[41] Ce même docteur catholique enseigne que nous devons faire ce sacré mystère de la passion du seigneur en mémoire de la passion que le seigneur a soufferte pour nous et en nous donnant cet enseignement il nous apprend que la passion de notre seigneur n'a été soufferte qu'une fois et que la mémoire en est représentée dans les solennités sacrées. [42] C'est pourquoi le pain, étant formé de fruits de la terre, est changé au corps de Jésus-Christ par la sanctification de même que le vin, étant sorti de la vigne, est fait le sang de Jésus-Christ par la sanctification du mystère et cela ne se fait pas d'une manière visible et qui tombe sous les sens mais d'une manière invisible, comme le dit ce même docteur, par l'opération de l'esprit de dieu. [43] C'est ce qui fait qu'ils sont appelés le corps et le sang de Jésus-Christ non pas qu'ils le soient en ce qu'ils paraissent de l'extérieur et à ce qui tombe sous les sens mais en ce qu'ils sont faits à l'intérieur par l'opération du saint esprit. Et d'autant que par cette puissance invisible ils sont tout autre chose que ce qu'ils paraissent à nos yeux ; saint Isidore nous en marque la différence lorsqu'il dit que le pain et le vin sont comparés au corps et au sang du seigneur "parce que comme la substance du pain et du vin, qui tombe sous les sens, nourrit et désaltère l'homme extérieur, le verbe de dieu, qui est le pain vivant, fortifie les esprits des fidèles qui y participent". [44] Ces paroles nous font voir que ce saint a cru certainement que pour ce qu'on reçoit à l'extérieur, c'est-à-dire qui tombe sous les sens, dans le sacrement du corps et du sang du seigneur sert à la nourriture du corps mais que le verbe de dieu, qui est le pain invisible, qui existe d'une manière invisible dans ce sacrement, nourrit et vivifie les âmes des fidèles qui le reçoivent. [45] C'est pourquoi le même docteur dit encore "qu'il y a un sacrement dans les actes de religion lorsque la chose que l'on fait indique et signifie quelque chose qu'on est obligé de recevoir saintement". {Cfr. Origène, Contre Celse, VI,19} Il nous apprend par là que, dans ce qui regarde le culte divin, tout sacrement contient quelque chose de secret et que ce que nous y devons recevoir d'une manière invisible et qui ne tombe point sous les sens, est une autre chose que ce qui y paraît à nos yeux. [46] Le même docteur nous explique dans la suite quels sont les sacrements que les fidèles doivent célébrer, il dit "Que ce sont le baptême, le chrême, le corps et le sang du seigneur, qui sont appelés "sacrement" parce que sous les voiles des choses corporelles et sensibles la vertu divine y opère le salut, qui nous est communiqué par leur moyenet que c'est à cause des vertus secrètes ou sacrées qu'ils sont nommés ainsi". Il dit, ensuite, "qu'on appelle mystère en grec ce qui a une disposition intérieure qui est secrète et cachée". [47] Qu'apprenons-nous de tout cela sinon que le corps et le sang du seigneur sont appelés "mystère" parce qu'ils ont cette disposition secrète et cachée, c'est-à-dire qu'ils paraissent une chose au dehors et à nos yeux et qu'ils en opèrent intérieurement et invisiblement une autre. [48] C'est pour cette raison qu'ils sont encore appelés "sacrements" parce que sous le voile des créatures corporelles et sensibles la vertu divine, qui est cachée, dispense et communique fidèlement le salut à ceux qui les reçoivent. [49] Il paraît évidemment par tout ce que nous avons dit jusqu'ici que le corps et le sang de Jésus-Christ, qui sont reçus dans l'église par la bouche des fidèles, sont des figures, si on les considère par l'apparence visible et extérieure du pain et du vin mais que selon leur substance, qui ne se voit point, c'est-à-dire par la puissance du verbe divin, ils sont véritablement le corps et le sang de Jésus-Christ. C'est pourquoi, selon la créature visible et qui tombe sous les sens, ils nourrissent nos corps mais selon la vertu de leur substance plus puissante ils nourrissent et sanctifient les âmes des fidèles. [50] Maintenant il nous faut examiner la seconde question et voir si le même corps, qui est né de la vierge Marie, qui a souffert, qui est mort et qui a été enseveli, qui est assis à la droite du père éternel, est celui que la bouche des fidèles reçoit tous les jours dans l'église par le mystère des sacrements.