesse. Je ne croyais qu'en la force, en l'action libératrice. L'épaisseur de l'expérience m'apparaît. Je respecte l'âge du vertueux Priam. Dans ses paroles, nul gémissement, plainte, aigreur, jalousie ou amertume. Que de vieillards s'enferment dans la réaction ! Les métamorphoses de l'âme accompagnent celle du corps. Combien de vieux chefs grecs ai-je connus, incapables de compassion ? Ils prétendent défendre leur patrie, ils ne songent qu'à leur coffre. Ils prônent la morale et sont rongés par les vices. Ils appellent chacun au dépassement, s'accrochent tant qu'ils peuvent à leurs places, distribuant largesses à leurs amis.

C'est contre eux que j'ai choisi mon destin. Une vie intense, même brève, vaut mieux qu'un cruel confort, où l'on ne survit qu'à force de lâchetés avant que la mort ne vienne vous saisir. Quitte à affronter le grand passage, autant être dans la plénitude de sa force. ..."


4. Lecture : A propos de la notion de barbare :

Livre : François HARTOG, Mémoire d'Ulysse. Récits sur la frontière en Grèce ancienne;
NRF Essais, Paris, Gallimard, 1996, 260 pp.

Extrait : pp. 88-90 :

"... Les seuls « Barbares » répertoriés par Homère sont, si l'on peut dire, les Cariens, qualifiés de «barbarophones». Le terme a retenu l'attention de Strabon, des scholiastes, puis des modernes. Ces Cariens « barbarophones » sont-ils des Barbares, qui parlent donc une langue barbare, ou bien ont-ils simplement un « parler barbare » ? Est barbare, selon l'étymologie du mot (avec la répétition de la séquence barbar, en forme d'onomatopée), celui qui a des difficultés d'élocution, de prononciation, qui bégaie, qui a un parler rocailleux. Le qualificatif n'est certes pas un compliment, mais les Cariens, s'ils « parlent barbare », ne sont pas des Barbares. Ils n'ont pas une « nature » barbare.

Sans Grec pas de Barbare, mais aussi sans Barbare pas de Grec, énonce Thucydide, comme un postulat logique. Il y eut pourtant un temps, celui des débuts, où des Grecs (mais pas les Doriens, descendants d'Hellen), des futurs Grecs plutôt, relevaient de la mouvance barbare. A commencer par les Athéniens. Ils appartenaient, en effet, au peuple des Pélasges. Or, les Pélasges, « conjecture » Hérodote, étaient « barbares » et parlaient une « langue barbare ». Si bien que « le peuple athénien dut, en même temps qu'il se transformait (metabolê) en Grecs, apprendre une langue nouvelle».

Pour Hécatée de Milet, les choses étaient encore plus nettes : le Péloponnèse et pratiquement toute la Grèce avaient été autrefois habités par les Barbares. Ainsi la grécité était susceptible de s'acquérir, au terme d'un apprentissage, du moins en ces époques des débuts, quand les partages entre les peuples, les espaces et les coutumes étaient, pour ainsi dire, encore en gestation. Grandes étaient alors la plasticité et la labilité des cultures. Temps des emprunts, des migrations et des voyages. Cette version historicisée des origines athéniennes, peu compatible avec d'autres plus mythologiques, montre au moins ce qu'on pouvait gagner en termes d'explication, en faisant appel à ces deux catégories (alors non encore réifiées) de Grecs et de Barbares. Les deux pouvaient se concevoir dans la succession : d'abord Barbares, puis Grecs. Le Péloponnèse offre, de même, un autre exemple de transformation et d'intervention du facteur temps. Sur les sept peuples habitant le Péloponnèse, deux, selon Hérodote, sont autochtones : les Arcadiens, sur lesquels nous reviendrons plus loin, et les Cynuriens. Or, les Cynuriens présentent une double singularité : ils sont apparemment les seuls Ioniens autochtones, mais en plus « ils ont été transformés en Doriens par la domination des Argiens et par le temps».

Mais ces époques semblent être révolues, en particulier la possibilité des passages de Barbares à Grecs. Les Grecs, devenus grecs, ont, nous l'avons déjà entrevu, connu de grands accroissements, alors que les Barbares, demeurés barbares, « ne se sont jamais considérablement agrandis». Thucydide, lui, tranche rapidement la question. En se fondant sur plusieurs indices, tels la pratique de la piraterie et le fait de porter des armes, il conclut que « le monde grec ancien vivait de manière analogue (homoiotropa) au monde barbare actuel». Son genre de vie était barbare. Puis les Grecs, d'abord les Athéniens, sont devenus pleinement grecs, tandis que les Barbares restaient barbares. Là encore, le temps a séparé, discriminé. La grécité s'enlève sur fond de « barbarie », comme si deux temporalités, deux rapports au temps différents, s'étaient à un moment enclenchés, venant ainsi illustrer le paradigme lévi-straussien des « sociétés chaudes » et des « sociétés froides ». Les « Grecs » étaient des Barbares, mais sont devenus des Grecs, les Barbares étaient des Barbares et le sont demeurés. Ils sont restés une société « froide », tandis que les Grecs, eux, se « réchauffaient », manifestant leur caractère grec par cette capacité à l'« accroissement».

C'est, en tout cas, entre le VIe et le Ve siècle avant J.-C. que « Barbare », dans le sens de non-Grec, vient former, associé avec « Grec », un concept antonyme et asymétrique, accouplant un nom propre Hellenes et une désignation générique Barbaroi. Les guerres médiques jouèrent assurément le rôle de catalyseur. Le champ de l'altérité s'est trouvé redistribué et fixé pour longtemps autour de cette polarité nouvelle. Les Grecs d'un côté, face aux autres, à tous les autres, réunis par le seul fait de n'être pas Grecs. Il va de soi que cette classification binaire et fortement asymétrique, conçue par les Grecs et pour eux, n'est maniable que par eux et n'est opératoire que pour eux. Mais, avant de devenir ultérieurement une expression toute faite, où les Romains auront des difficultés à trouver place, il n'est pas douteux que les guerres médiques lui donnèrent une signification précise, en dotant l'antonyme d'un visage : celui du Perse. Le Barbare, c'est avant tout, plus que tous et pour longtemps le Perse. Et le Barbare par excellence sera le Grand Roi, incarnation de l'hubris despotique. Tel Xerxès, qui a cru, en sa déraison, pouvoir jeter des entraves sur l'Hellespont.

Les guerres contre les Perses vont, en outre, conduire à une territorialisation du Barbare : avec pour domaine l'Asie, qu'il revendique ou qu'on dit qu'il revendique comme sienne. [ESCHYLE :] «Deux femmes bien mises, dit la reine des Perses, Atossa, racontant son rêve, ont semblé s'offrir à mes yeux, l'une parée de la robe perse, l'autre vêtue en Dorienne... quoique soeurs du même sang, elles habitaient deux patries, l'une la Grèce, dont le sort l'avait lotie, l'autre la terre barbare... Mon fils cherche à les atteler : l'une se laisse faire, l'autre trépigne et brise le joug en deux. »

Désormais l'opposition de l'Europe et de l'Asie, figurée par l'image des deux soeurs ennemies, va se superposer presque exactement à celle du Grec et du Barbare. Au point que cette nouvelle vision sera projetée rétroactivement sur la guerre de Troie, en faisant apparaître les Troyens comme des Asiatiques et des Barbares. ..."

Témoignages :


5. Articles à lire : Rois de l'entre-deux-fleuves :


Jean Schumacher
17 août 2007


 
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Dernière mise à jour : 17/02/2002