[7,0] VII. Troisième golfe d'Europe, et, dans ce golfe, des lieux remarquables de la Grèce, des fleuves, des sources, des merles, des perdrix, de la pierre dite galactite, de la pierre dite asbeste, d'Arion. Le troisième golfe commence aux monts Céranniens et se termine à l'Hellespont. Là se trouvent chez les Molosses, outre le temple de Jupiter Dodonéen, le mont Tomare, dont cent sources arrosent le pied, au rapport de Théopompe. Il y a en Épire une source sacrée dont l'eau est froide plus qu'aucune autre, et qui produit deux effets contraires : si vous y plongez un flambeau allumé, il s'éteint ; si vous en approchez à une certaine distance un flambeau éteint, il se rallume de lui-même. Dodone s'élève sur le penchant du Tomare. Delphes est célèbre par le fleuve Céphise, par la fontaine de Castalie, par le mont Parnasse. On remarque le mont Aracynthe en Acarnanie. Cette province est séparée de l'Etolie per le Pinde, où prend sa source l'Achéloüs, qui ne le cède en célébrité à aucun des fleuves de la Grèce. Et c'est à juste titre, puisque parmi les pierres qui brillent sur ses bords on trouve la galactite, qui, quoique étant de couleur noire, rend, si on la broie, une humeur qui a l'aspect et le goût du lait. Attachée sur le sein des nourrices, elle leur donne beaucoup de lait ; suspendue au cou des enfants, elle produit chez eux une salivation abondante. Tenue dans la bouche, elle se fond, et alors elle fait perdre le don précieux de la mémoire. Après le Nil, l'Achéloüs est le seul fleuve qui la fournisse. Près de la ville de Patras, est le mont Scioessa, que ses neuf collines ombragées rendent presque inaccessible aux rayons du soleil, et qui n'est d'ailleurs connu que sous ce rapport. Dans la Laconie est la caverne du Ténare. Il y a aussi vis-à-vis de l'Afrique un promontoire du nom de Ténare, où est le temple d'Arion de Méthymne, qui aborda sur ce rivage, porté par un dauphin, comme l'atteste un monument d'airain qui reproduit et consacre les détails de cette aventure ; l'époque en est d'ailleurs précisée. Ce fait eut lieu à la vingt-neuvième olympiade, dans laquelle ce même Arion fut vainqueur en Sicile. Il y a encore une autre ville du nom de Ténare, d'une ancienneté remarquable ; puis quelques autres, parmi lesquelles Leuctres, depuis longtemps célèbre par la sanglante défaite des lacédémoniens ; Amycles, que perdit son silence ; Sparte, renommée par le temple de Castor et Pollux, et par les hauts faits d'Othryade ; Thérapné, d'où vient le culte de Diane ; Pitane, que rendit célèbre la sagesse du stoïcien Archésilas, né dans cette ville; Anthia et Cardamyle, aux lieux où fut autrefois Thyré, et où, dans la dix-septième année du règne de Romulus, il y eut entre les Lacédémoniens et les Argiens une guerre mémorable. Le mont Taygète et le fleuve Éurotas sont trop connus pour qu'il soit besoin d'en parler. L'Inachus, fleuve d'Achaïe, traverse l'Argolide ; il doit son nom au roi Inachus, à qui remonte la première célébrité de ce pays. On admire à Épidaure le temple d'Esculape, où viennent coucher les malades pour y apprendre en songe quels remèdes ils doivent employer. Il suffit de nommer ici Pallantée, ville d'Arcadie : Evandre, roi d'Arcadie, tira du nom de cette ville celui de notre Palatium. En Arcadie, les monts Cyllène, Lycée et Ménale eurent des dieux pour nourrissons ; l'Erymanthe mérite aussi d'être cité. Parmi les fleuves, l'Erymanthe, qui sort du mont Érymanthe, et le Ladon, sont fameux, le premier par le combat d'Hercule, le second par le séjour de Pan. Varron dit qu'il y a en Arcadie une source qui donne la mort à celui qui en boit. Les oiseaux de cette contrée ne présentent rien qui soit digne de remarque, sinon que le merle, noir dans tout autre pays, est très blanc aux environs de Cyllène. N'oublions pas une pierre que l'on trouve en Arcadie : c'est l'asbeste, qui a la couleur du fer. Une fois rougie au feu, elle ne s'éteint plus. L'Isthme s'étend jusqu'au golfe de Mégare. Il est remarquable par un temple de Neptune et par les jeux qu'on y célèbre tous les cinq ans. Ces jeux furent institués, dit-on, parce que cinq golfes entourent le Péloponnèse : au nord le golfe Ionien, à l'ouest le golfe de Sicile, au nord-est celui d'Égée, au sud-est celui de Myrtos, et enfin celui de Crète, au midi. Ces jeux, interrompus sous le tyran Cypselus, furent rendus à leur splendeur première par les Corinthiens, dans la quarante-neuvième olympiade. Le Péloponnèse, comme l'atteste son nom, eut autrefois Pélops pour roi. Cette presqu'île, par ses angles saillants et rentrants, présente la forme d'une feuille de platane ; elle s'étend entre les mers Ionienne et Égée, dont elle ne sépare pas les rivages de plus de quatre milles, par une petite langue de terre, que, pour cela même, on appelle l'Isthme. Là commence l'Hellade, que les Romains nomment la véritable Grèce. L'Attique d'aujourd'hui est l'Acté d'autrefois. Là s'élève Athènes, qu'avoisinent les roches Scironiennes, qui ont six milles de long, et qui doivent leur nom à l'éclatante vengeance que Thésée tira des crimes d'un brigand. C'est de ces roches qu'Ino se précipita dans les flots avec Palémon son fils, et augmenta ainsi le nombre des divinités de la mer. Nous ne passerons pas non plus sous silence les monts de l'Attique : l'Icare, le Brilesse, le Lycabèthe, l'Égiale, l'Hymette surtout, qui, à juste titre, est le plus renommé, parce que, couvert de fleurs, il fournit un miel d'un goût excellent, et l'emporte par là sur tous les monts de cette contrée ou des autres pays. On admire en Attique la fontaine Callirhoé, sans toutefois dédaigner une autre fontaine, Crunèse. Le lieu où se tenait le tribunal d'Athènes se nommait l'Aréopage. Les plaines de Marathon sont fameuses par la sanglante bataille qui s'y est livrée. Beaucoup d'îles sont situées en face du continent de l'Attique, et sont, pour ainsi dire, à ses portes: Salamine, Sunium, Céos, Cos, où, d'après Varron, se firent pour la première fois, grâce aux progrès de l'art, des vêtements plus délicats pour la parure des femmes. Parmi les villes de Béotie, Thèbes tient le premier rang. Thèbes fut fondée par Amphion, non pas que les accords de sa lyre aient entraîné les pierres, mais parce que ses paroles persuasives firent passer à un état régulier de société des hommes qui n'habitaient que des rochers et dont les moeurs étaient incultes. Cette ville se glorifie de divinités nées dans son sein, comme l'attestent les chants sacrés où l'on célèbre Hercule et Bacchus. Pres de Thèbes se trouvent le bois sacré de l'Hélicon, le Cithéron, le fleuve Ismène, les fontaines Aréthuse, Oedipodie, Psamaté, Dircé, Aganippe et Hippocrène : ces deux dernières sont surtout fameuses. Cadmus, l'inventeur de l'écriture, les découvrit, dans une course à cheval, en cherchant le lieu où il devait s'arrêter. Les poètes, pour donner à ces deux fontaines une égale renommée, ont supposé que Pégase, avait fait jaillir la première d'un coup de pied, et que toutes les deux inspiraient celui qui venait y boire. L'île d'Eubée, en s'étendant de deux côtés, forme le port de l'Aulide, célèbre par la ligue des Grecs contre Troie. Les Béotiens étaient primitivement les Lélèges. Le Céphise passe en Béotie avant de se perdre dans la mer. Dans cette contrée se trouvent le golfe d'Oponte, la ville de Larisse, Delphes, Rhamne, où l'on remarque le temple d'Amphiaraüs et la statue de Diane, ouvrage de Phidias. Selon Varron, il y a en Béotie deux fleuves, dont les eaux, quoique provenant de sources distinctes, produisent un phénomène analogue : si des brebis viennent boire à l'un de ces fleuves, elles deviennent noires ; si elles boivent à l'autre, leur laine devient blanche. Il ajoute qu'il y a aussi en Béotie un puits pestilentiel dont les eaux donnent la mort à celui qui en boit. Les perdrix, qui partout sont libres, comme tous les autres oiseaux, ne le sont pas en Béotie ; elles n'ont pas un vol indépendant : il y a dans l'air même des limites qu'elles n'osent franchir; elles ne vont jamais au delà, et ne pénètrent pas dans l'Attique. Voilà ce qu'offrent ce particulier les perdrix de la Béotie ; nous allons résumer ce qui est commun à tous les oiseaux de cette espèce. Les perdrix savent habilement arranger et munir leurs nids : elles les couvrent de broussailles, de branches épineuses, dont les piquants écartent les animaux malfaisants. Elles forment un lit de poussière pour y déposer leurs oeufs, vers lesquels elles retournent furtivement, de peur qu'un séjour trop assidu ne fasse découvrir le lieu qu'elles ont choisi. Souvent les femelles transportent ailleurs leurs oeufs, pour tromper les mâles, qui les brisent dans leur impatience de satisfaire une trop vive passion. Vers l'époque de la pariade, les mâles se battent entre eux, et le vaincu, comme si c'était une femelle, subit, dit-on, la lubricité du vainqueur. Quant aux femelles, elles sont d'une ardeur telle, que le vent qui leur apporte l'odeur des mâles suffit pour les féconder. Si quelqu'un s'approche de l'endroit où couvent les mères, elles viennent à sa rencontre, et en feignant de souffrir des pattes ou des ailes, elles laissent croire, par leur lenteur, qu'on peut les prendre sans peine. C'est par cette feinte qu'elles excitent et trompent l'espoir de ceux qui se présentent, jusqu'à ce qu'ils soient bien loin de la couvée. Les petits ne se montrent pas moins soigneux de leur conservation : quand ils craignent d'avoir été vus, ils se couchent sur le dos, et, à l'aide de leurs pattes, ils élèvent sur eux de petits tas de terre, dont ils se couvrent avec tant d'adresse qu'ils échappent même à la vue de celui qui vient de les surprendre.