La Christiade fut commandée à Vida, ecclésiastique italien, par le Pape Léon X, en 1521, et fut achevée en 1527. La finalité d'une telle commande était probablement de doter l'ère chrétienne d'une épopée tout aussi prestigieuse que ses modèles antiques, mais à la gloire de la religion catholique. Par plusieurs aspects, la forme de l'oeuvre et sa composition la rapprochent en effet d'une épopée à l'ancienne : le choix de l'hexamètre dactylique, l'organisation en livres, l'invocation initiale, le début in medias res suivi de récits rétrospectifs, etc'. S'il était symbolique de choisir l'épopée, le plus noble des genres, pour célébrer la grandeur du Christ et de la religion chrétienne, il n'était néanmoins pas évident de faire rentrer une réécriture des Evangiles dans le moule du genre épique, à cause du décalage prévisible entre les modèles génériques et le contenu tant historique que spirituel de l'oeuvre à faire. Certes, la dimension cosmique de l'histoire du Christ la rapproche d'une épopée : les hommes et les puissances divines ou infernales entrent en contact, et l'action engage l'avenir de l'humanité. Cependant, le conflit social reste larvé, dans la mesure où le Christ prêche la non-violence, et refuse qu'on défende sa querelle par les armes. Il en résulte, dans l'épopée de Vida, une amplification de la lutte à l'échelle cosmique : Satan devient le principal adversaire du Christ, et, dès l'ouverture du livre, on le voit projeter des plans d'attaque. L'analyse d'un discours que Satan adresse à ses troupes dès le début du livre I permettra de poser les bases de l'étude à venir, en montrant les contradictions éventuelles que pouvait engendrer un tel projet d'écriture et en laissant apercevoir les solutions apportées.