[40,0] LIVRE XL. [40,1] I. La haine implacable des deux frères qui passa à leurs enfants, et la guerre acharnée qu'elle alluma, ayant épuisé la Syrie et ses rois, le peuple recourut à des appuis étrangers, et chercha des rois au dehors. Les uns voulaient offrir la couronne à Mithridate, roi de Pont ; les autres à Ptolémée, roi d'Égypte ; mais le premier était engagé dans une guerre contre les Romains, et Ptolémée avait toujours été l'ennemi de la Syrie. Tous les suffrages se réunirent donc sur Tigrane, roi d'Arménie, qui, déjà puissant par lui-même, était de plus allié des Parthes, et parent de Mithridate. Appelé au trône de Syrie, il en jouit paisiblement pendant dix-huit ans, sans être jamais forcé d'attaquer ni de repousser aucun ennemi. [40,2] II. Mais la Syrie, à l'abri des incursions du dehors, fut désolée par un tremblement de terre, qui fit périr cent soixante-dix mille hommes, et renversa beaucoup de villes. Ce prodige, selon les aruspices, annonçait une révolution. En effet, Lucullus, ayant vaincu Tigrane, appelle au trône de Syrie Antiochus, fils de Cyzicène. Mais ce sceptre, donné par Lucullus, fut plus tard enlevé par Pompée, qui répondit aux réclamations de Cyzicène qu'il ne donnerait point à la Syrie, lors même qu'elle y consentirait, et encore moins malgré elle, un roi qui, pendant les dix-huit ans que Tigrane avait passés sur son trône, était resté caché au fond de la Cilicie, et qui, voyant Tigrane renversé par les Romains, venait réclamer le prix d'une conquête étrangère ; que, ne l'ayant pas dépossédé, il ne lui rendrait pas un sceptre que lui-même avait cédé à Tigrane et ne savait pas défendre. Il craindrait de livrer encore ce royaume aux incursions des Juifs et des Arabes. Pompée réduisit ainsi la Syrie en province romaine ; et, par la discorde de tant de souverains du même sang, l'Orient tomba petit à petit sous le joug de Rome.