[0] Jupiter confondu. [1] CYNlSCUS. Moi, je ne viens pas ici, Jupiter, t'importuner de mes vœux, te demander richesses, trésors, puissance, tout ce que souhaite le commun des hommes, et qu'il n'est pas très facile de leur accorder ; car je te vois souvent faire semblant de ne pas les entendre ; mais je ne désire de toi qu'une seule chose, et on ne peut plus aisée. JUPITER. Qu'est-ce donc, Cyniscus ? Tu seras exaucé, surtout si ta demandé est aussi modeste que tu le dis. CYNlSCUS. Réponds-moi donc, je te prie, à une question tout à fait simple. JUPITER. Vraiment, tes vœux sont modérés et faciles à satisfaire. Fais-moi toutes les questions qu'il te plaira. CYNlSCUS. Voici ce dont il s'agit, Jupiter. Tu as lu probablement les Poèmes d'Homère et ceux d'Hésiode ; dis-moi si l'on doit regarder comme vrai ce qu'ils chantent dans leurs rhapsodies au sujet de la Destinée et des Parques, qu'il est impassible d'éviter le sort, qu'elles ont filé à chacun au moment de si naissance. JUPITER. C'est très vrai. Il n'est rien qui ne soit ordonné par les Parques : tout ce qui arrive est l'œuvre de leur fuseau, et l'événement est toujours tel qu'elles l'ont filé dès l'origine : il n'est pas possible qu'il en soit autrement. [2] CYNlSCUS. Ainsi, lorsque Homère dit dans une autre partie de son poème : Afin que, résistant aux lois fixes du sort, Tu ne descendes pas au séjour de la mort, et le reste, nous pouvons affirmer que c'est un radotage tout pur. JUPITER. Certainement. Rien de pareil ne peut arriver sans l'ordre des Parques et contrairement à leur fil. Tout ce que les poètes chantent sous l'inspiration des Muses est conforme à la vérité. Mais quand ces déesses les abandonnent, et qu'ils n'écrivent que de leur propre fonds, alors ils se trompent et débitent le contraire de ce qu'ils ont dit auparavant. Il faut d'ailleurs les excuser : ils sont hommes, et la vérité leur échappe, dès qu'ils n'ont plus ce souffle divin, qui inspirait leurs rhapsodies. CYNlSCUS. Eh bien, supposons qu'il en soit ainsi. Réponds encore à cette question. Les Parques ne sont-elles pas au nombre de trois, Clotho, Lachésis, je crois, et Atropos ? JUPITER. Sans doute. [3] CYNlSCUS. Qu'est-ce donc que la Destinée et la Fortune, dont on parle tant ? Quelle est la puissance de chacune d'elles ? Est-elle égale ou supérieure à celle des Parques ? J'entends dire à tous les hommes que rien n'est plus puissant que la Fortune et la Destinée. JUPITER. Il ne t'est pas permis de tout savoir, Cyniscus. Mais pourquoi me fais-tu cette question à propos des Parques ? [4] CYNlSCUS. Je te le dirai, quand tu auras répondu à ceci : ces trois sœurs vous commandent-elles aussi, Jupiter, et êtes- vous contraints d'être suspendus à leur fuseau ? JUPITER. Nous y sommes contraints, Cyniscus. Qu'as-tu donc à rire ? CYNlSCUS. C'est que je me rappelle certains vers d'Homère, où le poète te représente haranguant dans l’assemblée des dieux, en les menaçant de suspendre l'univers à une chaîne d'or. Tu dis que tu jetteras du ciel une chaîne, à laquelle tous les dieux attachés s'efforceraient en vain, s'ils le voulaient, de t'entraîner en bas, mais que toi, tu pourrais, à ton gré, les enlever tous, "Avec la terre entière et l'abîme des mers". Tu me parus alors d'une force étonnante ; je frissonnais au seul récit de ces vers : maintenant, au contraire, je te vois avec ta chaîne et tes menaces suspendu, suivant ton aveu, à un léger fil. Il me semble que Clotho a plus raison que toi d'être fière de son pouvoir, puisqu'elle t'enlève et te suspend à son fuseau, comme les pécheurs enlèvent les petits poissons avec leur ligne. [5] JUPITER. Je ne sais pas où tu veux en venir avec tes questions. CYNlSCUS. Le voici, Jupiter ; et je te supplie, au nom des Parques et de la Destinée, de m'entendre, sans humeur et sans colère, te dire franchement la vérité. Si les choses sont comme nous l'avons dit, si les Parques sont tellement nos souveraines, que l'on ne puisse rien changer à ce qu'elles ont une fois résolu, pourquoi donc, nous autres hommes, vous offrons-nous des sacrifices, pourquoi vous immolons-nous des hécatombes, vous demandant en échange toutes sortes de biens ? Je ne vois pas quel profit nous pouvons retirer de ce culte, si nos prières ne peuvent obtenir l'éloignement des maux, ni aucune des faveurs que les dieux dispensent. [6] JUPITER. Je sais où tu vas chercher toutes ces questions : c'est à l'école de ces maudits philosophes, qui nient notre providence sur les hommes. C'est leur impiété qui leur inspire de pareilles demandes, et ils cherchent à détourner les autres de nous adresser des sacrifices et des prières, tout cela étant fort inutile, vu que nous ne prenons nul soin de ce qui se passe chez vous, et que nous n'avons aucune influence sur les affaires terrestres. Mais ils ne se réjouiront pas toujours de leurs démonstrations. CYNlSCUS. Non, Jupiter, j'en jure par le fuseau de Clotho, ce ne sont pas eux qui m'ont inspiré ces questions ; c'est notre propos même, sans que nous nous en doutions, qui nous amène au point de dire que les sacrifices sont inutiles. Or, si tu veux le permettre, je t'adresserai encore quelques petites demandes ; réponds-y sans hésiter, et avec le plus de fermeté possible. JUPITER. Interroge, puisque tu as du temps à perdre à ces niaiseries. [7] CYNlSCUS. Tu dis que tout arrive par ordre des Parques. JUPITER. Oui. CYNlSCUS. Qu'il ne vous est pas possible de rien changer à leurs décrets et de dérouler leur fuseau. JUPITER. Nous n'y pouvons rien. CYNlSCUS. Veux-tu que je te tire de là une conséquence, ou te paraît-elle assez évidente pour que je n'aie pas besoin de la dire ? JUPITER. Elle est évidente. Ceux qui sacrifient ne le font pas par besoin, payant ce qu'ils ont reçu de nous et nous achetant en quelque sorte les biens, mais seulement pour honorer la supériorité de notre nature. CYNlSCUS. Cela suffit ; tu avoues toi-même que les sacrifices n'ont aucun but utile, et que c'est par bonté d'âme que les hommes honorent la supériorité de votre nature. Cependant, si quelqu'un de nos sophistes était ici, et qu'il te demandât sur quoi tu prétends que les dieux sont d'une nature supérieure, étant d'ailleurs soumis au même esclavage que les hommes et aux mêmes maîtresses, qui sont les Parques, il ne suffirait pas d'alléguer que les dieux sont immortels pour prouver l'excellence de leur être ; car c'est en cela même que consiste leur infériorité, attendu que la mort, au défaut de tout autre moyen, nous rend libres, tandis que votre malheur dure à l'infini, et que votre esclavage éternel est dévidé par un fil qui ne s'arrête jamais. [8] JUPITER. Cependant, Cyniscus, cette éternité, cet infini, c'est là notre bonheur, et nous y vivons sans cesse au sein des plaisirs. CYNlSCUS. Pas tous, Jupiter ; mais chez vous les affaires des uns ne sont pas celles des autres, et il y a là une grande confusion. Toi, tu es heureux, tu es le roi, tu peux enlever la terre et la mer, comme au bout d'une corde à puits ; mais Vulcain est boiteux, artisan et forgeron de son métier. Prométhée a jadis été mis en croix. Que dirai-je de ton père, qui est encore enchaîné dans le Tartare ? On dit que vous pouvez être amoureux, sujets à recevoir des blessures, réduits parfois à l'esclavage chez les hommes, comme ton frère chez Laomédon, comme Apollon chez Admète. Tout cela ne me paraît pas du bonheur. Quelques-uns d'entre vous me paraissent heureux et bien partagés, mais pour les autres c'est tout le contraire. Je ne parle pas des voleurs qui vous attaquent aussi bien que nous, des sacrilèges qui vous dépouillent, et qui, de riches, vous réduisent, en un clin d'œil, à la dernière pauvreté. Ajoutons que plusieurs d'entre vous sont passés à l’état de lingot, pour avoir été d'or ou d'argent, parce que c’était un décret de la Destinée. [9] JUPITER. Prends garde, Cyniscus, tes discours deviennent insolents, et tu pourrais bien t'en repentir. CYNlSCUS. Trêve de menaces, Jupiter ; tu sais qu'il ne peut m'arriver que ce que les Parques auront décidé avant toi : et puis je vois que les sacrilèges mêmes, loin d'être punis, vous échappent presque tous. La Destinée, je pense, ne veut pas qu'ils soient pris. JUPITER. Ne disais-je pas que tu es un de ces impies, qui, par leurs raisonnements, cherchent à détruire la Providence ? CYNlSCUS. Tu en as terriblement peur, Jupiter, et je ne vois pas trop pourquoi. Ainsi, tu t'imagines que tout ce que je te dis émane de leurs doctrines ? [10] Pour ma part (car de quel autre que de toi-même puis-je apprendre la vérité ?) je te ferai volontiers encore cette question : qu'est-ce que votre Providence ? Est-ce une Parque, ou bien une divinité supérieure, qui ait sur elles quelque autorité ? JUPITER. Je t’ai déjà dit, Cyniscus, qu'il ne t'est pas permis de tout savoir. Dans le principe, tu prétendais n'avoir qu'une chose à me demander, et tu ne cesses de me poursuivre d'une foule d'arguties. Je vois que le but principal de ton entretien est de prouver que notre providence ne règle pas les affaires humaines. CYNlSCUS. Ce n'est pas moi qui l'ai dit, c'est toi qui as avoué tout à l'heure que les Parques sont les souverains arbitres de l'univers, à moins que tu ne te repentes de cet aveu, et que tu ne veuilles te rétracter ; ou peut-être vous disputez-vous ce soin, et cherchez-vous à en écarter la Destinée. [11] JUPITER. Pas du tout. Seulement, c'est par nous que la Parque accomplit ses décrets. CYNlSCUS. J'entends. Vous êtes les serviteurs et les ministres des Parques, vous l'avouez. Mais alors ce seraient elles qui exerceraient la providence : vous ne seriez que leurs instruments et leurs outils. JUPITER. Que dis-tu ? CYNlSCUS. Le voici : de même que la hache et la tarière servent au charpentier, mais ne doivent pas être confondues avec cet artisan, et qu'un navire n'est pas l'œuvre de la hache et de la tarière, mais celle du charpentier, ainsi le grand charpentier de l'univers c'est la Destinée, et vous, vous n'êtes que les tarières et les haches des Parques. Il me semble, d'après cela, que les hommes doivent offrir leurs sacrifices à la Destinée et lui demander les biens, tandis qu'ils s'adressent à vous et vous honorent par des processions et des victimes. Et cependant ils honoreraient la Destinée, qu'ils ne seraient pas encore tenus de le faire, puisqu'il est impossible, je crois, aux Parques mêmes de changer ou de modifier en rien ce qu'elles ont ordonné de chacun, dès l'origine. Par exemple, Atropos ne souffrirait pas que l'on voulût tourner son fuseau en sens inverse, et détruire l'ouvrage de Clotho. [12] JUPITER. Tu prétends donc, Cyniscus, que les Parques n'ont aucun droit aux honneurs des hommes, et tu as l'air de brouiller tout dans une confusion générale. Mais nous n'aurions pas d'autres titres à ces honneurs, qu'il nous resterait encore celui de prédire l'avenir et de révéler tout ce qui a été décidé par les Parques. CYNlSCUS. En somme, Jupiter, il est inutile de prévoir ce qui doit être, quand il est impossible de l'éviter, à moins que tu ne veuilles dire par là que celui qui sait d'avance qu'il mourra par le fer d'une lance peut se soustraire à la mort, en s'enfermant dans une prison. Mais cela même est impossible. La Destinée l'en fera sortir pour aller à la chasse et le livrera au fer meurtrier. Adraste, en lançant son javelot contre un sanglier, manquera l'animal, et tuera le fils de Crésus; car l'arrêt inévitable des Parques dirige le fer contre le jeune homme. [13] Et cet oracle donné à Laius n'est-il pas bien risible : "Garde-toi d'engendrer, malgré l'ordre des dieux ; Tes jours seraient tranchés par un fils odieux". Ce n'était pas la peine, je pense, de donner cet avis, puisque l'événement devait, de toute nécessité, s'accomplir, En effet, malgré cet oracle, il engendra, et son fils le tua. Je ne vois donc pas à quel titre vous réclamez le salaire de vos prédictions. [14] Je pourrais ajouter que vous avez l'habitude de faire au vulgaire des réponses ambiguës, qu'ainsi vous n'expliquez pas nettement si celui qui passera l'Halys détruira son propre empire ou celui de Cyrus. L'oracle a ces deux sens. JUPITER. Apollon, Cyniscus, avait un motif d'être en colère contre le roi de Lydie, qui l'avait éprouvé en faisant cuire dans un même vase de la chair de mouton et de tortue. CYNlSCUS. Un dieu ne devait pas se fâcher. Je crois plutôt qu'il était écrit que le Lydien serait trompé par un oracle, et qu'en outre la Destinée lui avait filé la chance de n'en pas comprendre le sens : d'où je conclus que votre divination appartient encore à la Destinée. [15] JUPITER. Mais tu ne nous laisses rien. Nous ne sommes donc plus des dieux que pour rire, si notre providence n'a aucun pouvoir sur les affaires humaines, et, si nous ne méritons pas plus de sacrifices que des tarières ou des haches ? Je crois, ma foi, que tu te moques de moi, en me voyant, moi qui suis prêt à lancer la foudre, supporter patiemment de tels propos. CYNlSCUS. Frappe, Jupiter ; s'il est écrit que je dois être frappé de la foudre, je ne t'accuserai pas du coup, mais Clotho qui m'aura blessé par ton bras ; car je ne pourrais pas m'en prendre à la foudre même de ma blessure. Cependant, il faut que je vous demande à toi et à la Destinée, pour laquelle je te prie de me répondre, une chose dont tes menaces me font souvenir. [16] Pourquoi, laissant en paix les sacrilèges et les brigands, tant d'hommes effrontés, violents et parjures, foudroyez-vous la plupart du temps un chêne, une pierre, le mât d'un navire qui n'en peut mais, quelquefois même un vertueux et honnête voyageur ? Pourquoi ne réponds-tu pas, Jupiter ? Est-ce qu'il ne m'est pas permis de savoir cela ? JUPITER. Non, Cyniscus ; tu es trop curieux, et je ne sais pas où tu as pris tout ce que tu viens entasser contre moi. CYNlSCUS. Alors je ne vous demanderai pas, ni à toi, ni à la Providence, ni à la Destinée, pourquoi le vertueux Phocion est mort dans une si grande pauvreté, dans une disette absolue du nécessaire, et Aristide avant lui, tandis que Callias et Alcibiade, jeunes libertins, furent comblés de richesses, ainsi que l'insolent Midias, et Charops d'Éginète infâme débauché, qui fit mourir de faim sa propre mère. Je ne vous demanderai pas non plus pourquoi Socrate fut livré aux Onze, et non pas Mélitus ; pourquoi l'efféminé Sardanapale fut roi, tandis que tant de braves Perses furent mis en croix par ses ordres pour n'avoir pas approuvé tous ses actes. [17] Enfin je n'entre pas dans le détail de ce qui se passe ici bas, où nous voyons prospérer les méchants et les cupides, tandis que les honnêtes gens sont en proie à la pauvreté, accablés par les maladies et par des maux sans nombre. JUPITER. Tu ne sais donc pas, Cyniscus, quelles punitions attendent les scélérats après leur vie, et de quelle félicité jouiront les justes ? CYNlSCUS. Tu veux parler des Enfers, des Tityus, des Tantales : s'il y a quelque chose comme cela, j'en saurai la vérité quand je serai mort. Pour le moment je voudrais, quel que soit le peu le temps que j'ai à vivre, le passer agréablement, au risque d'avoir, après ma mort, le foie déchiré par seize vautours ; mais je ne voudrais pas, de mon vivant, avoir soif comme Tantale, dussé-je boire un jour tant qu'il me plaira, couché avec les héros dans les îles des bienheureux, au milieu des prairies de l'Élysée. [18] JUPITER. Que dis-tu là ? Tu doutes peut-être qu'il existe des supplices et des récompenses, un tribunal où l'on examine la vie de chacun ? CYNlSCUS. J'ai entendu parler d'un certain Minos de Crête, qui exerce là-bas les fonctions de juge. Tu peux m'en dire des nouvelles, puisqu'on prétend qu'il est ton fils. JUPITER. Que veux-tu savoir sur son compte, Cyniscus ? CYNlSCUS. Quels sont ceux qu'il punit, surtout ? JUPITER. Les méchants, tels que les homicides, les sacrilèges. CYNlSCUS. Et quels sont ceux qu'il envoie chez les héros ? JUPITER. Les bons, les saints, ceux qui ont toute leur vie pratiqué la vertu. CYNlSCUS. Et pourquoi cela, Jupiter ? JUPITER. Parce que les uns ont mérité une récompense et les autres un châtiment. CYNlSCUS. Et si quelqu'un a commis un crime involontaire, est-il juste de le punir ? JUPITER. Non. CYNlSCUS. Et si, sans le vouloir, on a fait une bonne action, mérite-t-on d'être récompensé ? JUPITER. Pas davantage. CYNlSCUS. Par conséquent, Jupiter, Minos ne doit punir ni récompenser personne. JUPITER. Comment, personne ? CYNlSCUS. Parce que nous autres hommes, nous ne faisons rien par notre volonté ; nous sommes soumis aux ordres d'une nécessité inévitable, si du moins le principe établi précédemment est vrai, à savoir que la Parque est la cause souveraine. Si quelqu'un commet un meurtre, c'est elle qui le commet ; si l'on est sacrilège, on ne fait que ce qu'elle a décidé ; d'où il suit que si Minos veut juger avec équité, il doit punir la Destinée au lieu de Sisyphe, et la Parque au lieu de Tantale. Quel mal, en effet, ont-ils commis ? Ils ont obéi à des ordres. [19] JUPITER. Tu ne vaux pas la peine que je réponde à de pareilles questions; tu n'es qu'un impertinent et un sophiste; je te laisse et je m'en vais. CYNISCUS. J'avais pourtant encore quelque chose à te demander: où habitent les Parques? comment peuvent-elles suffire à tant de soins minutieux, n'étant que trois? Ce doit être une vie bien occupée, un lot peu agréable que d'avoir tant de choses à faire, et elles ne sont pas nées sous un destin propice. Pour moi, si j'avais à choisir, je ne changerais pas ma vie pour la leur; j'aimerais mieux être encore plus pauvre que je ne suis, que de vivre assis, occupé à tourner un fuseau, chargé de choses si compliquées, et l'œil sans cesse à tout. Si tu ne trouves pas facile de répondre à tout cela, Jupiter, je me contenterai de ce que tu m'as déjà répondu: cela me suffit pour éclaircir la question de la Destinée et de la Providence, et il était écrit probablement que je n'en dois pas savoir davantage.