Texte latin :
[10,10] X. Perdicca
perducto in urbem exercitu consilium principum uirorum habuit, in
quo imperium ita diuidi placuit, ut rex quidem summam eius obtineret,
satrapes Ptolomaeus Aegypti esset et Africae gentium, quae in
dicione erant. Leomedonti Syria cum Phoenice data est; Philotae
Cilicia destinata; Lyciam cum Pamphylia et maiore Phrygia obtinere
iussus Antigonus; in Cariam Cassander, Menander in Lydiam missi.
Phrygiam minorem Hellesponto adiunctam Leonnati prouinciam esse
iusserunt. Cappadocia Eumeni cum Paphlagonia cessit: praeceptum est,
ut regionem eam usque ad Trapezunta defenderet, bellum cum Ariarathe
gereret: solus hic detrectabat imperium; Pithon Mediam, Lysimachus
Thraciam adpositasque Thraciae Ponticas gentes obtinere iussi. Qui
Indiae, quique Bactris et Sogdianis ceterisque aut Oceani aut Rubri
maris accolis praeerant, quibus quisque finibus habuisset, imperium
obtinerent, decretum est; Perdicca ut cum rege esset copiisque
praeesset, quae regem sequebantur. Credidere quidam testamento
Alexandri distributas esse prouincias; sed famam eius rei, quamquam
ab auctoribus tradita est, uanam fuisse conperimus. Et quidem suas
quisque opes diuisis imperii partibus, ut uidebatur, ipsi
fundauerant, si umquam aduersus inmodicas cupiditates terminus
staret. Quippe paulo ante regis ministri specie imperii alieni
procurandi singuli ingentia inuaserant regna sublatis certaminum
causis, cum et omnes eiusdem gentis essent, et a ceteris sui quisque
imperii regione discreti. Sed difficile erat eo contentos esse, quod
obtulerat occasio: quippe sordent prima quaeque, cum maiora
sperantur. Itaque omnibus expeditius uidebatur augere regna, quam
fuisset accipere. Septimus dies erat, ex quo corpus regis iacebat in
solio, curis omnium ad formandum publicum statum a tam sollemni
munere auersis. Et non alias quam Mesopotamiae regione feruidior
aestus existit, adeo ut pleraque animalia, quae in nudo solo
deprehendit, extinguat: tantus est uapor solis et caeli, quo cuncta
uelut igne torrentur! Fontes aquarum et rari sunt, et incolentium
fraude celantur: ipsis usus patet; ignotus est aduenis.
Traditum magis quam creditum refero: ut tandem curare corpus
exanimum amicis uacauit, nulla tabe, ne minimo quidem liuore
corruptum uidere qui intrauerant. Vigor quoque, qui constat ex
spiritu, nondum destituerat uultum. Itaque Aegyptii Chaldaeique
iussi corpus suo more curare primo non sunt ausi admouere uelut
spiranti manus. Deinde precati, ut ius fasque esset mortalibus
attrectare deum, purgauere corpus; repletumque est odoribus aureum
solium, et capiti adiecta fortunae eius insignia. Veneno necatum
esse credidere plerique: filium Antipatri inter ministros, Iollam
nomine, patris iussu dedisse. Saepe certe audita erat uox Alexandri
Antipatrum regium adfectare fastigium, maioremque esse praefecti
opibus ac titulo Spartanae uictoriae inflatum, omnia a se data
adserentem sibi. Credebant etiam Craterum cum ueterum militum manu
ad interficiendum eum missum. Vim autem ueneni, quod in Macedonia
gignitur, talem esse constat, ut ferrum quoque exurat, ungulam
iumenti dumtaxat patientem esse constat suci. Stygem appellant
fontem, ex quo pestiferum uirus emanat. Hoc per Cassandrum adlatum
traditumque fratri Iollae et ab eo supremae regis potioni inditum.
Haec, utcumque sunt credita, eorum, quos rumor asperserat, mox
potentia extinxit. Regnum enim Macedoniae Antipater et Graeciam
quoque inuasit. suboles deinde excepit interfectis omnibus,
quicumque Alexandrum etiam longinqua cognatione contigerant.
Ceterum corpus eius a Ptolomaeo, cui Aegyptus cesserat, Memphim et
inde paucis post annis
Alexandream
translatum est, omnisque memoriae ac nomini honos habetur.
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Traduction française :
[10,10] Perdiccas,
ayant fait rentrer l'armée dans la ville, rassembla en conseil les
principaux chefs, et l'on y régla le partage de l'empire. La
souveraineté resta toujours au roi: Ptolémée fut nommé satrape de
l'Égypte et de la partie de l'Afrique qui avait été conquise; la
Syrie fut donnée à Laomédon, avec la Phénicie; on assigna la Cilicie
à Philotas; la Lycie ainsi que la Pamphylie et la grande Phrygie
échurent à Antigone; on envoya Cassandre dans la Carie, et Ménandre
dans la Lydie. La grande Phrygie, voisine de l'Hellespont, fut le
partage de Léonnatus; et la Cappadoce passa, avec la Paphlagonie, à
Eumène. On le chargea de la défense de ce pays jusqu'à Trébizonde,
et de la guerre contre Ariarathès: c'était le seul prince qui
refusât de se soumettre. Pithon eut le gouvernement de la Médie,
Lysimaque celui de la Thrace, en même temps que des nations voisines
répandues sur les bords du Pont-Euxin. Quant aux gouverneurs de
l'Inde, de la Bactriane, de la Sogdiane et des autres peuples qui
habitaient les côtes de l'Océan ou de la mer Rouge, on laissa à
chacun d'eux, sur la même étendue de pays, la même autorité. Il fut
enfin décidé que Perdiccas resterait auprès du roi, avec le
commandement des troupes attachées à la personne royale. On a cru
qu'Alexandre avait réglé par son testament le partage des provinces;
mais nous sommes assurés que cette tradition, bien qu'appuyée de
quelques autorités, est sans fondement. Une fois la division de
l'empire accomplie, chacun pouvait sans doute garder la puissance
qu'il s'était créée lui-même, si jamais il y avait des bornes contre
le torrent des passions. Naguère simples serviteurs d'un roi, ils
venaient, sous le prétexte d'exercer une autorité étrangère, de
s'approprier de grands royaumes, et nulle cause de rivalité
n'existait entre eux, puisqu'ils étaient tous de la même nation, et
que des limites bien marquées séparaient leurs divers États; mais il
était difficile qu'ils se contentassent de ce que l'occasion leur
avait offert: on dédaigne un premier bien, lorsqu'on en espère un
plus riche; et il leur parut plus facile à tous d'accroître leur
puissance qu'il ne l'avait été de l'obtenir.
Il y avait sept jours que le corps du roi était sur son lit de
parade, et le soin de régler les affaires publiques avait détourné
tous les esprits du devoir solennel des funérailles. Or, il n'est
point de contrée où la chaleur soit plus ardente que dans les
plaines de Mésopotamie, et souvent les animaux qu'elle surprend en
rase campagne y sont frappés de mort: tant le soleil échauffe ce
ciel enflammé, qui dévore tout comme le feu! Les sources d'eau sont
rares, et cachées par la ruse des habitants: la jouissance leur en
est libre, mais dérobée aux étrangers.
Cependant lorsque les amis d'Alexandre purent enfin donner leurs
soins à son corps inanimé, ils le trouvèrent, en entrant, sain et
sans la moindre trace d'altération: cette fraîcheur même, qui tient
au souffle de la vie, n'avait pas abandonné son visage. Aussi les
Égyptiens et les Chaldéens, chargés de l'embaumer selon les
pratiques de leur pays, crurent qu'il respirait encore, et n'osèrent
d'abord y mettre la main. Après l'avoir ensuite prié de permettre
que des mortels le touchassent, ils nettoyèrent le corps; on
l'enferma dans un cercueil d'or rempli de parfums, en lui mettant
sur la tête le symbole éclatant de sa fortune.
L'opinion générale est qu'il périt par le poison; et que ce fut
Iollas, fils d'Antipater, un de ses officiers, qui le lui versa. Ce
qui est certain, c'est qu'on entendit Alexandre répéter souvent
qu'Antipater aspirait à la royauté, que sa puissance était au-dessus
de celle d'un lieutenant, et qu'enorgueilli de sa victoire sur les
Spartiates, il prétendait ne devoir qu'à lui-même tout ce qu'il
tenait du roi. On croyait même que Cratère avait été envoyé, avec un
corps de vieilles troupes pour le mettre à mort. On sait aussi que
la Macédoine produit un poison si violent, qu'il va jusqu'à consumer
le fer, et ne se laisse garder que dans un vase de corne. Le nom de
Styx a été donné à la fontaine d'où découle ce venin mortel.
Cassandre l'apporta et le remit à son frère Iollas, qui le mêla au
dernier breuvage du roi. Quoi qu'il en soit de ces bruits, ils
furent bientôt étouffés par la puissance de ceux que la rumeur
publique avait accusés. Antipater, en effet, s'empara du royaume de
Macédoine, en même temps que de la Grèce, et il eut pour successeur
son fils, qui fit massacrer tout ce qui tenait, même par une parenté
éloignée, au sang d'Alexandre. Cependant
le corps de ce monarque fut transporté par Ptolémée, le nouveau
maître de l'Égypte, à Memphis, et de là, peu d'années après, à
Alexandrie, où l'on rend toutes sortes d'honneurs à sa mémoire et à
son nom. |
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