[0] PHOTIUS, Bibliotheca. Récits de Conon. J'ai lu, dit Photius, l'ouvrage de Conon. C’est un petit livre dédié au Roi Archélaüs Philopator, et qui contient une cinquantaine d'aventures ou d'histoires tirées des anciens Auteurs. En voici un extrait. [1] Dans la première il est parlé de Midas et des Brigiens, peuple nombreux qui habitait aux environs du mont Bermius. Conon raconte comment Midas ayant trouvé un trésor, se vit tout à coup possesseur de très grandes richesses, comment ensuite il alla prendre des leçons d'Orphée sur le mont Piérie, et par quels artifices il se fit roi des Brigiens. Ce fut sous son règne que l'on vit dans le pays un Silène; cet animal fut amené à Midas et se dépouillant de sa propre nature, fut vu sous une forme presque humaine. Tous les mets que l'on servait à Midas se changeaient en or, c’est pourquoi il persuada à ses sujets de quitter leur pays, de passer dans l'Hellespont et d'aller s'établir au-dessous de la Mysie, où, par le changement de quelques lettres, ils furent appelés Phrygiens au lieu de Brigiens. Ce Prince avait toujours un grand nombre d'espions, qui l'avertissaient de tout ce qui se tramait dans son royaume. Ses sujets ne disaient rien, ne faisaient rien dont il ne fût aussitôt informé. Par là il se mit à couvert de leurs embûches et il régna longtemps. Quand il fut devenu vieux, comme il semblait avoir toujours tout entendu de ses propres oreilles, on en prit occasion de dire qu'il avait les oreilles plus longues qu'un autre et la renommée eut bientôt changé ces longues oreilles en oreilles d'âne. Ainsi, ce qui s’était dit d'abord par manière de plaisanterie, fut regardé dans la suite comme sérieux et comme vrai. [2] La seconde est l'histoire de Byblis. Byblis fille de Milétus, avait un frère nommé Caunus; ils demeuraient ensemble à Milet ville d’Asie, que dans la suite ces Ioniens sortis d'Athènes sous la conduite de Nélée, vinrent occuper. Le pays était pour lors habité par les Cariens, qui épars dans la campagne, n'avaient point encore imaginé de vivre en société dans des villes. Caunus devint éperdument amoureux de sa sœur, et mit tout en œuvre pour l'engager à se rendre à ses désirs; mais tous ses efforts ayant été inutiles, désespéré, il prit le parti de quitter Milet. Dès qu'il eut disparu, Byblis s'abandonna aux regrets et ne pouvant plus souffrir le séjour de sa ville ni de la maison paternelle, elle alla chercher les bois et la solitude, où après avoir longtemps erré, enfin succombant à sa douleur et n'espérant plus rien de son malheureux amour, elle attacha sa ceinture à un noyer et s'y pendit. En cet état elle versa un torrent de larmes, d'où se forma une fontaine que les gens du pays appelèrent la Fontaine de Byblis. Caunus, qui menait toujours une vie errante, arriva en Lycie. Là une Naïade sortant du fond d'un fleuve, se fit voir à lui ; c’était Pronoë. Elle lui apprit la cruelle destinée de Byblis ; elle tâcha de le consoler, lui proposa de l'épouser et lui offrit la souveraineté de cette Côte, dont elle pouvait disposer comme de son bien. Caunus la crut et l'épousa. Il en eut un fils nommé Egialus, qui lui succéda et qui voulant rassembler les peuples jusque là épars dans des villages, bâtit auprès du même fleuve une belle et grande ville, qu'il appela Caune du nom de son père. [3] Voici la troisième. L’île Schérie située sur la mer Ionienne, non loin de l'Epire et des monts Cérauniens, fut d'abord habitée par les Phéaciens, peuples originaires du pays, qui prirent leur nom de Phéax un de leurs Rois et le gardèrent jusqu'à ce qu'une colonie de Corinthiens vint se transplanter dans cette île, qui pour lors changea son nom en celui de Corcyre et fortifiée de nouveaux habitants, tint l'empire de cette mer. Phéax Roi de l'île étant mort et les deux fils, Alcinoüs et Locrus, se disputant le royaume, par un accord il fût réglé qu'Alcinoüs demeurerait souverain de l’île, que Locrus aurait les effets mobiliers de la succession et qu'avec une partie des Insulaires il irait s'établir ailleurs. Suivant cet accord, Locrus fit voile en Italie, où Latinus roi du pays, non seulement le reçut bien, mais en fit son gendre, par le mariage de Laurina sa fille avec lui. C’est pourquoi les Phéaciens se font depuis regarder comme liés de consanguinité avec ces Locres d'Italie. Vers ce même temps il arriva qu'Hercule, qui emmenait d'Eryithie, les excellents bœufs de Géryon, aborda en Italie et alla loger chez Locrus, qui le reçut comme un tel hôte le méritait. Or le hasard voulut que Latinus allant chez la fille, vît des bœufs, qui lui parurent d’une rare beauté. Aussitôt il les voulut avoir ; et déjà il les emmenait, lorsqu'Hercule apprenant cela, vint le combattre, le tua d'un coup de javelot et reprit ses bœufs. Locrus, qui apprend ce combat sans en apprendre la malheureuse issue, craignant tout pour Hercule, parce qu'il connaissait Latinus pour être d'une grande force de corps et d'un grand courage, change d'habit et vole au secours de son hôte. Hercule, qui voit un homme courir à lui, croit que c’est un nouvel ennemi qui lui survient, il décoche sa flèche contre Locrus et l'étend mort à ses pieds; bientôt après il connut sa méprise et en gémit ; le mal était sans remède. Il pleura son ami, lui fit de magnifiques funérailles; et quand lui-même eut quitté la vie, il s'apparut à ces peuples et leur ordonna de bâtir une ville en Italie, à l'endroit où était la sépulture de Locrus. C’est ainsi qu'une grande ville porte encore son nom et honore sa mémoire. Mais à quoi m'amusai-je, de rapporter en détail tant de choses sur lesquelles il ne faut que glisser ! [4] La quatrième contient quelques particularités de la ville d’Olynthe et de Strymon Roi des Thraces, dont le nom passa à un fleuve qui s’appelait auparavant l'Ionée. Ce Strymon eut trois fils, Brangas, Rhésus et Olynthus. Rhésus alla au secours de Priam durant le siège de Troie et fut tué de la main de Diomède. Olynthus, dans une chasse, attaqua de gaieté de cœur un lion et fut tué par cet animal. Brangas, après avoir donné des larmes à la triste aventure de son frère, lui éleva un tombeau dans le lieu où il avait péri. Pour lui, il passa dans la Sithonie, où il bâtit une ville qui a été florissante et lui fit porter le nom de son malheureux frère. [5] La cinquième est un petit conte de deux joueurs de cithare, dont l’un était de Locres, c’était Eunomus, l’autre de Rhégium, c'était Ariston. Les territoires de ces deux villes, dit Conon, sont séparés par le fleuve Alès; mais ce qu'il y a de particulier, c'est que du côté de Locres les cigales chantent et que du côté de Rhégium elles sont muettes. La cithare était dehors montée de sept cordes. Or nos deux Musiciens étant venus à Delphes pour disputer le prix de leur art et jouant à qui mieux mieux, une des cordes de la cithare d’Eunomus vint à casser. Tout aussitôt on vit voler une cigale qui s’abattit sur la cithare et qui suppléa si bien au défaut de la corde par son chant qu'Eunomus remporta la victoire. [6] La sixième parle de Mopsus. Il était fils d'Apollon et de Manto. Après la mort de sa mère, par manière de succession, il fut honoré du sacerdoce d’Apollon à Olaros et y rendit ses oracles. Dans ce même temps Calchas revenant de Troie, après avoir été porté en divers lieux par la tempête, aborda enfin à Colophon. Là ces deux devins eurent de grands démêlés ensemble, chacun d’eux croyant en savoir plus que l’autre. Amphimaque, roi des Lyciens sut à quoi s'en tenir. Ce Prince méditait une expédition et Calchas le poussait à l’entreprendre, lui promettant la victoire. Mopsus au contraire l'en dissuadait, l'assurant qu'il serait vaincu. Amphimaque, hasarda une bataille et fut en effet vaincu : par là il connut que Mopsus était meilleur prophète et depuis, il lui témoigna plus d’estime. Calchas en eût un tel dépit, que bientôt il mourut de chagrin. [7] Septième récit. Philammon, fils de cette Philonis, qui naquit de Bosphorus et de Cléobée dans un bourg de l’Attique, charmait tout le monde par sa beauté. Une Nymphe prit de l'amour pour lui, il n'y fut pas insensible, la Nymphe devint grosse : pour cacher sa honte, elle quitta le Péloponnèse et alla accoucher sur le bord d’un rivage étranger; là, elle mit au monde Thamyris, qui, devenu grand, fut un si excellent Musicien et jouait si bien de la lyre, que les Scythes l'élurent pour roi. Il eut l’audace de défier les Muses, qui acceptèrent le défi. La condition fut que, s'il avait l'avantage, il épouserait celle des Muses qu’il voudrait et que si les Muses étaient victorieuses, elles le traiteraient à leur volonté. Thamyris, vaincu, fut privé de la vue. [8] Huitième récit. Prothée était un célèbre Devin en Egypte et sa fille Théonoë trouva Canobus à son gré. C'était un beau jeune homme qui conduisait le vaisseau de Ménélas; il fut sourd à la passion de Théonoë. Ménélas et Hélène, qui, en revenant de Troie, avaient été jetés sur les côtes d'Egypte, songeaient à remettre à la voile, lorsque Canobus fut piqué d'une vipère à la jambe, où la gangrène se mit et il en mourut. Ménélas lui éleva un tombeau dans le lieu même où, depuis, on a bâti la ville de Canope, et la dernière des bouches du Nil porte aussi le nom de ce pilote de Ménélas. [9] Neuvième récit. Selon notre Auteur, Sémiramis fut fille de Ninus et non sa femme, comme l'ont dit les autres. Pour abréger sa narration, je remarquerai seulement qu'il attribue à Sémiramis tout ce que les autres ont attribué à Atosse l'Assyrienne, soit qu'il n'ait vu qu'une seule personne sous ces deux noms, soit que l'histoire de Sémiramis ne lui fût pas autrement connue. Quoi qu'il en soit, Conon prétend que cette Reine eut secrètement et sans le savoir, un commerce incestueux avec son fils, mais que la faute étant faite, Sémiramis vécut publiquement avec son fils, comme avec un mari. Et de là vient, dit-il, que ce qui passe pour un crime horrible parmi les autres nations, a été reçu comme permis et comme honnête chez les Mèdes et chez les Perses, de s'unir avec sa propre mère. [10] Dixième récit. Sithon roi de la Chersonèse de Thrace, fils de Neptune et d'Ossa, eut de la Nymphe Mendéïs une fille nommée Pallène. Cette fille ne fut pas plutôt nubile, que ce fut parmi les Princes voisins à qui l'aurait en mariage, Sithon déclara que pour avoir la Princesse, il fallait se battre contre lui et demeurer vainqueur, qu'à celui-là seul il donnerait et la fille et son royaume. Aussitôt se présentent Mérops et Périphete, l'un Roi d'Anthémusie, l'autre de la Mygdonie: tous deux furent tués par Sithon. Après quoi, ne voulant plus se commettre, il dit que les prétendants pouvaient se battre entre eux et aspirer toujours au même prix. Dryas et Clythus étant entrés en lice, Dryas périt, mais par une fraude de la Princesse. Le roi l'ayant appris, fut si transporté de colère, qu'il aurait puni de mort sa fille, si durant la nuit Vénus ne l'eut sauvée, par le moyen des habitants. Quelque temps après Sithon finit ses jours. Clythus et Pallène s'unirent et régnèrent ensemble et du nom de la Princesse, le pays fut nommé Pallène. [11] Onzième récit. Les Lindiens sacrifient à Hercule et leur sacrifice est accompagné d'imprécations. Cette coutume leur vient de ce qu'Hercule passant un jour par leur pays, demanda à un laboureur quelque chose à manger pour le jeune Iolas, que ce Héros s’était attaché et dont il avait déjà fait son compagnon de voyages. Le laboureur, bien loin de les secourir, se moqua d'eux. Hercule indigné assomme un de ses bœufs, le fait rôtir, se met à table et fait bonne chère avec Iolas aux dépens du laboureur, qui de loin les maudissait de tout son cœur ; mais Hercule n'en faisait que rire et disait par plaisanterie, qu'il n’avait point encore trouvé de meilleurs mets que celui qui était assaisonné de malédictions. [12] Douzième récit. Tros fils d'Erechthée et petit-fils de Dardanus, régna dans cette contrée qui est proche du mont Ida. Il eut de Callirhoë, fille du Scamandre, trois fils, Ilus, qui donna son nom à Ilion, Assaracus et Ganymède, lequel Jupiter enleva. Assaracus régna conjointement avec son père à Dardanie, la capitale des Troyens. Ilus bâtit Ilion, il vainquit Bysès roi des Brébyces dans un combat, et ne songea plus qu'à agrandir la ville qu'il avait bâtie. [13] Treizième récit. Ethilla était fille de Laomédon, et sœur de Priam. Protésilas l’emmenait captive sur ses vaisseaux avec plusieurs autres Troyennes, lorsque tout à coup accueilli d'une violente tempête, à grand-peine put-il le mettre à la rade entre Mende et Scione. Là s'étant écarté du rivage avec les siens, pour aller chercher de l'eau bien avant dans les terres, Ethilla profita de l’occasion et adressant la parole à ses compagnes: Si l’on nous mène en Grèce, leur dit-elle, tout ce que nous avons souffert jusqu'ici sont des roses, en comparaison des malheurs qui nous attendent. Croyez moi, brûlons la flotte des Grecs. Ces misérables captives la crurent et mirent le feu aux vaisseaux de Protésilas, qui par là fut réduit à la nécessité de se fixer avec elles dans ce pays; et il y bâtit Scione, où ces Grecs et ces Troyennes ne firent plus qu'un peuple. [14] Quatorzième récit. Endymion fils d'Aéthlius qui eut Jupiter pour père et de Protogénie fille de Deucalion, eut deux enfants, Etolus et Eurypyle. Etolus contraint de quitter le Péloponnèse, passa dans le pays qui est vis-à-vis et avec le secours de ses compagnons de fortune, en ayant châtié les Curètes, il changea le nom de cette contrée en celui d'Etolie, Eléus fils d'Eurypyle et de Neptune, régna après la mort de son aïeul maternel et donna, son nom à la ville d'Elis, qu'Endymion avait bâtie. [15] Quinzième récit. Dans le quinzième, Conon parle des Phénéates, de Cérès et de Proserpine, qui, à l’insu de sa mère, fut enlevée par Pluton et conduite sous terre dans les lieux où ce Dieu tient son Empire. Il raconte comment les Phénéates montrèrent à Cérès une ouverture par où l’on peut descendre dans ces lieux souterrains, les marques de reconnaissance et de bonté qu'ils reçurent de la Déesse et entre autres la promesse qu'elle leur fit, de ne pas permettre qu'il pérît jamais plus de cent Phénéates dans un combat. [16] Seizième récit. Promachus et Leucocomas étaient de Cnosse, ville de l'île de Crète. Promachus aimait passionnément le beau Leucocomas et n'en était point aimé. C’était tous les jours nouvelles épreuves plus pénibles et plus périlleuses les unes que les autres. Promachus n'en refusait aucune, sans en être plus avancé. Enfin ne sachant plus que faire et n'ayant plus rien à ménager, il s'avisa d'un stratagème. Il avait un casque digne d'envie et célèbre à cause de ceux qui l'avaient porté. Il prend ce casque et le met sur la tête d'un autre beau garçon, en présence de Leucocomas, qui en fut si piqué, qu'il se passa son épée au travers du corps. [17] Dix-septième récit. Dicée et Sylée étaient deux frères, tous deux fils de Neptune et ils habitaient en Thessalie auprès du mont Pélion. Dicée, comme le porte son nom, était un homme juste; Sylée au contraire était si malfaisant, si méchant, qu'Hercule crut devoir en délivrer le monde. Dans la suite Hercule passant par la Thessalie, alla loger chez Dicée, où ayant vu la fille de Sylée, qui était élevée chez son oncle et en devint amoureux et l’épousa. Quelque temps après il fut obligé de faire un voyage. La jeune femme souffrit si impatiemment l'absence de son mari, qu'elle mourut de déplaisir. Comme on faisait ses obsèques, arrive Hercule, qui témoin de son malheur, en fut si touché, qu'on eut bien de la peine à l'empêcher de se jeter dans le même bûcher. Après son départ, les voisins entourèrent de murs le lieu de sa sépulture, ensuite on y bâtit un temple à Hercule et ce temple sert encore de monument à cette vertueuse Princesse. [18] Dix-huitième récit. Les Locriens, fondés sur ce qu’Ajax était de leur nation, observent encore cette coutume, que toutes les fois qu'ils combattent, ils laissent dans leur ordre de bataille une place vide, tout comme si Ajax la devait remplir. Or dans le combat qu'ils eurent à soutenir contre les Crotoniates, Autoléon qui commandait ceux-ci, voulut attaquer les Locriens par l'endroit qui lui paraissait dégarni et où il ne voyait point de Chef; il se promettait bien de les envelopper de ce côté-là, mais blessé à la cuisse par un spectre, il fut obligé de se retirer du combat. Il tomba ensuite dans une langueur mortelle, dont il ne serait pas revenu, si, par le conseil de l'Oracle, il n’était allé jusque dans l’île Achillée, qui est sur le Pont-Euxin au-delà du Danube et près de la Taurique. Là, il vit plusieurs Héros de l'ancien temps, et entre autres Ajax ; il apaisa ses mânes et fut aussitôt guéri. Quand il fut sur son départ, Hélène lui ordonna d'avertir Stésichore que si ses yeux et la lumière du jour lui étaient encore chers, il eût à chanter la palinodie et à rétracter ce qu'il avait dit d'elle dans ses vers, Stésichore profita de l'avis et recouvra la vue. [19] Dix-neuvième récit. Psamathé fille de Crotopus, eut commerce avec Apollon et devînt grosse. Comme elle craignait la colère de son père, elle accoucha secrètement et prit le parti d'exposer son enfant, après lui avoir donné le nom de Linus. Un berger le trouva et en prit soin comme du sien propre; mais il arriva par malheur que les chiens de son troupeau mirent cet enfant en pièces. La mère fut inconsolable; pour comble de malheurs, sa faute vint à la connaissance du roi son père, qui ne doutant point que sa fille ne se fut laissé débaucher et que ce qu'elle disait d'Apollon ne fut un conte, la condamna à mort. Apollon irrité d'un traitement si cruel fait à une Princesse qu'il aimait, se vengea sur les Argiens, en les affligeant de la peste ; et le même Dieu consulté sur les moyens de faire cesser un si grand mal, répondit par un Oracle, qu'il fallait premièrement apaiser Psimathé et Linus. Aussitôt les Argiens leur rendirent toutes sortes d'honneurs, ordonnant surtout à leurs femmes et à leurs filles, d'aller pleurer tous les jours sur le tombeau de Linus ; et comme elles étaient encore plus sensibles à leur propre infortune, qu'à celle de ces malheureuses victimes, elles mêlaient à leurs regrets les prières les plus ardentes. Enfin, leurs lamentations étaient accompagnées d'un air si touchant et si convenable, que depuis ce temps-là les Poètes n'ont guère composé de chants lugubres, sans y faire entrer le nom de Linus, par manière de refrain. Les Argiens firent encore plus, ils donnèrent le nom d'Arnéus à un de leurs mois, ils instituèrent un sacrifice et un jour de fête sous le nom d'Arnide, en mémoire de Linus qui avait été nourri parmi des agneaux et ce jour-là ils tuaient tous les chiens qu'ils pouvaient trouver. Ni pour tout cela leurs maux ne cessèrent, il fallut que Crotopus, en conséquence d'un second Oracle, s'exilât d'Argos et qu'il allât se transplanter dans le pays des Mégaréens, où il bâtit une ville qu'il nomma Tripodisque. [20] Vingtième récit. Théocle de Chalcis avait été fait prisonnier de guerre par les Bisaltes, peuples de Thrace qui font face à Pallène. Ce Théocle dépêcha secrètement aux Chalcidiens, pour les avertir que s'ils voulaient entrer dans le pays des Bisaltes, ils le trouveraient sans défense. Eux, profitant de l'avis, par une irruption subite, jettent l'épouvante parmi les Bisaltes et les mènent battant jusque dans leur ville, dont ensuite ils se rendirent maîtres, par le moyen de Bucolus et de Dolus qu'ils avaient fait prisonniers. Mais ne payant que d'ingratitude le service de Bucolus et violant la foi qu'ils lui avaient donnée, ils le firent mourir. L'ire du Ciel se fit aussitôt sentir à eux et ils l'éprouvèrent d'une manière terrible, jusqu'à ce qu'ayant consulté l'Oracle, ils eussent élevé un magnifique tombeau à Bucolus et lui eussent décerné des honneurs comme à un Héros. [21] Vingt-unième récit. Dardanus et Jasion, tous deux fils de Jupiter et d'Electre fille d'Atlas, habitaient l'île de Samothrace. Jasion ayant voulu fouiller le fantôme de Cérès, fut tué d'un coup de foudre. Dardanus épouvanté de ce qui venait d'arriver à son frère, se mit sur un radeau, car il n'y avait point encore de vaisseaux et passa dans le pays qui est à l'opposite de Samothrace, pays gras et fertile, connu par le mont Ida qui en fait partie. Là régnait pour lors Teucer, fils du fleuve Scamandre et d'une Nymphe. Les habitants portaient le nom de Teucriens et la région celui de Teucrie. Teucer, après quelques entretiens qu'il eut avec Dardanus, lui donna la moitié de son royaume. Le nouveau Souverain bâtit une ville dans le lieu même où il avait abordé sur son radeau. ensuite Teucer étant mort, Dardanus réunit toute la contrée sous là domination. [22] Vingt-deuxième récit. Un bel enfant de Crète avait reçu pour présent d'un homme dont il était aimé, le petit d'un dragon. Ce jeune enfant lui donnait à manger, le caressait et en avait grand soin, jusqu'à ce que le dragon parvenu à une certaine grosseur, commença à faire peur aux voisins, qui ensuite obligèrent l'enfant à porter son dragon dans la prochaine forêt et à l'y laisser, ce qu'il fît en pleurant beaucoup. Quelques années après, le jeune enfant devenu grand étant allé à la chasse de ce côté-là, fut attaqué par des voleurs. Aussitôt il se met à crier, le dragon reconnaît sa voix, vient à son secours, se jette sur les voleurs, s'entortille autour d'eux, leur fait mille blessures mortelles et devient le libérateur de celui qui lui avait fait du bien. [23] Vingt-troisième récit. Corythe, encore plus beau que son père, était fils de Pâris et d'Œnone ; car Alexandre ou Pâris avant que d'enlever Hélène, avait épousé Œnone. Ce jeune homme fut envoyé à Hélène par sa mère dont le but était de donner de la jalousie à Pâris et de perdre Hélène. Corythe s'acquitta si bien de sa commission, qu'en peu de temps il fut assez familier avec Hélène, pour que Pâris, qui entra brusquement dans sa chambre, le trouvât assis auprès d'elle; il en prit de l'ombrage et dans le transport de sa colère, il tua son fils. Œnone, outrée de l'infidélité de son mars, peut-être encore plus que du meurtre de Corythe, vomit mille imprécations contre Pâris ; et comme elle joignait à la connaissance de l'avenir, celle des plantes et de la Pharmacie, elle lui prédit que blessé un jour par les Grecs, il aurait inutilement recours à elle, après quoi elle se retira chez ses parents. L'événement justifia sa prédiction ; Pâris, dans la guerre des Grecs contre les Troyens, blessé dangereusement par Philoctète, tâchait de gagner le mont Ida, en même temps qu'un courrier dépêché à Œnone, allait la supplier d'employer son art en faveur de son mari. Le courrier fut reçu avec mépris; on lui dit que Pâris pouvait s'adresser à Hélène. Cependant à peine fut-il reparti, qu'Œnone touchée de compassion., alla cueillir les simples les plus spécifiques, monta sur son char et vola au secours de son mari ; mais il n'était plus temps, Pâris était mort. Un second courrier qui en apportait la nouvelle à Œnone, ajouta des reproches à l'amertume du message. Œnone prit une pierre et lui en cassa la tête. Ensuite arrivée où était le corps de son mari, elle l’embrassa, l'arrosa de ses larmes, déplora leur commun malheur et se dérobant tout à coup, alla s'étrangler avec sa ceinture. [24] Vingt-quatrième récit. A Thespie ville de la Béotie, peu distante du mont Hélicon, naquit un enfant qui eut nom Narcisse et qui fut un prodige de beauté, mais qui méprisa souverainement l’amour et tous ceux qui étaient sensibles à cette passion. Aussi désespéra-t-il les adorateurs. Il n'y eut que le seul Amintas qui s'opiniâtra à lui rendre des assiduités, des soins, jusqu'à ce que Narcisse joignant la cruauté au mépris, s'avisa de lui envoyer une épée. Amintas entendit ce que cela voulait dire; après avoir invoqué l'Amour et l’avoir conjuré d'être son vengeur, il prend cette épée et va s'en percer le cœur sous les fenêtres du cruel Narcisse. L'Amour exauça ses vœux. Narcisse un jour, se contemplant dans l'eau d'une claire fontaine, crut voir les charmes dans un autre et fut tellement épris de cette image, que pour la première fois et pour la dernière, on vit en lui un homme assez insensé pour brûler d'une flamme dont il était l'objet. Enfin, désespéré de ne pouvoir jouir de ce qu'il aimait et croyant porter la juste peine des rigueurs qu’il avait exercées contre Amintas, il se tua lui-même. Ce fut en ce temps-là que sur un Oracle qui ordonna qu'on révérât l’Amour à l'avenir plus qu'on n’avait fait par le passé, outre le commun culte que les autres lui rendirent, les Thespiens en particulier instituèrent des sacrifices en son honneur. Ces peuples; sont persuadés que les premiers Narcisses que l'on a vus, sont sortis de la terre qui avait été trempée du sang de Narcisse. [25] Vingt-cinquième récit. Minos roi de Crète, fils de Jupiter et d'Europe, équipa une flotte pour aller en personne redemander Dédale, qui s'était sauvé en Sicanie, ou, comme nous disons aujourd'hui, en Sicile. Son expédition fut malheureuse. Les filles de Cocalus, roi de cette île, lui dressèrent des embûches où il périt. Les Crétois, pour venger le meurtre de leur Roi, déclarèrent la guerre aux Siciliens; mais vaincus et contraints de s'en retourner en Crète, durant la navigation ils furent surpris d'une tempête qui les jeta sur les côtes des Iapyges, où ils s'établirent ; et perdant le nom de Crétois, furent confondus avec ces Iapyges. Dans la suite, la plupart d'eux chassés du pays pour leur révolte, consultèrent l’Oracle sur le parti qu’ils devaient prendre. Il leur fut répondu qu'ils eussent à se fixer dans l'endroit où l’on leur présenterait de la terre et de l'eau, ce qui les détermina à demeurer chez les Bottiéens. En effet, étant entrés dans leur pays, ils virent des enfants qui, par manière de jeu, pétrissaient de la boue en forme de pain et qui vinrent leur en offrir. Ces Crétois croyant l'Oracle accompli, demandèrent au roi de Macédoine la permission de s'établir là, ce qui leur fut accordé. Ainsi, après avoir changé de nom pour la troisième fois, ils devinrent enfin une portion des Macédoniens. [26] Vingt-sixième récit. Ce fantôme d'Apollon, connu sous le nom de Carnus, qui était toujours à la suite des Doriens, et qui leur servait même de Devin, fut tué par Hippotas de la race d'Hercule, vers le temps que les Héraclides méditaient de rentrer dans le Péloponnèse. Aussitôt les Doriens furent frappés de la peste. Ayant consulté l'Oracle, ils eurent pour réponse qu'il fallait chasser Hippotas de leur camp ; ils le chassèrent, et le retour des Héraclides dans le Péloponnèse suivit de près. Hippotas courut quelque temps le pays, se maria, et eut un fils qui, de la vie errante que son père avait menée, fut nommé Alétès. Cet Alétès parvenu à l’âge d'homme, se mit à la tête d'une troupe de Doriens, alla attaquer les Sisyphides qui régnaient à Corinthe, les en chassa eux et leurs alliés les Ioniens, et peupla la ville de nouveaux habitants. Enflé de ce succès, il ne se proposait rien moins que la conquête de l'Attique, lorsqu'un Oracle lui prédit qu'il remporterait la victoire, s'il pouvait épargner la personne du roi des Athéniens. Ceux-ci avertis de l'Oracle, persuadent à Codrus leur Roi, qui était déjà septuagénaire, de se dévouer pour le salut de ses sujets. A l'instant ce bon roi quitte les habits, se déguise en bûcheron, va chercher querelle avec un Dorien, et se fait tuer. Les Doriens, en apprenant ce malheur, sentirent qu'il n'y avait plus rien à espérer pour eux, et firent la paix avec les Athéniens. [27] Vingt-septième récit. Dans le vingt-septième, Conon parle de Deucalion qui régnait dans la Phthiotide, du déluge qui de son temps inonda la Grèce, et de son fils Hellen, que d'autres ont cru fils de Jupiter, et qui après la mort de Deucalion, lui succéda. Hellen, dit Conon, eut trois fils. Il régla lui-même qu'Eolus son aîné serait son successeur, et qu'il gouvernerait après lui le royaume qu'il s’était fait entre le fleuve Asope et l'Enipée. Les habitants du pays furent dans la suite appelés Eoliens, du nom de ce Prince. Dorus son second fils, par ordre de son père, le fit Chef d'une colonie ; et cherchant à s'établir ailleurs, il alla bâtir au pied du mont Parnasse les villes de Boëon, de Cytinion et d'Erinée. C’est de lui que sont venus les Doriens. Le troisième tourna les vues du coté d'Athènes, fût le fondateur de ce que nous appelions la Tétrapole de l’Attique, épousa Créuse fille d'Erechthée, et en eut deux fils, Achéus et Ion. Achéus obligé de quitter le pays pour un meurtre qu'il avait commis involontairement, passa dans le Péloponnèse, où il fonda la Tétrapole d'Achaïe, et donna son nom aux habitants. Ion, après la mort d'Erechthée son aïeul maternel, fut déclaré roi d'Athènes, pour sa vertu et ses autres grandes qualités. Alors les Athéniens devinrent Ioniens, et toute l’Attique prit le nom d'Ionie. [28] Vingt-huitième récit. Tennès et Hémithée avaient pour père Cycnus roi de la Troade. Ce Prince ayant perdu sa première femme, en épousa une seconde, qui prit une violente passion pour son beau-fils, et qui ne pouvant s'en faire aimer, par vengeance lui imputa son propre crime. Cycnus, trop crédule, fait enfermer son fils dans un coffre ; et parce que Hémithée pleurait son malheureux frère, on lui fait un crime de ses larmes, et elle subit la même peine. Le coffre jeté dans la mer, est porté par les flots dans une île voisine, et reçu par les habitants, qui, à l’ouverture du coffre, surpris, comme on le peut penser, d'y trouver ces deux personnes pleines de vie, les regardent comme envoyées du Ciel, et à l'instant leur donnent l'empire de toute l'île, qui depuis cette aventure, changea son nom de Leucophrys en celui de Ténédos. Cependant Cycnus touché de repentir, s'embarque et aborde à l’île ; mais n'osant s'exposer au ressentiment de son fils, à bord du vaisseau il le prie, le conjure d'oublier sa cruauté. Tennès sourd à ses prières, pour l'empêcher de mettre pied à terre prend une hache, et coupe le câble qui tenait le vaisseau à l'ancre. Cette hache de Tennès a depuis passé en proverbe, dans toute affaire embarrassante dont on tranche la difficulté. [29] Vingt-neuvième récit. Les Magnètes qui habitent aujourd'hui Magnésie ville de l’Asie mineure, avaient autrefois leur demeure sur les bords du fleuve Pénée auprès du mont Pélion. Ils allèrent à la guerre de Troie avec les Achéens, sous la conduite de Prothoüs, et dès lors on les appelait Magnètes. Le même Prothoüs les ramena à Delphes, parce qu'ils avaient fait vœu de consacrer à Apollon la dîme du butin qu'ils apporteraient de Troie. Ensuite voulant quitter Delphes, ils se rembarquèrent, et firent voile en Crète, d'où ayant été chassés, ils passèrent en Asie, et y furent d'un grand secours à ces Ioniens et ces Eoliens qui venaient d'établir là des colonies, et qui se trouvaient dans une conjoncture fâcheuse. Ils combattirent avec eux contre leurs ennemis ; après quoi continuant leur chemin, ils arrivèrent dans le lieu où ils sont à présent et y bâtirent une ville que, du nom de leur ancienne patrie, ils nommèrent Magnésie. [30] Trentième récit. Pithéne d'Apollonie était le berger du troupeau consacré au Soleil. Mais il gardait si mal les brebis, que les loups en mangèrent soixante. Ses citoyens, pour punir sa négligence, lui crevèrent les yeux. Le Dieu fut si irrité de leur barbarie, que la terre à l'instant leur refusa ses fruits, jusqu'à ce qu'ils eussent apaisé Pithéne, non seulement par des caresses, mais en lui donnant deux maisons de campagne dans les faubourgs, et une dans la ville à son choix ; pour lors la stérilité cessa. Ce Pithéne était d'une naissance illustre, comme tous ceux qui lui ont succédé dans le même emploi. Apollonie, au reste, est une ville Grecque dans l'Illyrie. Elle est située sur le bord de la mer, le fleuve Aoüs passe à travers et va se jeter dans la mer Ionienne. [31] Trente-unième récit. Térée roi de ces Thraces qui s'étendent vers Daulis et les autres frontières de la Phocide, après avoir épousé Progné fille de Pandion Roi d'Athènes, devint si éperdument amoureux de Philomèle sœur de sa femme, que la trouvant inflexible, il la viola et eut ensuite la cruauté de lui arracher la langue, pour l'empêcher de publier son crime et sa propre honte. Philomèle en cet état, ne sut faire autre chose que de tracer quelques caractères sur un voile qu'elle brodait ; par ces caractères elle donna à connaître à sa sœur le traitement que son mari lui avait fait. Progné outrée de dépit et de colère, prend son fils, le coupe en morceaux, le sert à table à son propre père, et lui apprend elle-même de quel horrible mets il s’était rassasié. Térée furieux, tire son épée, poursuit les deux sœurs, et les aurait immolées toutes deux à sa vengeance, si, comme le dit la Fable, elles n'avaient été changées dans le moment, Progné en rossignol, et Philomèle en hirondelle. Pour Térée, la Fable ajoute qu'il fut changé en huppe. Tous les trois, sous la forme d'oiseaux, conservent toujours leur ancienne haine, et de là vient que la huppe poursuit partout à outrance et les hirondelles et les rossignols. [32] Trente-deuxième récit. Europe fille de Phénix disparut tout à coup. Phénix en peine de sa fille, envoya ses fils chercher leur sœur. Cadmus était de ce nombre; il s'embarqua en Egypte, et alla exécuter les ordres de son père. Protée, qui avait tout à craindre de la tyrannie de Busiris, se fit son compagnon de voyage. Après avoir longtemps erré, longtemps inutilement cherché, ils s'arrêtèrent à Pallène. Clytus, Prince juste et prudent, était pour lors roi des Sithoniens peuples de Thrace. Protée lui fit des présents, comme il se pratique entre nouveaux hôtes, et gagna si bien son amitié, qu'il parvint à épouser sa fille Chrysonoé. Clytus secondé de Protée, fit la guerre aux Bisaltes, et les châtia de leur pays, qu'il donna en souveraineté à son gendre. Protée eut de sa femme plusieurs enfants, mais fort différents de leur père. Ils étaient injustes et cruels. Hercule, ennemi implacable des méchants, extermina ceux-ci. Leur père creusa lui-même la sépulture de ses enfants, et ensuite purifia Hercule, que ce meurtre avait rendu impur. [33] Trente-troisième récit. Démoclus de Delphes avait un fils nommé Smicrus, qui était un fort bel enfant. Le père s'embarqua pour aller à Milet, comme il lui était prescrit par l'Oracle, et mena avec lui son fils âgé de treize ans. Mais peu après s’en trouvant embarrassé, et ayant hâte d'arriver, il débarqua son fils dans une île, et eut l'imprudence de l'y laisser. Un pâtre fils d'Eritharius, trouva cet enfant qui se désolait, et le mena aussitôt à son père, qui touché de sa peine autant que de la naissance et de sa figure, le reçut chez lui avec beaucoup de bonté. Quelques années après, Smicrus alla aussi à Milet, où s'étant fait connaître, il épousa la fille d'un Milésien des plus distingués. Sa femme devenue grosse, eut un songe fort extraordinaire ; il lui sembla voir le soleil entrer dans son corps par la bouche, et sortir par le bas du ventre. Les Devins consultés sur ce songe, le regardèrent comme un heureux présage. Cette femme en effet accoucha d'un fils qu'elle nomma Branchus, à cause du songe qu’elle avait eu et cet enfant fut un prodige de beauté. Dans sa première jeunesse il garda les troupeaux de son père. Apollon le vit, et fut si épris de ses charmes, qu'il passait les jours avec lui dans cette prairie, où depuis, en mémoire de cet événement, on érigea au Dieu un autel sous le nom d'Apollon-Philius. Branchus inspiré par Apollon, eut le don de prophétie , et rendit ses oracles à Didyme. Telle est l'origine de l'Oracle de Branchides, le plus renommé qu'il y ait dans toute la Grèce, si vous en exceptez celui de Delphes. [34] Trente-quatrième récit. Après la mort de Pâris, il s'éleva une grande dispute entre les frères Hélénus et Déiphobus, au sujet d'Hélène, que chacun d'eux voulait épouser. Déiphobus, quoique le cadet l'emporta, par la faveur et la faction des Grands. Hélénus outré de dépit abandonna Troie, et se retira au mont Ida. Pendant qu'il y vivait tranquille, Calchas persuade aux Grecs de lui dresser une embuscade, et de le faire prisonnier de guerre, à quoi ils réussirent. Hélénus intimidé, prié, caressé, poussé aussi par son ressentiment, révèle aux Grecs le secret de l'Etat ; que le destin de Troie était de ne pouvoir être prise que par le moyen d'un cheval de bois, et qu'il fallait de plus enlever une statue tombée du Ciel, nommée le Palladium, qui de toutes les statues conservées dans la citadelle, était la plus petite. Aussitôt les Grecs donnent charge à Diomède et à Ulysse d'aller enlever la statue fatale. Ils partent, et à la faveur de la nuit ils arrivent jusqu’au pied du rempart. Diomède, sans perdre temps, monte sur les épaules d'Ulysse, qui, à force de se hausser, l'élève de plus en plus, comptant bien que Diomède à son tour lui aidera à monter. Mais celui-ci n’est pas plutôt au haut du rempart, que laissant-là Ulysse, il va droit à la citadelle, est assez heureux pour trouver la statue, l’emporte, vient rejoindre son compagnon, et s'en retourne avec lui. Ulysse marchait derrière, et faisait questions sur questions. Diomède qui connaissait ses ruses, dissimule, dit qu'il a enlevé une statue, mais que ce n’est point la véritable. Malheureusement Ulysse parvient à y toucher, et reconnaît à sa petitesse que c'est le Palladium. Piqué d'avoir eu si peu de part à un exploit si glorieux, il tire son épée ; et pour se donner tout l'honneur de l'aventure, il allait tuer Diomède, lorsque ce Prince frappé de la lueur d'une épée nue, car il faisait clair de lune, se retourne, prend aussi ses armes, reproche à Ulysse sa trahison, sa lâcheté, et lui tenant l'épée dans les reins, l'oblige de marcher devant lui jusqu'au camp. De-là ce proverbe si connu des Grecs, la loi de Diomède, qui se dit à propos de ceux que l'on force de faire quelque chose malgré eux. [35] Trente-cinquième récit. Deux bergers ayant mené paître leurs troupeaux sur le mont Lyssus près d’Ephèse, ils aperçurent un essaim de mouches à miel qui sortait d'une caverne fort profonde, et où il n'y avait pas moyen d'entrer. Aussitôt l'un d'eux imagine de se mettre dans un grand mannequin, d'y attacher une corde, et de se faire descendre dans la caverne par son camarade. Quand il fut au bas, il trouva et le miel qu'il cherchait, et beaucoup d'or qu'il ne cherchait pas ; il en remplit jusqu'à trois fois son mannequin, que l'autre tirait à mesure. Ce trésor épuisé, il cria à son camarade qu'il allait se remettre dans le mannequin, et qu'il eût à bien tenir la corde ; mais un moment après il lui vint à l'esprit que l'autre berger, pour jouir tout seul de leur bonne fortune, pourrait bien lui jouer un mauvais tour. Dans cette pensée, il charge le panier de grosses pierres ; l'autre, après avoir tiré jusqu'en haut, croyant que son camarade est dedans, lâche la corde, et laisse retomber le panier au fond du précipice : après quoi il enfouit tranquillement son trésor, fait courir le bruit que le berger a quitté le pays, et invente des raisons qui le font croire. Pendant ce temps-là, son pauvre compagnon était fort en peine, nulle espérance de pouvoir sortir de la caverne; il allait périr de faim, lorsque s'étant endormi, il crut voir en songe Apollon, qui lui disait de prendre une pierre aiguë, de s'en déchiqueter le corps, et de demeurer tout étendu sans remuer, ce qu'il fit. Des vautours attirés par l'odeur du sang, fondent sur lui comme sur une proie, et font tant de leur bec et de leurs ongles qu'ils l’élèvent en l’air, et le portent dans un prochain vallon. Ce berger ainsi sauvé comme par miracle, va aussitôt porter sa plainte devant le juge ; il accuse son compagnon, non seulement de l'avoir volé, mais d'avoir voulu lui ôter la vie. On cherche le malfaiteur, on le prend. Atteint et convaincu, il subit la peine qu'il méritait ; on l'oblige à découvrir le lieu où il avait caché son trésor. On en consacre la moitié à Apollon et à Diane, l’autre moitié on la donne au bon berger, qui par là devenu riche, fait ériger un autel à Apollon sur le sommet du mont Lyssus ; et en mémoire d'un événement si extraordinaire, le Dieu fut surnommé Vulturius. [36] Trente-sixième récit. Philonomus de Sparte livra la ville aux Doriens, et pour prix de sa trahison, il eut la souveraineté d'Amycles, qu'il peupla d'habitants tirés d'Imbros et de Lemnos. A la troisième génération ces nouveaux habitants s'étant révoltés contre les Doriens, furent chassés d'Amycles. Contraints donc de chercher une nouvelle demeure, ils prirent pour Chefs Polis et Delphus, persuadèrent à quelques Lacédémoniens de suivre leur fortune, et firent voile en Crète. Durant la navigation, Apodasmus se trouvant à la hauteur de Mélos, prit le parti d'y débarquer une partie de ces aventuriers, qui s'y établirent ; et de là cette confraternité qu'il y a toujours eu depuis entre les Lacédémoniens et les Méliens. Les autres continuant leur route, allèrent dépendre à Gortyne; ils y entrèrent sans aucune opposition, et ils habitèrent cette ville conjointement avec les Crétois. [37] Trente-septième récit. Dans le trente-septième, Conon nous apprend que la ville de Thase a pris son nom de Thasus frère de Cadmus, qui lui donna une partie de ses troupes, et le laissa dans cette île. Pour lui, qui s’était déjà fait une grande réputation en Phénicie, il avait passé en Europe par ordre de son père. Les Phéniciens étaient alors fort puissants ; non seulement ils possédaient une bonne partie de l'Asie, mais ils avaient établi le siège de leur Empire à Thèbes en Egypte. Ce fut de là que partit Cadmus, non pour aller chercher sa sœur, comme le disent les Grecs; car qu'Europe eût été enlevée par Jupiter métamorphosé en taureau, c’est une pure fable de leur invention. La vérité est que Cadmus, sous le prétexte de chercher sa sœur, passa en Europe pour tâcher de s'y établir, et la fable que débitent les Grecs n'a point d'autre fondement. Cadmus donc, en côtoyant l'Europe, débarqua son frère Thasus dans l'île qui porte encore son nom, et lui il alla aborder en Béotie, où il employa ses troupes à bâtir une ville qu'il appela Thèbes, du nom de la ville de Thèbes en Egypte, qui était sa patrie. Les Béotiens tombèrent sur ces aventuriers d'abord avec assez de succès ; mais les Phéniciens, à force de ruses, d'embuscades et de stratagèmes, et plus encore par la terreur que leurs armes inspiraient à des peuples qui n'en avaient jamais vu de pareilles, furent bientôt victorieux, en sorte que Cadmus se rendit enfin maître de tout le pays. Il périt un grand nombre de Béotiens ; ceux qui échappèrent s'étant retirés chez eux, Cadmus fit entrer ses troupes dans Thèbes, ensuite il épousa Harmonie, qui était fille de Mars et de Vénus, et il ne trouva plus d'obstacle à sa domination. Les Béotiens avaient été tellement étonnés de voir des hommes armés d'un casque et d'un bouclier, sortir tout-à-coup d'une embuscade et les poursuivre, qu'ils demeurèrent persuadés que Cadmus et ses compagnons étaient sortis de terre tout armés. C'est pourquoi ils leur donnèrent le nom de Spartes, comme qui dirait semés en terre, et produits du sein de la terre même. Voilà, ajoute Conon, ce qu'il y a de vrai touchant Cadmus et son établissement à Thèbes en Béotie, tout le reste est un conte fait à plaisir. [38] Trente-huitième récit. Un homme de Milet croyant sa patrie menacée des derniers malheurs sous Harpagus, Lieutenant de Cyrus, prit tout ce qu'il avait d'or chez lui, et s'embarqua sur un vaisseau qui allait à Tauromenium en Sicile. Là il déposa son or entre les mains d'un banquier de ses amis, et s'en retourna en son pays. Quelque temps après Cyrus se rendit maître de Milet, mais il ne fit aux habitants aucun des mauvais traitements qu'ils avaient appréhendés. Le Milésien rassuré par la bonté du Prince, passe la mer une seconde fois, et va redemander son or au banquier. Celui-ci convenait d'avoir reçu de lui une telle somme en or, mais il soutenait qu'il la lui avait rendue. Le Milésien, après s'être échauffé fort inutilement, prend enfin le parti d'appeler le banquier en Justice, et d'exiger son serment. Le banquier, qui ne voulait ni rendre l'argent, ni se parjurer, imagina la ruse que je vais dire. Il fit fondre l'or dont il s'agissait, il en emplit le creux d'un gros jonc qui lui servait de canne, et le boucha si bien qu'on n'y pouvait rien soupçonner. Après avoir pris cette précaution, il se présente devant le juge ; puis feignant tout-à-coup d'être embarrassé de sa canne, il la donne au Milésien, et le prie de vouloir bien la tenir pour un moment. Alors levant les deux mains, il jure hautement qu'il a remis au Milésien le dépôt qu'il lui avait confié. L'étranger s'écrie qu'il n'y a plus de bonne foi parmi les hommes, s'emporte, et ne se possédant plus, jette la canne à terre si rudement, qu'elle éclate en morceaux. Aussitôt le lingot manifesta aux yeux de l’assemblée la fraude et l'infidélité du banquier, qui confus du mauvais succès de sa friponnerie, tourna ses mains contre lui-même et s'étrangla. Pour le Milésien, il reprit son bien, comme il était juste. [39] Trente-neuvième récit. Mélanthus descendait de ces Néléïdes qui régnèrent à Pylos et en Messénie après Polycaon. Chassé de ses Etats par les Héraclides qui s'en étaient emparés, il se réfugia à Athènes, en conséquence de plus d'un Oracle ; et non seulement il y obtint le droit de bourgeoisie, mais il y fut dans une grande considération. La guerre s'étant allumée entre les Athéniens et les Béotiens, au sujet du bourg d'Œnoë qu'ils se disputaient, on convint de part et d'autre que les deux Rois termineraient ce différend par un combat singulier. Thymœtès, qui régnait pour lors à Athènes, craignant l'issue du combat, déclara qu'il céderait le royaume à quiconque voudrait se battre contre Xanthus Roi des Béotiens; Mélanthus, animé par l’espérance d'un tel prix, accepte la proposition. Le cartel signé, les deux Princes en viennent aux mains. Dès le commencement du combat, Mélanthus eut une vision ; il vit, ou crut voir un jeune homme qui se tenait derrière Xanthus, comme pour le seconder : aussitôt il s'écrie que le Roi est suivi d'un second, contre la foi du traité, et que pour lui il ne se battra pas seul contre deux. Le Roi de Béotie, qui ne méritait pas ce reproche, tourna la tête, pour voir si en effet quelqu'un le suivait. Au même instant Mélanthus le perce d'un coup de lance et l'étend mort à ses pieds ; par là il acquiert le royaume d'Athènes, et les Athéniens demeurent en possession d’Œnoë. C’est ainsi que le droit de régner passa de la maison d'Erechthée aux Néléïdes, du nombre desquels fut Codrus. Dans la suite les Athéniens avertis par l'Oracle, bâtirent un temple à Bacchus-Mélanthide, où ils faisaient des sacrifices au Dieu tous les ans; et ils sacrifiaient aussi à Jupiter-Apaturius, en mémoire de la supercherie qui leur avait procuré cette victoire. [40] Quarantième récit. Le quarantième contient l'histoire d'Andromède, que Conon raconte tout différemment des Grecs. Céphée et Phinée dit-il, étaient deux frères. Céphée régnait dans ce pays qui depuis s'appelle Phénicie, et qui alors s'appelait Jopia, du nom de Jopé ville maritime. Ses Etats s'étendaient depuis notre mer jusqu’à la contrée de ces Arabes qui sont bornés par la Mer rouge. Il avait une fille d'une grande beauté, qui avait nom Andromède, et qui lui était demandée en mariage par Phinée son propre frère, et par Phœnix. Après avoir longtemps balancé entre l'un et l'autre, il se détermina en faveur du dernier. Mais comme il ne voulait pas se brouiller avec son frère, il fit semblant de réfuter Phœnix, et consentit en même temps qu'il enlevât sa fille La Princesse avait coutume d'aller dans une île déserte, pour y sacrifier à Vénus. Phœnix prend cette occasion, il enlèvé la Princesse, et la fait monter sur son vaisseau que l’on nommait la Baleine, soit parce que la proue représentait une baleine, ou par quelque autre raison. Cependant Andromède, qui se croit entre les mains d'un ravisseur, s'abandonne aux gémissements, aux cris, au désespoir. Dans cette circonstance, par un coup du sort, Persée qui naviguait sur cette mer, vient à rencontrer le vaisseau de Phœnix, et il le joint. Il entend des cris, il voit une jeune personne en pleurs qui l'appelle à son secours ; frappé de sa beauté, sensible à sa peine autant par amour que par pitié, il conçoit le dessein d'être son libérateur. Aussitôt il attaque le vaisseau de Phœnix avec une telle furie, qu'il s'en rend maître ; ceux qui le montaient se laissent tuer, sans rendre presqu'aucun combat, tant ils étaient saisis d'épouvante. Persée délivre donc Andromède, la fait passer sur son bord et l’emmène à Argos, où ils régnèrent et vécurent ensemble. Voilà sur quoi les Grecs ont bâti la fable de ce monstre effroyable qui allait dévorer Andromède, et de ces hommes transformés en pierres à l’aspect de la tête de Méduse l'une des Gorgones. [41] Quarante-unième récit. Antandros fut anciennement habitée par des Pélasges, qui, selon quelques Auteurs, se nommèrent ainsi, par la raison qu'Ascanius qu'ils avaient fait prisonnier de guerre, leur donna cette ville pour sa rançon, de sorte qu'Antadros fût dit pour "anti enos andros" qui signifie pour le rachat d'un homme. Cet Ascanius était fils d'Enée, et après la prise de Troie il fut Roi d'Ida. Mais d'autres content ce point d'antiquité d'une autre manière. Selon eux, Anius fils d'Apollon et de Créüse fut père d'Andrus, qui fit son séjour dans une des Cyclades, y bâtit une ville, et de son nom l'appela Andros. Quelque temps après voyant ses sujets divisés et portés à la révolte, il abandonna cette ville pour en aller fonder une autre sur le mont Ida, dans un lieu peu éloigné d'Andros, et qui lui parut propre pour son dessein. Il bâtit cette nouvelle ville sur le modèle de la première, et par cette raison il lui donna le nom d'Antandros. Comme elle manquait d'habitants, il y fit venir des Pélasges pour la peupler. Cysicus en usa de même. Il était aussi fils d'Apollon, et régnait sur ces Pélasges qui habitaient la Thessalie. Chassé par les Eoliens, il parla avec ses Pélasges dans une péninsule de l'Asie, et il y bâtit une ville qui, du nom de son fondateur, fut appelée Cyzique; bientôt après, de fugitif et pauvre qu’il était, il devint très puissant, par le mariage qu'il fit avec Clité fille de Mérops, qui était Roi de Rhyndaque; et de tout le pays d'alentour. Ce fut en ce temps-là que Jason s'étant embarqué pour aller conquérir la toison d'or, vint aborder à Cyzique avec les Argonautes. Les Pélasges ne surent pas plutôt qu'il y avait un navire Thessalien à la rade, que se souvenant d'avoir été châtiés par des Thessaliens, ils s’abandonnèrent à leur ressentiment, et vinrent de nuit attaquer la navire Argo. Cysicus accourut aussitôt pour apaiser la querelle, mais Jason, qui ne le connaissait pas, le tua dans la mêlée. Il tua aussi bon nombre de Pélasges. Après quoi regagnant son vaisseau, il fit voiles pour la Colchide. Cysicus ne laissa point d'enfants qui pussent lui succéder, c’est pourquoi les Pélasges, après avoir pleuré leur Roi, confièrent l’administration de l'Etat aux plus considérables d'entre eux, et ce gouvernement républicain subsista jusqu'à ce que les Thyrréniens ayant passé dans la même péninsule, défirent tout ce qu'il y était resté de Milésiens, chassèrent les Pélasges, s'emparèrent de Cyzique et s'y établirent. [42] Quarante-deuxième récit. Gélon de Sicile ayant fait dessein d'usurper la suprême puissance, caressait fort le peuple d'Himéra, prenait la défense contre ceux qui voulaient l'opprimer , et par ses manières affables et populaires il s'en fit aimer au point, qu'ayant demandé des gardes pour la sûreté de sa personne, tous s'empressèrent de lui en accorder. Sur quoi le Poète Stésichore, qui était d'Himéra lui-même, pour avertir les concitoyens des maux qu'ils le préparaient, leur fit cet apologue. Un cheval leur disait-il, paissant dans une prairie, s'approcha d'une fontaine pour s'y désaltérer. Une biche qui vint à passer dans le même temps, foula l'herbe de la prairie, et troubla l'eau de la fontaine. Le cheval voulait, à quelque prix que ce fut, s'en venger, mais la biche courait plus vite que lui, il n'aurait pu rattraper. Dans là colère il implore le secours d'un chasseur. Celui-ci lui promet une prompte vengeance, mais à condition qu'il recevra un mors dans sa bouche, et qu'il se laissera monter. Le cheval y consent; le chasseur, après lui avoir mis un mors, monte dessus, poursuit la biche et la tue : mais ensuite le cheval sentit qu'il avait un maître. Je crains bien, Himéréens, qu'il ne vous en arrive autant, et que de libres et républicains que vous êtes, après être venus à bout de vos ennemis par le secours de Gélon, vous ne demeuriez pour toujours ses esclaves ; car toute autorité est infiniment agréable à celui qui la reçoit, mais celui qui l’a une fois donnée, ne la reprend pas comme il voudrait. [43] Quarante-troisième récit. Le mont Etna vomit un jour une prodigieuse quantité de flammes, qui le répandant au loin comme un torrent de feu, gagna Catane, et y causa un embrasement général. Catane est une ville de Sicile, mais ville Grecque. Dans une calamité si pressante, ce fut à qui se sauverait. Les uns emportaient ce qu'ils avaient d'or, les autres ce qu'ils avaient d'argent, d'autres une partie des choses dont ils croyaient ne pouvoir se passer dans leur fuite. Au milieu de la désolation publique, deux jeunes hommes, Anapias et Amphinomus, s'occupèrent d'un soin plus généreux ; ils ne songèrent qu'à sauver leurs pères cassés de vieillesse, et qui ne pouvaient se soutenir : ils les chargèrent sur leurs épaules, et les emportèrent à travers les flammes, qui, comme un tourbillon, enveloppaient les autres et les suffoquaient, tandis que s'entrouvrant et suspendant leur activité autour de ces pieux enfants, elles leur laissaient le chemin libre, sans leur faire aucun mal, en sorte que le lieu par où ils passaient, était comme une île au milieu de ce débordement de feu. Aussi les Siciliens appellent-ils encore aujourd'hui ce lieu la rue des pieux enfants, et ils n'ont pas manqué de les y représenter en marbre, dans l'attitude propre à conserver le souvenir de leur piété envers leurs pères. [44] Quarante-quatrième récit. Léodamas et Phitrès, tous deux du sang royal, se disputaient la souveraineté de Milet. Le peuple, après avoir longtemps souffert de leurs divisions, résolut de finir la querelle, et pour cela il fit un décret, qui portait que celui des deux qui rendrait de plus grands services aux Milésiens, serait leur Roi. Ces peuples avaient alors deux ennemis sur les bras, les Carystiens et les Méliens. Phitrès chargé de faire la guerre aux Méliens, car le sort en avait ainsi décidé, partit pour cette expédition, qui n'eut aucun succès. Léodamas au contraire se signala par de grands exploits contre les Carystiens ; il assiégea leur ville, il la prit d'assaut, fit tous les habitants prisonniers de guerre, et retourna vainqueur à Milet, où il fut proclamé Roi, comme on en était convenu. Il avait une jeune captive qui nourrissait un enfant de son lait. Pour accomplir un Oracle, il envoya la mère et l'enfant à Branchides, avec plusieurs autres offrandes qui étaient la dîme du butin qu'il avait rapporté. C’était alors Branchus qui présidait et au temple et à l'Oracle d'Apollon ; il eut grand soin de la mère, et adopta le fils, qui en peu de temps fit des progrès si étonnants, qu'il causait de l'admiration à tout le monde : cet enfant tenait du prodige, tant son esprit et sa prudence étaient au-dessus de son âge. Quand il fut parvenu à l'adolescence, Branchus en fit l'interprète de ses oracles, et le nomma Evangelus, ou son Evangéliste. Dans la suite il lui succéda, et fut le premier de ceux que les Milésiens ont honorez sous le nom d’Evangelides. [45] Quarante-cinquième récit. Orphée fils d'Œagrus et de Calliope une des Muses, fut Roi de Macédoine et des Odrysiens. Il excella dans la Musique, mais particulièrement à jouer de la cithare; et comme les Thraces et les Macédoniens étaient naturellement passionnés pour la Musique, il ne pouvait manquer de plaire à ces peuples, par un talent qui flattait si fort leur goût. On a cru qu'inconsolable de la mort de sa femme Eurydice, il était descendu vif aux Enfers, et que Pluton et Proserpine charmés de la douceur de ses accords, lui avaient rendu l'objet de sa tendresse, mais qu'il n’avait pas joui longtemps de cette faveur, parce que la joie dont il était transporté, lui avait fait oublier la condition que le Dieu lui avait imposée. On dit aussi qu'il tirait de sa lyre des sons si mélodieux, si touchants, que les bêtes féroces, les oiseaux, les arbres et les pierres mêmes y étaient sensibles et se rangeaient autour de lui. Il fut tué par les femmes de Thrace et de Macédoine, irritées de ce qu'il n’avait pas voulu les admettre à la célébration des Orgies ou mystères de Bacchus, peut-être aussi pour d'autres raisons ; car quelques-uns ont dit que devenu malheureux et chagrin depuis la perte de sa chère Eurydice, il avait pris en haine toutes les autres femmes. Quoi qu'il en soit, voici comment il périt. C'était la coutume à Libéthra, que les hommes, tant Thraces que Macédoniens, pour célébrer les Orgies, s'assemblassent à certains jours dans une grande maison destinée à cette pieuse cérémonie. Ils y venaient armés, mais avant que d'entrer, ils quittaient leurs armes et les laissaient à la porte. Les femmes avaient remarqué cela; résolues de venger le mépris que l'on faisait d'elles, un jour que les hommes étaient ainsi assemblés, elles viennent en foule, elles se saisissent des armes qu'elles trouvent à la porte, forcent la chapelle, et massacrent tout ce qui se présente à elles. A l'égard d'Orphée, elles le déchirent, le mettent en pièces, et vont ensuite jeter ses membres dans la mer. Leur crime étant demeuré impuni, le Ciel, pour en tirer vengeance, frappa de la peste tout le pays. Les habitants eurent aussitôt recours à l'Oracle, dont la réponse fut que pour faire cesser leurs maux, il fallait trouver la tête d'Orphée, et lui donner la sépulture. A force de chercher, un pécheur enfin la trouva vers l'embouchure du fleuve Mélès. Cette tête séparée de son corps depuis longtemps, chantait encore; et bien loin d'avoir rien de hideux ou de difforme, comme il arrive aux autres hommes après leur mort, elle était seine et belle, conservant ses couleurs et ses grâces naturelles, car ni le temps ni les flots de la mer n'y avaient fait aucune altération. Ils l'enterrèrent dans une grande enceinte qu'ils eurent soin de bien fermer, et qui pour lors n'eut d'autre nom que celui de Monument héroïque. Dans la suite on y bâtit un temple, où Orphée eut des sacrifices et tous les honneurs divins, mais l'entrée de ce temple fut toujours interdite aux femmes. [46] Quarante-sixième récit. Priam, durant le siège de Troie, prit la précaution d'envoyer en Lydie les deux fils d'Hector, Oxynius et Scamandre. Après la prise de la ville, Enée fils d’Anchise et de Vénus, pour éviter de tomber entre les mains des Grecs, se retira d'abord au mont Ida ; mais quelque temps après les fils d'Hector étant revenus, et s'étant mis en possession du pays à titre d'héritiers, Enée fut obligé de leur céder ses lieux qu'il occupait. Il partit donc avec son père, accompagné de Troyens fugitifs, autant qu'il en avait pu ramasser; et suivant le commandement de sa mère, il prit son chemin vers l'Orient, passa l'Hellespont, et entra dans le golfe de Thermé. Ce fut-là qu'Anchise mourut. Enée lui rendit les derniers devoirs ; et sans écouter les vœux des peuples qui voulaient se soumettre à lui, continuant sa route, il arriva à Brusiade, où, par les soins et la faveur de Vénus, il eut bientôt gagné les cœurs de tous les habitants. Une vache qu'il avait amenée du mont Ida par ordre de sa mère, s'étant mise à mugir, il comprit cet avertissement, et accepta des habitants du pays l'empire qu'ils lui offraient de toute cette Côte; après quoi il sacrifia sa vache à Vénus, et bâtit une ville qui de son nom fut appelée Enéïa. Mais dans la suite, par une altération assez considérable, on l’appela Enus. Voilà une des manières dont les Grecs racontent les aventures d'Enée, car il y en a plusieurs autres, sans compter celle qui lui donne la gloire d'avoir fondé l'Empire Romain et bâti la ville d'Albe, suivant un Oracle qui lui ordonnait de s'établir avec les compagnons dans le lieu où, après avoir sacrifié aux Dieux, ils mangeraient jusqu'à la table sur laquelle on aurait servi leur repas. Cette dernière tradition est aujourd'hui assez communément reçue. [47] Quarante-septième récit. Althémenè du sang d'Hercule et petit-fils de Téménès, ne pouvait s'accorder avec ses frères. Comme il était le cadet, il résolut de quitter le Péloponnèse, et il le mit à la tête d'une troupe de Doriens et de Pélasges, dans le dessein d'aller chercher fortune ailleurs. Les Athéniens nommèrent dans le même temps Nilée et les autres enfants de Codrus, pour Chefs d'une peuplade ; et les Lacédémoniens, mécontents des habitants dont Philonomus avait peuplé Amycles, les envoyèrent aussi chercher quelque autre établissement, sous la conduite de Polis et de Delphus. Chacune de ces deux colonies fit ce qu'elle put pour engager Althémenè à se joindre à elle. Les Doriens lui remontraient qu'il devait aller en Crète avec eux, puisque lui-même était Dorien ; et les Ioniens de leur côté n'oubliaient rien pour lui persuader de passer en Asie. Mais lui, fidèle à l'Oracle qu'il avait consulté, il répondit qu'il allait chercher Jupiter et le Soleil, ne voulant d'autre habitation, d'autres terres que celles qu'ils lui donneraient. Tout le monde sait que Crète est le domaine spécial de Jupiter, et que Rhodes est celui du Soleil. Althémenè partit donc avec sa troupe, et tout en sortant du Péloponnèse, fit voiles en Crète, où il débarqua une partie de son monde, c'est-à-dire, ceux qui voulurent y fixer leur séjour; les autres en plus grand nombre, et la plupart Doriens, il les mena à Rhodes. Cette île a été anciennement habitée par des peuples originaires du pays, qui dans la suite se fournirent aux Troyens ; ceux-ci furent châtiés par les Phéniciens, qui, après avoir occupé l'île durant quelque temps, furent chassés à leur tour par les Cariens, lorsque ces derniers se rendirent maîtres de plusieurs autres îles de la mer Egée. Enfin les Doriens ayant fait une descente à Rhodes, et se trouvant les plus forts, en châtièrent les Cariens, s'y établirent en leur place, et bâtirent trois villes, Linde, Jalyse et Camire. La domination de ces Doriens ainsi fondée par Althémenè, s’est maintenue jusqu'à présent, mais les trois villes dont j'ai parlé n'en font plus qu'une que l'on appelle Rhodes, et qui est devenue très puissante. [48] Quarante-huitième récit. Dans le quarante-huitième, Conon parle de Romus et de Romulus, mais un peu différemment des autres. Amulius, dit-il, fit donner son frère Numitor dans une embuscade où il périt ; après quoi, pour empêcher qu'Ilia sa nièce ne se mariât et n'eût des enfants, il la fit Prêtresse de Vesta. Cependant elle ne laissa pas d'avoir commerce avec Mars, qui ensuite lui apprit qui il était, lui prédît qu'elle le ferait père de deux jumeaux, et l'assura qu'il serait son défenseur. Ilia accoucha en effet de deux enfants. Quand elle fut délivrée, Amulius irrité de sa conduite, l'enferma dans une étroite prison; à l'égard des deux enfants, il en chargea celui de ses bergers en qui il avait le plus de confiance, et lui donna ordre de les faire mourir. Le berger eut horreur de ce commandement ; ne voulant donc pas tremper ses mains dans le sang de ces innocentes victimes, et ne pouvant pas aussi les garder, il prit le parti de les mettre dans une espèce de berceau fait d'osier, et de les abandonner au courant de l'eau du Tibre. Ce berceau fut quelque temps porté par le fleuve de côté et d'autre, jusqu'à ce qu'ayant rencontré les racines d'un figuier sauvage qui avait pris naissance au bord de l'eau, il s'y embarrassa; mais la vague le dégagea, et le jeta enfin sur une grève molle, qui même était heureusement abritée par une grosse roche qui avançait sur le rivage. Une louve qui avait mis bas depuis peu, attirée par les cris de ces enfants, venait à eux, tournait autour de leur berceau ; et eux, par un instinct naturel, étendaient les bras comme pour prendre quelque chose, la caressaient et la tétaient, ce qu'elle souffrait si régulièrement et si volontiers, qu'elle semblait avoir changé sa férocité naturelle en compassion. Le berger Faustulus vit cette singularité, et en fut frappé comme d'un prodige; aussitôt il vint à ces enfants, les prit dans ses bras, les porta chez lui, et en eut soin comme des siens propres. Dans la suite, le hasard fit qu'il rencontra le berger qui avait exposé ces deux jumeaux, et sut de lui toute leur aventure. Quand ils eurent atteint l'âge de quinze ou seize ans, il leur apprit lui-même qu'ils étaient du sang des Rois d'Albe, et fils de Mars. Il les instruisit du traitement qu'Amulius avait fait à leur mère et à Numitor leur aïeul. Ces deux jeunes hommes joignaient à la bonne mine une grande force de corps et un grand courage. Ne respirant donc que vengeance, ils se munirent de poignards qu'ils cachent sous leurs habits, vont droit à Albe, et prennent le temps qu'Amulius, qui ne se défiait de rien, était sans gardes ; ils se jettent sur lui, le massacrent, et courent aussitôt délivrer leur mère. Tout le peuple applaudit à une vengeance si juste, et à l'instant les deux Princes furent proclamés Rois d'Albe et du pays d'alentour. Leur réputation attira bientôt dans Albe une si grande quantité d'habitants, que la ville ne pouvant plus les contenir, ces Princes furent obligés de la quitter, pour en aller bâtir une autre qui fut appelée Rome, et qui est aujourd'hui la maîtresse du Monde. Une partie de ces faits est attestée par un figuier sacré que l'on conserve encore dans le Sénat de Rome, et qui est défendu par une balustrade de cuivre. On voit aussi dans le temple de Jupiter, une cabane faite de chaume et de branches d'arbres entrelacées, monument antique de la cabane de Faustulus, où Romus et Romulus avaient été nourris. [49] Quarante-neuvième récit. Dans l’île Anaphé, qui est au-dessus et près de Théra ancienne colonie des Lacédémoniens, il y a un temple d'Apollon-Eglétès, où les Insulaires mêlent une sorte de bouffonnerie à leurs sacrifices, en voici la raison. Jason en revenant de la Colchide avec Médée qu'il avait enlevée, fut battu d'une si violente tempête, que le naufrage paraissait inévitable. Ceux qui montaient le navire Argo n'avaient plus d'espérance que dans leurs prières et leurs vœux. Apollon les exauça ; il s'apparut à eux au milieu des éclairs, et avec son arc il détourna le malheur dont ils étaient menacés. La terre, du fond de ses abîmes, fit tout à coup sortir une île, où les Argonautes se jetèrent comme dans un port ; et parce que le soleil voyait cette île pour la première fois, ils la nommèrent Anaphé. Ils y bâtirent un temple à Apollon, qu'ils surnommèrent Eglétès, à cause des feux du Ciel qu'il avait fait luire à leurs yeux. Après avoir sacrifié au Dieu leur libérateur, pour se dédommager du mal passé, ils se livrèrent au plaisir de la bonne chère et à la joie. Dans la liberté qu'inspire la table, Médée et ses femmes, car Jason pour présent de noces lui en avait donné plusieurs, s'étant mises en bonne humeur, commencèrent à brocarder ces Héros, qui animés par une pointe de vin, leur répondirent sur le même ton, et ces plaisanteries durèrent une partie de la nuit. C’est donc à l'imitation des Argonautes, qu'encore aujourd'hui les insulaires d'Anaphé, en célébrant cette fête tous les ans, prennent la liberté de s'agacer et de se railler les uns les autres. [50] Cinquantième récit. Alexandre Tyran de Phéres, fût tué par Thébé sa propre femme. Elle était fille d'un Jason Roi de Thessalie, et avait trois frères utérins, savoir Tisiphonus, Lycophron et Pytholaüs, tous trois fils d'Évalcès. Alexandre se défiant d'eux, méditait de les faire mourir ; et comme il sentait bien que sa femme ne supporterait pas aisément le meurtre de ses frères, il voulait la sacrifier elle-même à sa sûreté. Quand il était à jeun, il savait dissimuler mieux qu'homme du monde ; mais dès qu'il avait bu, et il aimait fort le vin, il disait tout ce qu'il pensait. Thébé ne pouvant donc pas douter de ses intentions, assemble les frères, leur donne à chacun d'eux un poignard, et les exhorte à prévenir le Tyran. Pour elle, sans perdre temps, elle fait boire son mari jusqu'à ce que l'ivresse l'eût plongé dans un profond sommeil ; on le porte au lit : sous prétexte de vouloir prendre le bain, elle congédie les gardes et les domestiques, ensuite elle introduit ses frères, et les presse d'exécuter leur projet; les voyant chanceler, surtout le cadet, après beaucoup d'autres menaces : hé bien, dit-elle, je vais donc t’éveiller et lui révéler votre complot. Il n'y avait plus à reculer, les trois frères furent ainsi forcés d'égorger le Tyran, et ils l’égorgèrent dans son lit. Tout aussitôt Thébé envoyé chercher les Capitaines des Gardes, et emploie si bien les prières, les caresses, les menaces, qu'elle leur persuade de lui aider à se faire Souveraine; ils promettent tout, et tiennent parole. Thébé donne l'odieux titre de Roy à son frère aîné Tisiphernus, et garde pour elle toute l'autorité. [51] Jugement de Photius sur Conon et sur Apollodore. Tels sont, dit Photius, les cinquante Récits de Conon. Sa diction est pure, élégante, et dans le goût Attique; la composition fleurie et agréable, à quelques phrases près, qui ont je ne sais quoi d'entortillé, et qui s'éloignent de l'ordinaire façon d'écrire. [52] J'ai lu dans le même volume, continue Photius, un petit livre du Grammairien Apollodore, sous le titre de Bibliothèque. L'Auteur y rapporte ce que les Grecs, dans les temps les plus anciens, ont pensé des Dieux et des Héros, avec les noms des fleuves, des pays, des peuples et des villes. De là parcourant toujours l'Antiquité Grecque, il descend au temps de la guerre de Troie ; il raconte les combats et les aventures des principaux Chefs, même les traverses et les divers accidents qui, après la prise de Troie, tinrent errants sur les mers plusieurs Capitaines Grecs, surtout Ulysse, en la personne de qui il termine sa narration. Cet ouvrage est, à proprement parler, un abrégé de l’Histoire fabuleuse de la Grèce, et peut être fort utile à ceux qui veulent se la bien mettre dans la mémoire ; aussi l'Auteur en recommande-t-il la lecture par ce sixain, qui est tout à la fin : Cet écrit, cher Lecteur, te mettra sous les yeux Ce que l’antique Fable a de plus curieux. Epargne-toi de lire Homère et ses semblables, Ils sont moins instructifs qu'ils ne font agréables. Tu trouveras ici, bien mieux que dans leurs Vers, Tout ce qui fit jamais du bruit dans l’Univers.