[21] {sans correspondance} [22] XII. D'un prêtre qui apporta des chapons. L'évêque d'Arezzo Angelo, que nous avons connu autrefois, convoqua un jour son clergé à un synode, ordonnant que les prêtres revêtus d'une dignité arrivassent "cum cappis et cottis", en chapes et en cottes. Un curé à qui ces vêtements sacerdotaux faisaient défaut s'affligeait, à part lui, et ne savait comment se les procurer. Sa chambrière, le voyant pensif et la tête baissée, fui en demanda la cause : il répondit qu'il devait aller au synode "cum cappis et cottis". « Mon bon monsieur, dit la chambrière, vous n'avez pas bien compris l'ordre de monseigneur, car ce qu'il veut que vous portiez au synode, ce sont chapons cuits, et non "cappis et cottis". » Le curé goûta l'avis de la chambrière, et, prenant avec lui des chapons cuits, fut très bien reçu par l'évêque, qui déclara en riant que ce curé seul avait compris le mandement épiscopal. [23] {sans correspondance} [24] {sans correspondance} [25] {sans correspondance} [26] {sans correspondance} [27] XIII. D'une fille de Constance. Comme on se plaignait à Constance qu'il n'y avait point de liberté dans le concile, un évèque d'Angleterre prouva devant une nombreuse assemblée que cette liberté était réelle. « Il y avait, dit-il, à Constance un bourgeois dont la soeur était devenue enceinte hors mariage. Lorsque son frère s'en fut aperçu, il saisit une épée et lui demanda l'explication de son état, en menaçant de la frapper. « C'est, dit-elle, l'ouvrage du concile, et c'est de lui que je suis grosse. » A ces mots, le frère laissa sa soeur impunie, par crainte et révérence du concile. Tandis que les autres demandaient la liberté sur d'autres points, celui-ci mit au premier rang la liberté de faire l'amour. » [28] XIV. Dit de l'empereur Sigismond. Quelqu'un faisant à l'empereur Sigismond des plaintes sur le défaut de liberté à Constance : "Mais, répondit l'empereur, s'il n'y avait pas ici beaucoup de liberté, vous ne parleriez pas si librement". En effet parler librement est le signe d'une grande liberté. [29] XV. Dit du prêtre Lorenzo. Le jour qu'Angelotto de Rome fut fait cardinal par le pape Eugène, un prêtre de la ville, appelé Lorenzo, rentra chez lui fort gai et en partant d'éclats de rire. Comme les voisins lui demandaient ce qui était arrivé : "Quel bonheur, s'écria-t-il, puisque les sots et les ignorants deviennent des cardinaux! et puisque Angelotto est plus stupide que moi, j'espère étre bientôt cardinal". [30] XVI. Dit de Niccolo d'Anagni. Niccolo d'Anagni plaisanta le pape Eugène dans le même sens. Comme nous nous entretenions de choses et d'autres dans le palais, selon l'habitude, certains accusaient vivement l'injustice de la fortune et se plaignaient de l'avoir contraire à leurs intérêts. Alors Niccolo, homme très savant, mais d'esprit mobile et méchante langue : « Personne, dit-il, n'a eu la fortune aussi contraire que moi, car en ce temps où règne la sottise, où nous voyons tous les imbéciles, et Angelotto lui-même, être élevés aux dignités et recevoir des charges, moi seul j'ai été négligé, gràce à la malice de la fortune! » [31] {sans correspondance} [32] {sans correspondance} [33] {sans correspondance} [34] {sans correspondance} [35] XVII. Les Tomacelli. Le pape Boniface IX était Napolitain, de la famille des Tomacelli. Or, on appelle vulgairement "tomacelli" un mélange haché de foie de porc et de graisse. Boniface se rendit à Pérouse la seconde année de son pontificat, et fut suivi de beaucoup de frères et de parents accourus pour obtenir des faveurs. Quelques curieux qui désiraient connaître les individus de ce cortége, s'informèrent de leur nom. « C'est André Tomacelli, répondait-on, c'est Jean Tomacelli ; » enfin on ne nommait que des Tomacelli. Alors un plaisant s'écria : « Ce foie était donc bien gras qui a produit tant et de si gros tomacelli ! » [36] XVIII. Le testament du chien. Il y avait en Toscane un curé simple, mais riche. Il était assoté d'un chien qui mourut et qu'il ensevelit au cimetière. La nouvelle en parvint aux oreilles de l'évêque, lequel, convoitant l'argent du curé, le manda comme s'il était coupable du plus grand crime. Le curé, qui connaissait son évêque, prend avec lui cinquante ducats. D'abord l'évêque le menace de le faire mettre en prison. Le curé ne perd pas la tête et dit : « Oh ! mon père, si vous saviez combien ce chien avait d'esprit, vous ne seriez pas tant ébahi de la sépulture que je lui ai donnée, car il avait un mérite plus qu'humain, et s'il fut sage en son vivant, il le fut encore plus à sa mort. —Qu'est-ce à dire ? reprend l'évêque. —Oui, il fit un très beau testament, et parce qu'il savait votre indigence, il vous a laissé cinquante ducats, que je vous apporte. » L'évêque approuvant et le testament et la sépulture, accepta le cadeau et donna l'absolution au prêtre. [37] XIX. D'un tyran qui accusait un homme riche. Il y avait à Cingoli, fort de la marche d'Ancône, un homme fort pécunieux. Le seigneur du lieu l'apprit et chercha une occasion d'accuser le bourgeois, pour pouvoir s'emparer de son argent. Il le fit appeler et le déclara coupable de lèse-majesté. Comme il se défendait, le seigneur ajouta qu'il devait être puni de mort. Notre innocent demanda ce qu'il avait fait, après tout : « Vous cachez, dit le seigneur, des rebelles qui ont conspiré contre moi. » Le bourgeois comprit enfin qu'on en voulait à sa bourse. Aimant mieux perdre l'argent que la vie : « C'est vrai, dit-il, monseigneur, mais envoyez des soldats avec moi, je vous mettrai en possession de ces ennemis et de ces rebelles. » Les soldats furent envoyés, et le bourgeois les conduisit devant son trésor : « Prenez ceux-là, dit-il, ce ne sont pas seulement les ennemis du prince, ce sont aussi les miens. » Ainsi notre homme échappa au châtiment qui lui était préparé. [38] XX. D'un court sermon. Il est dans nos montagnes un bourg où s'était réuni beaucoup de monde. C'était la fête de saint Étienne. Un religieux devait prononcer le sermon d'usage. Comme il était déjà tard, les prêtres, qui avaient faim, craignant que le prédicateur ne fût trop long, le prièrent à l'oreille d'abréger. Le religieux n'eut pas de peine à se laisser convaincre, et, après ce préambule : "Mes frères, dit-il, l'année dernière, lorsque je vous prêchai sur la vie et les miracles de saint Étienne, je n'omis rien de ce que j'avais entendu ou lu dans les saintes Écritures, et j'espère que vous avez retenu mes paroles. Comme je n'ai pas appris que le saint ait fait depuis rien de nouveau, faites le signe de la croix et dites Confiteor et le reste. » Et il descendit de la chaire. [39] XXI. D'un conseil de Mincio. Un paysan qui était monté sur un chataignier pour en secouer les fruits tomba et se cassa une côte. Pour le consoler, vint un plaisant nommé Minacio, qui, tout en parlant, dit qu'il connaissait un moyen de ne pas tomber d'un arbre. « ]'aurais voulu que vous m'en informassiez plus tôt, dit le blessé; toutefois, il pourra profiter dans le temps à venir.— Adonc, dit Minacio, fais que tu ne sois jamais plus prompt à descendre qu'à monter; de la sorte, jamais tu ne tomberas. » [40] XXII. Du même. Minacio, ayant joué ses habits aux dés après son argent (car il était pauvre), se tenait en pleurant à la porte de la taverne où il avait joué. Un de ses amis lui demanda ce qu'il avait : « Rien. — Puisque vous n'avez rien, pourquoi pleurez-vous donc? — C'est justement parce que je n'ai rien. » L'un croyait qu'il n'y avait pas de raison pour pleurer, l'autre pleurait parce qu'il ne lui restait rien.