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Date :     24-12-2003

Sujets :
Environnements hypertextes : Ammien Marcellin, Érasme, Sénèque; Érasme, Les Adages : Le scarabée et l'aigle; Érasme, Les Colloques familiers : La confession du soldat; Traductions estudiantines : VIRGILE, Les Bucoliques, Églogue I.

Notice :

1. Environnements hypertextes :

Les environnements hypertextes constitués pendant cette semaine précédant la Noël concernent :

Les textes bruts de ces oeuvres sont disponibles au format .TXT dans le Dépôt ITINERA ELECTRONICA :

Oeuvre terminée: Les Lettres à Lucilius de Sénèque.
La création de l'environnement hypertexte pour les livres XX-XXI de cette correspondance clôture les traitements de cette oeuvre ; traitements commencés en février 2003. Il aura donc fallu presque un an pour venir à bout de ces échanges de lettres entre Sénèque et Lucilius.

Le traitement de la correspondance de Pline le Jeune touche aussi à sa fin : il ne reste plus qu'un livre à traiter (le livre X). Mais il y a déjà un autre auteur en préparation pour succéder à ces textes: MACROBE, pour les deux livres des Commentaires du Songe de Scipion - il a fallu saisir optiquement et le texte latin et la traduction française - et pour les sept livres des Saturnalia; oeuvre pour laquelle Bill THAYER (Lacus Curtius) nous a donné l'aimable autorisation de reprendre le texte latin à partir de son site.

Maxime :
Sénèque, Lettres à Lucilius, XX, 119:

Numquam parum est, quod satis est; et numquam multum est, quod satis non est.
On n'a jamais peu, dès qu'on a assez; et qui n'a pas assez, n'a jamais beaucoup.


2. ÉRASME, Les Adages : Le scarabée et l'aigle (adage n° 2.601) :

TEXTE:: OPERA OMNIA Desiderii Erasmi Roterodami, II,6, Amsterdam, 1981, pp. 395-424.
Éléments de référenciation retenus: la division en pages ainsi que la numérotation en phrases; est maintenue aussi mais placée entre parenthèses : la numérotation en lignes.

CONTENU: L'adage ne renfermait à l'origine que 32 lignes; c'est pour l'édition de 1515 qu'Érasme l'a étendu de la façon sous laquelle ce proverbe se présente maintenant. C'est une satire du pouvoir royal et, surtout, de l'exercice de ce pouvoir. Mais à la place des puissants de son époque, visés par l'adage, Érasme a introduit dans sa critique des rois, des empereurs et des princes de l'antiquité romaine.

"Il décrit longuement les caractères des deux protagonistes en s'appuyant sur des écrits anciens comme ceux de Pline. C'est pour lui prétexte à comparer l'aigle aux puissants et le bousier à la plèbe qui pense que " sa race serait humiliée si ce forfait de l'aigle demeurait à jamais impuni". [Florilège entomologique, cf. infra]

Fable d'Ésope : [tiré de Florilège entomologique - L'aigle et l'escarbot]

Érasme, dans son adage, reprend une fable d'Ésope (VIe s. av. J.-Chr.) dont le contenu est le suivant:

"Un lièvre était poursuivi par une aigle. Dans sa détresse, il en fut réduit à demander de l'aide au seul animal qui s'offrit à ses yeux : un scarabée. Celui-ci rassura le lièvre et dit à l'aigle qui s'approchait : " Je t'en prie, épargne mon suppliant ". Mais l'aigle qui n'avait que mépris pour la petite taille du scarabée, dévora le lièvre sous ses yeux. Dès lors, plein de rancune, le scarabée n'avait de cesse d'épier l'aigle. Quand celui-ci pondait, il montait jusqu'à son nid d'où il faisait rouler les œufs pour les casser. Ne sachant plus où les poser, l'aigle se réfugia auprès de Zeus, son protecteur attitré, et lui demanda un lieu sûr pour y établir sa nichée. Zeus lui permit de pondre dans le pli de son vêtement. Mais cela n'avait pas échappé au scarabée : il fit une boulette de crotte et pris son vol. Parvenu au dessus du giron de Zeus, il laissa tomber la boulette. Et voici qu'en se levant pour se débarrasser de la crotte, Zeus, oubliant les œufs, les fit tomber à terre. C'est depuis lors, dit-on, que les aigles ne nichent plus à la saison des scarabées. Il n'est faible qui, outragé, n'ait un jour la force de se venger : avis à qui le regarde de haut."

Jean de La Fontaine, L'aigle et l'Escarbot :

En l'absence de traduction française de l'adage, nous reprenons ci-dessous le texte de la fable de La Fontaine en l'entre-mêlant des phrases latines (plus ou moins) correspondantes tirées de l'adage d'Érasme:

L'aigle donnait la chasse à maître Jean Lapin,
Qui droit à son terrier s'enfuyait au plus vite.
Le trou de l'escarbot se rencontre en chemin.
Je laisse à penser si ce gîte
Etait sûr ; mais où mieux ? Jean Lapin s'y blottit.

[304] Olim in Aetna monte leporem quempiam insectabatur aquila iamque contractis unguibus praedae sic imminebat, ut afflatu propemodum exanimatum animal et alioqui timidum ad proximum scarabei cauum uelut ad asylum confugerit.

L'aigle fondant sur lui nonobstant cet asile,
L'escarbot intercède et dit :
« Princesse des oiseaux, il vous est fort facile
D'enlever malgré moi ce pauvre malheureux ;
Mais ne me faites pas cet affront, je vous prie ;
Et puisque Jean Lapin vous demande la vie,
Donnez-la-lui, de grâce, ou l'ôtez à tous deux :
C'est mon voisin, c'est mon compère. »

[310] (615) Confestim igitur prouolat obuiam aquilae scarabeus et huiusmodi dictis furentem lenire conatur: "Quo maior est tua potestas, hoc magis conuenit te parcere innoxiis.
[311] Noli lares meos innocentis animantis interitu funestos reddere.
[312] Sic tibi tuus nidus semper ab huiusmodi calamitate sit immunis.
[313] Generosi regiique animi est dare ueniam et indignis.

L'oiseau de Jupiter, sans répondre un seul mot,
Choque de l'aile l'escarbot,
L'étourdit, l'oblige à se taire,
Enlève Jean Lapin ...

[321] Sed plura parantem dicere scarabeum aquila uexatum alis contemptim in terram praecipitat.
[322] Leporem frustra supplicem sub oculis scarabei crudelissime iugulat laniatque, laniatum in immitem nidum deportat, neque uel tantillum ualuerunt apud eam nec preces nec minae scarabei.

... L'escarbot indigné
Vole au nid de l'oiseau, fracasse en son absence,
Ses oeufs, ses tendres oeufs, sa plus douce espérance:
Pas un seul ne fut épargné.
L'aigle étant de retour et voyant ce ménage,
Remplit le ciel de cris, et, pour comble de rage,
Ne sait sur qui venger le tort qu'elle a souffert.
Elle gémit en vain, sa plainte au vent se perd.

[356] Huius itaque generis par aquila solet in nido suo ponere, alioquin nunquam positura oua aut certe non exclusura pullos.
[357] Tantum etiam thesaurum deiicit e nido scarabeus, quo pariendi facultatem in posterum eripiat, lapides acutis excepti saxis (700) minutatim dissiliere.
[358] Ne haec quidem adhuc satis uisa sunt irae scarabei. ...

[360] Redit aquila, nouam sui generis cladem conspicatur, uidet sua uiscera frustulatim discerpta, uidet nobilis gemmae non aestimabilem iacturam: queritur, clangit, fremit, stridet, eiulat, (705) obtestatur deos ac suis illis oculis, quos iam dolor etiam acuebat, hostem tam potentem circumspectat.

L'an suivant, elle mit son nid en lieu plus haut.
L'escarbot prend son temps, fait faire aux oeufs le saut.
La mort de Jean lapin derechef est vengée.

[366] Nidus in locum multo semotiorem aeditioremque transfertur.
[367] Rursus oua ponit, et huc nihilo secius ignotus hostis penetrat, populatur omnia, totam superiorem renouat tragoediam.
[368] Rursum hinc in tutiorem arcem demigrat aquila, alia deponit oua, alios adhibet aëtitas.
[369] (715) Rursum adest scarabeus.

Ce second deuil fut tel, que l'écho de ces bois
N'en dormit de plus de six mois.
L'oiseau qui porte Ganymède
Du monarque des dieux enfin implore l'aide,
Dépose en son giron ses oeufs, et croit qu'en paix
Ils seront dans ce lieu, que pour ses intérêts
Jupiter se verra contraint de les défendre :
Hardi qui les irait là prendre.
Aussi ne les y prit-on pas.

[371] Iouem adit, exponit calamitatis suae tragoediam, hostem tam potentem eumque, quod esset grauissimum, ignotum, ut tanta passae
[422,371] (720) facultas etiam ulciscendi eriperetur. ...

[373] Mouet Iouem satellitis sui periculum, praesertim cum (725) recens rapti Ganymedis offcium haereret animo.
[374] Iubet, si uideatur, in suo ipsius sinu deponat oua.

Leur ennemi changea de note,
Sa la robe du dieu fit tomber une crotte ;
Le dieu la secouant jeta les oeufs à bas.
Quand l'aigle sut l'inadvertance,
Elle menaça Jupiter
D'abandonner sa cour, d'aller vivre au désert,
De quitter toute dépendance,
Avec mainte autre extravagance.
Le pauvre Jupiter se tut:

[379] Ad ipsam summi Iouis arcem inuictus subuolat scarabeus, haud scio an numinis alicuius fauore adiutus.
[380] Pastillum in hunc usum e stercoribus paratum in sinum illius demittit.
[381] Iuppiter ut est sordium insolens, quippe in purissima mundi parte habitans et a terreno contagio longissimo semotus interuallo, dum offensus teterrimo odore fimum e sinu (735) studet excutere, oua aquilae deiicit imprudens, quae uidelicet ex alto delapsa perierunt, et prius quam terram contingerent. ...

[388] Tandem Iuppiter in tantis rerum periculis succurrendum putat, conatur priuatim inter eos rem componere.
[389] Quo magis conatur, hoc magis horum (750) incrudescit odium, gliscunt irae, feruescunt pugnae.
[390] Et erat ille quidem haud dubie propensior in aquilae partem; sed e diuerso mouebat exemplum longe perniciosissimum, si cui licuisset impune g-iketehsion g-philion aut g-xenion contemnere.
[391] Proinde facit quod in extremo rerum discrimine solet : deos in concilium aduocat.

Devant son tribunal l'escarbot comparut,
Fit sa plainte, et conta l'affaire.
On fit entendre à l'aigle enfin qu'elle avait tort.
Mais les deux ennemis ne voulant point d'accord,
Le monarque des dieux s'avisa, pour bien faire,
De transporter le temps où l'aigle fait l'amour
En une autre saison, quand la race escarbote
Est en quartier d'hiver, et comme la marmotte,
Se cache et ne voit point le jour.

[399] Proinde triginta dies, per
[423,399] quos incubat aquila, temperetur a manibus, seruentur induciae.
[400] Nec fas sit scarabeis per id tempus in publicum prodire, ne uidelicet ad inediam ac (765) fouendi laborem belli quoque taedium accederet aquilae. ...

[408] Adfremebat omnis deorum consessus.
[409] Valet in hodiernum usque diem senatus consultum semperque ualebit.
[410] Scarabeis et aquilis durat exitiale bellum; per (780) eos dies, per quos incubat aquila, nusquam apparent scarabeorum filii.


3. Érasme, Les Colloques familiers : La confession du soldat (colloque n° 7):

TEXTE: texte latin repris au site Grex latine loquentium. Seul élément de référenciation : la découpe et la numérotation du texte en phrases.

Présentation et Traduction : [tiré de Léon-Ernest HALKIN, Érasme et l'humanisme chrétien, Paris, 1969, pp. 92-96] :

"La profession militaire est, pour Erasme, l'école de la scélératesse, une condition opposée à la nature, au bon sens, à l'humanité et à la religion. Erasme ne peut croire à la sincérité, ni même au vrai courage de ces combattants qu'anime uniquement l'appât de la solde et du butin.

Les mercenaires ne sont que les instruments stupides de la politique des grands, et cette odieuse exploitation de la plèbe est encouragée par les prédicateurs de cour. Erasme est impitoyable pour les théologiens qui font une apologie sans nuances du a droit de la guerre. Il montre que leurs ouailles, ces malheureux soldats qui s'en vont aux aventures et à la mort, n'ont ni sens religieux ni sens moral. Leur piété est superstitieuse comme est grossière la théologie de ceux qui les poussent, sans les suivre. De part et d'autre, le formalisme tient lieu de religion. C'est ce que ne peut accepter l'auteur du Manuel du chevalier chrétien."

Traduction :

HANNON. - D'où sors-tu, nouveau Vulcain, toi qui ressemblais à Mercure quand tu nous quittas ?
THRASYMAQUE. - Que veux-tu dire avec tes Vulcain et tes Mercure ?
HANNON. - Je veux dire qu'en partant, tu paraissais avoir des ailes tandis que maintenant je te retrouve estropié.
THRASYMAQUE. - Tel est le salaire du soldat qui revient de la guerre.
HANNON. - Mais qu'as-tu été faire à la guerre, soldat plus peureux qu'un daim ?
THRASYMAQUE. - L'appât du butin m'avait donné du cceur.
HANNON. - Les dépouilles que tu rapportes sont-elles nombreuses ?
THRASYMAQUE. - Au contraire, ma ceinture est bien vide. '
HANNON. - Et ton bagage bien léger !
THRASYMAQUE. - Mais c'est chargé de crimes que je reviens.
HANNON. - Bagage bien lourd, il est vrai, s'il faut en croire le prophète qui le compare au plomb.
THRASYMAQUE. - J'ai vu et j'ai commis là-bas plus de crimes que je n'en avais vus et commis avant de partir pour la guerre.
HANNON. - Mais alors, pourquoi la vie du soldat t'a-t-elle souri ?
THRASYMAQUE. - Rien, en effet, n'est plus odieux ni plus néfaste.
HANNON. - Qu'ont-ils donc dans la tête tous ceux qui, enrôlés pour quelque argent et parfois même sans recevoir un sou, courent à la guerre comme à un festin ?
THRASYMAQUE. - Je ne m'explique pas leur aveuglement. Je ne puis que les imaginer, séduits par des fu- ries maudites, voués totalement à l'esprit malin et à la misère, enfin hâtant eux-mêmes leur châtiment éternel.
HANNON. - Cela semble juste, car les bonnes actions ne les intéressent à aucun prix. Mais raconte-moi tes combats et dis-moi de quel côté la victoire a penché.
THRASYMAQUE. - Il y avait tant de tintamarre, de fracas, de bruit de trompettes, de sonneries de cuivres, de hennissements et de vociférations que je ne compreais plus rien à ce qui se passait. C'est à peine si je savais où je me trouvais moi-même.
HANNON. - Comment les anciens soldats osent-ils nous dépeindre dans le détail toutes les phases d'un engagement, nous répéter ce que chacun a dit ou fait, comme s'ils y avaient assisté en simples spectateurs ?
THRASYMAQUE. - Ce sont tous de fameux menteurs. Pour moi, je sais ce qui s'est passé sous ma tente, mais j'ignore absolument ce qui se déroula au cours de la bataille.
HANNON. - Ignorerais-tu même comment tu es devenu boiteux ?
THRASYMAQUE. - Presque ! Que Mars cesse de me favoriser, si ce malheureux genou n'a pas été, comme je le suppose, blessé par une pierre ou par le sabot d'un cheval !
HANNON. - Eh bien ! Moi je sais comment tu t'es blessé.
THRASYMAQUE. - Tu le sais ? Quelqu'un te l'aurait-il rapporté ?
HANNON. - Non ! Je l'ai deviné !
THRASYMAQUE. - Dis-le donc.
HANNON. - Comme la peur excitait ta fuite, tu es tombé par terre où un caillou t'attendait.
THRASYMAQUE. - Que je meure si tu n'as pas mis le doigt dessus ! Tu es bien fort dans l'art de la divination.
HANNON. - Va donc chez toi et raconte tes hauts faits à ta femme.
THRASYMAQUE. - Celle-là va me recevoir fraîchement en me voyant revenir comme un mendiant.
HANNON. - Mais alors, comment restituer tes rapines ?
THRASYMAQUE. - J'ai déjà tout rendu. '
HANNON. - A qui donc ?
THRASYMAQUE. - Aux putains, aux cabaretiers, à ceux qui m'ont battu aux jeux de hasard.
HANNON. - Voilà une façon de faire bien digne d'un soldat. Il est naturel que l'argent mal acquis soit encore plus mal employé. Mais je veux croire que tu n'as pas de sacrilège à te reprocher.
THRASYMAQUE. - Hélas ! il n'y avait rien de sacré pour nous ! Nous n'avons épargné ni les lieux profanes ni ceux du culte.
HANNON. - Comment feras-tu pour réparer ces crimes ?
THRASYMAQUE. - On m'a dit que les faits de guerre n'exigeaient pas réparation : tout ce qui est fait pour la guerre est fondé en droit.
HANNON. - Le droit de la guerre, sans doute !
THRASYMAQUE. - Tu l'as dit.
HANNON. - Mais ce droit est la pire des injustices. Ce n'est pas le patriotisme, c'est la cupidité qui a fait de toi un combattant.
THRASYMAQUE. - Je l'avoue, et je crois que bien peu se font soldats pour des motifs plus nobles que les miens.
HANNON. - C'est quelque chose de ne pas être seul à faire fausse route !
THRASYMAQUE. - Du haut de la chaire, un prédicateur a déclaré que la guerre était juste.
HANNON. - Cette chaire ne ment pas souvent ! Mais que la guerre paraisse juste au prince, il ne s'ensuit pas qu'elle soit juste aussi pour toi.
THRASYMAQUE. - J'ai entendu dire par des rabbins qu'il est légitime à tout homme de vivre de son métier.
HANNON. - Beau métier que de brûler les maisons, piller les églises, violer les nonnes, dépouiller les malheureux, massacrer les innocents !
THRASYMAQUE. - Les bouchers sont bien payés pour tuer les boeufs. Pourquoi nous reprocher de tuer des hommes ?
HANNON. - Et tu n'avais pas peur du sort réservé à ton âme, si un coup mortel t'avait frappé ?
THRASYMAQUE. - Pas du tout. J'étais plein d'espoir dans la protection de sainte Barbe à qui, une fois pour toutes, je m'étais recommandé.
HANNON. - Avait-elle accepté de te prendre sous sa garde ?
THRASYMAQUE. - Il me sembla qu'elle m'avait fait un petit signe de tête.
HANNON. - Quand te sembla-t-il pareille chose ? Le matin ?
THRASYMAQUE. - Non, après souper.
HANNON. - Mais alors, je suppose que les arbres eux-mêmes te semblaient remuer.
THRASYMAQUE. - Ma parole, il devine tout ! Mais ma principale espérance reposait en saint Christophe, dont je contemplais chaque jour l'image.
HANNON. - Sous la tente ? Quelle place pour les saints du paradis !
THRASYMAQUE. - Nous avions dessiné un saint Christophe, au charbon, sur la toile.
HANNON. - Ce saint Christophe au charbon n'est pas un patron négligeable ! Mais soyons sérieux. Je ne vois pas le moyen de te faire absoudre de tels crimes, à moins de te rendre à Rome.
THRASYMAQUE. - Je connais heureusement un pèlerinage moins long. '
HANNON. - Lequel ?
THRASYMAQUE. - J'irai chez les dominicains, et là, je m'arrangerai vite avec les commissaires aux indulgences.
HANNON. - Même pour les sacrilèges ?
THRASYMAQUE. - Même si j'avais dépouillé le Christ en personne, même si je lui avais coupé la tête ! Tant sont larges les indulgences dont ils disposent, et leur compétence pour obtenir composition !
HANNON. - Tout va bien, si Dieu daigne ratifier la négociation.
THRASYMAQUE. - Je craindrais bien plutôt que ce soit le diable qui refuse de la ratifier. Dieu est accommodant de nature !
HANNON. - Quel prêtre comptes-tu choisir pour confesseur ?
THRASYMAQUE. - Celui à qui je trouverai le moins de cervelle et de jugement.
HANNON. - Oui, la laitue n'est pas faite pour l'âne, le chardon suffit ! Mais, au sortir de cette confession, t'estimeras-tu assez pur pour communier ?
THRASYMAQUE. - Pourquoi non ? Dès que j'aurai versé mes ordures dans sa cuculle, je serai libéré de mon fardeau. Que celui qui absout se débrouille !
HANNON. - Comment sais-tu qu'il absout ?
THRASYMAQUE. - Je le vois bien.
HANNON. - A quel signe.
THRASYMAQUE. - A ceci, qu'il pose la main sur ma tête, en murmurant je ne sais quoi.
HANNON. - Et si, t'imposant la main, il te rendait tous tes péchés par ces paroles : Je t'absous de toutes tes bonnes actions, car je n'en ai trouvé aucune et, te renvoyant à ta mauvaise conduite, je te laisse tel que je t'ai reçu ?
THRASYMAQUE. - Ce qu'il dit ne regarde que lui. Pour moi, il me suffit de me croire absous.
HANNON. - Mais c'est à tes risques et périls que tu le crois. Dieu, ton créancier après tout, ne sera peut-être pas aussi vite satisfait ?
THRASYMAQUE. - Hélas ! Pourquoi t'ai-je rencontré, toi qui troubles la sérénité de ma conscience ?
HANNON. - Réjouis-toi, au contraire. Un ami qui, au hasard d'une rencontre, t'enrichit de bons conseils vaut bien un oiseau de bon augure.
THRASYMAQUE. - Je ne sais jusqu'à quel point il est de bon augure, mais, en tout cas, je ne le trouve pas drôle."


Nous venons d'apprendre l'apparition sur la Toile d'un autre site consacré à des Colloques d'Érasme : Colloquia familiaria : a selection.

C'est Jennifer NELSON, une étudiante de l'Université de Kentucky qui a créé ce site qui a, entre autres, comme objectif de faire rencontrer Érasme à des étudiants qui apprennent le latin (intermediate Latin students).

Parmi les Colloques (déjà) traités figure aussi celui auquel nous avons consacré une partie de l'Actualité de la semaine dernière : l'abbé et la femme instruite (cf. environnement hypertexte du Projet ITINERA ELECTRONICA).


4. Traductions estudiantines : VIRGILE, Les Bucoliques, Églogue I :

C'est avec un grand plaisir que nous donnons écho ici à une initiative encouragée et soutenue par Madame Véronique RIFFARD du Collège Blaise Pascal de Clermont-Ferrand et qui voit des étudiants et étudiantes de Terminale s'appliquer à une traduction style XXIe siècle des Églogues rassemblées sous l'intitulé Bucoliques du poète latin Virgile.

A terme, cette traduction pourra trouver place au sein de la Bibliotheca Classica Selecta (BCS) et pourquoi pas, remplacer la traduction datant du XIXe siècle que nous avons utilisée pour l'environnement hypertexte consacré à cette oeuvre de Virgile.

Un premier jet est disponible à l'adresse suivante : Églogue I.
Puisse cette initiative être suivie de nombreuses autres !


Jean Schumacher
LLN, le 24 décembre 2003


 
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Dernière mise à jour : 17/02/2002