[4,0] L'ART VÉTÉRINAIRE ou L’HIPPIATRIQUE. LIVRE QUATRIEME. PROLOGUE. Pendant que je travaillais à mes commentaires d'Hippiatrique, les plaintes fréquentes de mes concitoyens et de mes amis, qui pleuraient les maladies et les morts désastreuses de leurs bœufs, m'ont fait suspendre la continuation de cet ouvrage, parce qu'ils m'ont demandé très instamment de donner au public tout ce que les différents Auteurs peuvent avoir écrit de relatif à la santé de ces animaux qui sont si utiles. Cédant donc au désir très louable de mes amis, j'ai recueilli avec choix dans tous les Auteurs ce que l'on trouvera rassemblé dans ce petit volume-ci, qui est composé dans un style simple et dont le bonheur sera complet s'il ne dégoûte pas l'homme instruit et qu'il soit à la portée du Bouvier. J'ai d'ailleurs été principalement excité à le composer par l'utilité des bœufs eux-mêmes et par la faveur qu'ils méritent, puisque sans eux, la terre ne pourrait être cultivée d'aucune manière, de même que le genre humain ne pourrait pas être sustenté. Car on peut dire avec justice qu'on est redevable de tous les légumes et de tous les blés aux bœufs et aux charrues : la vigne elle-même cesserait d'être cultivée, si les voitures auxquelles sont attelés ces animaux ne se fatiguaient pas à porter les soutiens de cette plante. Que dirons-nous du charroi des différents fardeaux, puisqu'entre les effets mobiliers mêmes, les plus lourds seraient presque immobiles au défaut des voitures? Les autres animaux eux-mêmes, jusqu'aux oiseaux de basse-cour, tirent leur subsistance du travail des bœufs. En effet, d'où les Propriétaires les plus industrieux pourraient-ils tirer de l'orge pour les chevaux, de la nourriture pour les chiens, ou de la pâture pour les porcs s'ils ne se pourvoyaient pas de blés à l'aide des bœufs : Et pour ne pas m'étendre davantage, n'est-on pas redevable aux bœufs de tous les aliments possibles? Il y a des peuples qui se servent de mulets, d'autres qui se servent de chameaux et quelques-uns même d'éléphants quoiqu'on tire peu de service de ces animaux, mais il n'y a pas de Nation qui puisse se passer de bœufs. Enfin, pour nous reporter aux écrits des Auteurs les plus prudents, qui nous certifient que ce n'est qu'après avoir été violée par le meurtre des animaux, que la Justice a abandonné la terre pour retourner au ciel qu'elle avait eu en partage ; que peut-on imaginer, qui soit plus à l'honneur des bœufs, que ce qu'ils nous assurent ; savoir, que cette Divinité la plus équitable de toutes, a été mise ensuite par la mort de ces animaux, quoiqu'elle fût restée sur terre pendant qu'il s'y commettait des homicides? Il faut donc s'appliquer à deux objets, à conserver leur santé intacte et à traiter par la méthode d'une médecine convenable les maladies qui leur surviennent par hasard ou par négligence, ou par une suite de travail. [4,1] CHAPITRE PREMIER. Si l'on veut que des bœufs vivent longtemps et qu'ils se portent bien, il faut que le Bouvier ou le Propriétaire aient soin de les mettre dans une étable très chaude, afin qu'ils soient à l'abri du froid et même si faire se peut, de les tenir toujours dans la proximité de l'âtre, parce que le feu leur est favorable en tout temps, par une espèce de bienfaisance naturelle, soit qu'il dessèche les humeurs superflues et pestilentielles qui séjournent dans leur corps, ou qu'il chasse le froid que leur occasionne la pâture ou l'ouvrage, soit que la vapeur des flammes guérisse leurs maladies internes. Il faut que la crèche de l'étable soit construite avec soin, de crainte que la pâture de ces animaux ne s'éparpille entre leurs pieds. Du reste, l'étable à bœufs sera placée dans un lieu sec et on la nettoiera assidûment, en étendant tous les jours sous les animaux le fourrage qu'ils n'auront point mangé, afin qu'ils soient couchés plus sèchement et plus mollement. Il faut également avoir l'attention, quand ils reviennent du travail, de leur jeter du vin tiède sur le col et de les frotter très longtemps; mais lorsqu'au retour d'une route ou de la pâture ils sont remplis de boue, il faut leur laver les pieds, avant de les faire rentrer à l'érable, dans de l'eau qu'on apportera à cet effet, de peur que les immondices qui seront attachées à leur corps n'y engendrent des ulcères, ou qu'elles n'amollissent la corne de leurs pieds, ou qu'au moins elles ne les molestent quand ils mangeront et qu'elles ne les inquiètent quand ils voudront dormir. Il faut, aussi donner tous ses soins à écarter d'eux le froid en hiver, comme à leur chercher un air pur en été. En conséquence, on les mettra à l'ombre pendant le jour et à l'air pendant la nuit. En effet, le trop grand chaud ne leur occasionne pas moins de maladies que le trop grand froid. Outre cela, il est fort utile de leur faire avaler tous les sept jours à chacun un œuf cru avec un hemina de sel et un sextarius de vin. Il est encore bon de mêler de l'ail broyé avec du suif de bouc et de la verveine broyée en même temps, en joignant à ces drogues de la rue et même de la fleur de farine, pour leur faire avaler ce mélange dans du vin. Il faut surtout prendre garde de les fatiguer par de trop grandes courses ou par de longs voyages, ou au moins de les attrister en les chargeant de fardeaux trop pesants, parce que la trop grande fatigue est toujours suivie de quelque maladie et que tout animal devient faible quand il a été excédé. Quoique les animaux de cette espèce ne demandent pas que l'eau qu'ils boivent soit très claire et qu'ils ne soient pas autrement incommodés pour en avoir bu de malpropre, il est cependant du devoir d'un Bouvier attentif, de veiller à ce qu'ils en boivent toujours qui soit propre et excellente ; mais il faut surtout avoir soin qu'ils aient toujours en abondance des nourritures convenables et qu'ils soient en embonpoint, parce que la maigreur est le principe de toutes leurs maladies. Le travail casse de bonne heure un animal épuisé, la chaleur le tourmente et le froid le pénètre. Il ne suffit pas en été de mener paître les bœufs et il faut ajouter à ce genre de nourriture des feuilles de différentes espèces, afin que la variété même de la nourriture écarte le dégoût naturel à ces animaux. On les engraissera en hiver, non seulement avec de la paille, mais encore avec du foin et de l'orge et le plus souvent avec de l'ers. Au surplus, il n'y a personne qui puisse regretter la dépense qu'entraîne leur nourriture, pour peu qu'il veuille réfléchir sur la cherté de ceux qui périssent faute d'être bien nourris. Il ne faut pas moins de précautions contre les maladies des bœufs, que contre celles des chevaux. [4,2] Section II. En effet, si la contagion qui porte le nom de Malleus et qui se manifeste par diverses sortes de maladies, cause la mort d'un très grand nombre de chevaux, elle ne fait pas moins périr de bœufs. Plusieurs Auteurs donnent à cette maladie différents noms, quoique le vulgaire l'appelle communément "achanus". Dès que cette maladie prend à un bœuf, on le reconnaît à ces symptômes-ci : son poil se hérisse, il devient triste, il a les yeux hébétés et la tête baissée, la salive lui coule continuellement de la gueule, sa démarche est lente, il a l'épine du dos raide, avec un très grand dégoût et il rumine peu. Si l’on travaille dès le principe de la maladie à le soulager, le danger disparaîtra ; mais si l’on tarde par négligence à le soigner, l'ancienneté de la maladie l'ayant fait empirer, on n'en sera plus le maître: Ainsi, quand un bœuf commencera à être dégoûté, on lui fera prendre aussitôt cette potion-ci, qui le soulagera dans telle maladie que ce soit : Broyez dans un mortier trois unciae et demie de scille hachée bien menue, avec des racines de jeune peuplier arrachées de terre et bien lavées et jetez-en trois livres dans sept sextarii de vin, en y en ajoutant un de sel et faites avaler un sextarius de ce médicament par jour à un bœuf pendant sept jours. Si l'on veut que les bœufs aient pendant toute l’année la force nécessaire pour résister à toutes les maladies désespérées, on leur donnera pendant quinze jours de suite au commencement du printemps, c'est-à-dire, aux Ides de Février, la potion que nous venons de prescrire, qui leur est si salutaire, qu'il est démontré par l'expérience, que les bœufs qui l'auront prise, ne seront jamais attaqués de toute l’année par aucune maladie contagieuse. La composition suivante résiste aussi aux maladies de ces animaux et augmente leurs forces : On broie bien trois unciae de feuilles tant de chèvrefeuille, que de myrrhe sauvage et de cyprès, on les fait infuser dans un congius d'eau et on les laisse à l'air pendant une nuit, ensuite on en donne pendant trois jours un sextarius par tête à chaque bœuf, après l'avoir réchauffé. Il faut faire prendre cette potion à ces animaux quatre fois par an pour les fortifier, savoir à la fin du printemps, de l’été, de l'automne et de l'hiver. Elle dissipe les maladies et les incommodités. Broyez bien trois unciae de baies de laurier, de gentiane, d'aristoloche longue, de myrrhe et de bétoine et jetez-les dans du vin pur, dont vous ferez avaler trois heminae à un bœuf pendant trois jours consécutifs. Des gousses d'ail broyées dans du vin purgent également la tête de ces animaux, quand elles sont injectées dans leurs narines. On leur fait avaler des œufs crus avec du miel, pour dissiper leur dégoût et leurs nausées. Il est cependant bon de mêler du sel dans leur pâture, ainsi que de verser dessus le matin de l'huile et du vin, dans lesquels on aura broyé du marrube. De la poudre d'encens dans du vin pur leur est bonne, soit qu'on la leur injecte dans les narines, soit qu'on la leur fasse prendre par la bouche. Le rapport des jardins fournit aussi des médecines qui ne sont pas moins utiles aux bœufs, puisque si l'on broie une grande quantité de porreaux, de rue, d'ache de marais et de saviniere et qu'on mêle ces plantes avec du vin, pour leur en donner trois heminae à boire, elles les soulageront dans leurs maladies. Il y a bien des personnes qui font macérer dans de l'eau des tiges de couleuvrée hachées, avec du serpolet et un tronçon de scille et qui leur font prendre trois heminae de cette eau en trois jours Cette potion purge le ventre de ces animaux et les remet en forces. Mais on croit que pour traiter l'intérieur de leur corps, le meilleur est de leur donner de la lie d'huile coupée avec pareille quantité d'eau en les accoutumant à en boire ; mais comme ils ont du dégoût pour cette boisson qu'ils ne connaissent pas, telle soif qu'ils aient, on commence par en verser sur leur nourriture, ensuite, on détrempe l'eau qu'on leur donne à boire avec une petite quantité de cette liqueur ; enfin, on la coupe par mesure égale, pour leur en donner jusqu'à ce que leur soif soit apaisée. Au surplus, quand on excite les bœufs à courir en tel temps que ce soit, mais principalement en été, leur ventre se relâche et cet accident leur est dangereux, ou il en résulte de petites fièvres, parce que cet animal qui est naturellement lent et plus fait pour le travail que pour la course, se trouve fort lésé, quand il est contraint à une besogne à laquelle il n'est point accoutumé. Il est encore dangereux que des truies ou des poules approchent de sa crèche, parce que dès qu'un bœuf a pris de la fiente de poule avec sa pâture, il est tourmenté par des douleurs de ventre excessives et meure enflé. Voici comment il faut remédier à cet accident. On mêlera trois unciae de graine d'ache de marais, avec un sextarius et demi de vin Amminée et deux livres de miel etc on lui fera prendre ce remède par la gueule, après l'avoir fait chauffer, après quoi, on le forcera de marcher et on le frottera à plusieurs mains, jusqu'à ce que cette potion lui lâche le ventre. On croit aussi que si on lui fait avaler du gisnum broyé dans du vin, ce sera un remède salutaire. On mêle encore avec de l'huile, de la cendre de lessive faite avec de l'orme, ou tel autre bois que ce soit, pourvu qu'elle soit bien criblée, pour en faire une potion qu'on lui fait avaler chaude et qui est très bonne contre l'effet de cette fiente ; mais si un bœuf a avalé de la fiente de porc, il est aussitôt attaqué de la maladie contagieuse du malleus : c'est pourquoi, s'il a été parmi un troupeau de gros bétail, ou qu'il ait fréquenté des bêtes domptées, il faut aussitôt éloigner de ses domaines tous les animaux sur lesquels on aura le plus léger soupçon de cette maladie et les distribuer dans des lieux où il n'y ait point de bétail qui paisse, afin qu'ils ne se gâtent point les uns les autres et que s'il y en a qui le soient déjà, ils n'en gâtent point d'autres. En effet, ils corrompent les herbes en paissant, les fontaines en buvant et les crèches en se tenant à l'étable de sorte que les plus sains même, périssent par l'odeur qu'exhalent ceux qui sont malades. Il faut même porter la précaution jusqu'à jeter hors des limites de la métairie les cadavres de ceux qui seront mort de cette maladie et les enfoncer très profondément sous terre, de peur qu'il n'arrive que ceux même qui sont sains, n'en soient atteints en dedans du corps et n'en périssent. [4,3] On donne à cette maladie, le nom de peste en général, mais elle est de plusieurs sortes que je ne suis point fâché de détailler toutes, afin que les principes qui la concernent, soient plus aisément compris par les personnes qui y feront attention. C'est donc une maladie humide, toutes les fois qu'il coule une humeur par la gueule et par les narines des bœufs, symptôme qui est suivi du dégoût et du malaise. C’en est une sèche toutes les fois que, sans qu'il paraisse aucune humeur, l'animal maigrit et empire de jour en jour et qu'il n'a point son appétit ordinaire. C'est la goutte, toutes les fois que les bœufs boitent, tantôt des pieds de devant, tantôt de ceux de derrière, quoiqu'ils aient la corne du pied saine. La maladie est cachée sous les reins, toutes les fois que la faiblesse se manifeste dans les parties postérieures de l'animal et que les reins semblent lui faire mal. C'est le farcin, toutes les fois qu'il lui vient sur tout le corps des tubercules qui se percent et qui paraissent se guérir, tandis qu'il s'en élève de nouveaux dans d'autres parties du corps. C'est la maladie d'entre cuir et chair, toutes les fois qu'une humeur maligne vient à se manifester en différentes parties du corps et que cette humeur flue. C'est l'éléphantiasis, toutes les fois qu'il s'élève sur la peau de petites cicatrices en forme de galles et semblables à de petites lentilles. Enfin, c'est la manie, quand les bœufs perdent l'usage des sens au sortir d'une maladie, de façon qu'ils n'entendent ni ne voient comme de coutume : cette maladie les fait périr très promptement, quoiqu'ils paraissent gais et gras. Il n'y a aucune de ces maladies qui ne soit remplie de contagion, aussi, dès qu'un animal en a été attaqué, elles s'étendent bientôt sur tous les autres, de sorte qu'elles font quelquefois périr des troupeaux entiers de gros bétail, ou même toutes les bêtes domptées. C'est pourquoi, il faut donner tous ses soins à séparer des autres, les animaux qui en sont attaqués et les envoyer dans des lieux où aucun animal n'aille paître, de peur qu'ils ne mettent tous les autres animaux en danger, par la contagion qu'ils leur communiqueraient et qu'on ne vienne à imputer à la colère divine, (comme les sots ont coutume de faire) ce qui serait un effet de la négligence du Propriétaire. Il faut indépendamment de cette précaution, vaincre et détruire ces maladies, telles cruelles qu'elles soient, par des remèdes étudiés. On achète donc du panax chez les Epiciers. On donne le nom d'eryngion à une herbe qui vient sur le bord de la mer, dans la proximité des vagues, la fleur de cette herbe est presque de couleur d'or ou jaune, ses feuilles ressemblent à celles du chardon béni et elle étend ses racines très loin, à travers les sables du rivage. On déterre donc ces racines pour les conserver après les avoir fait sécher à l'ombre et elles sont très bonnes contre les maladies des chevaux, ainsi que contre celles des bœufs. On s'en sert pour composer cette potion-ci : on broie bien en semble trois unciae de racine tant de panax, que de cette espèce de panicaut de mer, avec trois de graine de foin, sur lesquelles on ajoute un sextarius de farine de froment, que l'on a concassé avant de le moudre. On verse sur toutes ces drogues de l'eau bouillante, pour en faire des pâtes avec du miel et du vin cuit jusqu'à diminution des deux tiers et on donne neuf de ces pâtes par jour à un bœuf. Outre cela, on amasse du sang de tortue de mer, qu'on lui fait boire avec du vin et comme il est difficile de trouver des tortues de mer, on regarde comme également bon le sang des tortues communes, mais c'est à l'expérience à apprendre si l'on ne se trompe point en cela, d'autant que les Auteurs n'ont point parlé de tortues de terre. On mêle aussi par égale portion de la poudre de casse et d'encens, on en jette une demi-uncia par jour dans un sextarius de vin vieux, pour l'injecter dans les narines d'un bœuf, en répétant cette injection pendant trois jours. Comme les maladies que nous avons nommées ci-dessus sont arrières, on ne les surmonte que par des potions amères, parce que, suivant les règles de la médecine, les contraires se guérissent par des potions contraires. C'est pourquoi, on mêle par parties égales de la poudre d'absinthe et de lupins crus, avec de la poudre de centaurée, ou de fenouil de porc et on en fait prendre aux bœufs trois cochléaria par jour, dans un sextarius de vin vieux, sur lequel on ajoute trois unciae d'huile. On a encore fait l'essai du remède suivant et l'expérience a prouvé qu'il était efficace : On cueille la petite racine de l'herbe appelée consiligo, (d'autres l’appellent pulmonaria et d'autres lui donnent simplement le nom de radicula: on la cueille, dis-je, de la main gauche et avant le lever du soleil, parce que l'on imagine qu'elle a pour lors une plus grande vertu, après quoi, on fait une espèce de cerne avec une aiguille ou avec une pointe de cuivre sur la partie la plus large de l'oreille d'un bœuf, en enfonçant l'aiguille de façon que, la peau se trouvant légèrement ouverte, il en sorte du sang. Quand cette opération est faite des deux cotés de l'oreille, on perce ce cerne par le milieu avec l'aiguille et on insère cette petite racine dans le trou qu'on a pratiqué et lorsqu'on vient à la retirer, tout le virus pestilentiel flue par la plaie, jusqu'à ce que la seule partie de l'oreille qui aura été cernée soit pourrie au point de tomber et que l'animal soit guéri par ce moyen. On injecte dans les narines des bœufs des feuilles de gui broyées dans du vin et c'est le moyen de soulager non seulement chaque bœuf en particulier, mais encore des troupeaux entiers qui auraient gagné la maladie. Les fumigations leur sont aussi très utiles : On met donc sur des charbons du soufre, du bitume, de l'ail, de l'origan et de la graine de coriandre et on leur tient très longtemps la tête couverte sur le vase dans lequel on fait brûler ces odeurs, afin que la fumée leur entre par la gueule et qu'elle remplisse leurs narines pour pénétrer à leur cerveau et dans l'intérieur de leurs corps et apporter un remède salutaire. Il est encore très bon de parfumer le corps entier de l'animal, pour détourner de lui la maladie pestilentielle et l'empêcher de gâter les autres en leur en communiquant la contagion. Après avoir donné les remèdes généraux contre les maladies contagieuses qui s'étendent sur tous les bœufs, nous allons à présent passer aux remèdes contre les maladies qui surviennent à chacun d'eux en particulier, sans se communiquer à d'autres. [4,4] Section III. Les indigestions nuisent beaucoup aux bœufs, en voici les symptômes : des rots fréquents, du dégoût pour la nourriture, des murmures qui se font entendre dans le ventre, des contractions de nerfs et des yeux hébétés, toutes choses qui empêchent ces animaux de ruminer et de se lécher à leur ordinaire. Il sera bon de leur faire avaler deux congii d'eau très chaude, sans cependant qu'elle le soit au point qu'ils ne puissent pas la boire, après quoi, on fera aussitôt cuire légèrement trente tiges de chou, qu'on leur fera prendre dans du vinaigre et on les tiendra suspendus en l’air, en les privant absolument de toute autre espèce de nourriture. D'autres renferment dans l'érable les bœufs qui ont une indigestion, sans leur donner de nourriture. Outre cela, ils broient quatre livres de cimes de lentisque et d'olivier sauvage, et les mêlent avec un congius d'eau et une livre de miel qu'ils mettent pendant une nuit en plein air et leur font avaler ce médicament. Ensuite, ils leur donnent au bout d'une heure quatre livres d'ers détrempé et infusé et leur retranchent également toute autre espèce de nourriture ou de boisson. En effet, si on négligeait une indigestion, elle serait suivie de l'enflure tant du ventre que des intestins, elle exciterait les mugissements de l'animal, elle l'empêcherait de prendre sa nourriture et de se tenir en place, elle le forcerait de se coucher à terre et de s'y rouler et il remuerait continuellement la queue. C'est un remède approuvé par l'expérience, que de lui serrer fortement la queue auprès des fesses avec de la corde ou du fil, de lui faire avaler un sextarius de vin chaud avec un hemina d'huile et de le tirer ensuite pour le faire courir l'espace de quinze cent pas. Si la douleur continue, il faut lui couper la corne du pied, lui retirer de l'anus les excréments avec la main après l'avoir graissée et le faire courir de nouveau. Si l'effet de ce pansement est lent, on broie longtemps trois cinquièmes de laurier, qu'on lui donne dans deux cinquièmes d'eau chaude. Si ces remèdes ne font encore aucun effet, on broie dans un mortier deux livres de feuilles de myrte sauvage et après en avoir jeté dessus deux d'eau chaude, on lui fait avaler cette eau dans un vase de bois : après quoi, on lui tire du sang sous la queue, en piquant la veine à quatre doigts de l'anus et lorsqu'il en a coulé une quantité suffisante, on l'arrête en lui liant la queue avec du papier, ensuite on l'excite à marcher vite, jusqu'à ce qu’il soit hors d'haleine. Cependant, on a recours à ces remèdes-ci, avant de lui tirer du sang : On jette dans trois heminae de vin, quatre unciae d'ail broyé et après lui avoir fait boire ce vin, on le force de courir. On pile aussi deux unciae de sel, avec dix d'oignons et on y ajoute du miel bouilli, pour en faire des collyres assez longs et assez forts, qu'on lui fourre dans l'anus, afin qu'ils lui relâchent le ventre, après quoi on le force de courir. La douleur du ventre et des intestins est aussi apaisée, lorsque l'animal voit nager des oies et surtout des canards, car la vue du canard guérit promptement les mulets et même les chevaux, quoiqu'il arrive quelquefois que tous les remèdes sont inutiles et que ces maux sont suivis de la dysenterie, dont le symptôme se reconnaît à une matière sanguinolente et glaireuse, que l'animal rend par le ventre. Le remède spécifique consiste à bien broyer quinze branches de cyprès, avec autant de noix de galle et un fromage très vieux du poids de ces deux, drogues réunies et à les jeter ensuite dans quatre sextarii de vin dur, pour lui faire boire, en lui donnant des cimes de lentisque, de myrte et d'olivier sauvage. Si le flux de ventre commence à paraître, de façon que l'animal rende des matières vertes, ses forces diminuent, son corps s'affaiblir et il devient inutile au travail, parce qu'aucune partie de la nourriture qu'il prend ne parvient à sa moelle et qu'il la rend aussi verte qu'il l'a prise. Quand cela lui arrivera, on lui interdira la nourriture et la boisson le premier jour, le lendemain on ne lui permettra pas encore de boire, mais on lui donnera cependant des cimes d'olivier sauvage et de canne sauvage, ainsi que des baies de lentisque et de myrte, en ne lui laissant la liberté de boire que très peu et même au bout de trois jours seulement. Il y a des personnes qui broient dans deux sextarii d'eau chaude, une livre de jeunes feuilles de laurier, avec la même quantité d'aurone de jardin, pour le faire avaler aux bœufs, en leur donnant à manger les fourrages que nous avons prescrits ci-dessus. D'autres font griller au feu deux livres de marc de raisin, qu'ils leur l'ont prendre dans un sextarius de vin dur, après les avoir broyées, en leur donnant à manger les cimes que nous venons de nommer, mais si l'animal n'a ni flux de ventre ni douleur dans les intestins et qu'il refuse cependant de manger, qu'il ait la tête lourde et que les larmes loi tombent des yeux et la pituite des narines, on lui brûlera le milieu du front jusqu'aux os et on lui incisera les oreilles avec un fer et pour guérir les plaies occasionnées par le feu, on les lavera avec de vieille urine de l'animal lui-même, au lieu que l'incision des oreilles se guérira avec de la poix et de l'huile. [4,5] Les barbillons causent aux bœufs un dégoût périlleux. Il faut les ouvrir et frotter la plaie d'ail et de sel pilés ensemble, afin que l'humeur provoquée par cette friction s'écoule entièrement. On croit qu'il est mieux de leur couper les barbillons avec un roseau tranchant et de leur laver ensuite la gueule avec du vin, pour leur donner des herbes ou des feuilles vertes au bout d'une heure. Du reste, on les sustente avec des nourritures molles, jusqu'à ce que les plaies causées par les opérations soient cicatrisées. Si, sans avoir de barbillons, ils ne font voir aucun appétit, on leur injecte dans les narines de l'huile, dans laquelle on aura broyé de l'ail. [4,6] Section IV. Si un bœuf commence à avoir la fièvre, (ce que l'on reconnaîtra à l'agitation de ses veines et à la chaleur de tout son corps, ou à celle de sa gueule), il faut l'empêcher absolument de manger l'espace d'un jour et lui tirer le lendemain, avant qu'il ait mangé, un peu de sang sous la queue : une heure après, on fera bouillir trente petites tiges de chou, qu'on lui fera avaler dans de l'huile et du bouillon et on lui donnera cette nourriture pendant cinq jours qu'on continuera de lui faire faire diète. On lui donnera en outre pour nourriture des cimes de lentisque ou d'olivier, ou de toute autre espèce de feuillages très tendres, ainsi que des pampres, si l'on est dans une saison à en avoir. On lui essuiera aussi les lèvres avec une éponge et on lui fera boire de l'eau froide trois fois par jour, en le retenant à l'étable tant qu'il aura la fièvre, sans le laisser paître avant sa guérison. Or, voici les symptômes de la fièvre : Les larmes lui coulent des yeux, il a la tête lourde, les yeux à demi fermés, les lèvres mouillées de salive, la respiration plus longue qu'à l'ordinaire et comme embarrassée et souvent accompagnée de mugissements. [4,7] La toux des bœufs ne doit pas être traitée avec moins de soin que celle des chevaux : si elle est nouvelle, on leur fera avaler à jeun un sextarius de farine d'orge avec un œuf cru et une hemina de vin fait avec du raisin séché au soleil : On jette aussi dans un sextarius d'eau chaude du gramen haché et pilé, en y ajoutant de la farine de fèves cuites et de la fleur de farine de lentilles, et après avoir bien remué le tout, on le lui verse dans la gueule. Une toux invétérée ne résiste point, à deux livres d'hysope infusées dans trois sextarii d'eau, que l'on broie ensuite et que l'on mêle avec deux tiers de farine pour leur faire avaler, après quoi, on leur fait prendre à la corne l'eau même d'hysope, c'est-à-dire l'eau dans laquelle on aura fait infuser et même bouillir l'hysope. Le jus du porreau exprimé dans de l'huile et la feuille même de cette plante mêlée avec de la farine d'orge la guérissent encore : les racines de la même plante lavées avec soin et pilées avec de la farine de froment, puis données à un bœuf qui est à jeun, enlèvent la toux la plus invétérée, aussi bien que l'ers écossé et moulu, puis jeté dans de la ptisanne d'orge mondé, qu'on lui fait prendre en forme de salivatum avec de l'eau chaude ou de l'hydromel. [4,8] Il vaut mieux ouvrir avec le fer les suppurations, que l'on appelle apostemata et lorsque le pus ou la sanie en seront sortis, on lavera la poche qui les renfermait avec de l'urine de bœuf chaude et on la pansera avec des éponges et des étoupes trempées dans de la poix fondue et de l'huile, sans se servir de linge; ou si l'ulcère se trouve dans une partie du corps qui ne puisse pas être lavée, on fera distiller dessus, par le moyen d'une lame de fer rouge, du suif de chèvre ou de bœuf. Il y a des personnes, qui après avoir brûlé la partie malade, la lavent avec de vieille urine d'homme et la frottent ensuite avec de la poix liquide et du vieux-oing cuits ensemble par parties égales. [4,9] Quand à la suite de quelque maladie, le sang vient à tomber dans les pieds d'un bœuf, il le fait boiter. Lorsque cela arrive, on lui visite la corne du pied et l'on trouve qu'elle est plus chaude qu’à l'ordinaire et qu'il n'endure pas patiemment qu'on lui comprime trop la partie affligée; mais si le sang n'est encore que dans les jambes et au-dessus de la corne du pied, on le fait évaporer par des frictions de sel broyé, répétées pendant trois jours, au lieu que s'il est déjà descendu dans la corne du pied, on fait une légère incision avec un couteau entre les deux ongles et on les nettoie en dedans, ensuite on applique sur la sole de l'étoupe imbibée de vinaigre et de sel et l'on chausse le pied de l'animal avec du genêt d'Espagne, mais surtout, on l'empêche de tremper son pied dans l'eau et l’on a soin de le tenir sèchement à l'étable. Si l’on ne faisait pas sortir ce sang, il tournerait en pourriture, de sorte qu'il s'établirait une suppuration qu'il faudrait aussi guérir : Pour en obtenir la guérison, il faudrait d’abord couper tout le contour de l'ulcère avec le fer et le nettoyer ensuite jusqu'au vif, après quoi on le panserait et l'on parviendrait à le guérir, en le remplissant de charpie imbibée de vinaigre, de sel et d'huile et en faisant distiller dessus, par le moyen d'un fer rouge, du vieux-oing et du suif de bouc bouillis ensemble par portions égales. Si le sang se trouve renfermé dans la partie intérieure de la corne du pied et que l'animal s'en tienne à boiter, sans qu'il y ait d'ouverture, on coupe au vif l'extrémité même de l'ongle, pour le faire sortir par cette ouverture, après quoi, on enveloppe le pied d'étoupes ou de linges imbibés de sel, d'huile et de vinaigre et on le munit d'une bottine de genêt d'Espagne ; mais il ne faut pas ouvrir la corne du pied en deux, par son extrémité inférieure, si ce n'est dans l'endroit où il y aura déjà une suppuration établie. Si c'est une douleur de nerfs qui fait boiter un bœuf, il faut lui frotter les genoux, les jarrets et les jambes, avec de l'huile et du sel. [4,10] S'il a les genoux enflés, on les bassinera avec du vinaigre chaud et on appliquera dessus de la graine de lin ou du millet broyé et imbibé d'hydromel. On mettra encore autour de ses genoux, en l'attachant avec des bandages, une éponge trempée dans de l'eau bouillante et ensuite aspergée de miel, en la comprimant. S'il y a quelque humeur avec enflure, on appliquera dessus du levain ou de la farine d'orge cuite soit dans du vin fait avec des raisins séchés au soleil, soit dans de l'hydromel, ensuite on attendra que l'apostume soit mure, pour y appliquer le fer et lorsqu'on en aura fait sortir le pus, on la pansera de la manière que nous avons enseignée ci-dessus. Toute ouverture faite avec le fer peut également être guérie avec de la racine de lys, ou avec de la scille et du sel, ou avec de la renouée, que les Grecs appellent g-polygonon, ou avec du marrube blanc. Toutes les douleurs du corps, qui ne font ni occasionnées par une plaie, ni invétérées, se dissipent néanmoins mieux par les fomentations, au lieu que quand elles sont anciennes, on y applique le feu et on fait distiller sur la plaie du beurre ou de la graisse de chèvre. [4,11] On guérit la galle en la frottant d'ail broyé : le même remède guérit les morsures des chiens enragés, ou les blessures faites par des loups. On prétend que ces deux sortes de plaies se guérissent aussi avec de vieilles salaisons appliquées dessus. Voici encore un remède plus efficace pour la galle : on broie ensemble de l'origan et du soufre et on les fait bouillir avec de l'huile et du vinaigre, en y ajoutant de la myrrhe et lorsque cette composition commence à se tiédir, on la saupoudre d'alun de plume broie. Ce médicament réussit très bien, lorsque l’on en frotte les bœufs à l'ardeur du soleil. On saupoudre les ulcères de poudre de noix de galle broyée : le jus de marrube blanc avec de la suie les guérit aussi. [4,12] Il y a une maladie dangereuse pour les bœufs que les paysans appellent coriago : leur peau tient si fort à leur dos dans cette maladie, qu'en la prenant avec les mains, on ne peut pas la séparer des côtes. Cet accident ne leur arrive jamais, que lorsqu'ils sont tombés dans la maigreur à la suite de quelque maladie, ou que le froid a succédé chez eux à la sueur excitée par le travail, ou enfin, lorsqu'étant tombés sous le poids de leur charge, ils ont été bien mouillés par la pluie. Comme il n'y a rien de plus dangereux que cette maladie, il faut avoir soin, pour la prévenir, de verser du vin sur les bœufs, lorsqu'ils sont revenus du travail et qu'ils sont encore échauffés et haletants et de leur jeter dans la gorge un morceau de pain trempé dans du vin ; mais si cette maladie les tient déjà, il sera bon de faire bouillir du laurier et de leur frotter à contrepoil l'épine et le dos avec de l'eau chaude, de l'huile et du vin, en leur maniant la peau par tout le corps et en la tirant, pour ainsi dire, des côtes. Cette opération doit être faite dans un lieu très chaud, ou à l'air et à l'ardeur du soleil. Il y a des personnes qui mêlent ensemble du marc d'olives du vin et de la graisse et qui emploient ce médicament chaud après la fomentation que nous venons de prescrire. [4,13] C'est encore une maladie très grave, que l'ulcération des poumons : elle engendre la toux, la maigreur et finalement la phtisie, qui est suivie de la mort. On a recours alors à la racine de pommelée et l'on mêle la valeur d'une hemina de jus de porreau avec pareille mesure d'huile et on leur donne cette potion pendant plusieurs jours, avec un sextarius de vin. [4,14] Quelquefois un bœuf, à cause d'une enflure qui se sera formée dans son palais, refuse la nourriture et jette de fréquents soupirs. Il est bon de lui ouvrir alors le palais avec le fer, pour en faire ruisseler le sang et on ne lui donnera à manger jusqu'à sa guérison, que de l’ers écossé et détrempé, du feuillage vert, ou de tout autre fourrage mollet. Si un bœuf s’est meurtri le col dans le travail, le remède le plus efficace sera de lui tirer du sang de l'oreille, ou si on ne l'a pas fait à temps, d'y appliquer de l'herbe appelée avia broyée avec du sel. [4,15] S'il a eu le chignon du col ébranlé et que cette partie se soit déjetée, on examinera de quel côté il planchera et on lui tirera du sang du côté opposé, en piquant la veine de l'oreille qui paraîtra la plus saillante, après l'avoir fouettée préalablement à coups de sarments, pour l'ouvrir avec le fer lorsqu'elle sera gonflée ; et quand le sang aura coulé, on lui en tirera encore le lendemain du même endroit et on l'exemptera de travailler pendant deux jours; mais le troisième jour, on lui donnera une tâche légère et peu à peu on le ramènera à sa tâche ordinaire, ou au contraire le chignon, sans être déjeté d'aucun côté, est enflé dans le milieu, on lui tirera du sang des deux oreilles. Si on négligeait de lui en tirer dans les trois jours qui suivront cet accident, le col s'enflerait, les nerfs se tendraient et il se formerait une dureté qui l’empêcherait de supporter le joug. Nous avons découvert un remède propre pour cette maladie, lequel est composé de poix fondue, de moelle de bœuf, de suif de bouc et de vieux-oing, ainsi que de vieille huile, le tout cuit ensemble à doses égales. Il faut se servir de ce remède, lorsqu'on aura dételé le bœuf après son travail : on baignera donc la tumeur de son chignon dans l'abreuvoir où il ira boire et quand on l'aura essuyé, on le frottera bien et on l'oindra avec ce médicament. Si l’animal refuse absolument le joug à cause d'une tumeur au chignon du col, il faut le laisser reposer pendant quelques jours, sans le mettre au travail, après quoi on lui lavera le chignon avec de l'eau froide et on l'oindra avec de l'écume d'argent. Celsus ordonne simplement de mettre sur le chignon, quand il est enflé, de l'herbe appelée avia broyée, comme je l'ai dit ci-dessus. Les clous qui infectent le chignon d'un bœuf sont moins difficiles à panser, car on les guérit facilement en faisant distiller dessus de l'huile d'une lampe allumée : il sera cependant mieux d'empêcher que ces clous ne se forment, comme d'empêcher que le col des bœufs ne devienne chauve, ce qui n’arrive jamais que lorsqu'ils ont eu le chignon mouillé pendant le travail, soit par la sueur, soit par la pluie : si cela arrive, on leur saupoudrera le col, avant de les dételer, avec de la poussière de tuile broyée et lorsqu'ils seront séchés, on le mouillera de temps en temps avec de l'huile. [4,16] Si le soc de la charrue a blessé un bœuf au talon ou à la corne du pied, faites fondre sur la blessure, par le moyen d'un fer chaud, de la poix dure et de la graisse de porc enveloppée dans de la laine encore grasse avec du soufre et brûlez la plaie. Ce remède est excellent à employer, lorsqu'un bœuf aura marché sur un clou, ou lorsque la corne de son pied aura été percée par une tuile aiguë ou par une pierre. Si cependant la blessure est profonde, on la cerne à quelque distance avec le fer, après quoi on y applique le feu comme je l'ai prescrit ci-dessus. Ensuite on la panse pendant trois jours, en versant du vinaigre dessus et en chaussent le pied de l'animal d'une bottine de genêt d'Espagne. Si le soc de la charrue lui a blessé la jambe, on met sur la plaie de la laitue de mer, que les Grecs appellent g-tithymallon, avec du sel. [4,17] De même, lorsque les bœufs ont les pieds usés par-dessous, on les lave dans de l'urine de bœuf que l'on fait chauffer, ensuite on les force de marcher sur de la cendre de sarments chaude et on leur frotte la corne du pied avec de la poix fondue et de l'huile, ou de la graisse de porc. Cependant ils seront moins exposés à boiter, si après les avoir dételés au sortir du travail, on leur lave les pieds dans de l'eau froide et qu'on leur frotte avec du vieux-oing les paturons, la couronne et la fourchure même de l'ongle. [4,18] Il arrive encore souvent aux bœufs de se déboîter l'épaule, soit en tirant dans un chemin raboteux, soit pour avoir fait de violents efforts en fendant un terrain trop dur, ou en rencontrant des racines qui auront résisté à leur passage. Quand cela arrive, il faut alors leur tirer du sang des jambes de devant, c'est-à-dire, de la jambe gauche, s'ils se sont blessé l'épaule droite et de la droite, s'ils se sont blessé l'épaule gauche et s'ils se sont grièvement blessé les deux épaules, il faut de plus leur ouvrir les veines des jambes de derrière. [4,19] Mais lorsqu'un bœuf a les cornes brisées, on y applique des linges trempés dans de l'huile, du vinaigre et du sel, qu'on imbibe pendant trois jours consécutifs, sans les développer : le quatrième jour, on y met de la graisse da porc avec de la poix sèche et de l’écorce de pin par parties égales et enfin lorsqu'elles commencent à se cicatriser ; on les saupoudre de suie. [4,20] Les ulcères négligés engendrent aussi souvent des vers : il suffit de verser le matin de l'eau froide sur ces vers, afin que la fraîcheur de cette eau les resserre et les fasse mourir, ou si ce moyen n'avance de rien, on y applique du marrube blanc, ou du porreau broyé avec du sel, ou bien ou les saupoudre d'une poudre de chaux vive, ou enfin on y met du jus de courge verte avec du vinaigre. Aussi faut-il employer pour tous les ulcères de la poix liquide, de vieille huile et de la graisse de porc et frotter même de ce médicament.les parties circonvoisines, de peur qu'elles ne soient tourmentées par les mouches, ou que ces mouches n'engendrent des vers, quand elles se seront posées par hasard sur les ulcères. [4,21] La morsure d'un serpent est encore mortelle aux bœufs, de même que le venin pestilentiel d'animaux plus petits, puisqu'il arrive souvent lorsqu'un bœuf est couché imprudemment an milieu des pâturages sur des vipères et sur des orvets, que ces bêtes étant animées le mordent. Le musaragne lui-même, que les Grecs appellent g-mygalehn, quoique n'ayant qu'un petit corps, leur donne assez communément une maladie considérable; mais on dissipe le venin de la vipère, en scarifiant avec le fer la tumeur formée par sa morsure et en mettant sur la partie scarifiée, de l'herbe appelée personata, pilée avec du sel. On croit que la racine de cette herbe est bonne, si on la met, après l'avoir broyée, ainsi que le seseli de montagne, si on en trouve et le trèfle : cette dernière plante est très efficace, quand elle est venue dans des terrains pierreux, elle a l'odeur forte et semblable à celle du bitume, ce qui fait que les Grecs l'appellent g-asfaltion ; mais les habitants de notre pays lui donnent le nom de trèfle aigu, a cause de sa figure, parce qu'elle a les feuilles longues et hérissées, quand elle est verte, quoique sa tige soit plus robuste que cesse du trèfle des prés. On mêle du jus de cette plante avec du vin et on en fait avaler aux bœufs, on pile aussi ses feuilles avec du sel et on les met sur la plaie. Si l’on ne trouve pas de cette herbe qui soit verte, on leur donne à boire du vin, dans lequel on aura fait infuser de la graine de cette même herbe broyée : on en met aussi sur la partie scarifiée les racines broyées avec leur tige, en y ajoutant de la farine d'orge et du sel délayés dans de l'hydromel. Il y a encore on remède efficace, qui consiste à broyer de jeunes cimes de frêne, avec quatre sextarii de vin ou d'huile et à leur faire avaler le jus qu'on en aura exprimé, en menant en même temps sur les parties blessées des cimes, de cet arbre broyées avec du sel. La morsure de l'orvet occasionne une tumeur et une suppuration, de même que celle du musaragne ; mais on guérit la première avec le secours d'une alêne de cuivre dont on pique la partie blessée, après quoi, on l'enduit d’argile de Cimolus délayée dans du vinaigre ; au lieu qu'on guérit le venin du musaragne en le noyant lui-même dans de l'huile et l'y laissant mourir et en frottant en suite la plaie causée par sa morsure avec cette huile. A défaut de musaragne, on broie du cumin avec de la poix liquide et de la graisse de porc, de façon que cette composition ressemble à un malagme et en l'étendant sur la plaie, il en chasse tout le venin. Si avant que la tumeur se dissipe, il s'est établi une suppuration, il est très bon d'ouvrir l'abcès avec une lame de fer rouge, ou avec un cautère et de brûler tout ce qu'il y aura de corrompu, en le frottant ensuite avec de la poix liquide et de l'huile. Il y a des personnes qui ensevelissent le musaragne tout vivant dans de la terre à Potier et qui le suspendent au col des bœufs, pour écarter par là la morsure de cette bête. [4,22] On leur guérit bien des maladies d'yeux avec du miel, puisque s'ils sont enflés, on applique dessus de l'hydromel, dans lequel on aura jeté de la farine de froment et que si l'on y aperçoit une taie, on la fera presque entièrement disparaître avec les sels fossiles d'Espagne, d'Arménie ou de Cappadoce mêlés avec du miel. Un os de sèche broyé, dont on soufflera la poudre trois fois par jour dans l'œil avec un tuyau, fera la même chose, ainsi que la racine, que les Grecs appellent g-sylphion et ceux de notre pays laserpitium : on en broie telle quantité que l'on juge à propos, avec une dixième partie de sel ammoniac et l'on en souffle la poudre dans l'œil avec un tuyau. Cette racine écrasée et mêlée avec de l'huile de lentisque, chasse cette maladie. [4,23] Si les paupières jettent de l'humeur et que les larmes troublent la vue d'un bœuf (maladie que l’on appelle epiphora, on arrête l'humeur en mettant sur les sourcils et sur les paupières du gruau d'orge, sur lequel on aura versé de l'hydromel. Le panais sauvage et la plante que l’on appelle armoracea broyée avec du miel, en apaisent aussi la douleur ; mais souvenez-vous que toutes les fois qu'il entrera du miel ou d'autres matières sucrées dans les remèdes que vous emploierez, il faudra préalablement oindre les parties circonvoisines de l'œil avec de la poix liquide et de l'huile, pour empêcher qu'il ne soit molesté par les mouches, ou par les abeilles ou les guêpes que la douceur du miel attire. [4,24] Une hirudo, c'est-à-dire, une sangsue tire aussi beaucoup de sang, lorsqu'elle s'attache auprès de la gorge d'un bœuf par dehors : il faut alors l'en retirer avec les doigts ; mais si elle est en dedans, de façon qu'on ne puisse pas la retirer avec la main, on introduira dans la gorge un roseau ou un tuyau percé, dans lequel on fera couler de l'huile chaude, ce qui chassera cette petite bête importune, dès qu'elle en sera atteinte. L'odeur de la punaise mise sur des charbons, arrache aussi la sangsue de la plaie, dès quelle donne sur elle. Si elle se trouvait collée aux parois de l'estomac ou aux intestins, on la ferait mourir en faisant avaler au bœuf du vinaigre chaud, par le moyen d'une corne. [4,25] Il faut aussi décrire la construction de la machine dans laquelle on renferme toutes les espèces de bêtes de somme ainsi que les bœufs, pour les panser, afin que le Médecin Vétérinaire puisse approcher d'eux avec sûreté et que ces quadrupèdes ne puissent pas se disloquer les membres en se débattant, ni résister aux remèdes. On serre les uns auprès des autres des ais de robre, pour former une cage de neuf pieds de longueur, dont la partie antérieure doit avoir deux pieds et demi de large et celle qui appartient aux parties postérieures des animaux doit en avoir quatre. Cette construction doit être telle, que l'animal ne puisse pas sortir de cette cage, à moins qu'on ne l'en tire par la queue mais, il faut que l'assemblage de la machine soit un peu plus élevé par la partie de derrière et plus resserré par celle de devant ; on assurera en traverse sur celle-ci un petit soliveau en forme de joug, auquel on attachera la tête des chevaux, ou auquel on liera les bœufs par les cornes. Car le reste de leur corps sera lié aux timons avec des courroies ou des cordes, afin que l'animal ne puisse pas résister a la volonté de celui qui le pansera. Cette machine sert ordinairement au pansement de tous les grands animaux. [4,26] --- [4,27] --- [4,28] ---