Texte latin :
[1,5] V. 9 Malum mihi
uidetur esse mors. Hisne, qui mortui sunt, an iis, quibus moriendum
est? Utrisque. Est miserum igitur, quoniam malum. Certe. Ergo et ii,
quibus euenit iam ut morerentur, et ii, quibus euenturum est, miseri.
Mihi ita uidetur. Nemo ergo non miser. Prorsus nemo. Et quidem, si
tibi constare uis, omnes, quicumque nati sunt eruntue, non solum
miseri, sed etiam semper miseri. nam si solos eos diceres miseros
quibus moriendum esset, neminem tu quidem eorum qui uiuerent
exciperes - moriendum est enim omnibus, - esset tamen miseriae finis
in morte. quoniam autem etiam mortui miseri sunt, in miseriam
nascimur sempiternam. necesse est enim miseros esse eos qui centum
milibus annorum ante occiderunt, uel potius omnis, quicumque nati
sunt. Ita prorsus existimo.
10 Dic quaeso: num te illa terrent, triceps apud inferos Cerberus,
Cocyti fremitus, trauectio Acherontis, 'mento summam aquam attingens
enectus siti' Tantalus? tum illud, quod 'Sisyphus uersat saxum
sudans nitendo neque proficit hilum?' fortasse etiam inexorabiles
iudices, Minos et Rhadamanthus? apud quos nec te L- Crassus defendet
nec M- Antonius nec, quoniam apud Graecos iudices res agetur,
poteris adhibere Demosthenen; tibi ipsi pro te erit maxima corona
causa dicenda. haec fortasse metuis et idcirco mortem censes esse
sempiternum malum. |
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Traduction française :
[1,5] V. (L'AUDITEUR)
Je trouve que la mort est un mal.
(CICÉRON) Pour les morts, ou pour ceux qui ont à mourir?
(L'AUDITEUR) Pour les uns, et pour les autres.
(CICÉRON) Puisque c'est un mal, c'est donc une chose qui rend
misérables ceux qu'elle regarde.
(L'AUDITEUR) Oui sans doute.
(CICÉRON) Ainsi, et ceux qui sont déjà morts, et ceux qui doivent
mourir, sont misérables.
(L'AUDITEUR) Je le crois.
(CICÉRON) Personne donc, qui ne soit misérable.
(L'AUDITEUR) Personne du tout.
(CICÉRON) Donc, pour raisonner conséquemment, tout ce qu'il y a
d'hommes, nés ou à naître, non seulement sont misérables, mais le
seront toujours. Car n'y eût-il de mal que pour ceux qui ont à
mourir, cela regarderait tous les vivants, puisque sans exception
ils sont tous mortels. Avec leur vie, cependant, leur misère
finirait. Mais d'ajouter que les morts eux-mêmes sont misérables ,
c'est vouloir que nous soyons nés pour une misère sans bornes : que
ceux qui moururent il y a cent mille ans, et que tous les hommes, en
un mot, soient misérables.
(L'AUDITEUR) Aussi est-ce bien mon avis.
(CICÉRON) Dites-moi, je vous prie, n'est-ce point que l'image des
enfers vous effraye? Un Cerbère à trois têtes; les flots bruyants du
Cocyte; le passage de l'Achéron; un Tantale mourant de soif, et qui
a de l'eau jusqu'au menton, sans qu'il puisse y tremper ses lèvres;
"Ce rocher que Sisyphe épuisé, hors d'haleine, Perd à rouler
toujours ses efforts et sa peine"; des juges inexorables, Minos et
Rhadamanthe, devant lesquels, au milieu d'un nombre infini
d'auditeurs, vous serez obligé de plaider vous-même votre cause,
sans qu'il vous soit permis d'en charger, ou Crassus, ou Antoine,
ou, puisque ces Juges sont Grecs, Démosthène. Voilà peut-être
l'objet de votre peur : et sur ce fondement
vous croyez la mort un mal éternel. |
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