[4,0] SATIRE IV. CONTRE L’ORGUEIL, LA DEBAUCHE ET L’INCAPACITE DES PRINCES. 1 Tu gouvernes l’État! (Crois entendre le sage Qui but jadis la mort, sans changer de visage.) Dis, pupille arrogant du fameux Périclès, Chez toi l’expérience, avant les poils follets, Vint précoce ? et tu sais ce qu’il faut dire ou taire? Quand une populace, émue et volontaire, Gronde.., majestueuse, aux rebelles ta main Commande le silence! Alors: « Peuple romain, C’est injuste; c’est mal; non, point de violence !...» 10 Car ton bras, suspendant la douteuse balance, Sait peser la justice; et tu suis d’un œil sûr Le vrai, qui dans le faux va se confondre obscur; Du noir thêta de mort tu peux marquer le vice!... Mais soyons francs: tu n’es qu’un fat! un fat novice Qui se pavane aux yeux de la plèbe sans cœur! D’Anticyre plutôt bois pure la liqueur! Parfumer au soleil ma peau brillante et lisse; Bien souper : c’est, dis-tu, le suprême délice! Comme toi parlerait cette vieille en lambeau. 20 — Ma mère est Dinomache! — Enfle-toi. — Je suis beau! Soit! Mais plus sage encor la Baucis rabougrie Qui vante à ce vaurien les herbes qu’elLe crie! Pas un homme, pas un n’ose descendre en lui; Mais comme on sait bien voir la besace d’autrui! Dis, connais-tu les champs de Vectide — « Un domaine Que le vol d’un milan traverserait à peine ?... Cet ennemi des dieux, — Lorsque dans les grands jours Il suspend la charrue au fond des carrefours, — Débouchant à regret un flacon vieux et sale, 30 Soupire, et dit: Buvons! puis mord l’oignon qu’il sale; Sert aux valets joyeux un brouet trop vanté, Et boit le reste épais d’un vinaigre éventé.» Bien! mais lorsque ta peau dans les parfums se noie Et se chauffe au soleil, ton voisin te coudoie, Et, conspuant tes mœurs, il te montre étalé, Tourmentant sous le fer ton bas-ventre épilé !... Tu cultives le poil qui couvre ton visage: Pourquoi donc l’extirper ailleurs? Pour quel usage ? — Mais en vain cinq lutteurs arrachent ce gazon: 40 Sous la pince mordante il repousse à foison. Nul soc ne vient à bout de cette herbe rebelle! On frappe, on est frappé soi-même de plus belle: Voilà, voilà le monde! Et nous savons encor Qu’un ulcère est caché sous ton baudrier d’or. Ainsi, trompe tes nerfs, et donne-nous le change. Quand tout le voisinage entonne ma louange, J’y crois. — A tort!... Pervers, si l’or te fait pâlir; Des excès les plus vils si tu peux te salir; Si, le fouet à la main, contre nous tu te rues, 50 Ton oreille en vain s’ouvre aux éloges des rues. Rejette au portefaix son lâche compliment !... Habite en toi: connais ton pauvre ameublement!