HÉLOÏSE ET ABÉLARD

 

Correspondance

 

Héloïse II

Vnico suo post Christum, unica sua in Christo

 

Grammaire et langue

 


 

tibi (uiro, marito,…) : D. < prae-ponere.

presumpsisti : base d'une complétive introduite par « quod » + indicatif, complément d'un verbe de sentiment miror.

suis : i.e. nominibus. D. < ante-ponant.

non parua admiratione : litote

debuisti : 2e pers. sg. ind. parfait de debere, debeo, es, debui, debitum. Indicatif de « possibilité » : avec les verbes de « devoir, possibilité, convenance » (posse, decet, debet, oportet, esse + adjectif ou adjectif verbal), le latin emploie l'indicatif  là où le français traduit par un conditionnel. L'indicatif parfait ou plus-que-parfait (debueras) exprime ici une nécessité non réalisée.

auxisti : base d'une proposition explicative introduite par « quod » + indicatif, solidaire du pronom illud.

nostrum : génitif partitif du pronom personnel nos. Dans les autres cas, on emploie le génitif nostri.

possit : emploi du subj. avec un verbe de possibilité, là où le latin utilise habituellement un indicatif (cfr. debuisti, debueras). Le subjonctif semble souligner l'absence de toute possibilité de réalité pour l'hypothèse formulée.

quo animo…, quo ore… : abl. de modalité ; quo déterminant interr.

obliuiscatur : 3e pers. sg. subj. présent de obliuisci, obliuiscor, eris, oblitus sum. Subjonctif de souhait en proposition principale.

genere : abl. n. sg. de genus, generis. Ablatif du deuxième terme de la comparaison, complément de l'adjectif grauior.

sit : base d'une prop. relative qualificative ou « caractérisante ».

fueris : 2e pers. sg. subj. parfait de esse, pour marquer l'antériorité par rapport à subsequaris.

dictis : D. n. pl. de dictum, i : complément de parce.

miserrimas : attribut de miseras.

quodÉ uiuimusÊ: P2 explicative de hoc ipsum.

sua : emploi du réfléchi au nominatif pour exprimer une valeur qualificative opposée à alienus : suus signifie « qui lui appartient, qui lui est propre, bien à lui ». Voir Trahit sua quemque uoluptas : « Chacun est entraîné par son propre plaisir » (VERG., buc. II, 65).

sollicitudinis: G. partitif, complément de l'adverbe satis.

tui : G. du pronom personnel tu ; G. objectif complément du nom memoria(m).

quod : déterminant interrogatif nom. n. sg., détermine tempus.

tunc…quando : lorsque. Cette proposition temporelle tunc…quando summa perturbatio… est elle-même décomposée en deux temporelles explicatives, introduites par cum, qui décrivent respectivement le bouleversement de la raison (pensée et parole : rationis sensum, sermonis usum) et du cœur (mens insana).

ut…simus…possimus : variante du « ut » consécutif, qui induit une valeur explicative.

amiserimus : 1re pers. pl. ind. futur antérieur de amittere, base de la proposition en «  cum  » temporel.

utinam…possimus : subj présent, accompagné de utinam, pour marquer le souhait en proposition principale.

annuat : 3e pers. sg. subj. pr. A. de annuere. Subj. d'ordre dans la proposition principale.

tibi : D. < sub-ueniamus.

supersedendo : abl. du gérondif.

uerbis : D. < super-sedendo.

ne…cruciet (eum) cui…

succurri : inf. présent passif impersonnel.

nulla…prouidentia : ablatif.

sperandum : adj. verbal de sperare, nom. n. sg., attr. de quid, pronom interr. sujet de superest.

remanendi : génitif du gérondif de remanere, complément du nom causa.

habeam : 1re pers. sg. subj. présent actif de habere : base d'une proposition relative qualificative ou « caractérisante ».

omnibus de te michi uoluptatibus : l'ordre des mots est expressif à cet endroit où Héloïse évoque le souvenir des voluptés, désormais interdites, qu'elle a connues avant la mutilation d'Abélard : mise en évidence de l'adjectif omnibus et rapprochement significatif des deux pronoms te/michi.

presentia : abl. f. sg. de pr(a)esentia : complément de frui.

ualeam : 1re pers. sg. subj. présent de ualere ; base d'un ut de but.

si fas sit dici : étant donné sa condition de moniale, on aurait pu s'attendre à ce qu'Héloïse utilisât ici une tournure à l'irréel du présent, au subj. imparfait (esset) : l'emploi du potentiel, au subj. présent, semble indiquer qu'elle envisage sérieusement la possibilité de sa supposition.

Deum…, clementiam…, fortunam…, me : acc. exclamatifs.

seuiat : 3e pers. sg. subj. présent actif de s(a)euire : base d'une proposition relative qualificative ou « caractérisante » : en l'occurrence, l'emploi du conditionnel en français ou d'un verbe modal (e.g. « pouvoir ») traduit bien le sens de la relative.

superesset…, inueniret : irréelle du présent : Héloïse n'est plus qu'une blessure, tant la Fortune s'est acharnée sur elle.

interimereinteritum : jeu phonétique dans le rapprochement de ces deux mots apparentés : la Fortune, qui ne cesse de tuer Héloïse, redoute sa mort, car elle ne pourra plus la persécuter.

que quanto… : tout ce passage développe une rhétorique d'oppositions ponctuée par les corrélatifs quanto… tanto : praelata / prostrata ; sublimiorem / grauiorem ; gradum / casum ; in te / in te et in me.

feminis : D. < pr(a)e-lata.

quam : i.e. feminam

quam (in te…) : adj. exclamatif, acc. f. sg., détermine gloriam et ruinam.

quam…intulit : Héloïse poursuit sa rhétorique d'oppositions : les deux personnages sont réunis dans la gloire et dans le malheur ; le parallélisme réunit les deux pronoms te / michi au milieu des deux phrases.

habueritÊ: 3e pers. sing. subj. pft. A de habereÊ; base de la P2 consŽcutive introduite par utÊ; l'entorse ˆ la concordance des temps, o l'on attendait un subj. imparfait par simultanŽitŽ dans le passŽ (extitit), souligne que la consŽquence n'Žtait pas seulement attendue, mais qu'elle s'est effectivement accomplie.

que : i.e. fortuna. Cette dernière phrase est particulièrement élaborée dans des jeux sonores d'homéotéleutes et dans des oppositions entre termes symétriques ponctuées par les corrélatifs tanto…quanto.

ut : consécutif : introduit les trois verbes au subj. imparfait : consumerent, succederet, terminaret.

gaudiis : abl. n. plur. de gaudium, ii : abl. complément du verbe frueremur (voir supra presentia).

frueremur : 1re pers. plur. subj. impft. déponent de frui ; base de la proposition introduite par dum : « aussi longtemps que, pendant tout le temps que ». En latin classique, la construction habituelle est à l'indicatif.

pollutum : i.e. thorum.

quouis : pr.-adj. ind., abl. n. sg., détermine adulterio.

esset : 3e pers. sg. subj. impft. de esse ; marque l'irréel du présent en proposition principale : Abélard a subi son châtiment alors qu'il n'était plus en état d'adultère.

p(o)ena : n. f. sg., apposé à hoc.

castius : adv. au comparatif: caste.

Parisius : forme figée qui est la survivance d'un usage syntaxique mérovingien pour marquer le lieu d'un nom de ville, en l'occurrence comme substitut de l'abl. pluriel du lieu de situation Parisiis. Au VIe siècle, Grégoire de Tours et Venance Fortunat admettent une forme figée Parisius dans des expressions comme Parisius uenit « il vient à Paris » (direction) ou sanguine nobilium generata Parisius urbe, « née à Paris d'une famille noble » (situation) (GREG. TVR., Hist. Franc. IV, 50 ; VEN. FORT., carm. IV, 26, 13). Plus tard, on a créé sur le même modèle Turonus, Treuerus (à Tours, à Trêves), etc. Il est probable que cette forme était primitivement un accusatif pluriel, Parisios uenit, transformé en Parisius, suite à une évolution phonétique fautive en latin mérovingien où la désinence -us a souvent remplacé -os. Cette forme barbare s'est maintenue malgré la restauration du latin à l'époque carolingienne. On a continué d'écrire Parisius à travers tout le moyen âge, et Héloïse fait ici écho au propos d'Abélard dans l'HC : perueni tandem Parisius (voir HICKS, p. 4, l. 28). Les accusatifs des noms de ville tendent à se figer, comme l'attestent les emplois de Constantinopolim, Neapolim et d'autres accusatifs de ce type, qui remplacent tous les cas. Chez Paul Diacre, Constantinopolim a le sens d'un ablatif d'origine dans l'expression Constantinopolim egressus, et Neapolim sert de sujet dans nunc tamen corpusculum Neapolim retinet.

scolis : D. f. plur., complément de pr(a)e-sidente.

Argenteoli : génitif locatif de Argenteolium, ii.

ut tu (uaccares)

studiosius… liberius… sanctius : adv. au comparatif : studiose, libere, sancte.

debueras : 2e pers. sg. ind. PQP de debere, pour marquer la nécessité non réalisée.

quanto : introduit les deux verbes satisfeceras… sublimaueras.

te : COD de humiliando.

humiliando : gérondif à l'abl. de modalité.

me miseram,… perniciem : acc. exclamatifs

uerbis : D. n. pl., complément de ad-tende.

abstrahatur : 3e pers. sg. subj. présent passif de abstrahere ; subj. pour marquer la défense en proposition principale (négation ne).

morte : abl. f. sg., deuxième terme de la comparaison, complément de l'adj. au comparatif amariorem.

oculis : abl. m. plur. de oculus, i : abl. de privation, complément de priuatum.

maledicendum : acc. du gérondif de maledicere, introduit par ad.

Deo : D. de Deus, complément du verbe au gérondif maledicendum.

hoc : = uirorum… facillimam.

purget : 3e pers. sg. subj. prés. actif de purgare ; base d'une proposition concessive introduite par etsi, qui, habituellement, se construit avec l'indicatif en latin classique.

quod : acc. de relation, complément du verbe passif plector.

commissi : sc. peccati.

ualeam : 1re pers. sg. subj. prés. de ualere : accompagné de utinam, le subj. présent marque le souhait en proposition principale. Vtinam détermine plusieurs subjonctifs présents : ualeam, suscipiam, satisfaciam.

pene : = poenae (illi tuae).

profitear : 1re pers. sg. subj. prés. déponent de profiteri : introduite par « si », cette proposition n'est pas une véritable conditionnelle, mais une proposition qui fonctionne comme complément de phrase et qui correspond à la proposition introduite en français par « pour le cas où, au cas où » ; elle se construit toujours avec le subjonctif et elle peut commuter avec une proposition en cum + subj. (CLAVIS, 265).

qua : adj. interr., abl. f. sg., détermine penitentia, abl. de modalité ; introduit une interr. ind. complément de inuenio, dont le verbe est le subj. présent ualeam.

crudelitatis : génitif f. sg. de crudelitas : génitif qui marque le délit, complément indirect du verbe arguo. Pecuniae publicae condemnatus : « condamné pour détournement de fonds publics » (CLAVIS, 165).

peccandi : G. du gérondif de peccare ; complément du nom uoluntatem.

confitendo : abl. du gérondif de confiteri ; abl. de modalité.

loquatur : 3e pers. sg. subj. prés. déponent de loqui ; base de la complétive introduite par ut, complément de restat.

uere : = uerae (penitentie).

sit : 3e pers. sg. subj. prés. de esse ; base de l'interr. ind. introduite par l'adverbe interr. quam, complément de attendens.

 

Responsable académique : Paul-Augustin Deproost
Analyse : Jean Schumacher
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Dernière mise à jour : 10 décembre 2019