31. Vous comprenez maintenant que la foi possède cette vertu si grande d'accomplir la loi et de justifier sans les oeuvres l'âme pécheresse. Prenons, par exemple, le premier commandement qui nous dit : Tu honoreras le Seigneur ton Dieu. Quand votre vie ne serait qu'une suite non interrompue de bonnes oeuvres, vous n'en seriez, par elles, ni plus justes ni plus pieux, ni plus obéissants à ce commandement suprême, puisque Dieu ne peut être réellement honoré que par une âme qui confesse sa vérité et sa miséricorde. 32. Ce n'est point en agissant beaucoup, mais en croyant en lui que nous glorifions Dieu. La loi est donc l'unique justice du chrétien et l'accomplissement des préceptes. Or , celui qui peut accomplir ce premier et suprême commandement accomplira tous les autres. Les oeuvres, alors même qu'elles iraient à la gloire de Dieu, n'ont par elles-mêmes aucun caractère et ne sauraient nullement le glorifier. Derrière elles il faut toujours chercher le principe qui les fait surgir, la volonté qui les accomplit et qui glorifie Dieu. Ce principe est uniquement la foi du cœur, source, essence de toute notre justice. C'est donc une aveugle et dangereuse doctrine, celle qui enseigne que les oeuvres accomplissent les commandements divins, puisqu'il faut qu'une obéissance intérieure les précède. 33. Recherchons maintenant la grâce que Jésus apporte à l'âme fidèle : dans l'ancienne alliance, Dieu se réservait tout mâle premier-né; l'élevait au-dessus des autres par la double dignité de la royauté et du sacerdoce. Ce premier-né était roi et prêtre entre tous ses frères. 34. Cette institution préfigure Jésus-Christ, fils unique de Dieu le Père, premier-né de la Vierge Marie, prêtre et roi, mais non selon la chair, car son règne n'est pas de ce monde. Il est le roi des choses spirituelles et célestes, roi de justice, de vérité, de sagesse, de paix et de salut. Sans doute la terre et l'enfer lui sont aussi soumis, car comment pourrait-il autrement nous défendre contre leur puissance et nous sauver? mais sa royauté est d'un tout autre ordre. 35. Son sacerdoce ne consiste pas non plus dans l'éclat extérieur et la pompe des cérémonies, comme jadis celui d'Aaron et aujourd'hui le nôtre. Il est tout spirituel. Christ accomplit dans le ciel son saint office de prêtre en intercédant et en se donnant sans cesse pour nous. C'est lui que saint Paul décrit sous la figure de Melchisédech. En outre, il nous parle et nous enseigne intérieurement par les vivantes doctrines de l'Esprit. Cette double fonction de son divin sacerdoce est figurée dans les prières de nos prêtres et dans les enseignements que nous recevons d'eux. 36. Cette double dignité que Christ possède par droit de primogéniture, il la communique à l'âme fidèle, car l'époux donne tout à son épouse. Nous qui croyons en Christ, nous sommes sacrificateurs et rois. « Vous êtes, dit saint Pierre, la race élue, le peuple choisi, la sacrificature royale, afin que vous proclamiez les vertus de Celui qui vous a appelés des ténèbres à sa merveilleuse lumière » 37. Admirable don! Par cela même qu'il appartient au règne de Christ, le chrétien s'élève au-dessus de tout; sa puissance spirituelle le fait maître et seigneur de toutes choses; rien ne saurait lui nuire; le monde entier lui est soumis et contribue à son salut. « Toutes choses, dit saint Paul, concourent au bien des élus. Toutes choses sont à vous, la mort, la vie, les choses présentes, les choses futures; et vous êtes à Christ." 38. Cette royauté chrétienne n'est pas une puissance terretre. Le chrétien n'est pas destiné à posséder et à s'assujettir les choses d'ici-bas, ainsi que l'ont fait quelques prêtres insensés; non, la terre appartient aux princes, aux rois, aux puissants. Quant à nous, nous serons toujours assujettis aux volontés des autres, exposés à toutes sortes de maux, et mémc à la mort. Plus nous serons de vrais chrétiens, plus aussi nos souffrances seront grandes et variées; témoins Jésus-Christ, notre chef, et tous les saints, ses frères, qui ont eu part à la conmmilion de son agonie et de sa mort. 39. La puissance chrétienne est d'ordre spirituel, elle s'exerce au sein des inimitiés, elle brille dans l'oppression ; elle est la vertu de Dieu qui s'accomplit dans l'infirmité. C'est une haute et insigne dignité, c'est une royauté spirituelle , c'est une puissance qu'aucune autre n'égale, puisque la croix et la mort méme servent à mon salut et qu'il n'y a nulle chose bonne ou mauvaise au monde qui ne concoure à ma félicité. A la vérité, ni le bien ni le mal ne sont indispensables, puisque la foi seule suffit à me sauver, mais c'est par l'un et l'autre que ma vertu est excercêe. Telle est l'inestimable puissance, telle est la liberté du chrétien. 40. Rois, nous sommes aussi prètres pour l'éternité. La dignité sacerdotale dont nous sommes revétus, dignité plus excellente que la royauté elle-méme, nous donne le droit de nous présenter devant Dieu, d'intereédcr pour nos frères, de les instruire, d'exercer, en un mot, notre charge sacerdotale, de laquelle tout incrédule est exclu. Par la foi, nous sommes les frères et les héritiers de Jésus-Christ; avec lui nous régnons, avec lui nous sommes sacrificateurs; avec lui nous approchons de Dieu, et dans l'assurance de l'Esprit nous lui disons : "Père," Nous prions les uns pour les autres, nous accomplissons tout ce que le prêtre fait dans son office visibIe et terrestre. Pour l'incrédule, au contraire, toutes ces choses-là sont vaines; c'est un esc!ave au malheur duquel tout concourt, car il cherche son propre avantage et non la gloire de Dieu. Celui qui ne croit pas n'est pas prêtre : il n'est qu'un profane dont la prière mème se change en péché, car Dieu n'exauce pas les impies.