HORACE
Odes
INTRODUCTION
Quintus Horatius Flaccus : 8 décembre 65 - 27 novembre 8 ACN.
Pour une introduction au poète, à son œuvre et à sa métrique, voir commodément H. Zehnacker - J.-C. Fredouille, Littérature latine (Coll. Premier Cycle), Paris, P.U.F., 1993, p. 153-166.
Quelques mots seulement ici pour évoquer la nouveauté du lyrisme des Odes d'Horace dans le paysage poétique latin.
Le lyrisme d'Horace se caractérise d'abord par la nouveauté de sa versification, empruntée aux formes métriques pratiquées par les poètes grecs de dialecte éolien, en particulier Alcée et Sapho. Cette métrique, dont Catulle est le seul représentant latin avant Horace, n’a rien à voir ni avec la métrique dactylique ni avec la métrique iambo-trochaïque utilisée dans le théâtre. Dans les schémas métriques, le signe — marquera une syllabe longue, le signe U marquera une syllabe brève, et le signe ~ marquera une syllabe de quantité indifféremment longue ou brève.
Voici les caractéristiques du vers éolien :
- un nombre fixe de syllabes ;
- la place des longues et des brèves est invariable : contrairement à la métrique dactylique, aucune substitution n'est possible ; si elle est bien une métrique quantitative, la métrique éolienne n'est pas fondée sur la notion de pied, mais bien sur celle de syllabe.
- les vers éoliens se caractérisent par la présence d’un ou de plusieurs choriambes, qu'il vaudrait sans doute mieux appeler groupes choriambiques (— U U —), le plus souvent précédés d’une base (— —), ou d’une double base (d’ordinaire : — U — —), et suivis d’un nombre variable de syllabes, brèves et longues alternées. Les variétés de vers sont assez nombreuses ; on en trouvera une nomenclature commode dans L. Nougaret, Traité de métrique latine classique, Paris, Klincksieck, 1977, p. 97-111.
Horace emploie rarement les vers éoliens en suite ininterrompue (katà stíchon) : il en fait plus volontiers des distiques et plus encore des strophes de quatre vers en diverses combinaisons : la strophe alcaïque, la strophe saphique, la strophe asclépiade (en deux variétés, majeure et mineure). Si l’on excepte quelques essais de Catulle et sans doute des poetae noui, l’emploi de ces mètres était tout à fait nouveau dans la poésie latine. Jamais, surtout, un poète latin n’avait osé en faire un recueil entier de trois livres, et, à ce titre, Horace peut se glorifier d'avoir été le "premier à avoir annexé le chant éolien aux rythmes italiens" (carm. III, 30).
La strophe de quatre vers est donc la forme privilégiée d’Horace, le support presque unique de tout le lyrisme des Odes : 37 poèmes en strophes alcaïques, 26 poèmes en strophes saphiques. On ne songe pas d’ordinaire à s’en étonner, ni même à le remarquer, tant nous sommes habitués à cette structure poétique. Mais nous n’y sommes habitués précisément que depuis Horace, ou plutôt c’est lui-même qui nous y a habitués. Entre les grands poètes lesbiens du VIe siècle et Horace, nous ne connaissons personne qui ait employé la strophe alcaïque et asclépiade ; la situation n’est pas très différente pour la strophe saphique, puisque cet entre-deux d’un demi-millénaire ne compte que le seul Catulle, avec deux courts poèmes. Pendant toute cette période, la poésie lyrique procède soit par distiques, soit en compositions où se répète un unique type de vers. Du reste, avant que la tradition de cette strophe ne se fixe, il faudra également attendre longtemps. Rien n’est plus instructif à cet égard que les précautions oratoires auxquelles Stace a cru devoir recourir avant de glisser dans ses Silves (IV, 5 et 7) un poème en strophes saphiques, un autre en strophes alcaïques. Sénèque insère quelques odes dans ses tragédies ; mais il est notable que le vers fondamental de la strophe saphique, l’hendécasyllabe, y est employé de préférence hors du cadre strophique, par séries continues. Horace ne trouvera ses véritables continuateurs que beaucoup plus tard, dans l’hymnique chrétienne : Ambroise, Prudence et, plus tard encore, les médiévaux ont scellé de façon définitive l’alliance du lyrisme et de la strophe.
Le recueil, tel que nous le connaissons aujourd'hui en quatre livres, est, en réalité, l'addition d'un premier groupe de trois livres, publié en 23 ACN, et d'un quatrième livre, composé et publié plus tard, dans les années 17 à 13. Les trois premiers livres ont, chacun, leur dédicataire.
- Le livre I commence par une ode à Mécène ; Maecenas en est même le premier mot, et donc le premier mot de l'ensemble du recueil.
- Le livre II s’ouvre par une dédicace à Asinius Pollion, dont on connaît l'importance dans la vie culturelle de la Rome augustéenne (liens anciens avec les milieux littéraires, dont déjà celui des poetae noui ; protecteur de Virgile ; initiateur d'une bibliothèque publique à Rome et de la mode des recitationes, décisive dans l'histoire de la création littéraire dans le monde latin).
- Quant au livre III, les six premières odes, que nous appelons les odes romaines, en font un hommage, implicite mais appuyé, au maître de Rome, Auguste, déjà célébré dès la deuxième ode du premier livre. L'ode 29 du livre III est un ultime hommage à Mécène ; l'ode 30, la dernière du recueil primitif et une des pièces les plus célèbres et les plus imitées du poète, est un hommage à Horace lui-même qui a "achevé un mémorial plus durable que le bronze" (Exegi monumentum aere perennius). Le mètre assez exceptionnel de cette dernière pièce, l’asclépiade mineur katà stíchon, est identique à celui de la toute première ode (I, 1), dont les derniers vers associaient la gloire du poète au patronage de Mécène.
On perçoit déjà ici une des principales caractéristiques formelles de la poésie d'Horace : une structure en anneau, qui double souvent la lecture linéaire de l'œuvre d'une deuxième lecture, circulaire. Il faudrait ici parler longuement de la composition des livres des Odes. De nombreuses études ont été consacrées à cette question et on en trouvera une bibliographie raisonnée dans le livre d'Alessandra Minarini, Lucidus ordo. L'architettura della lirica oraziana (Libri I-III), Bologne, Pàtron, 1989 (Coll. Edizioni e saggi universitari di filologia classica, t. 42). Cet ouvrage, dont le titre est emprunté au v. 41 de l'Ars poetica, montre que, au moins dans les trois premiers livres des Odes, les poèmes ne sont pas disposés au hasard : des groupements, moins évidents dans le livre I que dans les deux autres, apparaissent selon les thèmes et les mètres, souvent appuyés par des correspondances numériques, qui confirment l'extraordinaire souci du poète de construire son œuvre au sens d'une "architecture". Pour le livre I, on pourra se référer à l'étude de P. Salat, La composition du livre I des "Odes" d'Horace, dans Latomus, t. 28 (1969), p. 554-574. Au-delà de l'extrême diversité des thèmes d'inspiration d'Horace, qui s'enchaînent sans continuité apparente, des symétries se dégagent et nous aurons l'occasion d'en voir quelques exemples ponctuels (e.g. rapports évidents entre les pièces symétriques I, 5 et III, 26). Ce n'est sans doute pas un hasard si on retrouve ce type de structure dans la composition d'ensemble du Cathemerinon de Prudence, celui que l'on appelle souvent l'Horace chrétien, au début du Ve siècle (voir J.-L. Charlet, La création poétique dans le "Cathemerinon" de Prudence, Paris, Belles Lettres, 1982).
Il faudrait aussi parler de la très grande diversité des tons et des styles dans les Odes d'Horace, où la poésie nationale et élevée côtoie l'anecdote amoureuse, où le poème à caractère religieux se prolonge en un médaillon alexandrin, où les chansons à boire sont le prétexte d'une sagesse au quotidien, où tout événement, petit ou grand, heureux ou malheureux, apparaît comme digne de devenir le sujet d'un poème. Car le génie d'Horace est aussi d'avoir trouvé dans les grands moments de la vie de la cité et dans les vicissitudes de la vie de tous les jours matière à poésie, et d'avoir su adapter le lyrisme de sa poésie au ton de ces événements, rivalisant ainsi avec la grandeur du style épique, la puissance du style pindarique, la grâce et l'élégance des petits poèmes anacréontiques, l'incantation du style hymnique, la sensualité de la poésie amoureuse, la familiarité du genre épistolaire, etc., tout cela dans une forme achevée et virtuose qui ne laisse la place à aucune improvisation, mais qui ne se prive pas non plus de briser le carcan du vers pour retrouver le souffle de la prose oratoire.
Et pourtant, à travers cette diversité de tons, de genres et de styles, qui est, en définitive, celle de l'ensemble de l'œuvre poétique d'Horace, il y a une unité essentielle : celle d'une sagesse qui a su exploiter tous les ressorts poétiques, philosophiques, tragiques de l'expérience du temps qui passe et des moyens que se donnent les hommes pour y répondre. Face au temps, broyeur d'intégrité, il y a l'adverbe nunc, horatien par excellence, et les valeurs qui lui sont attachées, comme, par exemple, un bon vin, une chambre bien chauffée, le doigt d'une jeune fille saisi au coin d'une rue, et, surtout, l'amitié, la seule expérience vraiment durable, qui permet de prolonger le moment qui fuit. Les sources de cette sagesse sont nombreuses et éclatées, sinon contradictoires ; on y trouve des lambeaux d'épicurisme, de stoïcisme, de platonisme sommaire, de morale pratique sans doute influencée par les grands projets de réforme augustéens. Mais, à l’arrivée, la sagesse d’Horace reste toujours quelque chose de personnel et d’inimitable (voir l’article de J. Fontaine, Les racines de la sagesse horatienne, dans l’IL, t. 11 [1959], p. 113-124).
Inimitable, certes, mais non pas, sans doute, par le contenu de son enseignement, somme toute ordinaire et, oserais-je dire, banal, quand il n'est pas franchement ostentatoire comme dans certaines pièces officielles. À la limite, le vrai sujet d’une ode d’Horace n’est pas là où on l’attend, c'est-à-dire dans son message ; il est plutôt dans les rapports étroits du message et de la forme poétique qui le constitue, il est dans la manière dont le poète tisse le sens de son poème à travers les artifices de son expression littéraire. Chez Horace, la forme poétique n'est pas seulement un ornement esthétique, une addition de procédés de style qui doivent donner un ethos particulier à un sens préexistant ; elle est au cœur même de la sagesse d'Horace et le sens de l'ode se trouve caché dans les jeux formels de la mise en œuvre poétique.
Le contenu de ce cours sur les Odes d'Horace est réparti sous sept onglets qui apparaissent en tête de page dès que l'on a accédé à une ode en particulier:
- Introduction (propre à chaque ode)
- Texte latin
- Traduction (personnelle du titulaire du cours)
- Vocabulaire
- Grammaire et langue (morphologie, syntaxe, procédés de style, particularités métriques). Le commentaire grammatical renverra, le cas échéant, au Précis grammatical électronique rédigé par Anne-Marie BOXUS et hébergé sur le site des Itinera electronica.
- Au fil du texte (realia, histoire, problèmes critiques, sources, survie, synthèses partielles, témoignages, ...)
- Commentaire intégré (commentaire suivi de l'ensemble de l'ode, qui en dégage le sens et la structure en prenant en compte les détails de l'analyse).
On peut interroger le contenu des onglets de deux manières:
a) En cliquant sur un onglet, on accède à l'ensemble des informations reprises sous cet onglet. C'est la seule manière d'accéder au contenu des onglets Introduction, Texte latin, Traduction, Commentaire intégré.
b) Il est aussi possible d'interroger les onglets Vocabulaire, Grammaire et langue, Au fil du texte à partir des liens de couleur qui apparaissent dans le Texte latin. sCette interrogation, plus fine et accrochée à la progression du texte, conduit directement au mot commenté. Un lien bleu conduit vers le fichier Vocabulaire.
Un lien rouge conduit vers le fichier Grammaire et langue.
Un lien vert conduit vers le fichier Au fil du texte.Un même mot peut faire l'objet de commentaires multiples: dans ce cas, il apparaît sous un lien de couleur dès qu'on accède au premier lemme. Une certaine hiérarchie de navigation a été respectée: un mot qui apparaît en bleu dans le texte latin fait uniquement l'objet d'un renvoi au fichier Vocabulaire; un mot qui apparaît en rouge dans le texte renvoie au fichier Grammaire et langue, d'où on peut rejoindre le fichier Vocabulaire, si le lemme est présenté en couleur bleue; un mot qui apparaît en vert dans le texte latin renvoie au fichier Au fil du texte d'où un lien peut faire repartir l'utilisateur, selon la couleur du lemme, vers les deux autres fichiers.
(cette rubrique n'est pas d'actualité pour l'année académique 2020-2021, sauf ce qui concerne le forum de discussion)
Les étudiants prendront en charge, par groupes de deux, l'étude de 200 vers de leur choix extraits des Odes d'Horace, selon les principes d'analyse, d'explication et de commentaire développés dans le cours. Ce travail comprendra donc les rubriques suivantes : une introduction pour chaque ode, où l'on étudiera notamment la structure métrique de l'ode, son contenu, ses sources, et sa survie ; le texte latin entièrement scandé ; une traduction française élégante ; une liste de vocabulaire ; un commentaire grammatical ; un commentaire " Au fil du texte " ; un commentaire intégré qui articule une analyse du sens et de la forme du poème à travers une étude structurale complète et synthétisée par un tableau. Chaque étudiant précisera à l'entrée du dossier la part personnelle qu'il a prise dans la réalisation de ce travail, en veillant à ce que les rubriques soient bien réparties entre les étudiants, tout en veillant à la plus grande cohérence dans l'analyse et la présentation du dossier.
En complément à ce travail, un forum de discussion a été ouvert sur MoodleUCL, directement accessible au départ de la page d'accueil du site des cours d'auteurs latins (onglet Disputatio). Chaque groupe est invité à répondre aux questions et à participer au dialogue dans le cadre des odes qu'il aura prises en charge.
L'évaluation finale de chaque étudiant sera le résultat combiné de quatre notes partielles :
• une note pour les parties du dossier personnellement prises en charge par chaque étudiant (50%) ;
• une note pour l'examen oral de janvier, où chaque étudiant sera interrogé sur une ode ou une partie d'ode. Il sera invité à introduire le poème, à le traduire et à le commenter (15%) ;
• une note commune au groupe pour l'ensemble du dossier (20%) ;
• une note pour la participation du groupe au forum de discussion (15%).
Responsable
académique :
Paul-Augustin Deproost
Analyse
: Jean
Schumacher (†)
Design
& réalisation inf. :
Boris Maroutaeff
Dernière
mise à jour : 10 septembre 2020 |