21. Considérons maintenant une autre vertu de la foi : Croire à un homme c'est lui accorder une estime singulière, c'est faire un très grand éloge de sa personne, car c'est reconnaitre qu'en toutes choses cet homme est vrai, juste et digne de confiance. Ne pas croire à un homme, au contraire, c'est douter de sa véracité, c'est lui faire injure, c'est l'accuser de mensonge. 22. Ainsi l'âme, en se confiant fermement aux promesses de Dieu, croit à sa justice et lui rend, par cela male, un suprème honneur. Croire à sa justice, à sa vérité; n est-ce pas adorer ? L'âme fidèle se soumet à toutes les volontés de Dieu, elle sanctifie son nom, elle se laisse entièrement diriger par lui, elle acquiesce à tout; elle sait qu'il dispose d'elle, et qu'il fera concourir toutes choses à son bonheur. N'est-ce pas la plénitude de l'obéissance ? et quand celle-ci est si parfaite, le précepte est-il nécessaire? Ce ne sont donc pas les oeuvres, c'est la foi seule qui crée l'obéissance. 23. Y a-t-il par contre impiété plus réelle, mépris de dieu plus grand que de ne pas croire à ses promesses ? N'est-ce pas douter de lui, le faire auteur de la vanité et du mensonge, tout en s'attribuant à soi-même la vérité ? N'est-ce pas à la fois nier sa justice et s'ériger soi-même en idole? Dans une pareille impiété à quoi serviraient donc les oeuvres mêmes les plus angéliques ? L'apôtre saint Paul dit que Dieu a enfermé les hommes non dans la colère ou les convoitises, mais dans l'incrédulité, afin que nul ne puisse avoir la présomption que des vertus humaines quelconques, que des oeuvres de chasteté ou de mansuétude puissent accomplir la loi et donner le salut. Tout enlacé dans le péché d'incrédulité, l'homme n'a d'autre alternative que de recourir à la miséricorde de Dieu ou d'être condamné par sa justice. 24. Quand l'âme croyante rend à Dieu l'honneur qui lui appartient en lui attribuant toute justice et toute vérité, Dieu l'honore à son tour en imputant à sa foi cette même justice. «Je glorifierai celui qui m'honore, je couvrirai de honte ceux qui me méprisent. » La foi d'Abraham lui fut imputée à justice, parce que par elle il rendit pleinement gloire à Dieu. Si donc nous croyons, notre foi aussi nous sera imputée à justice. 25. La foi possède une autre grâce incomparable: elle unit l'âme à Christ comme une épouse à son époux. Par ce mvstère, dit l'apôtre, Christ et l'âme deviennent une seule chair : union. divine, de toutes la phis parfaite, et dont le mariage terrestre n'est qu'une faible image. Ici bien et mal, tout est commun. Ce qui appartient à Christ, l'âme fidèle le possède et s'en glorifie. Ce qui appartient à l'âme, Christ le prend à lui et le fait sien. 26. Admirable échange! Christ est une plénitude de grâce, de vie et de salut; l'âme, au contraire, n'a en partage que le péché, la mort et la condamnation. Mais, par ce mystère de la foi, Christ prend à lui péché, mort et châtiment; l'âme, par contre, recoit la grâce, la vie, la félicité. Qui se donne, ne donne-t-il pas en même temps tout ce qu'il possède ; ainsi l'époux accepte tout ce qui appartient. à l'épouse, et celle-ci, en recevant son époux, reçoit tout ce qui est à lui. 27. L'âme croyante, ô doux spectacle ! n'entre pas seulement dans la communion de la vie de son Christ, mais encore dans celle de ses combats, de sa victoire et de son oeuvre de rédemption. Christ, Dieu et homme tout à la fois, est au-dessus du péché, de la mort et de la damnation. Sa justice, sa vie, sa félicité, sont invincibles, éternelles. En acceptant dans les saintes fiançailles de la foi les péchés, la mort, la condamnation de l'âme devenue son épouse, il fait siennes toutes ses misères, il se substitue à elle, il combat, il meurt, il descend aux enfers. Ni le péché, ni la mort, ni l'enfer ne peuvent l'accabler. C'est lui, au contraire, qui terrasse ces puissances mortelles et les anéantit, car sa justice est plus haute que tous les péchés du monde, sa vie est plus puissante que la mort, et l'enfer est vaincu par sa sainteté. 28. Ainsi l'àme fidèle, attachée à son divin époux par le lien indestructible de sa foi, est affranchie de ses péchés, délivrée de la mort, garantie contre l'enfer. Christ la revêt de sa justice éternelle, de sa vie ; il fait d'elle une épouse glorieuse, sans tache ni rides; il la lave dans l'eau pure de sa parole, il l'épouse (comme dit Osée), en justice, en jugements, en bonté et en compassions. 29. Comment se faire une idée assez haute de ces divines épousailles ? Christ, l'époux céleste, s'unit à l'épouse indigente, à la créature souillée ; il la relève de sa misère, il la pare de ses biens. Comment ses péchés la perdraient-ils, puisque c'est sur lui qu'ils reposent maintenant et qu'ils s'évanouissent en lui ? Elle possède la justice de son époux, elle oppose avec confiance cette justice à la mort et à l'enfer. 30. Je suis coupable, s'écrie-t-elle, mais Christ est juste et c'est à lui que j'appartiens. (Mon bien-aimé est à moi et je suis à lui) Gràces à Dieu, dit saint Paul, qui nous a donné la victoire par Notre-Seigneur Jésus-Christ. L'apôtre parle d'une victoire sur le péché et la mort car, dit-il, le péché est l'aiguillon de la mort, et la loi est la puissance du péché.