[0] Traité du corps et du sang du seigneur, composé en latin il y a plus de huit cents ans par Ratramne ou Bertram, prêtre, religieux de l'abbaye de Corbie. Traduit en français avec des remarques où l'on fait voir que ce livre ne contient pas d'autres sentiments que ceux de l'Église catholique, apostolique et romaine touchant le sacrement de l'Eucharistie. [9] CHAPITRE IX. Or maintenant revenons au corps et au sang de Jésus-Christ, qui nous ont donné sujet de faire ces observations. Si ce mystère se fait et se pratique, sans qu'il y ait aucune figure, c'est mal à propos qu'il est appelé mystère. Car on ne peut pas dire qu'il y a un mystère où il n'y a rien de caché, rien d'éloigné des sens corporels, rien de couvert d'aucun voile. Or ce pain, qui est fait le corps de Jésus-Christ par le ministère du prêtre, montre au dehors une autre chose au sens et une autre au dedans à l'esprit des fidèles. Au dehors la forme du pain, qu'il avait été auparavant, paraît, la couleur se montre et la saveur se fait sentir par le goût. Mais au dedans on apprend qu'il y a toute une autre chose et beaucoup plus précieuse et plus excellente : parce que c'est une chose céleste et divine c'est-à-dire que le corps de Jésus-Christ y est montré, qui ne tombe point sous le sens du corps mais qui, par les yeux de l'esprit du fidèle, ou est vu, ou est reçu ou est mangé. [10] CHAPITRE X. Semblablement le vin, qui est fait le sacrement du sang de Jésus-Christ par la consécration du prêtre, nous montre autre chose au dehors par la superficie et en contient une autre au dedans. En effet, que paraît-il par cette superficie sinon la substance du vin ? goûtez-en, cela sent le vin; portez-le à l'odorat, vous trouverez l'odeur du vin; regardez-le, vous verrez la couleur du vin. Mais si vous le considérez au dedans, ce n'est plus la liqueur du vin mais c'est la liqueur du sang de Jésus-Christ, qui frappe le goût, les yeux et l'odorat de l'âme de ceux qui croient. Tout cela étant incontestable, il paraît clairement que ce pain et ce vin sont en figure le corps et le sang de Jésus-Christ. Car ce n'est pas l'apparence de la chair que l'on voit dans ce pain, lorsqu'on le regarde, ni du sang dans le vin, quoiqu'après la consécration mystique, on ne les appelle plus ni pain, ni vin, mais le corps et le sang de Jésus-Christ.