[22,0] LIVRE XXII (fragments) [22,1] I. L'été commençait, lorsque après la victoire remportée par les Romains sur Antiochus, arrivèrent à Rome Eumène, les députés du vaincu, ceux des Rhodiens et de beaucoup d'autres peuples de l'Asie. Presque toutes les nations de cette contrée envoyèrent à cette époque leurs ambassades en Italie : tant les espérances de chacun reposaient sur le sénat romain ! Il les reçut toutes avec une grande bienveillance, mais la réception la plus brillante et les présents d'hospitalité les plus magnifiques furent pour Eumène d'abord et ensuite pour les Rhodiens. Quand, au moment de la conférence, on appela le premier au sein du sénat le roi Eumène, on le pria de dire avec une entière franchise ce qu'il désirait obtenir ; mais le prince répondit que s'il avait à solliciter auprès d'une autre nation quelque faveur, il aurait recours aux conseils des Romains, afin de ne rien demander que de raisonnable, et dès lors il était naturel que, s'adressant à la générosité des Romains eux-mêmes, il leur abandonnât le soin des intérêts de son frère et des siens. En vain un sénateur se leva pour l'engager à exprimer sans crainte ses désirs au sénat, qui était disposé à lui accorder tout ce qui lui serait possible. Eumène persista dans sa première résolution. Il sortit, et le sénat délibéra sur ce qu'il y avait à faire. On fut d'avis de le convier de nouveau à exposer sincèrement l'objet de sa venue à Rome, parce que mieux que personne il connaissait ce qui lui importait à lui-même et les affaires de l'Asie. Eumène fut donc rappelé, et un membre du sénat lui ayant lu la décision de l'assemblée, il se vit contraint de prendre la parole. [22,2] II. Il dit qu'il ne voulait pas entretenir le sénat de ce qui le regardait particulièrement, et que, fidèle à son premier dessein, il le laissait maître absolu de son sort; qu'il n'avait qu'un sujet de crainte, les Rhodiens ; que cela seul le décidait à parler; qu'ils étaient là, en effet, non moins jaloux de défendre les intérêts de leur patrie qu'il pouvait l'être au moins de maintenir sa propre autorité, et que leur langage exprimait le contraire de leur intention véritable. Rien de plus aisé que de s'en convaincre. «Ils diront, ajouta-t-il quand on leur donnera audience, qu'ils ne sont venus ici ni pour vous demander quelque grâce, ni pour me faire du tort en quoi que ce soit, mais afin de plaider en faveur de la liberté des Grecs d'Asie. Ils vous représenteront que l'affranchissement de ces peuples leur est encore peut-être moins précieux qu'il n'est pour vous convenable et conforme à vos maximes. Voilà les dehors qu'ils prendront dans leur langage : mais qu'on pénètre au fond des choses et on trouvera des arrière-pensées bien opposées à leurs paroles. Ces villes une fois affranchies, comme ils vous en conjurent, vous verrez leur puissance grandir, la mienne presque tomber. Ce beau nom de liberté détachera de mon empire non pas seulement les nations qu'il s'agit de rendre à l'indépendance, mais encore celles qui depuis longtemps m'obéissent, et, sitôt que vous aurez manifesté vos sentiments à cet égard, me les enlèvera pour les leur livrer. Il n'en peut être autrement, ces États libres ne seront en apparence que leurs alliés; mais convaincus qu'ils leur sont redevables de leur indépendance, par reconnaissance pour un si grand bienfait ils seront en définitive à leurs ordres. Nous vous prions, sénateurs, d'y faire attention ; n'allez pas, à votre insu, élever quelques-uns de vos amis au delà de toute mesure pour abaisser aussi contre toute justice la fortune des autres; n'allez pas combler de vos bienfaits ceux qui ont été jadis vos ennemis, pour négliger, sacrifier ceux qui vous furent toujours fidèles. [22,3] III. « Je suis prêt sur toute autre chose à céder sans dispute à autrui; mais quand il s'agit de mon amitié et de mon dévouement pour Rome, non, autant qu'il me sera possible, je le déclare, je ne céderai pas. Mon père, s'il vivait encore, tiendrait, j'en suis certain, le même langage. C'est lui qui le premier de tous les Grecs de l'Asie et de l'Europe se fit votre ami, votre allié, et jusqu'à sa mort il a noblement, par ses sentiments et par sa conduite, gardé sa foi. Il a partagé avec vous toutes vos guerres en Grèce ; de tous vos alliés, c'est lui qui vous a conduit les plus forts contingents de troupes navales et terrestres, qui vous a fourni le plus de vivres et de munitions, qui pour vous a bravé le plus de périls, et, pour tout dire, il a fini sa vie à l'oeuvre, dans la guerre de Philippe, en pressant les Béotiens d'accepter votre amitié et votre alliance. Moi-même, monté sur le trône, je n'ai fait que continuer cet amour qu'il n'était pas possible de surpasser, mais par mes services je l'emporte. Plus de circonstances de nos jours ont, je dirai presque, servi de pierre de touche à ma vertu qu'à la sienne. Antiochus me voulait donner sa fille, s'unir à moi de toutes les manières, me remettre sur-le-champ toutes les villes qui m'avaient quitté! il me faisait mille et mille promesses, si je consentais à m'associer à sa guerre contre Rome; mais loin d'accepter aucune de ses offres, c'est moi qui parmi tous vos alliés ai fait marcher le plus de vaisseaux et de troupes de terre, moi qui, dans des conjonctures fâcheuses vous ai donné le plus de vivres et qui avec vos généraux, me suis jeté sans balancer dans les plus grands dangers. Enfin je n'ai pas craint de soutenir un siège enfermé dans Pergame, et de risquer ma vie et mon trône par amour pour vous. [22,4] IV. Romains, beaucoup d'entre vous ont vu de leurs propres yeux mes oeuvres, et tous, vous savez que je ne dis que la vérité. Il est donc juste que vous preniez de mes intérêts un soin égal à mes droits. Certes ce serait une chose bien triste que ce Massinissa qui fut votre ennemi d'abord, et qui seulement, vers la fin de la lutte, s'enfuit dans votre camp avec quelques cavaliers, vous l'ayez établi roi de la plus grande partie de l'Afrique pour vous avoir gardé sa foi pendant une seule guerre, celle contre Carthage ; que ce Pleuratus, qui n'a rien fait que vous être fidèle, soit devenu par votre oeuvre le plus puissant des chefs de l'Illyrie, et que vous ne teniez aucun compte de nous, qui par nos ancêtres avons rendu aux Romains les plus grands, les plus éclatants services. Mais enfin que viens-je demander, direz-vous, et quelle faveur souhaité-je d'obtenir ? Je vais vous parler avec franchise, puisque vous mêmes m'avez invité à le faire. Si vous avez l'intention de garder pour Rome quelques-unes des parties de l'Asie placées en deçà du Taurus, et autrefois soumises à Antiochus, il n'est rien que je désire plus que de vous y voir. Il me semble que, devenu votre voisin, et plus que tout autre en contact avec votre puissance, j'aurai mon empire mieux assuré. Mais si telle n'est pas votre pensée; si vous voulez quitter l'Asie, il n'est, je crois, personne pour qui vous puissiez renoncer à ce prix de la guerre plus justement que moi. On m'objectera qu'il est plus beau d'affranchir les villes; oui, si elles n'avaient pas osé combattre contre vous avec Antiochus, mais puisqu'elles l'ont fait, il vaut mieux encore accorder à de sincères amis de légitimes récompenses que de favoriser des ennemis. » [22,5] V. Eumène crut en avoir assez dit et se retira. Le sénat accueillit les paroles du roi, comme il avait fait sa personne, avec une grande bienveillance, se montra disposé à lui accorder tout ce qui serait en son pouvoir, et résolut d'appeler immédiatement les Rhodiens; mais comme un de leurs ambassadeurs n'était pas encore arrivé, on fit entrer les Smyrniens. Ils rappelèrent, dans un long discours, le zèle et le dévouement dont ils avaient fait preuve à l'égard de Rome, durant la guerre. Comme c'est une opinion accréditée partout que les Smyrniens l'emportèrent alors en fidélité sur tous les peuples de l'Asie, nous ne croyons pas nécessaire de retracer ici leur harangue en détail. Puis vinrent les Rhodiens qui, après avoir en peu de mots parlé des services qu'ils avaient rendus aux Romains, arrivèrent à la question principale qui concernait leur patrie. Ils commencèrent par dire qu'une des circonstances les plus pénibles pour eux dans cette ambassade était de voir leurs intérêts, par leur nature même, se heurter contre ceux d'un prince à qui d'ailleurs, dans leurs rapports publics et privés, ils étaient fort unis; mais qu'ils ne voyaient rien de plus beau pour eux-mêmes, de plus convenable pour les Romains, que d'affranchir les villes de l'Asie et de leur rendre la liberté, ce trésor si cher à l'homme. « Une telle mesure, ajoutèrent-ils, est funeste sans doute à Eumène et à ses frères, puisque la monarchie est l'ennemie naturelle de toute égalité, et qu'elle cherche à soumettre à ses lois, sinon tous les hommes, du moins le plus de peuples qui lui est possible. Quoiqu'il en soit ainsi, nous sommes persuadés que nous parviendrons près de vous à notre but; ce n'est point que nous ayons plus de crédit qu'Eumène, mais nous avons évidemment pour nous la justice et l'intérêt général. S'il n'y avait d'autre moyen pour Rome de témoigner au prince sa reconnaissance que de lui livrer des villes indépendantes, la question serait naturellement embarrassante : il vous faudrait ou négliger un ami véritable, ou manquer au bien et à l'honnête, et du même coup obscurcir, effacer même cette gloire conquise par tant d'exploits. Mais dès qu'il est possible de concilier tout, est-il encore permis d'hésiter? Il y a ici, comme sur une table somptueuse, le nécessaire pour tous, et plus encore. Voyez la Lycaonie, la Phrygie jusqu'à l'Hellespont, la Pisidie, la Chersonèse et toutes les provinces d'Europe qui y touchent, vous pouvez les donner à qui bon vous semble. Quelques-uns de ces pays, ajoutés au royaume d'Eumène, lui feront un empire deux fois plus grand que le sien! accordez-lui toutes ces provinces ou plusieurs seulement, et ses États ne le céderont à ceux d'aucun autre prince. [22,6] VI. « Ainsi, sénateurs, il vous est permis d'enrichir magnifiquement vos amis, sans rien enlever au mérite de votre noble entreprise. La fin que vous marquez à vos actions est bien autre que celle du reste des hommes. D'ordinaire ils ne se jettent dans les guerres que pour conquérir et gagner des villes, des munitions et des flottes. Les dieux vous ont épargné cette nécessité en plaçant l'univers sous votre obéissance. De quoi donc avez-vous besoin? de quoi vous faut-il maintenant avoir le plus de souci ? de cette gloire, de cette renommée universelle qu'il est si difficile d'acquérir et plus encore de conserver. Vous allez reconnaître ce que nous vous disons. Vous avez combattu Philippe, vous avez tout bravé pour rendre la liberté aux Grecs : tel a été votre but, telle a été la récompense que vous vous êtes promise de cette expédition : il n'y en avait pas d'autre, et cependant vous en avez plus joui que de tous les tributs imposés aux Carthaginois. Cela est très naturel : l'argent est une propriété commune à tous les hommes ; mais la réputation, les hommages, la louange, ne sont faits que pour les dieux et ceux qui leur ressemblent. Oui, votre oeuvre la plus belle a été l'affranchissement des Grecs. Si vous la complétez aujourd'hui, cette oeuvre, l'édifice de votre renommée est à jamais élevé ; sinon votre gloire sera bientôt abaissée. Sénateurs, après avoir participé à cette entreprise et, avec vous, soutenu pour la poursuivre de grands combats, bravé de véritables périls, nous ne voulons pas aujourd'hui trahir le devoir d'un peuple ami. Nous n'avons pas craint en effet de vous dire franchement la conduite que nous croyons la seule vraiment digne de vous, nous l'avons fait sans arrière-pensée, en hommes qui ne mettent rien au-dessus de l'honnête. » Ainsi parlèrent les Rhodiens, et les sénateurs rendirent justice à l'élévation et à la sage mesure de leur langage. [22,7] VII. Après eux vinrent les députés d'Antiochus, Zeuxis et Antipater. Ils s'exprimèrent avec le ton de la prière et de la supplication, et le sénat approuva les conditions de paix réglées par Scipion en Asie. Quelques jours après, le peuple les ratifia, et les serments nécessaires furent prêtés entre les mains d'Antipater et rendus par lui. On introduisit ensuite dans la curie les autres députations venues d'Asie, on ne leur accorda qu'une courte audience, et on leur fit à toutes la même réponse : que le sénat enverrait bientôt des commissaires qui connaitraient des différends de ces villes entre elles. En effet, conformément à cette promesse, on nomma des députés à qui on confia le soin de terminer les affaires de détail. Se réservant ce qu'il y avait de général, le sénat décida qu'on remettrait à Eumène tous les peuples en deçà du Taurus, soumis autrefois à Antiochus, à l'exception de la Lycie et de la Carie jusqu'au Méandre. Ces provinces revenaient aux Rhodiens. Les villes grecques qui payaient tribut à Attale durent le continuer à Eumène; celles qui avaient été tributaires d'Antiochus furent déclarées libres. On donna aux députés les instructions nécessaires à l'exécution de ces dispositions, et tous se rendirent en Asie auprès du consul Cnéus Manlius Vulso. Tout était ainsi réglé quand les Rhodiens vinrent réclamer auprès du sénat pour la ville de Soles en Cilicie. Ils dirent que les liens du sang qui les unissaient à cette ville leur imposaient de veiller sur elle; que les habitants de Soles, comme ceux de Rhodes, étaient une colonie d'Argos; qu'il y avait ainsi entre eux fraternité, et ils cherchèrent à établir que ce peuple devait, en faveur de Rhodes, obtenir des Romains la liberté. Sur cette demande, on rappela les députés d'Antiochus, et d'abord ordre leur fut donné que ce prince évacuât toute la Cilicie. Mais Antipater repoussa cette sommation comme contraire au traité. Le sénat eut, à ce sujet, un nouvel entretien avec lui; et comme l'ambassadeur résista avec une grande énergie, ils le congédièrent; puis, rappelant les Rhodiens, ils leur dirent l'opposition d'Antipater, et promirent, du reste, de ne reculer devant rien pour réussir, s'ils persévéraient dans leur requête. Les Rhodiens déclarèrent que, contents de la bonne volonté du sénat, ils ne demandaient rien de plus, et l'affaire en resta là. Au moment où les dix députés romains et les autres ambassades s'embarquaient pour l'Asie, les Scipion et Lucius Émilius, le vainqueur d'Antiochus sur mer, abordèrent à Brindes en Italie. Quelques jours après, ils entrèrent à Rome en triomphe. [22,8] VIII. Amynandre se flattant d'être désormais tranquille possesseur de son royaume, envoya des députés à Rome et aux Scipion en Asie (ils se trouvaient alors près d'Éphèse) pour se justifier d'avoir recouvré son trône par les Étoliens, pour accuser Philippe, et surtout pour engager le sénat à l'admettre dans son alliance. Quant aux Étoliens, persuadés que l'occasion était belle de reprendre l'Amphilochie et l'Apérantie, ils résolurent de pousser une expédition de ce côté. Nicandre fit donc une levée en masse et marcha vers les frontières de l'Amphilochie : la plupart des villes se livrèrent à lui, et il passa bientôt dans l'Apérantie. Elle se soumit à son approche, et il gagna la Dolopie. Les habitants firent quelque temps mine de vouloir résister et demeurer fidèles à Philippe ; mais au souvenir de ce qui était arrivé aux Athamanes, et de la fuite du prince, ils revinrent promptement sur leur résolution et s'unirent aux Étoliens. Après une suite si heureuse de succès, Nicandre ramena ses troupes dans leurs foyers, pensant, par la conquête de ces divers pays, avoir assez assuré l'Étolie pour que personne ne pût l'envahir. Telle était la fortune des Étoliens, et ce bonheur avait enflé leur orgueil, quand tout à coup se répandit le bruit de la bataille de Magnésie : cette nouvelle de la défaite complète d'Antiochus changea déjà beaucoup leurs sentiments. Mais quand Damotèles, revenant de Rome, leur annonça que la guerre devait continuer, et que Marcus Fulvius amenait des troupes contre eux, ils tombèrent dans le plus grand embarras, ne sachant quelle conduite tenir en face des événements qui les menaçaient. Enfin, ils décidèrent de demander aux Athéniens et aux Rhodiens de faire partir pour Rome des députés, et en désarmant la colère des Romains, de procurer à l'Étolie un moyen d'échapper aux calamités suspendues sur elle. Ils dépêchèrent en même temps pour l'Italie des ambassadeurs : c'étaient Alexandre l'Iséen, Phénéas et Lycopus. [22,9] IX. Cependant les commissaires romains s'étaient rendus d'Épire auprès du consul romain, et Fulvius délibérait avec eux sur la future campagne. Les commissaires furent d'avis d'attaquer d'abord Ambracie (cette ville faisait alors partie de la ligue étolienne); ils s'appuyaient pour cela sur deux raisons : si les Étoliens voulaient en venir aux mains, il y avait autour de cette ville des plaines admirablement propres à un combat; s'ils s'enfermaient au contraire par crainte dans la place, elle était admirablement située pour un siége : le pays, en effet, présentait de grandes commodités pour les travaux de guerre; le fleuve Arachte, qui coulait devant la ville, pouvait servir en même temps et à pourvoir aux besoins du camp (car on était en été) et à couvrir les ouvrages. Fulvius approuva ce conseil, et à travers l'Épire dirigea ses troupes sur Ambracie. Les Étoliens n'osèrent pas se présenter à lui : il fit impunément le tour de la ville pour en reconnaître tous les points et poussa vigoureusement les préparatifs du siège. Sur ces entrefaites, les députés que les Étoliens envoyaient à Rome, avaient été arrêtés dans Céphallénie, par Siberte, fils de Pétratus, qui observait leur marche, et on les avait conduits à Charadre. Les Épirotes songèrent d'abord à les transporter dans Buchétum pour les tenir sous bonne garde; ils se bornèrent ensuite à leur demander une rançon, l'Épire étant en guerre avec l'Étolie. Alexandre était un des hommes les plus opulents de la Grèce. Phénéas et Lycopus étaient sans fortune ou du moins se trouvaient, par leurs richesses, bien au-dessous d'Alexandre. On leur prescrivit de donner chacun cinq talents. Phénéas et Lycopus, loin de se refuser à cette exigence, s'y prêtèrent de bonne grâce en hommes qui mettent avant tout la vie. Mais Alexandre déclara qu'il ne s'y soumettrait pas, répétant sans cesse qu'une telle somme était énorme; il passait les nuits sans sommeil et gémissait sur la nécessité probable de donner cinq talents. Dans l'intervalle, les Épirotes, prévoyant l'avenir, de peur que les Romains, instruits de la détention des ambassadeurs qui leur étaient destinés, n'écrivissent pour réclamer, pour exiger même leur liberté, se relâchèrent de leurs prétentions et ne demandèrent plus que trois talents à chacun. Phénéas et Lycopus acceptèrent cette nouvelle offre avec plaisir, et furent délivrés sur caution. Alexandre, au contraire, déclara qu'il ne donnerait qu'un seul talent, et que c'était déjà beaucoup. Ce vieillard, qui avait plus de deux cents talents de revenu, sans s'occuper autrement de son salut, demeura en prison : il eût volontiers, je crois, renoncé à la vie pour ne pas abandonner trois talents, tant est grande en quelques âmes la force de la cupidité et de l'avarice ! Mais cette fois, la fortune favorisa son vil amour de l'argent, et grâce à la fin de l'affaire, sa folle manie lui mérita des éloges et l'approbation générale. Quelques jours plus tard, des lettres vinrent de Rome qui réclamaient sa mise en liberté : seul, ainsi, il fut renvoyé sans rançon. Les Étoliens instruits du malheur arrivé à leur ambassade, choisirent de nouveau Damotèles pour l'envoyer à Rome. Il alla jusqu'à Leucade, où il apprit que Marcus, avec son armée, marchait sur Ambracie. Il désespéra du succès de son ambassade et revint en Étolie. [22,10] X. Bientôt commença le siége d'Ambracie, et les Étoliens résistèrent à l'aide de leurs machines et de leurs béliers. Déjà Marcus, après avoir fortifié son camp, avait poussé dans la plaine, à des distances égales, trois constructions du côté qu'on appelle le Palais de Pyrrhus : un quatrième ouvrage menaçait le quartier d'Esculape ; un cinquième, la citadelle. A la vue de ces travaux qui les pressaient de plus en plus de toutes parts, les assiégés songeaient avec terreur au sort qui leur semblait préparé. Mais en vain les béliers portaient aux murailles de terribles coups, en vain des machines armées de faux balayaient les créneaux; ils essayèrent tous les moyens de combattre ces obstacles; ils lançaient, contre les béliers, au moyen de leurs grues, des masses de plomb, des pierres, des morceaux de bois ; ils dirigeaient des ancres de fer contre les faux de l'ennemi qu'ils amenaient dans l'intérieur des murs, et brisaient, contre les créneaux, le bâton qui les soutenait et s'emparaient du fer; ou bien encore ils faisaient des sorties dans lesquelles ils combattaient fort bravement; tantôt ils attaquaient les soldats qui veillaient sur les travaux, tantôt ils se jetaient, pendant le jour même, sur les postes ennemis, et faisaient traîner le siège en longueur. Nicandre, placé en dehors de la ville, avait envoyé, au secours des assiégés, cinq cents cavaliers qui, par l'intervalle laissé entre les deux camps de Marcus, pénétrèrent de vive force dans Ambracie, et d'avance il avait réglé avec eux un jour où ils feraient une sortie, et où lui-même, par une attaque simultanée, leur viendrait en aide; mais il ne se trouva pas au rendez-vous, soit qu'il eût reculé devant cette attaque, soit qu'il eût regardé comme plus nécessaire ce qui le retenait ailleurs : les Étoliens échouèrent dans leur entreprise. [22,11] XI. Les Romains ne cessaient pas de battre les remparts à coups de bélier, d'en détruire quelque partie; ils ne purent cependant entrer dans la ville par la brèche à cause des retranchements qu'improvisaient les assiégés et du courage qu'ils mettaient à combattre du haut des ruines de leurs murs. Désespérant d'enlever la place d'assaut, ils résolurent d'employer la mine, mais ils furent bientôt encore contraints d'y renoncer, grâce à l'habile manière dont les Étoliens, dès qu'ils eurent pénétré les desseins de l'ennemi, conduisirent leur défense, ainsi que la suite le fera voir. Les Romains, en effet, après avoir fortifié celui de leurs ouvrages avancés qui était au milieu, et l'avoir soigneusement couvert de claies, avaient conduit sur une ligne parallèle au mur une galerie de deux cents pieds de longueur, et à partir de cette galerie, ils s'étaient mis à creuser le sol nuit et jour sans relâche en se relayant. Durant quelques jours ils parvinrent à jeter la terre hors de la mine sans être aperçus; mais sitôt que le monceau fut devenu assez considérable pour être vu des Étoliens, les chefs des assiégés formèrent à l'intérieur un fossé parallèle au mur et à la galerie qui s'étendait devant le rempart, et ce fossé eut à peine atteint une profondeur suffisante qu'ils appliquèrent sur le côté voisin du mur une ligne continue de vases d'airain d'une construction fort délicate, telles que des sonnettes et autres instruments de ce genre. En passant près de ces vases dans la mine, on entendait à l'intérieur le bruit des travailleurs romains. Quand donc ils eurent bien déterminé l'endroit que les machines d'airain désignaient par l'effet naturel de l'écho (elles répondaient au bruit extérieur), ils poussèrent, à partir du fossé qu'ils avaient formé, au-dessous du mur, une nouvelle mine transversale, de manière à rencontrer l'ennemi. Cette mine fut bientôt achevée : car les Romains n'avaient pas seulement dépassé la muraille; ils l'avaient déjà étayée sur une grande longueur, des deux côtés de la galerie, et Romains et Étoliens se trouvèrent en présence. D'abord on combattit dans le souterrain à coups de sarisse; mais ces engagements ne produisaient rien de considérable, par la facilité qu'avaient les combattants de se mettre à couvert derrière leurs boucliers ou derrière les claies. Enfin un des assiégés suggéra à ses compagnons de placer devant eux un tonneau d'une grandeur égale à celle de la mine, d'en percer le fond, d'y adapter un tuyau de fer de la longueur même du muid, de l'emplir de petites plumes et de disposer un peu de feu à l'orifice de la machine; on devait en outre adapter à la partie extrême du tonneau un couvercle plein de petits trous et pousser hardiment dans la mine l'appareil, le couvercle tourné du côté de l'ennemi. Il fallait encore, dès que les Romains approcheraient, fermer hermétiquement les bords du tonneau, et ne laisser à droite et à gauche que deux ouvertures par où l'on pourrait agiter les sarisses et tenir les ennemis à distance; puis, au moyen d'un soufflet d'armurier qu'on adapterait au tuyau de fer, il était facile d'exciter puissamment le feu placé à l'entrée du tonneau, sous la plume, en ayant soin de retirer le tuyau à mesure que la plume brûlerait. Tout fut ainsi exécuté, et bientôt s'éleva une forte fumée, qui, par la nature de la plume, était suffocante, et qui se répandit dans toute la galerie des Romains. Ceux-ci en souffrirent beaucoup, et arrêter ces flots de fumée était aussi impossible que les supporter. Ce stratagème prolongea quelque temps le siège, mais enfin le chef étolien résolut d'envoyer un parlementaire au consul romain. [22,12] XlI. Sur ces entrefaites, des députés rhodiens et athéniens vinrent jusque dans le camp de Fulvius, solliciter la paix en faveur des assiégés. On vit aussi arriver Amynandre, roi des Athamanes, à qui Marcus avait donné un sauf-conduit provisoire, et qui désirait fort d'arracher les Ambraciens à leurs malheurs. Il les aimait. Ambracie était la ville où, durant sa déchéance, il avait longtemps vécu. Enfin, quelques jours après, des Acarnaniens amenèrent aux Romains Damotèles et sa suite. Car Marcus, instruit de la fâcheuse aventure survenue aux députés étoliens, avait écrit aux habitants de Thyrium de lui envoyer les captifs. La réunion fut ainsi complète, et on s'occupa sérieusement de la paix. Amynandre, fidèle à sa première pensée, ne cessait pas d'engager les Ambraciens à se sauver par une capitulation : leur salut n'étant pas éloigné s'ils voulaient suivre un parti meilleur. Comme il s'approchait de leurs murs pour s'entretenir avec eux, les assiégés l'invitèrent à se rendre dans la ville. Le consul le lui permit, et, admis dans leurs murailles, Amynandre les entretint de l'affaire alors pendante. De leur côté, les députés d'Athènes et de Rhodes entouraient sans cesse le consul, et l'assiégeant de mille prières, cherchaient à calmer son courroux. Un avis secret engagea en même temps Damotèles et Phénéas à faire une cour plus assidue à Caius Valérius. C'était le fils de ce Marcus qui le premier avait fait alliance avec les Étoliens, et, par sa mère, il était frère du consul : jeune et actif, il jouissait d'un grand crédit auprès de Fulvius. Poussé par Phénéas et Damotèles, Valérius fit de cette négociation son affaire, et, convaincu qu'il lui appartenait surtout de défendre les intérêts des Étoliens, il employa tout ce qu'il avait de zèle et d'ardeur pour les tirer d'embarras. Grâce à tant d'efforts combinés, les négociations eurent une prompte solution. Les Ambraciens, cédant aux conseils d'Amynandre, se mirent à la merci du consul romain et lui livrèrent la ville, à la seule condition que les Étoliens se retireraient sains et saufs. Ce fut la première clause dont ils convinrent, gardant jusqu'au bout leur foi à leurs alliés. [22,13] XIII. Marcus consentit à faire la paix avec les Étoliens aux conditions suivantes : « Les Romains recevront sur-le-champ deux cents talents euboïques et trois cents autres en six ans, cinquante par année. Leur seront rendus en six mois, sans rançon, tous les transfuges et prisonniers que renferme l'Étolie. Les Étoliens ne conserveront sous leur empire et n'y ad joindront plus tard aucune des villes qui, depuis le passage de Quintius en Grèce, ont été prises par les Romains ou se sont alliées à eux. Les Céphalléniens ne sont pas compris dans le traité. » Telle fut la première ébauche du traité de paix projeté. Il fallait que les Étoliens l'approuvassent, et qu'ensuite on le portât à Rome. Les Athéniens et les Rhodiens demeurèrent dans le camp pour attendre la réponse des Étoliens, tandis que Damotèles et Phénéas allèrent rendre compte à leurs concitoyens des conditions que Fulvius leur avait faites. Ils accueillirent favorablement les premières clauses dont la douceur dépassait leur espérance : celle qui concernait les villes autrefois unies à leur ligue les fit seule un instant hésiter. Enfin ils agréèrent le traité tout entier. Dans l'intervalle Marcus, après avoir renvoyé d'Ambracie les Étoliens sains et saufs, y avait ramassé les statues, les bustes, les tableaux qui s'y trouvaient en assez grand nombre, cette ville ayant été autrefois la résidence de Pyrrhus. On lui décerna une couronne d'or de cent cinquante livres, après quoi il se dirigea vers l'intérieur de l'Étolie, étonné de ne voir aucun Étolien revenir au camp. Il venait de s'établir à la hauteur d'Argos Amphiloque, à environ vingt-trois mille pas d'Ambracie, quand il fut enfin rejoint par Damotèles, qui lui annonça la sanction du traité de paix entre eux convenu. On se sépara, et les Étoliens se retirèrent chez eux, Marcus dans Ambracie. A peine de retour en cette ville, il s'occupa de faire passer son armée à Céphallénie. Les Étoliens firent partir bientôt pour l'Italie Phénéas et Nicandre; car, nous le répétons, le traité était nul sans l'agrément du peuple romain. [22,14] XIV. Phénéas et Nicandre s'embarquèrent, accompagnés des Rhodiens et des Athéniens, et Marcus leur adjoignit Caïus Valérius et quelques amis qui pussent appuyer leurs demandes. Quand ces députés arrivèrent à Rome, ils trouvèrent la colère des Romains contre l'Étolie fort échauffée par Philippe de Macédoine. Ce prince, qui se regardait comme ayant été injustement dépouillé par les Étoliens de l'Athamanie et de la Dolopie avait envoyé à ses amis des émissaires pour animer le ressentiment des sénateurs et les pousser à rejeter la paix. Aussi quand les Étoliens parurent dans le sénat, on les accueillit froidement; mais sur la prière des Rhodiens et des Athéniens, revenue à des sentiments meilleurs, l'assemblée leur accorda attention. Damis, fils d'Icésius, eut les honneurs de la séance, et on lui sut gré d'une comparaison qui sembla parfaitement appropriée à la circonstance. « Rien de plus juste, dit-il, que votre courroux à l'égard des Étoliens, qui, après avoir été comblés par Rome de bienfaits, loin de lui témoigner une juste gratitude, ont exposé au plus grand péril la puissance romaine, en allumant la guerre d'Antiochus. Mais n'est-ce pas une erreur que de la faire retomber sur la nation entière? Dans les États, il en est de la multitude à peu près comme de la mer. La mer est de sa nature calme et paisible, telle enfin que par elle-même elle ne nuit ni à ceux qui en approchent, ni à ceux qui se lancent jusque sur son sein : mais aussitôt que des vents fougueux, se déchaînant à sa surface, la troublent dans son repos, rien de plus terrible ni de plus indomptable qu'elle. Ainsi se sont passées les choses en Étolie. Tant que les Étoliens ont été leurs maîtres, ils se sont constamment montrés les plus dévoués, les plus fermes soutiens de vos armes parmi les Grecs. C'est seulement lorsque Thoas et Dicéarque en Asie, Mnestas et Damocrite en Europe, ont remué le peuple, et poussé la multitude à parler, à agir contre sa nature, qu'animés d'un mauvais esprit, les malheureux ont voulu vous causer du mal et s'en sont fait à eux-mêmes. Soyez-donc sans pitié pour les provocateurs, mais ayez compassion du reste de la nation : accordez-lui la paix, certains que dès lors, sans mélange, et sauvés une fois encore par vous, les Étoliens vous seront les plus attachés de tous les peuples de la Grèce. » Damia, par ce discours, persuada au sénat de traiter avec l'Étolie. [22,15] XV. Le peuple sanctionna la paix que le sénat avait proposée. Voici quelles en étaient les conditions : « Les Étoliens respecteront sans ruse ni dol l'empire et la majesté du peuple romain; ils ne livreront pas passage aux ennemis des Romains, de leurs alliés et de leurs amis, par leurs campagnes ou leurs villes; ils ne fourniront à ces mêmes ennemis aucun secours d'après un décret public. Ils auront les mêmes amis et ennemis que les Romains; et si Rome fait la guerre à quelque peuple, ils uniront leurs armes aux siennes. Ils rendront tous les esclaves et captifs des Romains et de leurs alliés, à l'exception de ceux qui, déjà pris une fois, l'auraient été de nouveau après avoir retourné dans leurs foyers, et de ceux qui étaient les ennemis des Romains à l'époque où les Étoliens étaient leurs alliés. Tous les autres captifs doivent être remis entre les mains du gouverneur établi à Corcyre dans l'espace de cent jours, à partir de celui où la paix aura été signée. S'il en est qui n'aient pas été trouvés dans ce délai, on les livrera plus tard avec loyauté, dès qu'on les aura découverts. Tout retour en Étolie leur est interdit après la conclusion du traité. Les Étoliens payeront comptant au proconsul, en Grèce, deux cents talents euboiques d'un argent qui ne soit pas d'une qualité inférieure à celui d'Athènes. Ils peuvent, s'ils le préfèrent, payer le tiers de la somme en or au lieu de le faire en argent, pourvu qu'il donnent pour dix livres d'argent une livre d'or. Du jour où la paix sera solennellement ratifiée, ils donneront pendant les six premières années cinquante talents par an, et auront soin de faire tenir cette somme à Rome. Ils fourniront en outre pour six ans quarante otages au choix du consul, n'ayant pas moins de douze ans, ni plus de quarante. Ne seront reçus comme otages ni le préteur, ni le chef de la cavalerie, ni le greffier public, ni aucun Étolien qui déjà ait été en otage à Rome. Les Étoliens feront transporter ces otages en Italie; et si quelqu'un d'entre eux vient à mourir, il sera remplacé. Céphallénie n'est pas comprise dans le traité. Les Étoliens n'ont plus aucun droit aux territoires, villes et peuples qui, autrefois sous leur puissance, sont tombés au pouvoir des Romains, pendant ou après le consulat de Titus Quintius et de Cnéus Domitius, ou qui ont sollicité leur alliance. Les campagnes et la ville des Énéades appartiennent désormais aux Acarnaniens. » Les deux peuples prêtèrent serment, et la paix fut conclue. Telle fut l'issue de la guerre d'Étolie et des affaires de la Grèce en général. [22,16] XVI. Tandis que les ambassadeurs venus de l'Asie traitaient à Rome de la paix avec Antiochus et des intérêts de leurs différents pays, qu'en Grèce l'Étolie était désolée par la guerre, s'achevait en Asie la lutte contre les Galates, dont nous allons tracer le récit. [22,17] XVII. Il y avait dans cette ville un tyran cruel et trompeur, nommé Moagète, dont l'histoire réclame non pas quelques mots jetés en passant, mais des détails précis autant qu'il est ici nécessaire. Le consul Cnéus, approchant de Cibyre, avait envoyé en avant C. Helvius pour sonder les dispositions de Moagète. Aussitôt le tyran adressa des députés à Helvius pour le prier de ne pas ravager son territoire, car il était, disait-il, ami des Romains et prêt à faire tout ce qu'on lui prescrirait. Il offrait en même temps une gratification de quinze talents. Helvius lui promit d'épargner ses campagnes et l'engagea, pour tout régler, à dépêcher une ambassade vers le consul, qui, du reste, le suivait avec toute son armée. Moagète, sur cet avis, fit partir son frère avec quelques commissaires; mais Cnéus, qui les rencontra chemin faisant, les reçut d'un air altier et menaçant : il leur dit que Moagète n'avait pas été seulement le plus hostile aux Romains de tous les chefs de l'Asie, mais qu'il n'avait reculé devant aucun sacrifice pour détruire leur puissance, et qu'il était bien plutôt digne de leur colère et de leur vengeance que de leur amitié. Les ambassadeurs effrayés ne parlèrent pas de leurs instructions et se bornèrent à prier le consul d'avoir une entrevue avec Moagète. Cnéus y consentit et ils retournèrent aussitôt à Cibyre. Le lendemain, Moagète, suivi de ses amis, se rendit auprès du consul, mesquinement vêtu, dans un appareil en général fort modeste, et ne cessa pas, durant l'entrevue, de pleurer sur sa pauvreté et sur celle des villes qui lui étaient soumises ; enfin il pria Cnéus de se contenter des quinze talents qu'il lui offrait. Or il régnait sur Cibyre, Syllium et Téménopolis. Étonné de tant d'impudence, Cnéus lui répondit simplement que s'il ne lui remettait de bon gré cinq cents talents, il ne se contenterait pas de ravager la campagne, et qu'il assiégerait et pillerait Cibyre. A ces mots Moagète, consterné, supplia Cnéus de n'en rien faire, et ajouta peu à peu à la somme qu'il avait proposée. Enfin il persuada au consul de recevoir cent talents, dix mille médimnes de blé, et de lui accorder à ce prix l'amitié des Romains. [22,18] XVIII. Au moment où il venait de traverser le fleuve Colobatus, quelques députés de la ville nommée Isionda vinrent lui demander de leur prêter secours. Ils lui dirent que les Termessiens, aidés des Philoméliens, avaient désolé leur territoire, pillé leur ville et mis le siège devant leur citadelle, où s'étaient réfugiés tous les citoyens avec les femmes et les enfants. Sur leur prière, Cnéus promit, au milieu de vifs témoignages de gratitude, de leur donner assistance, et regardant pour lui-même cette occasion comme une heureuse aubaine, se dirigea vers la Pamphylie. Arrivé près de Termesse, il reçut de cette ville cinquante talents et il conclut amitié avec elle : il en fut de même des Aspendiens. Dès lors il vit accourir dans son camp les députés de toutes les cités de la Pamphylie; il leur fit accepter, dans quelques conférences, toutes les conditions qu'il avait dictées aux autres peuples, délivra Isionda, et il reprit le chemin de la Galatie. [22,19] XIX. Il enleva sur sa route Cyrmase, y ramassa beaucoup de butin, et leva aussitôt le camp. Il était sur les bords des marais voisins de cette ville, quand des députés de Lysinoé vinrent remettre cette place entre ses mains. Il accepta la capitulation, se jeta sur le territoire des Sagalassiens et fit de riches dépouilles, en attendant que les habitants de Sagala se prononçassent. Bientôt vinrent à lui des ambassadeurs de cette ville : il leur donna audience, et moyennant une somme de cinquante talents et de vingt mille médimnes de blé et d'orge, leur accorda l'amitié des Romains. [22,20] XX. Le consul Cnéus lui envoya une députation pour le prier d'intervenir auprès des autres rois galates. Éposognate à son tour dépêcha des députés à Cnéus, et par eux l'engagea à ne pas se mettre trop promptement en route et à ne point envahir le pays des Tolistobogiens, parce qu'il se proposait de se rendre en personne auprès des princes gaulois pour les inviter à la paix, et qu'il espérait leur persuader d'accueillir toute condition qui serait honorable. Cependant Manlius s'avança jusqu'au Sangarius, sur lequel il fit jeter un pont. C'était un fleuve trop profond pour être guéable. Il avait établi son camp sur ses bords, lorsque les Gaulois, prêtres de Cybèle, envoyés de Pessinonte par Attis et Battacus vinrent le trouver. Ils portaient sur leur poitrine des emblèmes et des figures. Ils annoncèrent à Manlius que la déesse prédisait aux Romains puissance et victoire. Le consul les reçut avec beaucoup de bienveillance. Il arriva peu après à Gordium, et tandis qu'il était sous les murs de cette ville, des ambassadeurs d'Eposognate lui apprirent qu'il avait eu une entrevue avec les rois galates, mais qu'ils n'avaient rien voulu entendre, et que réunis avec leurs femmes, leurs enfants et leurs biens sur le mont Olympe, ils étaient prêts au combat. [22,21] XXI. Ce dernier avait le dessein d'attirer à lui toute l'autorité en Galatie, et il trouvait dans son expérience et dans son caractère de puissantes garanties de succès. C'était en effet un homme d'une âme élevée, plein de générosité, de prudence dans les conseils, de politesse dans la conversation. Enfin il avait une qualité bien importante chez les Galates: le courage, l'intrépidité sur le champ de bataille. Cnéus et les Romains battirent les Gaulois, et Chiomara, femme d'Ortiagon, se trouva parmi les prisonnières tombées au pouvoir du vainqueur. Un centurion, qui s'était emparé d'elle, usa de l'occasion en soldat et lui fit violence. C'était un homme grossier, également passionné pour la débauche et pour l'argent : la cupidité fut la plus forte. On lui avait promis une grosse somme pour la rançon de la captive, et, afin de la rendre, il conduisit un jour cette femme en un endroit qu'une rivière coupait en deux ; mais à peine les Gaulois eurent-ils, au delà de la rivière, remis au centurion l'or convenu et reçu Chiomara, qu'elle fit signe à l'un d'eux de le frapper au moment où elle l'embrasserait et lui dirait adieu. Le Gaulois obéit et coupa la tête du Romain, qu'elle saisit et emporta enveloppée dans sa robe. Introduite près de son mari, elle lui jeta cette tête devant les pieds. Ortiagon étonné, lui dit : « Femme, la fidélité est une belle chose. - Oui, répondit-elle ; mais il est encore plus beau qu'il n'y ait qu'un seul homme ayant joui de moi qui voie la lumière. » J'ai eu l'occasion de parler à cette femme à Sardes et d'admirer sa sagesse et sa grandeur d'âme. [22,22] XXII. Les Romains, après leur victoire sur les Gaulois, étaient campés près d'Ancyre, et Cnéus se proposait déjà de pousser en avant, lorsque tout à coup se présentèrent des députés tectosages qui demandèrent au consul de laisser ses troupes où elles étaient et de se transporter le lendemain sur le terrain placé entre les deux armées, parce que leurs rois viendraient traiter avec lui de la paix. Cnéus y consentit, se présenta au rendez-vous avec cinq cents cavaliers et les rois ne parurent pas. A peine le consul était-il rentré dans son camp, que de nouveaux ambassadeurs vinrent excuser cette inexactitude par quelques vaines raisons, et le supplièrent d'accorder une seconde entrevue. Ils promirent que leurs chefs enverraient aussi les premiers officiers conférer avec lui au sujet d'un accommodement. Cnéus déclara qu'il ne manquerait pas de les aller trouver; mais il demeura dans sa tente, et se fit remplacer par Attale, et par quelques tribuns, avec trois cents cavaliers. Les Galates vinrent en effet, suivant leurs promesses, parlèrent de la paix, puis ils finirent par dire qu'ils ne pouvaient rien terminer ni conclure, et que le lendemain leurs rois se transporteraient au même endroit pour mettre un terme à ces colloques, si Cnéus voulait bien y paraître lui-même. Attale promit que le consul viendrait, et on se sépara. Les Galates avaient ménagé ces délais et dirigé contre les Romains ces manoeuvres pour transporter au delà du fleuve Halys leurs femmes, leurs enfants, leurs esclaves, leurs biens, et faire prisonnier, s'il était possible, le général ennemi, ou bien le tuer. Pleins de cette idée, ils attendirent donc impatiemment l'arrivée des Romains avec mille cavaliers prêts à agir, et Cnéus, persuadé d'après le rapport d'Attale, que les rois seraient au rendez-vous, sortit de son camp, comme il avait coutume, suivi seulement de cinq cents cavaliers. Un heureux hasard sauva tout. Quelques jours auparavant, les soldats, chargés de faire des fourrages et du bois, s'étaient dirigés du côté où les cinq cents cavaliers qui formaient le cortège du consul leur servaient de point d'appui. Il en fut de même le jour de l'entrevue, et comme les fourrageurs sortirent en grand nombre, les tribuns ordonnèrent aux cavaliers qui avaient coutume de les suivre, d'incliner vers le lieu du rendez-vous. Ils le firent et ainsi fut prise sans le savoir la mesure nécessaire pour parer le péril qui menaçait. [22,23] XXIII. Grâce à quelques intrigues, Fulvius, pendant la nuit, prit une partie de la citadelle, et y introduisit les Romains. XXIIIa. L'honnête s'accorde rarement avec l'utile, et il est peu d'hommes privilégiés qui puissent les réunir et les concilier ensemble. Le plus souvent, le bien est en opposition avec l'intérêt, et l'intérêt avec le bien. Philopoemen voulut satisfaire à l'un et à l'autre, et put y réussir. Le rétablissement des exilés à Lacédémone était honnête, et l'abaissement de Lacédémone utile - - -. [22,24] XXIV. Tandis que le général romain était dans ses quartiers d'hiver à Éphèse, vers la dernière année de la présente olympiade, des ambassadeurs de toutes les villes grecques de l'Asie et de plusieurs autres peuples, vinrent lui offrir des couronnes en l'honneur de sa victoire sur les Galates. Les peuplades en deçà du Taurus avaient été en effet peut-être moins heureuses d'être délivrées, par la défaite d'Antiochus, de tributs, de garnisons et d'obéissance à ses ordres, qu'elles ne le furent de ne plus avoir à craindre les Barbares, et d'être enfin désormais à l'abri de leur orgueil et de leur perfidie. Musée se présenta de la part d'Antiochus; les Galates envoyèrent aussi leurs députés pour savoir à quelles conditions ils obtiendraient l'amitié du peuple romain : Ariarathe, roi de Cappadoce, en fit autant. Il avait suivi la fortune d'Antiochus, pris part au dernier combat contre les Romains, et il craignait sérieusement pour lui; aussi multipliait-il les ambassades afin de connaître ce qu'il devait faire ou donner, pour conjurer les effets de son imprudence. Cnéus remercia les députations des villes de leur empressement, et ne les renvoya qu'après les avoir reçues avec une extrême bienveillance. Il répondit aux Galates qu'il attendait le roi Eumène, et qu'après son retour il traiterait avec eux de la paix; aux députés d'Ariarathe, qu'ils ne l'obtiendraient que moyennant six cents talents. Enfin, il annonça à Musée qu'il se rendrait, suivi de son armée, sur les frontières de la Pamphylie pour recevoir les deux mille cinq cents talents dont on était convenu, et le blé que le roi était tenu de fournir, suivant les clauses du traité conclu avec Lucius Scipion. Il purifia ensuite son armée, et au printemps leva le camp, accompagné d'Attale. Il parvint à Apamée en huit jours et y resta trois. Le quatrième il se remit en route à marches forcées, et trois jours après il se trouvait au rendez-vous donné à Antiochus. A la prière de Musée, qui vint le supplier de demeurer un instant en ce lieu, parce que les chariots et les bêtes chargés d'apporter l'argent et le blé étaient en retard, il attendit trois jours encore. Enfin, les convois arrivèrent; il partagea le blé aux troupes et chargea l'un des tribuns de transporter l'argent dans Apamée. [22,25] XXV. Informé bientôt que le gouverneur établi par Antiochus à Perga n'en retirait pas sa garnison et n'en sortait pas lui-même, Cnéus se porta sur cette place avec toutes ses forces. A son approche, le commandant vint hors des murailles le prier de ne pas le condamner sans l'entendre, et lui représenter qu'il ne faisait que son devoir en n'évacuant pas la ville; qu'ayant reçu d'Antiochus la mission de garder Perga, il voulait la conserver fidèlement à ce prince jusqu'à ce qu'il eût appris de celui qui lui en avait confié la garde ce qu'il avait à faire, et que jusqu'alors il n'avait absolument reçu aucun ordre. Il finit par réclamer trente-neuf jours pour envoyer demander au roi comment il devait agir. Cnéus qui voyait Antiochus observer scrupuleusement ses promesses pour tout le reste, se rendit à sa prière et lui permit de consulter le roi. Quelques jours plus tard on lui remit Perga. Vers cette même époque, au commencement de l'été, les députés romains et Eumène abordèrent à Éphèse, et après s'être reposés deux jours, ils se rendirent à Apamée. Instruit de leur arrivée, Cnéus envoya contre les Oroandes qui semblaient peu disposés à s'acquitter de leurs promesses, son frère Lucius avec quatre mille hommes, et le chargea d'exiger le blé qu'ils devaient; puis il se mit en route, suivi de son armée, pour aller au plus vite à la rencontre d'Eumène. Il trouva ce prince et les dix députés à Apamée, et aussitôt on tint conseil. On résolut de ratifier d'abord le traité de paix avec Antiochus, sur lequel il était inutile de discuter plus longtemps : il ne s'agissait que de suivre les clauses écrites. [22,26] XXVI. Voici quelles en étaient les dispositions : « Amitié éternelle entre Antiochus et les Romains aux conditions suivantes : le roi Antiochus et les peuples ses sujets ne laisseront point passer sur leur territoire les ennemis du peuple romain ou de ses alliés. Ils ne leur fourniront aucun secours. Les Romains et leurs alliés s'engagent aux mêmes procédés à l'égard d'Antiochus et des peuples ses sujets. Antiochus ne portera les armes, ni chez les Grecs des îles voisines, ni eu Europe; il évacuera toutes les villes, toutes les provinces placées en deçà du Taurus jusqu'au fleuve Halys, et depuis la vallée du Taurus jusqu'aux hauteurs qui dominent la Lycaonie. Les soldats n'emporteront des villes et des campagnes évacuées que les armes qu'ils ont sur eux : s'ils enlèvent quelque autre chose, ils le restitueront. Antiochus ne recevra dans ses États aucun soldat ou transfuge du roi Eumène. S'il est dans l'armée d'Antiochus quelques habitants des villes que les Romains lui ont prises, il les fera conduire dans Apamée; s'il est des sujets d'Antiochus chez les Romains et leurs alliés, ils auront la liberté de demeurer ou de partir. Antiochus et ses peuples restitueront aux Romains leurs esclaves, ceux de leurs alliés, leurs prisonniers, les transfuges, tous les captifs enfin qu'ils ont en leur pouvoir. Antiochus livrera, s'il est possible, Annibal fils d'Amilcar le Carthaginois, Mnésiloque l'Acarnanien, l'Étolien Thoas, les Chalcidiens Eubulidès et Philon, et tous ceux des Étoliens qui ont conduit les affaires; il donnera tous les éléphants renfermés dans Apamée, et n'en rassemblera pas d'autres; il abandonnera tous ses grands vaisseaux avec leurs voiles et leurs agrès, et ne conservera que dix vaisseaux pontés; il n'aura pas un seul navire de plus de trente rames, même pour une guerre où il serait agresseur; il ne naviguera pas au delà du promontoire Calycadne, si ce n'est pour conduire de l'argent, des députés ou des otages. Il est interdit à Antiochus de lever des soldats chez les nations soumises à Rome, et de recevoir les transfuges. Toutes les maisons qui appartenaient aux Rhodiens et aux alliés sur les terres d'Antiochus, deviendront leur propriété comme avant la guerre. S'il leur est dû quelque chose, les Rhodiens auront le droit de réclamer; et si, en effet, l'objet enlevé était en leur possession, enquête étant faite on le leur rendra. Les biens des Rhodiens seront exempts de tout impôt, comme avant les hostilités. Si Antiochus a donné à d'autres peuples les villes qu'il sera obligé de restituer, il en retirera ses garnisons, et s'il en est qui, plus tard, veuillent retourner à lui, il ne les acceptera pas. Antiochus remettra aux Romains douze mille talents de l'or attique le plus pur, en douze années, mille par an, et chaque talent ne pèsera pas moins de quatre-vingts livres romaines. Il fournira cinq cent quarante mille boisseaux de froment; il donnera de plus, à Eumène, trois cent cinquante-neuf talents dans l'espace des cinq années suivantes, soixante-dix par an, dans le même terme que pour les Romains, et, comme compensation du blé dû à ce prince, d'après l'estimation faite par Antiochus lui-même, cent vingt-sept talents et douze cent huit drachmes qu'Eumène consent à recevoir et dont il se déclare satisfait. Antiochus livrera vingt otages, et de quatre en quatre ans les renouvellera : ces otages n'auront pas moins de dix-huit ans, ni plus de quarante-cinq. Si, par hasard, il manque quelque chose à la somme due chaque année, Antiochus comblera le déficit l'année suivante. Dans le cas où, parmi les villes et nations contre lesquelles il est interdit à Antiochus de faire la guerre, quelques-unes prendraient l'offensive, il lui serait permis de recourir aux armes, mais il n'occupera aucune de ces villes, et ne les admettra pas à son amitié. Si des différends surviennent, on les soumettra aux tribunaux : les deux parties contractantes pourront, si elles le désirent, ajouter ou retrancher à l'amiable quelques clauses. Les serments furent prêtés, et aussitôt, par ordre du proconsul, Quintus Minucius Thermus et son frère Lucius, qui venaient d'apporter de l'argent de la ville des Oroandes, partirent pour la Syrie afin de recevoir le serment du roi et lui faire ratifier en détail ces conditions. Cnéus envoya en même temps à Fabius, qui était à la tête de la flotte, un courrier pour lui dire de retourner à Patara, de se faire livrer tous les vaisseaux du roi et de les brûler. [22,27] XXVII. Ce fut encore dans Apamée que les dix députés et le général romain, après avoir entendu tous les ambassadeurs réunis autour d'eux, assignèrent à chacun de ceux qui étaient en controverse pour quelque argent, pour des terres ou pour quelque autre objet, avec leur agrément, des villes où justice leur serait rendue. Ils arrangèrent de la manière suivante tout ce qui n'était pas de détail : parmi les villes libres qui, avant la guerre, étaient tributaires d'Antiochus, et qui, durant les hostilités, s'étaient montrées fidèles aux Romains, ils déchargèrent les unes de tout impôt, et forcèrent les autres à payer à Eumène la même contribution. Ils accordèrent une entière franchise aux Colophoniens qui habitent Notium, aux Cyméens et aux Mylassiens; ils donnèrent en outre aux Clazoméniens l'île de Drymusse; ils rendirent aux Milésiens le terrain sacré dont l'ennemi les avait dépossédés; ils témoignèrent à Chio, Smyrne et Érythrée une bienveillance toute particulière, et leur donnèrent les terres que chacune de ces villes désirait pour le moment et croyait le mieux lui convenir, en souvenir du zèle et du dévouement dont elles avaient fait preuve envers Rome durant la guerre; ils rendirent aux Phocéens leurs anciennes lois et le territoire qu'ils possédaient d'abord; ils s'occupèrent ensuite des Rhodiens, auxquels ils livrèrent la Lycie, la Carie jusqu'au Méandre, excepté Telmisse; enfin, ils consultèrent autant que possible, dans la paix avec Antiochus, les intérêts d'Eumène et de ses frères ; ils ajoutèrent au royaume de ce prince, en Europe, la Chersonèse, Lysimaque, et les châteaux forts et campagnes voisines sur lesquelles régnait Antiochus; en Asie, la Phrygie sur l'Hellespont, la grande Phrygie, la Mysie qu'Eumène avait déjà soumise, la Lycaonie, la Myliade, la Lydie, Tralles, Éphèse et Telmisse : toutes ces provinces furent remises à Eumène. Quant à la Pamphylie, que ce prince plaçait en deçà du Taurus, et Antiochus au delà, on ne décida rien à ce sujet, et on renvoya la question au sénat. Toutes les affaires, ou du moins les plus considérables terminées, les dix députés et Manlius partirent pour l'Hellespont afin d'achever, chemin faisant, les négociations entamées avec les Galates. Ariarathe remit à Manlius trois cents talents et fut admis à l'amitié du peuple romain.