[0] Les Prodiges. [1] I. Sous le règne de Romulus (An de R. 16) Après que Romulus, père et fondateur de la ville de Rome, eut pris la ville de Fidènes, et en eut fait une colonie des Romains, des gouttes de sang tombèrent du ciel, au grand étonnement de tous. Aussitôt il se répandit dans Rome une peste qui frappait de mort subite les hommes, sans qu'ils se sentissent atteints d'aucun mal. Ensuite la stérilité s'étendit sur toutes les campagnes; les moissons périrent, et la rareté des denrées devint excessive. Les Laurentins étant aussi tombés en proie à ces maux, on fut unanimement d'avis que l'une et l'autre ville devaient se mettre en devoir d'apaiser la colère des dieux, irrités de ce qu'on avait violé le droit des gens par le meurtre de Tatius et des ambassadeurs. Les auteurs du meurtre ayant donc été, de part et d'autre, livrés et punis, ce fut évidemment à leur supplice qu'on dut la fin de ces calamités. Romulus purifia les villes voisines, au moyen de certaines cérémonies expiatoires, qui, s'il faut en croire la tradition, furent encore pratiquées longtemps après, à la porte Férentine. Un jour que ce roi, déjà couvert de gloire par une foule d'actions immortelles, haranguait ses troupes aux environs du marais de Caprée, il s'éleva tout à coup une bruyante tempête, mêlée de tonnerres, pendant laquelle il se trouva enveloppé d'un nuage si épais, que tous ceux qui étaient présents le perdirent de vue; et de ce moment il ne reparut plus sur la terre. Or, les soldats romains, ayant appris de Julius Proculus que leur roi avait été enlevé au séjour des dieux, s'empressèrent de lui décerner les honneurs divins. [2] II. Sous le règne de Numa Pompilius (An de R. 19) La huitième année du règne de Numa, une maladie pestilentielle, qui désolait l'Italie, exerça aussi ses ravages dans Rome. Pendant que chacun était plongé dans la douleur, le bruit se répandit qu'un bouclier d'airain était tombé du ciel entre les mains de Numa; on s'imagina que les dieux avaient envoyé ce bouclier pour le salut de la ville. Numa, profitant de cette croyance , en fit fabriquer par Veturius Mamurius, ouvrier très-habile, onze de même forme; et ce roi institua, pour les garder, les Saliens, prêtres de Mars. [3] III. Sous le règne de Tullus Hostilius (An de R. 111) Il plut des pierres sur le mont Albain. Cet événement parut si extraordinaire, qu'on envoya des hommes pour constater la réalité d'un tel prodige. Ceux-ci virent, en effet, les pierres tomber du ciel en aussi grande quantité que la grêle agglomérée, lorsque les vents la poussent vers la terre. On entendit sortir, d'un bois sacré situé au sommet de la montagne, une voix qui avertissait les Albains d'offrir des sacrifices d'après les rites observés par leurs ancêtres. On célébra donc publiquement un sacrifice novemdial, qui, dès lors, demeura solennel, afin que, toutes les fois qu'il surviendrait un pareil prodige, on eût soin d'observer neuf jours de féries. Peu de temps après, une peste désastreuse exerça ses ravages. Hostilius, ayant voulu offrir des sacrifices à la manière de Numa, ne put sacrifier à Jupiter, et fut frappé de la foudre, qui le consuma dans son palais. [4] IV. Sous le règne d'Ancus Martius (An de R. 128) Lucumon, fils du Grec Démarate, et frère d'Aruns, était un jeune homme capable des plus nobles résolutions. Ne voulant pas rester à Tarquinies, où la mort venait de lui ravir son père, il avait vendu tous ses biens, et allait à Rome pour s'y fixer. Comme il approchait du mont Janicule, assis dans un char avec son épouse, un aigle descendu d'en haut lui enleva son bonnet. Bientôt après, le même aigle revint voltiger avec grand bruit au-dessus du char, et, comme s'il eût été envoyé exprès par les dieux, il remit adroitement le bonnet sur la tête de Lucumon. Tanaquil, habile dans la science des augures, crut apercevoir dans cet événement un présage de royauté en faveur de son époux. En effet, Lucumon, après s'être acquis beaucoup de crédit par sa fortune et son habileté dans les affaires, parvint à s'insinuer dans les bonnes grâces du roi Ancus. Choisi par lui pour tuteur de ses enfants, il s'empara du trône à la mort de ce roi, sous le nom de Tarquin l'Ancien, et il exerça l'autorité souveraine avec aussi peu d'obstacle que s'il eût été un successeur légitime. [5] V. Sous le règne de Tarquin l'Ancien (An de R. 158) Après la guerre contre les Sabins, Tarquin l'Ancien voulant, conformément à un voeu qu'il avait fait pendant cette guerre, élever un temple à Jupiter sur le mont Tarpéien, commanda que les autres temples et édifices sacrés fussent rendus profanes, afin d'affranchir celui de Jupiter de la concurrence des autres cultes; mais le vol des oiseaux, qui s'était montré favorable à ces profanations de tous les autels, s'y trouva tout à fait opposé à l'égard d'un seul temple, celui du dieu Terme. Ce prodige parut annoncer aux Romains que tout ce qu'ils feraient serait ferme et stable. Il fut suivi d'un autre qui annonçait la grandeur de leur empire; car, comme on creusait des fondements pour la construction du temple , on trouva, fort avant clans la terre, une tête d'homme dont les traits étaient parfaitement conservés, et couverte d'une sanie et d'un sang qui semblaient récemment sortis. Or, les aruspices, après avoir été interrogés au sujet de ce prodige, déclarèrent que ce lieu ne serait pas seulement le siége de l'empire romain, mais qu'il le deviendrait aussi du monde entier. [6] VI. Sous le règne de Servius Tullius (An de R. 201) Au territoire des Sabins, une vache d'une grandeur et d'une grosseur monstrueuses étant née dans les étables d'Andronus Coratius Latinus, les aruspices, interrogés, répondirent que le peuple qui immolerait le premier cette vache, obtiendrait la souveraine autorité. Latinus conduisit donc sa vache au mont Aventin, et expliqua au prêtre romain la cause qui la lui faisait amener. Mais le prêtre rusé, après avoir dit à Latinus qu'il devait d'abord purifier ses mains par l'eau vive, saisit le moment où celui-ci descendait vers le courant du Tibre, immole la vache pendant son absence, assure, de cette manière, l'empire à ses concitoyens, et se couvre de gloire par son action et son heureux stratagème. [7] VII. Sous le règne de Tarquin le Superbe (An de R. 244) Après que Tarquin eut envoyé à Signie et à Cercéie des colons, pour concourir à la défense de la ville, tant par mer que par terre, il arriva un prodige effroyable. Un serpent, sorti d'une colonne de bois, non-seulement causa dans le palais du roi l'épouvante et la fuite, mais frappa l'esprit du roi lui-même d'une terreur soudaine, et jeta tout le monde dans la consternation. Le comble du palais servait de retraite à des aigles, qui y firent leur nid : des vautours fondirent tout à coup sur les aiglons, et les mirent en pièces ; ce qui fut regardé encore comme le présage d'un désastre imminent. En effet, une guerre éclata bientôt contre les Rutules, Ardée fut assiégée; et les rois furent chassés de Rome, après l'attentat de Tarquin sur la personne de Lucrèce; enfin, pendant que Tarquin se retirait à Gabie, comme dans son royaume, on entendit un chien et un serpent proférer des paroles. [8] VIII. Sous les consuls L. Junius Brutus et L. Tarquin Collatin (An de R. 245) Dans le silence de la nuit, on entendit sortir de la forêt Arsie une voix forte, que l'on crut être celle d'un sylvain. Cette voix criait que, dans le combat des Romains contre les Véiens, une moitié de plus avait péri du côté des Étrusques, et que la victoire était demeurée aux Romains. [9] IX. Sous les consuls P. Posthumius Tubertus II, et Agrippa Menenius Lanatus (An de R. 251) Au plus épais de la nuit , on vit dans le ciel des lances ardentes. Immédiatement après, les Sabins firent sur le territoire de Rome une troisième irruption, pendant laquelle le consul Posthumius éprouva une grande défaite par sa négligence : si cette défaite n'avait pas été bientôt vengée par son collègue, c'en était fait de la république romaine. Deux colonies des Romains, Pométie et Core, passèrent du côté des Arunces, ce qui donna lieu à une guerre contre ceux-ci. [10] X. Sous les consuls T. Ebutius et C. Vetusius (An de R. 255) Pendant que le dictateur Aulus Posthumius combattait près du lac Régine, les Latins conjurés contre les Romains, lorsque déjà la victoire était chancelante, deux jeunes gens pleins de vigueur, montés sur des chevaux blancs, parurent tout à coup, combattant avec intrépidité pour le salut des Romains. Le dictateur, après la victoire, les fit chercher; il voulait honorer leur courage par des récompenses qui en fussent dignes. Comme on ne les trouva point, il crut que ces deux guerriers étaient Castor et Pollux. [11] XI. Sous les consuls M. Fabius Vibulanus et L. Valerius Potitus (An de R. 271) Tous les jours, à la ville et à la campagne, on aperçut dans le ciel des prodiges menaçants. Peu de temps après, la vestale Oppia, appelée Popinia par les uns, et par d'autres Popilia, fut punie de mort, pour avoir manqué à son voeu de chasteté. L'année suivante, pendant qu'art dehors la guerre se poursuivait avec acharnement, une violente discorde éclata dans l'intérieur ; les Èques prirent les armes, et les Véiens firent des incursions sur le territoire des Romains. [12] XII. Sous les consuls M. Fabius II et Cn. Manlius Cincinnatus (An de R. 274) Dans la guerre contre les Véiens, la foudre tomba sur la tente de Manlius; la toile en fut déchirée, et le foyer démoli : il eut ses armes souillées, brûlées et brisées entièrement. Le même coup tua le superbe cheval qu'il avait coutume de monter les jours de bataille. Les interprètes des prodiges, interrogés à ce sujet, répondirent que cet événement annonçait l'attaque du camp et la mort de très-illustres personnages. Il se livra contre les Étrusques un combat sanglant : Q. Fabius, frère de Marcus, deux fois consul et alors lieutenant, fut tué d'un coup de lance dans la poitrine ; le consul Manlius périt dans la défaite, et les retranchements des Romains furent emportés. [13] XIII. Sous les consuls Q. Servilius Priscus II et Sp. Posthumius Lavinius Regillensis (An de R. 288) Le ciel parut embrasé, et l'année fut extrêmement funeste à la santé des hommes et des bestiaux. Les Èques, en recevant les exilés des Antiates, violèrent leur traité avec les Romains, et firent des excursions sur le territoire des Latins. Q. Fabius Vibulanus, qui avait fait avec eux un premier traité de paix, fut envoyé contre eux l'année suivante, et les combattit vigoureusement; mais, réunis aux Volsques, et forts des mauvaises dispositions des Antiates, ils entrèrent de nouveau, avec une grande armée, sur le territoire des Romains, pour y commettre des ravages. Posthumius les vainquit et les mit en fuite. [14] XIV. Sous les consuls A. Posthumius Albinus Regillensis et Sp. Furius Medullinus Fuscus (An de R. 290) Le ciel parut de nouveau embrasé d'un grand nombre de feux, et l'on vit d'autres prodiges réels, sans parler des vains fantômes que crurent apercevoir des esprits épouvantés. Pour détourner de pareilles terreurs, on ordonna trois jours de féries, pendant lesquels tous les temples furent remplis d'hommes et de femmes venant en foule demander la paix aux dieux. On eut, contre les Èques, une guerre que Furius conduisit d'abord assez malheureusement, mais que Posthumius termina avec avantage. Les troupes antiates, pour être venues trop tard au secours, furent ignominieusement congédiées. L'année suivante, la peste exerça dans Rome les plus cruels ravages. [15] XV. Sous les consuls T. Lucretius Tricipitinus et T. Veturius Gensinus (An de R. 292) On vit encore le ciel embrasé comme auparavant, et une vache proféra des paroles. Les Èques, sans attendre les Latins et les Herniques, marchèrent à grandes journées vers Rome, dans l'espoir de s'en emparer pendant que la jeunesse en était absente; mais bientôt ils furent cernés par Lucretius, qui en fit un grand carnage, et les mit en déroute. Veturius ravagea le territoire des Volsques , dont, cette année, le nom même fut presque anéanti. [16] XVI. Sous les consuls P.Volumnius Arnentiuus et Servius Suipitius Camerinus (An de R. 293) La terre fut agitée par de violentes secousses, une vache parla, et, ce que, l'année précédente, on n'avait pas voulu croire, le ciel parut de nouveau tout en feu. Des spectres de formes diverses et des voix épouvantables frappèrent à la fois les oreilles et les yeux ; il plut de la chair, qui, tombant du ciel en manière de neige, et en fragments plus ou moins gros, était dévorée par toutes sortes d'oiseaux volant parmi, avant de tomber jusqu'à terre : le peu qui atteignit le sol , soit dans les champs, soit dans la ville, y demeura longtemps épars, sans altération de couleur et sans odeur, contrairement à ce qui arrive d'ordinaire à de vieilles chairs. Les devins du pays ne purent donner l'explication de ce prodige; mais les livres Sibyllins avertirent qu'on eût à se garder des ennemis du dehors et des séditions du dedans. Or, cette année, on tenta les plus grands efforts pour faire passer la loi Terentilla, concernant la création des décemvirs; et il en résulta de très-grandes dissensions entre les patriciens et les plébéiens. L'année d'après, les Romains bannis et les esclaves, au nombre de quatre mille, sous la conduite d'Appius Herdonius Sabinus, se rendirent maîtres du Capitole, d'où l'on ne parvint à les chasser qu'après avoir perdu un grand nombre de citoyens. [17] XVII. Sous les consuls L. Minuties Carbetus et C. Nautius Rutilius (An de R. 296) On vit dans le Capitole des loups, qui furent mis en fuite par les chiens. Ce prodige fut cause que l'on procéda à la purification de tout le Capitole. Les Èques, à qui, l'année précédente, on avait accordé la paix, rompant le pacte contracté, dévastèrent, sous le commandement de Gracchus Chélius, le territoire du Latium et de Tusculum, et vinrent établir leur camp au mont Algide. L. Minutius, qui avait marché contre eux, eut le malheur de rester assiégé dans son camp, jusqu'au moment où Quintius Cincinnatus vint enfin le délivrer. Les Èques furent alors vaincus et réduits à passer sous le joug. [18] XVIII. Sous L. Val. Potitus, M. Valerius, M. Furius Camillus et autres, tribuns militaires revêtus du pouvoir consulaire (An de R. 356) Un lac situé dans la forêt d'Albe éleva ses eaux à une hauteur extraordinaire, sans qu'il y eut eu de pluies, ni d'autre cause qui pût empêcher de considérer cet effet comme surnaturel. L'oracle, interrogé sur ce qu'un pareil événement pouvait présager, répondit qu'on eût à répandre dans les champs les eaux de ce lac, parce qu'alors les Véiens, auxquels on faisait une guerre opiniâtre et continuelle, seraient forcés de se soumettre au pouvoir du peuple romain. Immédiatement après que cela eut été exécuté, la capitale des ennemis fut prise par les Romains. Cependant de nouveaux ennemis, les Tarquiniens, voyant les Romains occupés à Anxur contre les Volsques, à Lavice contre les Èques, et, de plus, obligés de résister aux Véiens, aux Falisques et aux Capénates, se mirent à ravager leur territoire. Mais Aulus Posthumius et L. Julius, s'étant avancés contre eux à la tête d'une troupe de volontaires, leur firent prendre honteusement la fuite. [19] XIX. Sous P. Licinius, L. Ticinius, P. Menenius, Cn. Genutius, trib. milit. (An de R. 358) Les Véiens ayant été forcés de se rendre à la suite d'un long siége, les soldats romains, pendant le pillage de la ville, se mirent en devoir de transporter à Rome jusqu'aux statues des dieux. Or, comme un d'entre eux, soit par l'effet d'une inspiration divine, soit par un mouvement de gaîté juvénile, disait à la statue de Junon : Veux-tu aller à Rome, Junon? l'image de la déesse, après avoir fait de la tête un signe d'affirmation, répondit, au grand étonnement de tous, qu'elle irait volontiers. On la transporta donc à Rome, sur le mont Aventin, lieu où le dictateur avait manifesté le désir qu'elle fût placée, pour y demeurer à perpétuité, et Camille lui éleva un temple. [20] XX. Sous les consuls Q. Servilius Hala et L. Genutius II (An de R. 392) A Rome, au milieu de la place publique, soit par l'effet d'un tremblement de terre, soit par toute autre cause, le sol s'affaissa et se convertit en un immense abîme, que chacun tenta, mais vainement, de combler avec de la terre et toutes sortes d'autres matières. Or il en sortait des vapeurs extrêmement pestilentielles, qui attaquaient une infinité de personnes. Comme tous les remèdes devenaient impuissants, et qu'il ne restait plus d'espoir contre un pareil mal, le brave chevalier Marcus Curtius, dans un mouvement d'inspiration divine, sauva, par un trait de courage, le peuple réduit au désespoir. Car après qu'il se fut précipité tout armé dans l'abîme, pour le salut de la patrie, la peste, qui avait déjà moissonné un grand nombre de victimes, cessa aussitôt. [21] XXI. Sous les consuls L. Furius Camillus et Appius Claudius Crassus (An de R. 405) Dans la guerre que les Romains firent contre les Gaulois, sous le commandement de Camille, un corbeau s'abattit sur le casque de Valerius, tribun des soldats, pendant qu'il combattait contre un Gaulois qui l'avait provoqué. L'oiseau ne se borna pas à demeurer au poste qu'il s'était assigné; mais, toutes les fois que le combat recommença, se soutenant dans l'air ait moyen de ses ailes, il assaillit de son bec et de ses ongles le visage et les yeux de l'ennemi, jusqu'à ce que Valerius fût parvenu à trancher la tête du Gaulois, qu'un pareil prodige avait rempli d'effroi, et dont la vue et l'esprit étaient troublés. [22] XXII. Sous les consuls C. Martius III et T. Manlius Torquatus II (An de R. 416) Comme l'on consacrait un temple à Junon Moneta, à l'endroit de la ville où avait été la maison de Manlius, il survint tout à coup, après la dédicace, un prodige semblable à celui qui était arrivé, longtemps auparavant, sur le mont Albain. Il tomba une pluie de pierres, et il fit nuit au milieu du jour. Des féries furent indiquées à cette occasion, et des prières publiques furent faites, non-seulement par les tribus romaines, mais encore par les populations voisines. Des jugements du peuple furent rendus cette année contre les usuriers, auxquels les édiles assignèrent un jour pour comparaître. L'année suivante, on eut la guerre avec les Samnites, nation alors très-puissante par ses richesses et par ses armes. Cette guerre en suscita bientôt une autre des plus dangereuses contre le roi Pyrrhus et les Carthaginois. [23] XXIII. Sous les consuls Q. Fabius Maximus Rutilianus V et P. Decius Mus IV (An de R. 457) Il tomba du ciel une pluie de terre, et, dans l'armée d'Appius Claudius, beaucoup de soldats furent frappés de la foudre. Cette année, on eut contre les Samnites une guerre malheureuse. La peste fit des ravages extraordinaires dans toute l'Italie, et principalement à Rome. Les Gaulois furent vaincus et mis en fuite par Fabius. Fulvius combattit avec succès dans l'Étrurie contre les Thusciens. [24] XXIV. Sous les consuls M. Curius Dentatus II et L. Cornelius Lentulus (An de R. 479) Entre autres prodiges, la statue de Jupiter, placée dans le Capitole, fut renversée par la foudre; sa tête fut retrouvée par les aruspices. Pyrrhus entreprit la guerre contre les Romains, fut vaincu par Curius, et repoussé jusqu'à Tarente. Bientôt après, les Tarentins, ayant envoyé des ambassadeurs aux Carthaginois, pour leur demander du secours, recommencèrent la guerre contre les Romains, qui les vainquirent de nouveau. [25] XXV. Sous les consuls Q. Fabius Maximus Pictor et L. Quintius Gulo (An de R. 485) On vit à Rome des prodiges effrayants et de sinistre augure. Le temple de la déesse Salus fut démoli par la foudre, qui frappa dans le même endroit une partie du mur. Trois loups entrèrent avant le jour dans la ville, portant un cadavre à moitié dévoré, dont ils dispersèrent, au milieu de la place publique, les membres qu'ils abandonnèrent, effrayés par le bruit du peuple. A Formies, la foudre frappa de coups nombreux les murs qu'elle brûla et fit crouler de toutes parts. Dans le territoire de Calès, la terre s'étant entr'ouverte, il en sortit tout à coup une flamme qui dura trois jours et trois nuits, dessécha entièrement et convertit en cendres cinq arpens de terrain, de telle sorte que les fruits y furent consumés, et même les arbres jusqu'à leurs plus profondes racines. Cette année, Rome trouva de nouveaux ennemis dans les Picentins , contre lesquels elle se vit obligée de prendre les armes. [26] XXVI. Sous les consuls P. Sempronius Sophus et Appius Claudius Rufus (An de R. 486) Le consul Sempronius s'étant mis en marche avec ses légions pour attaquer les Picentins, au moment où les deux armées étaient déjà en présence, à la portée du trait, il survint tout à coup un tremblement de terre si violent et accompagné d'un si horrible fracas, que les soldats des deux armées demeurèrent stupéfaits d'un tel prodige. Toutefois on en vint bientôt aux mains, et le carnage fut tellement affreux, qu'on a dit, non sans raison, que la terre, sur le point d'être arrosée du sang d'un si grand nombre d'hommes, trembla, en faisant entendre un horrible bruit de gémissements. Les Romains pourtant sortirent vainqueurs de ce combat, mais après y avoir perdu la plus grande partie de leur monde. [27] XXVII. Sous les consuls M. Valerius Maximus et Q. Mamilius Vitulus (An de R. 489) Entre autres prodiges nombreux, on vit du sang sortir de terre et du lait tomber du ciel : en plusieurs endroits, du sang coula des fontaines, et des pluies de lait mouillèrent la terre d'une rosée qui annonçait la colère des dieux. Dans le même temps, les Carthaginois, auxquels le sénat avait adressé des reproches, par l'organe de ses ambassadeurs, pour avoir fourni du secours aux Tarentins contre les Romains, ajoutèrent le parjure à leur ignominieuse violation de la foi des traités. Eclata ensuite la conspiration des affranchis volsques contre leurs maîtres, crime horrible dont Fabius Gurgès leur fit bientôt subir le châtiment. Cette année encore, la ville de Rome fut désolée par une épidémie des plus affreuses. [28] XXVIII. Sous les consuls L. Valerius Flaccus et L. Octacilius Crassus (An de R. 493) A Rome, devant le temple de Jupiter, un violent tourbillon de vent renversa une colonne, avec une statue d'or. Après cet événement, tous les magistrats, sur la réponse des aruspices, se démirent incontinent de leur autorité. Cette année, une grande armée romaine fut envoyée en Sicile, où sa présence détermina une partie considérable de la population à se soumettre volontairement. Cependant les Carthaginois, qui n'avaient alors à craindre, en Afrique, aucune espèce d'hostilités, envoyèrent une seconde flotte dévaster les côtes de l'Italie. [29] XXIX. Sous les consuls M. Attilius Regulus Serranus II et Cn. Cornelius Blesus (An de R. 497) En Afrique, apparut un serpent d'une grandeur monstrueuse, qu'Attilius Regulus attaqua comme une forteresse, avec des catapultes et des balistes, et qu'il ne vainquit qu'avec peine, en perdant un grand nombre de soldats. Attilius, après plusieurs combats livrés aux Carthaginois, fut pris par eux cette année même. La dépouille de ce serpent avait, dit-on, cent vingt pieds de longueur, et l'on assure que ses mâchoires restèrent suspendues en un lieu public jusqu'à l'époque de la guerre de Numance. [30] XXX. Sous les consuls C. Quintius Flaminius et P. Furius Philon (An de R. 531) Dans le Picenum, les eaux d'un fleuve se changèrent en sang ; chez les Thusciens, le ciel parut embrasé ; à Ariminum, il fit grand jour au milieu de la nuit, trois lunes avant paru à trois endroits du ciel, distants les uns des autres; un violent tremblement de terre occasionna une telle secousse en Carie et clans l'île de Rhodes, que la plupart des maisons s'écroulèrent, et que l'énorme colosse fut renversé. La même année, Flaminius combattit contre les Gaulois, et fut vainqueur; l'année suivante, Claudius Marcellus les défit de nouveau, prit leur roi Viridomare, et s'empara de la très-florissante ville de Mediolanum, après avoir déjà soumis un grand nombre d'autres places de l'Insubrie. [31] XXXI. Sous les consuls Cn. Servilius Geminus et C. Quintius Flaminius II (An de R. 537) A Rome, dans le marché aux légumes, un enfant de six mois cria à haute voix : Triomphe ! Au marché aux boeufs, un boeuf monta de lui-même à un troisième étage, d'où il se précipita, effrayé par le bruit des personnes qui y étaient logées. On aperçut au ciel des espèces de navires. Au marché aux légumes, le temple de l'Espérance fut frappé de la foudre. A Lanuvium, une lance s'agita d'elle-même ; un corbeau vola dans le temple de Junon, et alla se placer sur le pulvinaire même. En divers endroits du territoire d'Amiterne, on aperçut au loin des spectres vêtus de blanc. Dans le Picenum, il plut des pierres. En Sardaigne, comme un chevalier faisait sa ronde pour inspecter les postes qui gardaient les remparts, le bâton qu'il tenait à la main s'enflamma ; et, en Sicile, les javelots de plusieurs soldats brûlèrent pareillement : les rivages brillèrent d'une multitude de feux; des soldats furent frappés de la foudre ; le disque du soleil parut diminué. A Préneste, des lampes ardentes tombèrent du ciel. A Arpi, apparut au ciel un bouclier rond. On vit la lune combattre avec le soleil, et l'on remarqua même deux lunes en plein jour. A Cérète, coulèrent des eaux mêlées de sang, la fontaine d'Hercule offrit aux yeux des taches de sang éparses çà et là parmi ses eaux. A Antium, des épis ensanglantés tombèrent dans une des corbeilles des moissonneurs. A Falérie, on vit le ciel se fendre en deux parties. Des billets servant à tirer au sort diminuèrent d'eux- mêmes. Mars agita sa lance; sur la voie Appienne, la statue de ce dieu se couvrit de sueur à l'aspect de simulacres de loups. A Capoue, on vit le ciel embrasé ; on aperçut au ciel des figures de navires. Le temple de l'Espérance fut frappé de la foudre; il y eut un horrible tremblement de terre ; chez quelques-uns, des chèvres devinrent couvertes de laine ; une poule se trouva changée en coq, et un coq changé en poule. La même année, Annibal envahit l'Etrurie, et les Romains furent vaincus dans un combat sanglant, sur les bords du lac Thrasimène. [32] XXXII. Sous les consuls C. Terentins Varron et L. Émilius Paulus II (An de R. 538) A Rome, sur le mont Aventin, et à Aricie, il plut en même temps des pierres et beaucoup de sang ; il coula de l'eau chaude d'une fontaine très-froide. Dans la rue Voûtée, qui était auprès du temple, plusieurs hommes furent atteints de la foudre et frappés de mort. Ensuite arriva cette mémorable défaite près de Cannes, village d'Apulie, dans laquelle Paul Emile périt avec quarante mille fantassins et deux mille sept cents cavaliers, où furent faits prisonniers plus de trois mille Romains, et qui mit Annibal en possession de la Campanie. [33] XXXIII. Sous les consuls L. Posthumius Albinos III et P. Semhronius Gracchus (An de R. 539) La mer jeta des flammes ; près de Sinuesse, une vache mit bas un poulain. A Lanuvium, les statues de Junon Sospita suèrent du sang, et il plut des pierres aux environs de son temple : cette pluie donna lieu à un sacrifice novemdial, et l'on ne négligea aucune expiation à l'égard des autres prodiges. Cette année, Posthumius fut défait dans les Gaules avec son armée. La guerre de Macédoine commença; les Romains obtinrent des succès en Espagne. Les Campaniens furent taillés en pièces, en Italie, près de Cumes. Les Carthaginois, battus et mis en fuite dans la Lucanie, éprouvèrent aussi une défaite près de Nole. Manlius extermina les Sardes. [34] XXXIV. Sous les consuls Q. Fabius Maximus Verrucosus IV et M. Claudius Marcellus (An de R. 540) A Lanuvium, des corbeaux firent leur nid dans le temple de Junon Sospita. Dans l'Apulie, un rameau vert s'enflamma de lui-même. A Mantoue, un étang, qui avait débordé dans le fleuve Mincio, parut rempli de sang. A Calès, il plut de la craie, et du sang à Rome, dans le marché aux boeufs. Dans un village de l'Istrie, une fontaine coula sous terre avec une telle force, que, semblable à un impétueux torrent, elle emportait les vaisseaux et les tonneaux qui se trouvaient en ce lieu. L'entrée publique du Capitole fut frappée de la foudre, de même qu'un temple dans le champ de Vulcain, un noyer et une route chez les Sabins, un mur et une porte à Gabies. A Préneste, la lance de Mars s'agita d'elle-même ; en Sicile, un boeuf parla. Chez les Marruciniens, un enfant dans le sein de sa mère cria : Triomphe ! A Spolète, une femme se trouva changée en homme. A Hadrie, on vit au ciel un autel autour duquel étaient des spectres vêtus de blanc. Bien plus, dans la ville de Rome même, on vit, pour la seconde fois, dans le Forum, un essaim d'abeilles. On aperçut aussi, sur le Janicule, des légions armées, qui toutefois disparurent bientôt, quand on se mit en devoir de les attaquer. La même année, Annibal, à la tête d'une puissante armée, s'avança vers Nole ; mais Marcellus l'empêcha d'en faire le siége, tailla en pièces une partie de ses troupes, et le chassa de la Campanie. On prit la ville de Cassilinum ; Fabius ravagea le Samnium et s'empara de plusieurs villes. Syracuse fut assiégée; on entreprit la guerre contre Philippe, qui laissa surprendre et enlever son camp près d'Apollonie. Les Scipion remportèrent de grands avantages en Espagne, et l'on recouvra Sagonte. [35] XXXV. Sous les consuls Q. Fabius Maximus et Sempronius Gracchus II (An de R. 541) Une muraille et des portes furent frappées de la foudre ; à Aricie, le temple de Jupiter en fut également atteint. On vit sur l'eau, près de Terracine, des espèces de grands navires, qui cependant n'existaient pas. Dans le temple de Jupiter Vicillin, qui est au territoire de Cosse, des armes firent entendre un son éclatant ; et à Amiterne le fleuve coula mêlé de sang. Syphax, roi des Numides, fut vaincu en combattant pour les Carthaginois contre le roi Masinissa. Chez les Bruttiens, de douze peuples qui, l'année précédente, s'étaient rangés du côté des Carthaginois, les Consentiniens et les Thuriniens rentrèrent sous l'obéissance du peuple romain. Le consul Sempronius prit d'assaut quelques villes chez les Lucaniens. Comme il venait d'offrir chez eux un sacrifice, deux serpents, sortis d'un endroit caché, dévorèrent subitement le foie de la victime qu'il avait immolée, et retournèrent dans leur même repaire. Cet événement ayant donné lieu à renouveler le sacrifice, le même prodige arriva. Une troisième victime ayant encore été immolée, on eut beau redoubler de vigilance pour en garder les entrailles, il fut impossible d'empêcher les serpents d'approcher et de s'enfuir ensuite. Bien que les aruspices eussent déclaré que cela promettait sûreté au général, Gracchus ne put cependant pas éviter les artifices du Lucanien Flavius, son hôte, et de tomber désarmé entre les mains des soldats carthaginois, qui le massacrèrent. [36] XXXVI. Sous les consuls Appius Claudius Pulcher et Q. Fulvius Flaccus III (An de R. 542) D'affreuses tempêtes s'élevèrent; il plut des pierres sur le mont Albain pendant deux jours consécutifs. Divers endroits furent frappés de la foudre, deux maisons an Capitole, le retranchement d'un camp, plusieurs lieux au-dessus de Suessule, et deux sentinelles en furent tuées. A Cumes aussi, une muraille, des tours et autres constructions furent foudroyées et renversées entièrement. A Réate, on vit une grosse pierre voler ; le soleil devint plus rouge que de coutume, et sa couleur ressembla à du sang. Annibal prit par trahison Tarente, excepté la citadelle. Les terres des Samnites furent ravagées par les Romains, auxquels Annibal fit éprouver deux sanglantes défaites. Ceux-ci assiégèrent et prirent Capoue. Publius et Cnéus Scipion reçurent la mort en Espagne, où l'ennemi les avait cernés. Pendant que L. Martius, chevalier romain, servait en Espagne, comme il adressait une harangue à ses soldats, une flamme d'heureux présage sortit de sa tête sans qu'il en sentît rien, et remplit de frayeur ceux qui l'environnaient; les soldats, avertis par là de reprendre courage, taillèrent en pièces trente- sept mille ennemis, firent un grand nombre de prisonniers et s'emparèrent de deux camps remplis d'effets précieux appartenant aux Carthaginois. Ce succès rendit quelque temps le repos à l'Espagne. Marcellus, après avoir pris Syracuse, revint à Rome couvert de gloire. [37] XXXVII. Sous les consuls M.Valerius Levinus II et M. Claudius Marcellus IV (An de R. 544) La statue de la Victoire, placée au haut du temple de la Concorde, ayant été frappée de la foudre, tomba sur d'autres statues de la Victoire fixées dans le temple, puis s'arrêta sans descendre plus bas. A Anagnie et à Frégelles, la foudre frappa aussi le mur et les portes de la ville. Sur la place de Suderne, des ruisseaux de sang coulèrent pendant tout un jour. A Érète, il plut des pierres. A Réate, une mule mit bas. Cette même année, un funeste incendie éclata dans Rome, par la malveillance des soldats originaires de la Campanie. Marcellus recouvra dans ce pays Salapie. La flotte romaine éprouva un échec près de Sacriport. En Espagne, Scipion prit d'assaut Carthage la Neuve. Marcellus défit l'armée d'Annibal, et une grande partie de la Sicile fut conquise. A Tusculum, naquit un agneau avec des mamelles pleines de lait. La foudre brisa le faîte du temple de Jupiter, et enleva le toit presque tout entier. A quelques jours de là, devant une porte d'Anagnie, elle frappa la terre, qui brûla, un jour et une nuit, d'un feu que rien n'alimentait. Dans un bois consacré à Diane, au carrefour dit Anagnien, des oiseaux abandonnèrent leurs nids sur les arbres. A Terracine, on vit dans la mer, à peu de distance du port, des serpents d'une énorme grandeur sauter en jouant comme des poissons. A Tarquinie, un porc naquit avec une face humaine. Au territoire de Capène, dans un bois consacré à Féronie, quatre statues suèrent du sang en abondance pendant un jour et une nuit. Bientôt après, Valerius Messaia ravagea le territoire d'Utique; et la loi portant le rétablissement des consuls fut promulguée à la suite de longs débats. [38] XXXVIII. Sous les consuls Q. Fabius Maximus Verrucosus V et Q. Fulvius Flaceus IV (An de R. 545) La foudre tomba, au mont Albain, sur la statue de Jupiter et sur un arbre voisin du temple ; à Ostie, dans le lac ; à Capoue, sur les murs et le temple de la Fortune ; à Sinuesse, sur la porte et sur les murs. A Albe, il coula de l'eau mêlée de sang. A Rome, dans le sanctuaire du temple de la Fortune virile, une statuette, qui ornait la couronne de la déesse, tomba d'elle-même dans ses mains. A Priverne, un boeuf parla, et un vautour s'abattit en plein marché dans une boutique. A Sinuesse, il naquit un enfant d'un sexe douteux ; un autre vint au monde avec une tête d'éléphant, et il plut du lait. Marcellus s'étant mesuré avec Annibal, fut d'abord battu mais il rétablit le combat, et força l'ennemi à prendre la fuite. Fabius recouvra Tarente ; Scipion obtint des succès en Espagne. [39] XXXIX. Sous les consuls M. Claudius Marcellus et T. Quintius Crispinus (An de R. 546) A Capoue, la foudre frappa deux temples, celui de la Fortune et celui de Mars, ainsi que plusieurs tombeaux. Des rats rongèrent de l'or dans le temple de Jupiter. A Cassine, un gros essaim d'abeilles vint s'abattre au milieu de la place. A Ostie, la foudre frappa une muraille et une porte. A Géré, un vautour vola dans le temple de Jupiter. A Vulsinies, il coula du sang d'un lac. Une terrible contagion se manifesta dans Rome et clans les campagnes voisines ; toutefois, elle y causa plus de maladies opiniâtres que de cas mortels. Marcellus, qui faisait alors tous ses efforts pour anéantir l'armée des Carthaginois, ou tout au moins pour la chasser de l'Italie, ayant offert un sacrifice solennel, dans l'intention de connaître la volonté des dieux, il se trouva que le foie de la première victime immolée n'avait pas de lobe, et que celui de la seconde en présentait deux. L'aruspice, examen fait des entrailles, répondit qu'il n'en était pas content, celles de la première victime étant incomplètes, et celles de la seconde d'un augure par trop favorable. Ainsi, averti de ne rien entreprendre témérairement, Marcellus sortit la nuit suivante pour faire une reconnaissance, n'ayant avec lui qu'une faible escorte : enveloppé par les ennemis chez les Bruttiens, il mourut percé d'un coup de lance, en combattant imprudemment contre Annibal. Crispinus, blessé grièvement, perdit également la vie ainsi, ce qui n'était jamais arrivé jusqu'alors, la république resta veuve de ses deux consuls, tués sans combat mémorable. [40] XL. Sous les consuls C. Claudius Néron et M. Livius Salinator II (An de R. 547) A Véies, des pierres tombèrent du ciel; à Minturnes, un ruisseau de sang coula par une porte. La foudre tomba sur le temple de Jupiter et dans le bois de Marica ; elle tomba aussi à Atelle, sur une muraille et sur une porte. A Capoue, un loup, étant entré la nuit par une porte, déchira une sentinelle. Il plut des pierres dans l'Armilustre. A Frusinone, naquit un enfant qui paraissait avoir quatre ans. Au mont Aventin, le temple de Junon la Reine fut frappé de la foudre. Les Romains défirent Asdrubal, avec toute son armée, sur les bords du fleuve Métaure. Dans cette affaire, ils tuèrent à l'ennemi cinquante-six mille hommes, lui en prirent cinq mille quatre cents, et recouvrèrent quatre mille des leurs qu'il retenait prisonniers. [41] XLI. Sous les consuls L. Veturius Philon et L. Cecilius Metellus (An de R. 548) A Terracine, la foudre frappa le temple de Jupiter, et à Satricum celui de la mère Matuta. Des portes du temple de Jupiter sortirent deux serpents. Des moissonneurs virent des épis ensanglantés. A Céré, naquit un porc à deux têtes, et un agneau mâle et femelle. A Albe, on vit deux soleils. A Frégelles, il fit jour pendant la nuit. Dans la campagne de Rome, un boeuf parla ; dans le cirque Flaminien, l'autel de Neptune se couvrit d'une sueur abondante. Les temples de Cérès, de Salus et de Quirinus firent frappés de la foudre. Les Lucaniens rentrèrent sous l'obéissance du peuple romain, sans y être contraints par les armes. Les villes des Bruttiens se rendirent aux Romains, qui reçurent aussi dans leur alliance le roi Masinissa, et assiégèrent la ville d'Astape. Scipion détruisit les Espagnols révoltés. [42] XLII. Sous les consuls P. Cornelius Scipiou et P. Licinius Crassus (An de R. 549) Des pluies de pierres tombèrent fréquemment du ciel : les livres Sibyllins ayant été consultés à ce sujet, l'on y trouva que l'ennemi du dehors, qui avait apporté la guerre en Italie, pourrait en être enfin chassé, si l'on transportait la mère Idéenne de Pessinunte à Rome. Cette même année, on combattit contre Annibal, chez les Bruttiens, sans résultats, à cause de la peste qui ravageait l'une et l'autre armée. De nouveaux troubles s'élevèrent en Espagne. En Italie, les Locriens furent admis dans l'alliance des Romains. [43] XLIII. Sous les consuls M. Cornelius Cethegus et P. Sempronius Tuditanus (An de R. 550) On vit deux soleils, et il fit jour pendant la nuit. A Sétie, on remarqua un météore igné, se dirigeant de l'orient à l'occident. A Terracine, une porte ; à Anagnie, une porte et une muraille furent en plusieurs endroits frappées de la foudre. A Lanuvium, dans le temple de Junon Sospita, on entendit un bruit accompagné d'un fracas horrible. Scipion passa de la Sicile en Afrique, où, après avoir ravagé le plat pays, il tua le jeune Hannon. Sempronius combattit contre Annibal, d'abord malheureusement, mais ensuite avec un succès qui coûta la vieà quatre mille Carthaginois. [44] XLIV. Sous les consuls Gu. Servilius Cépion et Gu. Servilius Geniiuus (An de R. 551) Dans le Capitole, des corbeaux brisèrent de l'or avec leur bec, et même ils en mangèrent. A Antium, des rats rongèrent une couronne d'or. Aux alentours de Capoue, une multitude innombrable de sauterelles couvrit toute la campagne. A Réate, un poulain naquit avec cinq pieds. A Anagnie, on vit d'abord, dans le ciel, des feux épars, puis une flamme ardente. A Frusinone, on remarqua le soleil entouré d'un cercle délié. Près d'Arpinum, la terre, s'affaissant au milieu d'un champ, ouvrit un gouffre profond. Comme l'un des deux consuls immolait la première victime, le foie se trouva dépourvu de lobe. En Afrique Scipion incendia, près d'Utique, le camp des Carthaginois. Plusieurs villes des Bruttiens se rendirent volontairement aux Romains, qui reçurent leur soumission, défirent Annibal dans le territoire de Crotone , et vainquirent aussi Magon, son frère, dans un sanglant combat. Le roi Syphax ayant violé la foi des traités, ils livrèrent son camp à la fureur des flammes, et le prirent lui-même. Cirte, sa capitale, fut prise par le roi Masinissa. [45] XLV. Sous les consuls M. Servilius Genjinus et T. Claudius Néron (An de R. 552) A Cumes, le disque du soleil parut diminué, et il plut des pierres. Dans le territoire de Vélitre, la terre, en s'affaissant, forma des profondeurs considérables, où des arbres furent engloutis. A Aricie, le feu du ciel tomba sur la place et sur les boutiques environnantes ; à Frusinone, plusieurs endroits de la muraille et une porte de la ville en furent pareillement atteints. Il plut des pierres sur le mont Palatin ; il y eut une grande inondation du Tibre. Claudius, cette année consul, essuya une affreuse tempête et fit naufrage. Cette même année fut remarquable par un grand incendie, par le bas prix des vivres, et par la mort de Q. Fabius Maximus, qui avait été vingt-deux ans augure. Annibal entra en Afrique avec une grande armée. Vermina, fils du roi Syphax, fut défait par les Romains. [46] XLVI. Sous les consuls Serv. Sulpitius Galba et C. Aurelius Cotta (An de R. 554) En Lucanie, le ciel parut embrasé. A Priverne, dans un beau jour et par un temps serein, le soleil devint couleur de sang. A Lanuvium, dans le temple de Junon Sospita, un grand bruit se fit entendre pendant la nuit. On annonça, en plusieurs endroits, que des animaux avaient mis bas des petits d'une forme hideuse. Chez les Sabins, il vint au monde un enfant d'un sexe douteux ; un autre était déjà parvenu à l'âge de seize ans sans qu'on pût discerner à quel sexe il appartenait. A Frusinone naquit un agneau avec une tête de porc ; à Sinuesse, un porc avec une tête humaine ; en Lucanie, dans un champ public, un poulain ayant cinq pieds ; enfin, on vit toutes sortes de monstres difformes, étranges productions de la nature égarée. Il y eut surtout des demi-mâles qui inspiraient tant d'horreur, qu'on ordonna de les jeter sur-le-champ à la mer. Alors s'alluma la guerre macédonique contre Philippe. Les Gaulois, Insubres, Cénomanes et Boïens, sous la conduite du Carthaginois Amilcar, firent des irruptions dans les pays voisins, et détruisirent les villes par la flamme et l'incendie. [47] XLVII. Sous les consuls L. Cornelius Lentulus et P. Villius Tappulus (An de R. 555) A Suesse, la foudre frappa deux portes et la partie de muraille qui les séparait; à Formies et à Ostie, le temple de Jupiter ; à Vélitre, celui d'Apollon et celui du dieu Sangus en furent pareillement frappés. Il vint un cheveu à une statue, dans le temple d'Hercule. Chez les Bruttiens, naquirent un poulain avec cinq pieds, et des poulets avec trois pattes. En Macédoine, une couronne de lauriers parut d'elle-même sur la poupe d'une galère. Cette année, il s'éleva en Macédoine une cruelle sédition parmi les soldats romains. C. Bebius Pamphilus combattit avec désavantage contre les Gaulois et les Insubres. Les Carthaginois apportèrent, pour la première fois, à Rome, l'argent du tribut qui leur avait été imposé. [48] XLVIII. Sous les consuls Sex. Élius Pétus et T. Quintius Flaminius (An de R. 556) La foudre tomba sur une route près de Véies ; à Lanuvium, sur la place publique et le temple de Jupiter; à Ardée, sur celui d'Hercule ; à Capoue, sur les murs, les tours et le temple appelé Albe ; à Arétie, le ciel parut embrasé. Près de Velitre, un espace de terre de trois arpents s'affaissa, et forma une profonde caverne. A Suesse naquit un agneau à deux têtes, et dans Sinuesse un porc ayant une tête d'homme. Le disque du soleil parut diminué. On fit, à l'occasion de ces divers prodiges, des prières publiques pendant un jour, et les consuls donnèrent leurs soins aux choses divines. Cette année, Flaminius combattit avec succès, dans les défilés de l'Épire, contre Philippe, roi de Macédoine. La Thessalie, voisine de la Macédoine, fut maltraitée par les Romains, quoiqu'elle eût pour alliés les Étoliens et les Athamanes. L. Quintius Flaminius, frère du consul, s'empara, par suite d'un combat naval, de l'île d'Eubée et de toute la côte maritime. Les Achéens furent admis dans l'amitié des Romains, et l'on découvrit et étouffa la conjuration des esclaves, tendant à mettre en liberté les otages carthaginois. [49] XLIX. Sous les consuls Cn. Cornelius Cethegus et Q. Minutius Rufus (An de R. 557) A Rome, la foudre frappa le temple de Vulcain et celui de Pluton, et à Fregelles, un mur et une porte. A Frusinone, il fit jour pendant la nuit. Asculum vit naître un agneau ayant deux têtes et cinq pieds. A Formies, deux loups, entrés dans la ville, déchirèrent quelques individus qui s'offrirent à leur rencontre. A Rome, un loup pénétra non-seulement dans la ville, mais même dans le Capitole. La guerre fut heureuse dans les Gaules ; Cornelius défit les Insubres, qui avaient pris les armes contre les Romains. Minutius s'approcha de Gênes avec son armée, commença la guerre contre les Liguriens, soumit les villes de Clastidie et de Litubie, les Célélates et les Cerdicéates ; et, à l'exception des Boïens Gaulois et des Iluates Liguriens, il accrut l'empire romain de tout le pays en deçà du Pô. [50] L. Sous les consuls L. Furius Purpuréon et M. Claudius Marcellus (An de R. 558) L. Julius, chevalier, allant chez les Sabins, fut tué par la foudre avec son cheval ; à Capène, la foudre tomba sur le temple de Féronie ; et, près de celui de Monéta, les fers de deux lances jetèrent des flammes. Un loup, entré par la porte Esquiline, quartier le plus fréquenté de la ville, parvint jusqu'au Forum, parcourut les rues Thuscie et Méfie, et se sauva, sans presque avoir été touché, par la porte Capène. Pour détourner l'effet de ces prodiges, on immola de grandes victimes. Annibal, après de vains efforts pour entraîner l'Afrique à de nouvelles hostilités, s'éloigna par crainte des Romains, et s'enfuit chez le roi de Syrie, Antiochus, qui leur faisait la guerre. Les Boïens battirent Marcellus dans l'Etrurie. Les Romains ravagèrent par le fer et par le feu le pays des Boïens et celui des Insubres. Philippe fut battu et mis en fuite dans la Thessalie. [51] LI. Sous les consuls P. Cornelius Scipion l'Africain H et T. Sempronius Longus (An de R. 560) A Rome, on vit des gouttes de sang dans le Forum, dans le comice et au Capitole ; il plut de la terre de temps en temps ; la tête de Vulcain s'embrasa. A Intéramne, il coula du lait ; à Ariminurn, des enfants de condition libre vinrent au monde sans yeux et sans nez ; dans le Picénum, il en naquit un sans pieds ni mains. Au territoire des Adrianes, il plut des pierres. Un décret des pontifes ordonna un sacrifice novemdial pour détourner les malheurs que présageaient ces prodiges. Dans la Gaule, le proconsul Lucius Valerius Flaccus combattit de pied ferme, aux environs de Mediolanum, les Gaulois, les Insubres et les Boïens, qui, sous la conduite de Dorulacus, avaient passé le Pô pour soulever les Insubres. Marcus Porcins Caton triompha de l'Espagne. T. Sempronius, qui avait d'abord soutenu la guerre contre les Boïens avec des succès mêlés de revers, les battit enfin et en fit un grand carnage. En Macédoine, T. Quintius ramena de la Grèce les garnisons romaines, et les conduisit à Brindes. [52] LII. Sous les consuls L. Cornelius Merula et Q. Minuties Thermos (An de R. 561) Il y eut de très grands et très violents tremblements de terre, et de grandes inondations; le Tibre couvrit de ses eaux les lieux bas de la ville. Quelques bâtiments s'écroulèrent près de la porte Flumentane ; la foudre frappa la porte Célimontane, et aux environs plusieurs endroits de la muraille. Il plut des pierres à Aricie, à Lanuvium et sur le mont Aventin. A Capoue, des essaims innombrables de guêpes volèrent sur la place et s'abattirent dans le temple de Mars : on les recueillit avec soin, et on les brûla. Ces prodiges donnèrent lieu à un sacrifice novemdial, et la ville fut purifiée. Minutius fut attiré par les Liguriens dans un très grand péril, dont il ne fut délivré qu'avec peine par l'adresse des Numides. Antiochus, à la sollicitation d'Annibal, entreprit la guerre contre les Romains, et l'on obtint des succès en Espagne. [53] LIII. Sous les consuls L. Q. Flaminius et Gn. Domitius Énobarbus (An de R. 562) Dans le Picénum, une chèvre mit bas six chevreaux d'une seule portée. A Arétium, il naquit un enfant n'ayant qu'une seule main. A Amiterne, il plut de la terre. A Formies, la foudre frappa une porte et une muraille. Un boeuf prononça : "Rome, prends garde à toi !" Ces prodiges, et d'autres encore, furent l'occasion de prières publiques ; mais les aruspices ordonnèrent de conserver le boeuf, et de le nourrir avec soin. Le Tibre déborda dans la ville avec une impétuosité dont on n'avait point encore eu d'exemple, entraîna deux ponts, et renversa un grand nombre d'édifices, principalement aux environs de la porte Flumentane. Une pierre énorme, détachée soit par les pluies, soit par un tremblement de terre trop faible pour être remarqué, roula du Capitole dans la rue Jugare, et écrasa plusieurs personnes. Partout où s'étendit l'inondation dans la campagne, elle entraîna les bestiaux et détruisit les habitations. Q. Minutius, s'étant mesuré avec les Liguriens dans la plaine de Pise, leur tua neuf mille hommes, mit le reste en déroute, et poursuivit les fuyards jusqu'à l'entrée de leur camp. Le pays des Boïens fut ravagé dans toute son étendue par les Romains. On obtint des succès dans les deux Espagnes. On combattit avec avantage les Vectones et les Tolétains. Le roi Antiochus traversa brusquement l'Hellespont avec une grande armée. [54] LIV. Sous les consuls P. Cornelius Scipiou Nasica et M. Attilius Glabrion (An de R. 563) Dans le quartier des Carènes, deux boeufs domestiques montèrent par l'escalier jusqu'au toit d'une maison ; les aruspices ordonnèrent qu'on les brûlât vifs, et qu'on jetât leurs cendres dans le Tibre. Des pluies de pierres tombèrent de temps en temps à Terracine et à Amiterne. Le temple de Jupiter à Minturnes, et quelques boutiques autour de la place, furent atteints par la foudre, qui, dans Vulturne, à l'embouchure du fleuve, frappa aussi deux vaisseaux et les incendia. A cause de ces prodiges, on institua un jeûne en l'honneur de Cérès, on célébra le sacré novemdial, et on fit des prières publiques pendant un jour. Cette année, Q. Minutius combattit avec succès contre les Liguriens, et détruisit quelques milliers de ces ennemis acharnés. Environ deux mois après, P. Cornelius combattit de pied ferme l'armée des Boïens; leur tua vingt-huit mille hommes et en fit prisonniers trois mille quarante, s'empara de cent vingt-quatre étendards, et de douze cent trente chevaux. Attilius prit Naupacte. On combattit heureusement sur mer avec Eumène et les lieutenants du roi Antiochus. [55] LV. Sous les consuls L. Scipion et C. Lélius (An de R. 564) La foudre frappa de telle sorte le temple de Junon- Lucine, que le comble et les fenêtres en éprouvèrent de grands dommages ; elle frappa encore beaucoup d'autres choses dans les environs. A Nursie, pendant un temps serein, il survint tout à coup un orage violent, et deux hommes en perdirent la vie. A Tusctdum, il plut de la terre. A Réate, une mule mit bas. On fit adresser des prières aux dieux par dix enfants et autant de jeunes filles, tous ayant père et mère. Cette année, Emilius Regillus combattit avec succès contre Antiochus, et ce roi tomba lui-même entre les mains de Scipion. [56] LVI. Sous les consuls M. Messala et C. Livius (An de R. 566) Pendant le jour, entre trois et quatre heures, survinrent des ténèbres. Des pluies de pierres étant tombées sur le mont Aventin, on célébra en expiation le sacré novemdial. On fit la guerre avec succès en Espagne. Le sacré novemdial fut encore célébré, à cause d'une pluie de pierres tombée dans le Picénum, ainsi qu'à l'occasion de l'apparition, en divers endroits, de feux célestes qui avaient effleuré et brûlé les vêtements de plusieurs personnes. La foudre frappa le temple de Jupiter au Capitole. En Ombrie, il se trouva un enfant de douze ans demi-mâle, dont les aruspices ordonnèrent la mort. Les Gaulois ayant franchi les Alpes pour entrer en Italie, en furent chassés sans combat. Antiochus signa un traité d'alliance avec les Romains, et ceux-ci furent inquiétés par les Thraces. [57] LVII. Sous les consuls M. Émilius Lépidus et C. Quintius Flaminius (An de R. 567) En Sicile, on vit avec une grande surprise apparaître l'île de Vulcain, île pierreuse, déserte, et qui vomissant des flammes par trois ouvertures. La même année, dans l'Espagne Citérieure, le préteur Q. Fulvius Flaccus défit vingt-trois mille hommes ; et, dans l'Espagne Ultérieure. Gracchus reçut la soumission d'une infinité de villes. Posthumius combattit avec bonheur contre les ennemis dans l'Espagne Citérieure, et Gracchus prit un grand nombre de villes dans la même contrée. [58] LVIII. Sous les consuls Sp. Posthumius Albinus et Q. Martius Philippus (An de R. 568) Pendant les jeux que P. Cornelius Cethegus et A. Posthumius Albinus donnaient à Rome, un mtât de navire, mal fixé, qui se trouvait dans le Cirque, tomba sur la statue de la déesse Pollentie, et la renversa. Les sénateurs, émus de cet événement qui intéressait la religion, arrêtèrent que l'on ajouterait un jour à la solennité des jeux, que l'on replacerait deux statues au lieu d'une, et que l'on ferait dorer la nouvelle. Gn. Manlius triompha des Gallogrecs, et introduisit à Rome les moeurs efféminées des Asiatiques. Presqu'en même temps, les Lusitaniens et les Celtibériens éprouvèrent en Espagne une sanglante défaite. [59] LIX. Sous les consuls M. Claudius et Q. Fabius Labéou (An de R. 571) Dans la partie découverte du temple de Vulcain et de celui de la Concorde, il plut du sang pendant deux jours. En Sicile, une île nouvelle parut dans la mer. Annibal périt par le poison en Bithynie. Les Celtibériens furent subjugués. La mort enleva deux généraux fort illustres, Scipion et Philippemen. [60] LX. Sous les consuls L. Émilius Paulus et Cn. Bebius Pamphilus (An de R. 572) Une violente tempête fit dans Rome des dégâts considérables, abattit vies statues d'airain dans le Capitole, renversa d'autres statues avec leurs colonnes dans le grand Cirque, brisa le comble de quelques temples et en fit voler au loin les débris. A Réate, il naquit un mulet n'ayant que trois pieds. A Caiète, le temple d'Apollon fut frappé de la foudre. Il plut du sang sur les places de Vulcain et de la Concorde. Les lances de Mars s'agitèrent d'elles-mêmes. A Lanuvium, la statue de Junon Sospita versa des larmes. Il survint une si grande peste, qu'on ne pouvait suffire à enterrer les morts. Six mois s'étant écoulés sans pluie, d'après les livres Sibyllins, on adressa des prières aux dieux. Les Liguriens furent vaincus dans un combat, et taillés en pièces. La peste se répandit dans la ville et dans la campagne ; elle épuisa Rome de citoyens, et ce n'est qu'avec peine qu'on parvint à lever une armée en Sardaigne pour arrêter la défection des Corses. Six mois entiers se passèrent sans pluie. [61] LXI. Sous les consuls Q. Fulvius et Cn. Manlius (An de R. 575) Durant des pluies continuelles, quelques statues se trouvèrent renversées au Capitole. A Rome et aux environs, beaucoup d'objets furent frappés par la foudre. Au lieu où était le lectisterne de Jupiter, les têtes des dieux se tournèrent par l'effet d'un tremblement de terre, qui fit tomber les tissus de laine couvrant la statue de ce dieu. Des rats rongèrent des olives sur une table. On triompha des Celtibériens. Les affaires prirent en Espagne une tournure favorable, et l'on obtint des succès contre les Liguriens. [62] LXII. Sous les consuls M. Sunius et Gn. Manlius (An de R. 576) Un incendie, qui brûla plusieurs bâtiments autour du Forum, consuma le temple de Vénus, sans qu'il en restât aucun vestige. Le feu du sanctuaire de Vesta s'éteignit ; la prêtresse, après avoir été fustigée par ordre de M. Emilius , grand pontife, promit qu'il ne s'éteindrait plus à l'avenir. On fit des prières publiques, et la guerre fut heureusement conduite en Espagne et en Istrie. [63] LXIII. Sous les consuls C. Claudius Pulcher et T. Sempronius Gracchus (An de R. 577) Au territoire de Crustumine, une grosse pierre tomba du ciel dans le lac de Mars. Il naquit dans la campagne de Rome un enfant d'une conformation affreuse. On vit un serpent qui avait quatre pattes. La foudre tomba sur plusieurs édifices du forum de Capoue ; elle frappa à Putéoles deux navires qui furent brûlés. Un loup entré dans Rome, en plein jour, par la porte Colline, s'échappa par la porte Esquiline, au milieu de tout le tumulte de ceux qui le poursuivaient. A l'occasion de ces prodiges, les consuls immolèrent de grandes victimes, et l'on fit des prières publiques pendant un jour dans tous les lieux consacrés au culte divin. Les Romains ravagèrent le territoire des Istriens. Julius et Manlius assiégèrent la ville de Nésatie. On prit de vive force et on démolit entièrement Mutile et Favérie. On eut des succès en Sardaigne ; les Ilienses et les Liguriens furent vaincus. A Crustumine, un oiseau appelé sanquale emporta dans son bec une pierre sacrée. En Campanie, un boeuf parla. A Syracuse, une vache d'airain fut couverte et aspergée de semence par un taureau sauvage; à Crustumine, on fit des prières publiques pendant un jour, au lieu même où le prodige était arrivé; et en Campanie, le boeuf fut nourri aux dépens du trésor public. Le prodige de Syracuse fut aussi expié, les aruspices ayant fait connaître à quels dieux on devait adresser les prières. Cette année, mourut aussi le grand pontife. [64] LXIV. Sous les consuls C. Claudius et L. Petilius (An de R. 578) Les consuls ayant immolé des victimes, le foie se gâta. Cornelius, revenant du mont Albain, fut atteint d'apoplexie, et mourut aux eaux de Cumes. Petellius reçut la mort dans un combat contre les Liguriens. On aperçut un météore dans le ciel. A Gabies, le temple d'Apollon et plusieurs édifices particuliers, à Gravisque, un mur et une porte furent frappés de la foudre. Les sénateurs ordonnèrent des expiations à cette occasion, conformément à l'avis des pontifes. Les Liguriens furent vaincus, et Sempronius subjugua les Sardes. [65] LXV. Sous les consuls M. Lepidus et Q. Mucius (An de R. 579) La peste exerça de tels ravages sur les hommes et sur les boeufs, que beaucoup de cadavres restèrent sans sépulture, et il ne parut pas un seul vautour. Les Celtibériens furent taillés en pièces. La nation des Basternes, si redoutable, fut ruinée sans combat et sans hostilité, par Persès, fils de Philippe. [66] LXVI. Sous les consuls Sp. Posthurnius Paulus et P. Mutins Seévola (An de R. 580) Vinrent au monde, au territoire des Véiens, un enfant à deux têtes; a Sinuesse, un autre enfant n'ayant qu'une seule main, et à Oxine, une fille avec des dents. En plein jour, par un ciel pur et serein, on vit en l'air, dans la place publique de Rome, un arc tendu au-dessus du temple de Saturne. Trois soleils brillèrent en même temps. La nuit suivante, aux environs de Lanuvie, plusieurs météores sillonnèrent le ciel. Dans la ville des Cérites, ou vit un serpent ayant une crinière, et dont le corps était parsemé de taches couleur d'or. Dans la Campanie, un boeuf parla ; et, chez les Sabins, il y eut un violent tremblement de terre. La même année, les Carthaginois, à la sollicitation de Persée, se coalisèrent avec les villes de la Grèce contre les Romains. [67] LXVII. Sous les consuls L. Posthumius Albinus et M. Popilius Lenas (An de R. 581) A Lanuvium, on aperçut dans le ciel l'image d'une grande flotte. A Priverne, la terre produisit une sorte de laine brune. Dans le pays des Véiens, près de Remente, il plut des pierres. Tout le Pomptin fut couvert d'une nuée de sauterelles. Dans un champ de la Gaule, plusieurs poissons sortirent de dessous les mottes de terre, à l'endroit où passait la charrue. On consulta les livres Sibyllins, à l'occasion de ces prodiges, et l'on fit des prières pour détourner les malheurs qu'ils pouvaient annoncer. En Étolie, il s'éleva de dangereuses séditions, parce que la dette publique était devenue considérable. Persée fit des préparatifs de guerre contre les Romains. Chez les Liguriens, dans la plaine de Stellate, près de la ville de Caryste, on livra une bataille dans laquelle dix mille hommes périrent, et dont l'avantage demeura aux Romains. [68] LXVIII. Sous les consuls C. Popilius Lenas et P. Élius Ligus (An de R. 582) A Saturnie, il plut du sang dans la ville pendant trois jours. A Calatie, naquit un âne n'ayant que trois pieds. Un taureau et cinq vaches furent tués d'un même coup de foudre. A Oxine, il plut de la terre. A l'occasion de ces prodiges, on ordonna des prières publiques pendant un jour, et les travaux furent suspendus. Cette année, les terres des Issenses éprouvèrent des dégâts très-affligeants; et il ne se passa rien alors de remarquable chez les Romains. [69] LXIX. Sous les consuls Q. Martius Philippus II et Q. Servilius Cépion (An de R. 585) A Anagnie, on aperçut dans le ciel un météore igné, et une vache proféra des paroles; à Minturnes, durant les mêmes jours, le ciel parut embrasé. A Réate, il plut des pierres. A Cumes, dans la citadelle, la statue d'Apollon pleura continuellement pendant pendant trois jours et trois nuits. A Rome, dans le temple de la Fortune, plusieurs personnes virent un serpent à crinière. Un rameau sortit du sol dans une place publique. Il plut du sang pendant le jour. A Frégelles, dans la maison de L. Atréus, une lance qu'il avait achetée pour son fils, alors soldat, jeta des flammes en plein jour pendant plus de deux heures, sans que le feu lui fît éprouver aucun dommage. Ces prodiges donnèrent lieu à des prières publiques ; ensuite on fit, autour de tous les endroits consacrés au culte divin, des sacrifices dans lesquels on immola de grandes victimes. Le roi Persée combattit avec succès dans la Thrace, après avoir vaincu les Dardaniens et subjugué les Illyriens. [70] LXX. Sous les consuls Q. Émilius Petus et M. Julius (An de R. 587) A Rome, plusieurs lieux sacrés et profanes furent frappés de la foudre. A Anagnie, il plut de la terre. A Lanuvie, on vit dans le ciel une torche ardente. A Calatie, dans un champ public, il sortit du sang de la terre pendant trois jours et deux nuits. Gentius, roi d'Illyrie, et Persée, roi de Macédoine, firent vaincus. [71] LXXI. Sous les consuls M. Marcellus et P. Sulpitius (An de R. 588) Il plut de la terre en divers endroits de la Campanie. Au territoire de Préneste, il tomba des pluies de sang. Chez les Véiens, il vint de la laine à des arbres. Dans le temple de Minerve, à Terracine, trois femmes, qui se tenaient assises après avoir sacrifié, furent tuées par la foudre. Dans le bois de la déesse Libitine, une statue équestre en airain jeta longtemps de l'eau par la bouche et par les pieds. Les Gaulois Liguriens furent taillés en pièces. Pendant qu'on tenait les comices, qu'on y briguait les honneurs avec une extrême avidité, et qu'à cette occasion le sénat était réuni au Capitole, un milan, en volant, laissa tomber, au milieu de l'assemblée des sénateurs, une belette qu'il avait prise dans le sanctuaire de Jupiter. Vers le même temps, la foudre frappa le temple de la déesse Sakis. Sur le mont Quirinal, on vit du sang sourdre de la terre. A Lanuvium, pendant la nuit, on aperçut, dans le ciel, un météore igné, et la foudre fracassa plusieurs objets. A Cassine, on aperçut le soleil, pendant la nuit, l'espace de quelques heures. A Théane Sidicin, un enfant vint au monde avec quatre mains et autant de pieds. On purifia la ville, et la paix se maintint au dedans et au dehors. [72] LXXII. Sous les consuls Cn. Octavius et T. Manlius (An de R. 589) La peste et la famine causèrent une telle désolation, que, d'après le conseil des livres Sibyllins, le peuple se mit en station dans les carrefours et autour des sacellums, pour offrir des sacrifices. Les portes du temple des dieux Pénates s'ouvrirent d'elles-mêmes pendant la nuit. Sur le mont Esquilin et sur le mont Quirinal, apparurent, en plein midi, plusieurs loups, qui furent poursuivis. La ville ayant été purifiée, on n'eut à déplorer aucun accident fâcheux. [73] LXXIII. Sous les consuls T. Gracchus et M. Juventius (An de R. 591) A Capoue, on vit le soleil pendant la nuit. Au territoire de Stellate, une partie d'un troupeau de moutons fut tuée par la foudre. A Terracine, trois enfants naquirent d'une même couche. A Formies, on vit deux soleils pendant le jour. Le ciel parut en feu. A Conce, un homme fut brûlé par un rayon sorti d'un miroir. A Gahies, il plut du lait. La foudre fit beaucoup de ravages sur le mont Palatin. Un cygne, tombé dans le temple de la Victoire, s'échappa des mains de ceux qui le prenaient. A Priverne, une fille naquit sans mains. Dans l'île de Céphalénie, on vit au ciel une troupe qui chantait en choeur. Il plut de la terre. Plusieurs toits furent renversés par une violente tempête, qui causa aussi beaucoup de dégâts dans les campagnes. La foudre tomba fréquemment. A Pisaure, une espèce de soleil brilla pendant la nuit. A Géré, il naquit un porc ayant des pieds et des mains d'homme ; il naquit aussi des enfants ayant quatre pieds et quatre mains. Sur la place d'Esium, un boeuf jeta de la flamme par la bouche, sans que son corps en fût atteint. [74] LXXIV. Sous les consuls P. Scipion Nasica et Gn. Martius (An de R. 592) A Anagnie, le ciel s'embrasa pendant la nuit ; beaucoup d'objets furent détruits par la foudre. A Frusinone, un boeuf parla. A Réate, il naquit un mulet n'ayant que trois pieds. Gn. Octavius, ambassadeur en Syrie, fut tué dans un gymnase par Lysias, tuteur du jeune Antiochus. [75] LXXV. Sous les consuls L. Lentulus et Q. Martius (An de R. 598) Au Capitole, une tempête violente ravagea le temple de Jupiter et ce qui l'entourait. La couverture du grand pont fut renversée dans le Tibre, ainsi que ses colonnes. Dans le cirque Flaminien, le portique qui se trouvait entre le temple de Junon la Reine et celui de la Fortune, fut frappé de la foudre, qui fracassa la plupart des édifices situés aux environs. Dans cette circonstance, un taureau, que l'on conduisait pour être immolé, tomba en chemin. On défit les Dalmates Scordisques. [76] LXXVI. Sous les consuls L. Opimius et Q. Posthumius (An de R. 600) Comme le consul Posthumius, avant son départ pour sa province, offrait un sacrifice, il ne trouva point de lobe au foie de plusieurs victimes. Sept jours après qu'il se fut mis en route, on le rapporta malade à Rome, et il mourut. A Consa, on vit des armes voler dans le ciel, et beaucoup d'objets furent renversés par la foudre. Les Gaulois et les Lusitaniens firent éprouver aux Romains des pertes considérables. [77] LXXVII. Sous les consuls M. Cl. Marcellus et L. Valerius Flaccus (An de R. 602) Au Champ de Mars, devant le temple de Jupiter, une colonne et une statue dorée furent renversées par un violent coup de vent. Les aruspices ayant répondu que les magistrats et les prêtres devaient périr dans peu de temps, tous les magistrats se démirent incontinent de leurs charges. On fit des prières publiques, tant parce qu'il avait plu des pierres à Aricie, que parce qu'en plusieurs endroits de Rome on avait vu des simulacres de toges qui disparaissaient aussitôt qu'on en approchait. On combattit en Lusitanie avec des chances diverses, et en Gaule avec succès. [78] LXXIII. Sous les consuls Spurius Posthumius et L. Pison (An de R. 606) Au milieu d'un vaste incendie qui exerça ses ravages dans Rome, le palais étant devenu la proie du feu, le sacrarium et un des deux lauriers qui étaient auprès demeurèrent entiers au milieu des flammes. Le faux Philippe fut vaincu. [79] LXXIX. Sous les consuls P. Scipion l'Africain et Lélius (An de R. 607) A Amiterne, un enfant naquit avec trois pieds et une seule main. A Rome et aux environs, beaucoup d'objets furent frappés de la foudre. A Géré, des ruisseaux de sang sortirent du sol, et, pendant la nuit, le ciel et la terre parurent embrasés. A Frusinone, des rats rongèrent de l'or consacré aux dieux. A Lanuvium, entre la troisième et la cinquième heure, deux cercles d'une couleur différente, l'un rouge et l'autre blanc, entourèrent le soleil. Une étoile brilla trente- deux jours de suite. Pendant le siége de Carthage, Asdrubal exerça une barbare cruauté envers les prisonniers romains. Bientôt après, Emilien détruisit Carthage. [80] LXXX. Sous les consuls Appius Claudius et P. Metellus (An de R. 611) A Amiterne, un enfant naquit avec trois pieds. A Caure, des ruisseaux de sang sortirent de terre. Les Salasses ayant fait éprouver une défaite aux Romains, les décemvirs déclarèrent avoir trouvé dans les livres Sibyllins que, toutes les fois qu'on serait sur le point de faire la guerre aux Gaulois, il fallait sacrifier sur leurs frontières. [81] LXXXI. Sous les consuls L. Metellus et L. Fabius Maximus (An de R. 612) La famine et la peste régnant à la fois, des prières furent adressées aux dieux par les décemvirs. Un hermaphrodite naquit à Luna ; il fut précipité dans la mer par ordre des aruspices. Les habitants de cette ville furent attaqués d'une peste si affreuse, qu'il n'en resta pas assez pour donner la sépulture aux cadavres épars de tous côtés sur la voie publique. L'armée romaine, après avoir éprouvé un échec en Macédoine, combattit contre Viriate avec un succès douteux. [82] LXXXII. Sous les consuls Gn. Cepion et C. Lelius (An de R. 614) A Préneste et dans l'île de Céphalénie, on vit des étendards tomber du ciel. Le mont Etna jeta des flammes en abondance. En expiation de ce prodige, on immola quarante grandes victimes. Viriate ayant été vaincu, on fut tranquille tout le reste de l'année. [83] LXXXIII. Sous les consuls M. Émilius et C. Hostilius Mancinus (An de R. 617) A Lanuvium, pendant qu'on prenait les auspices, les poulets s'échappèrent de leur cage, s'envolèrent dans la forêt de Laurente, et il ne fut pas possible de les retrouver. A Préneste, on vit dans le ciel un météore igné. Il tonna par un temps serein. A Terracine, le préteur M. Claudius fut brûlé par la foudre sur un vaisseau. Le lac Fucin déborda de tous côtés à une distance de cinq milles. Du sang coula dans le Grécostase et dans le comice. Au mont Esquilin, un poulain naquit avec cinq pieds. La foudre causa des dommages dans beaucoup d'endroits. Comme le consul Hostilius Mancinus s'embarquait au port d'Hercule pour aller à Numance, une voix se fit entendre tout à coup et dit : "Demeure, Mancinus !" Etant alors sorti du navire, et étant allé à Gênes s'embarquer de nouveau, on trouva, dans le vaisseau, un serpent que l'on saisit, et qui parvint à s'échapper. Bientôt après, ce consul, ayant éprouvé une défaite, fut contraint de se rendre aux Numantins. [84] LXXXIV. Sous les consuls L. Furius et Atilius Serranus (An de R. 618) Rhège fut presque entièrement réduite en cendres par un incendie dont on ne put attribuer la cause à la malveillance ni à la négligence de personne. Une servante mit au monde un enfant ayant quatre pieds, quatre mains, quatre yeux, quatre oreilles, et les parties naturelles doubles. A Putéoles, il coula du sang parmi des ruisseaux d'eaux chaudes. La foudre exerça ses ravages en beaucoup d'endroits. On brûla l'enfant par ordre des aruspices, et l'on jeta ses cendres dans la mer. L'armée romaine fut taillée en pièces par les Achéens. [85] LXXXV. Sous les consuls Servius Flaccus et Q. Calpurnius (An de R. 619) Le mont Etna lança plus de flammes que de coutume. A Rome, un enfant naquit sans fondement. A Bononie, des arbres produisirent des épis de blé. On entendit la voix d'un hibou d'abord dans le Capitole, et ensuite aux environs de la ville. Une récompense ayant été promise, un oiseleur prit cet oiseau, que l'on brûla, et dont on dispersa les cendres dans le Tibre. Un boeuf parla. A Numance, les affaires allèrent mal ; l'armée romaine éprouva des revers. [86] LXXXVI. Sous les consuls P. Africanus et C. Fulvius (An de R. 620) A Amiterne, le soleil parut au milieu de la nuit, et sa lumière brilla pendant quelque temps. Un boeuf parla, et fut nourri aux frais du trésor public. Il plut du sang. A Anagnie, la tunique d'un esclave brûla ; et, après l'entière extinction du feu, on ne découvrit aucune trace de la flamme. Au Capitole, pendant la nuit, un oiseau poussa des gémissements semblables à ceux d'un homme. Dans le temple de Junon la Reine, la foudre frappa un bouclier ligurien. Une guerre de fugitifs s'alluma dans la Sicile. L'Italie souffrit beaucoup de la conjuration des esclaves. Tiberius Gracchus fut tué en promulguant des lois. On rapporte de lui, que, le jour, de sa mort, il n'avait pas fait attention à ces présages sinistres : il avait offert, tant chez lui qu'au Capitole, des sacrifices accompagnés de funestes pronostics ; en sortant de sa maison, il avait heurté du pied gauche le seuil de la porte, et s'était foulé le pouce ; enfin, des corbeaux avaient jeté, de l'extrémité d'un toit, un fragment de tuile devant ses pieds. Des ruisseaux de lait coulèrent dans le lac Romain. A Luna, un espace de terre de quatre arpents s'abîma, et un lac remplit incontinent le gouffre. Il plut de la terre à Ardée. A Minturnes, un loup déchira une sentinelle, et s'enfuit au milieu du tumulte. A Rome, on vit un hibou et un oiseau inconnu. Dans le temple de Junon la Reine, quoique les portes fussent fermées, on entendit pendant deux jours la voix d'un enfant. On trouva des boucliers tachés d'un sang fraîchement versé. Une fille naquit avec quatre pieds. Au territoire de Ferentinum, naquit un androgyne qu'on jeta dans la rivière. Vingt-sept jeunes filles parcoururent la ville en chantant des chants expiatoires. En Italie, plusieurs milliers d'esclaves, qui avaient conjuré, furent arrêtés, non sans peine, et punis du dernier supplice. En Sicile, les fugitifs taillèrent en pièces les armées romaines. On détruisit Numance. [87] LXXXVII. Sous les consuls Appius Claudius et M. Perpenna (An de R. 624) A Réate, il naquit un mulet avec cinq pieds. A Rome, il plut du lait dans le Grécostase. A Ostie, un loup et un chien, aux prises ensemble, furent tous deux tués par la foudre, qui tua aussi d'un même coup, dans l'Apulie, un troupeau de moutons et le préteur du peuple romain. A Terracine, par un temps serein, la foudre toucha la voile d'un navire, qui fut jetée dans l'eau, et tout ce qu'il y avait dans le navire fut consumé par le feu. Publius Crassus périt dans un combat contre Aristonicus. La statue d'Apollon répandit des larmes pendant quatre jours : les devins en tirèrent le présage de la destruction de la Grèce, d'où cette statue avait été apportée. Les Romains offrirent alors des sacrifices, et des offrandes furent déposées dans le temple. On recouvra la Phrygie. Attale, par son testament, légua l'Asie aux Romains. Tandis qu'Antiochus, roi de Syrie, était sur le point de combattre à la tête d'une grande armée, des hirondelles firent leur nid dans sa tente : n'ayant tenu aucun compte de ce prodige, il livra bataille et fut tué par les Parthes. Pendant la dissension que fit naître la proposition de certaines lois par le triumvir M. Fulvius Flaccus, deux serpents noirs sortirent du sanctuaire de Minerve, et présagèrent la guerre civile. [88] LXXXVIII. Sous les consuls Cn. Octavius et T. Annius Rufus (An de R. 626) La foudre frappa une foule d'objets, tant au dedans qu'au dehors de Rome. A Réate, une mule mit bas. A Frusinone, une servante mit au monde un enfant ayant deux têtes ; on vit dans le ciel un météore igné, et, dans la ville, on entendit la voix d'un hibou. A Géré, il plut du sang, et l'on trouva un coq qui avait cinq pattes. Des guerres eurent lieu entre Antiochus, roi de Syrie, et Phraarte, roi des Parthes. Des troubles s'élevèrent chez les Égyptiens : Ptolémée Évergète, devenu odieux à ses sujets à cause de son excessive cruauté, eut son palais incendié par les Romains, et s'enfuit secrètement en Cypre. Irrité de ce que le peuple avait donné la couronne à sa soeur Cléopâtre, qu'il avait répudiée pour épouser sa fille, dont il avait joui par violence, il tua en Cypre le fils qu'il avait eu d'elle, et envoya à la mère la tête, les mains et les pieds de l'enfant. [89] LXXXIX. Sous les consuls M. Emilius et Lucius Aurelius (An de R. 628) Pendant la nuit, une tempête ébranla plusieurs temples au Capitole. A Rome et dans les environs, la foudre renversa divers objets. Le mont Etna, par l'effet d'un tremblement de terre, couvrit de ses feux toute sa cime; et, aux environs de l'île de Lipare, la mer bouillonna si fort que plusieurs navires furent brûlés, et la plupart des matelots étouffés par la vapeur : elle déposa, en divers endroits du rivage, une grande quantité de poissons morts ; et comme les Lipariens en mangèrent avec avidité, ils furent atteints d'une dysenterie mortelle, en sorte qu'un nouveau genre de peste ravagea les îles. D'après la réponse des aruspices, ce prodige présageait une sédition, qui éclata en effet quelque temps après. [90] XC. Sous les consuls P. Plautius et M. Fulvius (An de R. 629) Des arbres produisirent des épis de blé. Au territoire de Véies, il plut du lait et de l'huile. Un hibou fut aperçu dans le Capitole. A Arpi, il plut des pierres pendant trois jours. En Afrique, parut une prodigieuse quantité de sauterelles qui, poussées dans la mer par les vents et rejetées ensuite par les flots, répandirent à Cyrène une odeur insupportable et une vapeur mortifère dont il résulta une grave épizootie ; et l'on rapporte que huit cent mille personnes en périrent aussi. On rasa entièrement Frégelles, qui avait conjuré contre les Romains. Les Liguriens Sallyes furent taillés en pièces. [91] XCI. Sous les consuls C. Cassius Longinus et C. Sextilius (An de R. 630) Dans le Grécostase, il plut du lait. A Crotone, un troupeau de moutons, un chien et trois bergers furent tués par la foudre. A Sature, un veau naquit avec deux têtes. Il y eut du trouble dans Rome, à l'occasion des lois que Gracchus voulait faire promulguer. [92] XCII. Sous les consuls Gn. Domitius et C. Fannius (An de R. 632) Sur la place de Vessa, naquit un androgyne qu'on jeta à la mer. En Gaule, on vit trois soleils et trois lunes. Il naquit un veau à deux têtes. Un hibou se fit voir dans le Capitole, et une chaîne fut consumée dans un incendie. Les Sallyes et les Allobroges furent vaincus. [93] XCIII. Sous les consuls L. Opimius et Q. Fabius Maximus (An de R. 633) Un troupeau de loups dispersa les bornes qui avaient été placées par C. Gracchus, lors du partage des terres. Gracchus lui-même fut tué sur le mont Aventin. [94] XCIV. Sous les consuls L. Aurelius et L. Cécilius (An de R. 635) Dans le territoire de Rome, on trouva un androgyne âgé de huit ans, et on le jeta à la mer. Vingt-sept jeunes filles parcoururent la ville en chantant des chants expiatoires. [95] XCV. Sous les consuls M. Caton et Q. Martius (An de R. 636) Pendant un sacrifice qu'offrait le consul Caton, les entrailles de la victime se putréfièrent, et il ne se trouva point de lobe au foie. Il plut du lait. Il y eut un tremblement de terre, accompagné d'un mugissement. Un essaim d'abeilles vint s'abattre dans le Forum. On offrit un sacrifice d'après l'avis qu'en donnèrent les livres Sibyllins. [96] XCVI. Sons les consuls L. Cécilius et L. Aurelius (An de R. 637) La foudre frappa quantité d'objets, tant à Rome que dans les environs. A Préneste, il plut du lait. Au palais, les lances de Mars s'agitèrent d'elles-mêmes. A Priverne, un espace de terre de sept arpents s'abîma et forma un gouffre. A Saturnie, on trouva un androgyne âgé de dix ans, et on le précipita dans la mer. Vingt-sept jeunes filles parcoururent la ville en chantant des chants expiatoires. Le reste de l'année se passa tranquillement. [97] XCVII. Sous les consuls M. Acilius et C. Portius (An de R. 640) Pompeius Elvius, chevalier romain, revenant des jeux célébrés à Rome, s'en retournait en Apulie, et il arrivait dans le territoire de Stellate, lorsque sa fille, qui était à cheval, fut atteinte et tuée d'un coup de foudre. Quand on l'eut déshabillée, on trouva sa langue sortant par les parties naturelles, comme si le feu eût pénétré par la bouche. Les aruspices déclarèrent que cet événement présageait un grand déshonneur aux jeunes filles et à l'ordre équestre, attendu que les ornements qui couvraient le cheval avaient été dispersés. Trois vestales de familles fort illustres se rendirent en même temps coupables de fornication avec des chevaliers romains, et subirent, ainsi qu'eux, la punition de leur crime. Un temple fut construit à Vénus Verticordie. [98] XCVIII. Sous les consuls C. Cécilius et Gn. Papyrius (An de R. 641) Pendant la nuit, le mont Albain parut tout en feu. Plusieurs petits temples et une statue furent frappés de la foudre. L'autel de la déesse Salus se sépara en deux parties égales. Dans la Lucanie et dans le territoire de Priverne, la terre présenta tout à coup de larges abîmes. Dans la Gaule, le ciel parut embrasé. Les Cimbres et les Teutons, ayant passé les Alpes, firent un affreux carnage des Romains et de leurs alliés. [99] XCIX. Sous les consuls P. Scipion et L. Calpurnius (An de R. 643) Un incendie consuma la plus grande partie de la ville et le temple de la Mère des Dieux. Il plut du lait pendant trois jours, et de grandes victimes furent immolées à cette occasion. Alors commença la guerre contre Jugurtha. [100] C. Sous les consuls C. Sergius Galba et M. Scaurus (An de R. 646) On vit dans Rome un oiseau incendiaire et un hibou. Dans les carrières, un. homme fut dévoré par un autre homme. D'après l'avertissement des livres Sibyllins, trente jeunes garçons de condition libre, ayant tous père et mère, et autant de jeunes filles, sacrifièrent dans l'île de Cimolie. Plusieurs milliers d'hommes furent noyés par un débordement du Pô et de l'étang Arretin. Il plut deux fois du lait. A Nursie, une femme de condition libre mit au monde deux jumeaux : une fille, qui avait tous ses membres sains et entiers ; un garçon, dont le bas du ventre était tellement ouvert, qu'on lui voyait les intestins : cet enfant, qui n'avait point de fondement, expira après avoir poussé un cri. L'on combattit avec succès contre Jugurtha. [101] CI. Sous les consuls Q. Servilius Cépion et Atilius Serranus (An de R. 648) A Amiterne, l'enfant d'une servante, au moment où il sortait du sein de sa mère, dit : "Je vous salue." Au territoire de Péruse, et en quelques endroits de Rome, il plut du lait. Entre autres objets frappés de la foudre, à Atella, quatre doigts d'un homme furent coupés comme par un instrument tranchant. La seule vapeur de la foudre fondit des pièces d'argent. Dans le territoire de Trébule, une femme mariée à un citoyen romain fut frappée de la foudre et n'en mourut point. Un grand bruit se fit entendre dans les airs, et l'on vit un globe tomber du ciel; il plut du sang. A Rome, pendant le jour, on aperçut un météore volant clans les airs. Dans le temple des Lares, une flamme pénétra du bas de la couverture jusqu'au faîte, sans causer le moindre dommage. Le consul Cépion fit connaître les décisions des sénateurs et des chevaliers. On ne fut inquiété par aucun autre prodige. [102] CII. Sous les consuls P. Atilius et Corn. Manilius (An de R. 649) A Trébule Mutusce, avant le commencement des jeux, pendant que le joueur de flûte préludait avec son instrument, des serpents noirs environnèrent l'autel ; quand il cessa de jouer, ils disparurent. S'étant montrés de nouveau le lendemain, ils furent tués à coups de pierres par le peuple. Quand on ouvrit les portes du temple, on trouva la statue en bois du dieu Mars la tête en bas. L'armée romaine fut taillée en pièces par les Lusitaniens. [103] CIII. Sous les consuls C. Marius et C. Placcus (An de R. 650) On vit un hibou hors de la ville; un boeuf parla. A Trébule Mutusce, dans le temple, une statue fut trouvée la tête couverte, bien qu'elle l'eût découverte auparavant. A Nucérie, un orme, renversé par le vent, se releva de lui-même et reprit racine. En Lucanie, il plut du lait ; à Luna, du sang. A Ariminium, un chien parla. On vit au ciel, pendant le jour et pendant la nuit, des armes en orient et en occident les unes se battre contre les autres, et celles de l'occident céder la victoire. D'après la réponse des aruspices, le peuple offrit de la petite monnaie à Cérès et à Proserpine. Vingt-sept jeunes filles portèrent des offrandes aux dieux, en chantant des hymnes. La lune parut en plein jour, avec une étoile, depuis la troisième heure jusqu'à la septième. La contrée des Tburiniens fut ravagée par les fugitifs et les déserteurs. Les Cimbres, ayant passé les Alpes, traversèrent l'Espagne en la ravageant, et se joignirent aux Teutons. Un loup pénétra dans la ville. Des vautours furent tués sur une tour d'un coup de foudre. Vers la troisième heure, une éclipse de soleil changea le jour en ténèbres. Un essaim d'abeilles vint s'abattre devant le temple de Salus. Dans le comice, il plut du lait. Dans le Picénum, on vit trois soleils. Au territoire de Vulsine, une flamme sortit de terre, et on la vit ensuite s'élancer jusqu'au ciel. En Lucanie, deux agneaux naquirent avec des pieds de cheval, et l'un des deux avait une tête de singe. Dans le territoire de Tarquinia, des sources de lait jaillirent de terre. D'après la réponse des aruspices, on fit sculpter en bois d'olivier deux statues armées, et l'on adressa aux dieux des prières publiques. Les Thraces furent vaincus dans la Macédoine. [104] CIV. Sous les consuls C. Marius et Q. Luctatius (An de R. 652) L'on offrit un sacrifice novemdial à l'occasion d'une pluie de pierres tombée chez les Thusciens. La ville fut purifiée par ordre des aruspices; la cendre des victimes fut semée dans la mer par les décemvirs, et, pendant neuf jours, des processions générales, à la tête desquelles marchaient les magistrats , furent faites autour de tous les temples pour fléchir la colère des dieux, ce qui fut pratiqué également dans les villes municipales. Les lances de Mars s'agitèrent d'elles-mêmes dans le palais. Il plut du sang sur les bords du fleuve Anio. Au marché aux boeufs, un essaim d'abeilles vint s'abattre dans un sacellum. En Gaule, une lumière brilla pendant la nuit dans le camp romain. A Aricic, un enfant de condition libre fut enveloppé d'une flamme qui ne le brûla point. Le temple de Jupiter fut frappé de la foudre étant fermé : on décerna une récompense à l'aruspice Emilius Potensis, pour avoir proposé le premier l'expiation de cet événement, que ses collègues avaient soin de tenir caché, parce qu'il présageait leur perte et celle de leurs enfants. Les pirates furent détruits en Sicile par les Romains. Marius tailla en pièces les Teutons. Des boucliers s'agitèrent d'eux-mêmes avec grand bruit, et un esclave de Servilius Cépion s'étant mutilé en l'honneur de la mère Idéenne, on le transporta au delà des mers, afin qu'il ne revint jamais à Rome. On purifia la ville, par laquelle on promena une chèvre aux cornes ardentes, que l'on fit sortir par la porte Névie, et qu'on abandonna. Il plut de la boue sur le mont Aventin. Les Lusitaniens ayant été vaincus, l'Espagne Ultérieure fut pacifiée. Les Cimbres furent complètement défaits. [105] CV. Sous les consuls C. Marius et L. Valerius (An de R. 654) Dans le territoire de Tarquinies, on vit de divers endroits une torche ardente tomber tout à coup. Vers le le coucher du soleil, on aperçut un corps rond, de la forme d'un bouclier, prenant sa direction de l'occident vers l'orient. Dans le Picenum, un tremblement de terre renversa plusieurs habitations; quelques-unes, ébranlées dans leurs fondements, restèrent inclinées. On entendit un grand bruit d'armes qui semblait partir de dessous terre. Les quatre chevaux dorés placés dans le Forum suèrent aux pieds. On fit un grand carnage des fugitifs en Sicile dans plusieurs combats. [106] CVI. Sous les consuls M. Antoine et A. Posthumius (An de R. 655) Un hibou ayant été aperçu dans la ville, on la purifia. La pluie et la tempête causèrent de grands dégâts, et la foudre tomba en beaucoup d'endroits. A Lanuvium, dans le temple de Junon Sospita, on remarqua des gouttes de sang sur le lit de la déesse. A Nursie, un édifice sacré fut détruit par un tremblement de terre. Les Lusitaniens s'étant révoltés, on les subjugua. Pendant que Sextius, tribun du peuple, s'obstinait, malgré la répugnance de ses collègues, à proposer la loi agraire, deux corbeaux, volant en l'air, combattirent avec un tel acharnement au-dessus de l'assemblée, qu'ils se déchirèrent à coups d'ongles et de bec. Les aruspices déclarèrent, qu'il fallait offrir des sacrifices à Apollon, et surseoir à la promulgation de la loi proposée. Un grand bruit, qui semblait partir de dessous terre et monter jusqu'au ciel, présagea la disette et la famine. Le peuple porta de la petite monnaie, les matrones des pièces d'or et d'argent, et les jeunes filles diverses offrandes à Cérès et à Proserpine. Vingt-sept jeunes filles chantèrent des hymnes en l'honneur des dieux. On éleva deux statues de cyprès à Junon la Reine. Les Romains combattirent avec succès en Lusitanie. [107] CVII. Sous les consuls Q. Metellus et Tullius Didius (An de R. 656) Comme on allait immoler un taureau en expiation de ce qu'on avait vu dans le Capitole un hibou sur les statues des dieux, la victime tomba morte. Beaucoup d'objets furent renversés par la foudre. Les lances de Mars s'agitèrent d'elles-mêmes dans le palais. Au théâtre, pendant les jeux, il plut de la craie blanche ; ce qui fut regardé comme le présage d'une récolte abondante et de saisons favorables. Il tonna par un temps serein. Comme les décemvirs offraient un sacrifice dans le temple d'Apollon, le foie de la victime se trouva dépourvu de lobe. Pendant le sacrifice, ils trouvèrent un serpent près de l'autel. De plus, un androgyne fut jeté à la nier. Au Cirque, des flammes voltigèrent entre les javelots des soldats. Les Espagnols furent vaincus dans plusieurs combats. [108] CVIII. Sous les consuls Cn. Cornelius Lentulus et P. Licinius (An de R. 657) On fit à Rome des prières publiques à l'occasion d'un androgyne qu'on avait trouvé et précipité dans la mer. A Pisaure, on entendit un grand brùit sortir de la terre. Les créneaux des murailles tombèrent de tous côtés, sans qu'on pût attribuer leur écroulement à aucun tremblement de terre, ce qui fut regardé comme un présage de discordes civiles. A Nursie, la statue de Jupiter se tourna du côté gauche. Vingt-sept jeunes filles, après avoir dressé des statues de cyprès à Junon la Reine, parcoururent processionnellement la ville. Les Celtibères, les Mèdes et les Dardaniens fuient vaincus. [109] CIX. Sous les consuls Cnéus Domitius et Caïus Cassius (An de R. 658) Un loup, entré dans la ville, fut tué dans une maison particulière. Un hibou fut tué dans le Capitole. Beaucoup d'objets furent renversés par la foudre. Les statues dorées de Jupiter eurent la tête séparée du tronc et furent disjointes de leurs colonnes. A Fésules, il sortit du sang de la terre. A Arretium, des épis de blé prirent naissance dans le nez d'une femme : la même femme vomit des grains de froment, et la ville fut purifiée. Ptolémée, roi d'Egypte, mourut à Cyrène, après avoir institué ses héritiers le sénat et le peuple romain. [110] CX. Sous les consuls P. Crassus et Q. Scévola (An de R. 659) A Céré, il plut du lait. A. Lébadie, Eutychide, étant entré dans le temple de Jupiter Trophonius, enleva une table d'airain sur laquelle étaient des inscriptions qui tenaient à l'histoire de Rome. Beaucoup d'animaux furent tués par la seule vapeur-de la foudre. A Venafre, la terre s'enfonça, et forma un gouffre profond. Des vautours qui déchiraient un chien mort, furent tués et dévorés par d'autres vautours. Il naquit un agneau à deux têtes, un enfant qui avait trois mains et autant de pieds, et les lances de Mars s'agitèrent d'elles-mêmes dans le palais. A Urbinuin, naquit un androgyne, qui fut jeté à la mer. La paix régna au dedans et au dehors. [111] CXI. Sous les consuls C. Lélius et L. Domitius (An de R. 660) On offrit un sacrifice novemdial à l'occasion d'une pluie de pierres tombée chez les Volsques. A Vulsinies, la lune, alors nouvelle, disparut tout à coup, et ne reparut que le lendemain à la troisième heure. Il naquit une fille morte, ayant deux têtes, quatre pieds, quatre mains, et dont les parties sexuelles étaient doubles. Un oiseau incendiaire fut aperçu et tué. Chez les Vestiniens, il plut des pierres dans une métairie. Un météore igné apparut dans le ciel, et le ciel lui-même sembla embrasé. Du sang sortit de terre, et se coagula. Des chiens rongèrent publiquement des pierres et des tuiles. A Fésules, on vit en plein jour une grande multitude de fantômes en vêtements de deuil, le visage pâle, se promener par troupes au milieu des sépulcres. Les princes d'Espagne, en état de révolte, furent punis, par Nasica, du dernier supplice, et l'on détruisit leurs villes. [112] CXII. Sous les consuls C. Valerius et M. Herennius (An de R. 661) A Rome et dans les environs, divers objets furent renversés par la foudre. Une servante mit au monde un enfant qui n'avait qu'une main. A Frégelles, le temple de Neptune s'ouvrit de lui- même pendant la nuit. En enlevant les entrailles d'un veau mâle, on lui trouva dans le ventre deux autres petits veaux. A Arretium, la statue d'airain de Mercure se couvrit de sueur. En Lucanie, un troupeau de moutons se trouva au pâturage enveloppé d'une flamme qui l'accompagna dans la bergerie, où elle dura toute la nuit sans lui causer le moindre mal. A Carséoles, il coula un torrent de sang. Des loups entrèrent dans la ville. A Préneste, de la laine voltigea dans les airs. Dans l'Apulie, une mule mit bas. On prit à Rome un milan dans le temple d'Apollon. Dans deux sacrifices qu'offrit le consul Herennius, le foie de la victime se trouva dépourvu de lobe. Pendant le sacré novemdial, le repas servi devant la déesse fut mangé par un chien avant qu'on y eût touché. A Vulsinies, vers le point du jour, on vit briller au ciel une flamme qui, après s'être concentrée, présenta une bouche de feu de couleur ferrugineuse. On vit le ciel descendre, et de son ouverture sortirent des tourbillons de flammes. On détourna, par des lustrations, les malheurs annoncés par ces prodiges ; en sorte que toute l'année fut tranquille au dedans et au dehors. [113] CXIII. Sous les consuls C. Claudius et M. Perpenna (An de R. 662) Un hibou, que l'on avait pris dans le temple de la Fortune équestre, mourut entre les mains de ceux qui le tenaient. A Fésules, un grand bruit souterrain se fit entendre. Une servante mit au monde un enfant sans conduit urinaire. On trouva une femme ayant les parties sexuelles doubles. On vit au ciel un météore igné. Un boeuf parla. Un essaim d'abeilles vint s'abattre sur le toit d'une maison particulière. A Volaterre, on vit couler un ruisseau de sang. A Rome, il plut du lait. A Arretium, on trouva deux androgynes. Un poulet naquit avec quatre pattes. Beaucoup d'objets furent frappés de la foudre. On fit des prières publiques. Le peuple porta le denier d'offrande à Cérès et à Proserpine. Vingt-sept jeunes filles parcoururent la ville en chantant des hymnes. En Macédoine, les Mèdes exercèrent de cruels ravages par toute la province. [114] CXIV. Sous les consuls L. Martius et Sextus Julius (An de R. 663) Tandis que Libius Troso et P. Tarquinius proposaient des lois, au commencement de la guerre d'Italie, plusieurs prodiges apparurent dans Rome. Au lever du soleil, un globe de feu, accompagné d'un bruit éclatant du ciel, brilla au septentrion. A Arretium, du sang sortit du milieu de quelques pains qu'on venait de rompre. Chez les Vestiniens, il plut pendant sept jours des pierres et des tessons. A Ænarie, sortit de la terre entr'ouverte une flamme qui s'élança vers le ciel. Auprès de Rhegium, il y eut un tremblement de terre qui détruisit une partie de la ville et de ses murs. Au territoire de Spolète, un globe de feu, de couleur d'or, tomba jusqu'à terre en tournoyant, puis, devenu plus grand, il s'enleva de terre, se dirigea vers l'orient, et couvrit le disque du soleil. A Cumes, dans la citadelle, la statue d'Apollon se couvrit de sueur. Au cirque Flaminien, le temple de la Piété fut frappé de la foudre étant fermé. A Asculum, des Romains furent tués dans les jeux. Les Latins ayant amené des champs dans la ville différents troupeaux, il se fit de tous côtés un grand carnage d'hommes, et les troupeaux de boeufs parvinrent à un tel degré de fureur, que, s'élançant les uns sur les autres, ils offraient l'image d'une véritable guerre; et les lamentations causées par mille émotions douloureuses annonçaient un désastre à chacun. [115] CXV. Sous les consuls L. Julius César et P. Rutilius (An de R. 664) Metella Cécilia ayant déclaré qu'en songe elle avait rappelé avec peine, par ses prières, Junon Sospita, qui s'enfuyait à cause de l'immonde profanation de ses temples, expia par des supplications les honteuses obscénités dont s'était souillé par ses prostitutions le corps des matrones, obscénités au milieu desquelles une chienne avait mis bas sur le lit de la déesse, au pied de sa statue, et rendit ce corps à sa première splendeur. Des Romains furent barbarement torturés par les Picentins ; on essuya des revers de toutes parts dans le Latium. Lucilius Lupus n'ayant pas trouvé de lobe au foie en examinant les entrailles d'une victime, et n'ayant tenu compte de cet avertissement des dieux, perdit son armée et fut tué dans le combat. [116] CXVI. Sous les consuls L. Sylla et Q. Pompeius (An de R. 666) Pompeius Sylo étant entré sur un char de triomphe dans la ville de Bovianum, qu'il avait prise, fournit par là aux ennemis un présage de victoire, parce qu'une entrée triomphale a coutume de se faire dans une ville victorieuse, et non dans une ville vaincue. A la première bataille, son armée fut anéantie, et lui-même tué. Pendant que Mithridate se préparait à la guerre contre les alliés, des prodiges apparurent. Au Stratopédon, lieu où le sénat tient ordinairement ses assemblées, des corbeaux tuèrent un vautour à coups de bec. Au même endroit, un grand astre étant tombé du ciel, on vit l'image de la déesse Isis lui lancer la foudre. Au moment où Mithridate faisait brûler un bois consacré aux Furies, on entendit un éclat de rire dont il fut impossible de découvrir l'auteur ; et tandis que, d'après l'ordre des aruspices, ce prince immolait une jeune fille aux mêmes Furies, il s'échappa du gosier de la jeune fille un rire qui troubla le sacrifice. La flotte de Mithridate fut détruite par les Romains dans un combat livré en Thessalie. Pendant que Cinna et Marius, par leurs guerres civiles, commettaient d'épouvantables cruautés à Rome, le ciel sembla fondre sur le camp de Gnéus Pompée ; la foudre frappa des armes et des enseignes, et tua des soldats. Pompée lui-même mourut asphyxié par elle. Le peuple mit son lit en pièces et traîna son cadavre à la voirie, parce qu'il s'était obstiné à ne point secourir la patrie prête à succomber sous le poids des guerres civiles, quoiqu'il fût revêtu d'un grand pouvoir, et qu'il eût à sa disposition de nombreuses armées. Tandis que Sylla assiégeait le Pirée, un de ses soldats, qui portait des matériaux destinés aux travaux de siége, fut tué par la foudre. Un aruspice répondit que le soldat étant tombé la tête vers la ville, cela présageait que les Romains, après de longs travaux, y entreraient en vainqueurs. Peu de temps après, Sylla prit Athènes et le Pirée. Ilium ayant été brûlée par C. Fiinbria, et le temple de Minerve étant aussi devenu la proie des flammes, la statue antique de la déesse demeura intacte parmi les décombres ; ce qui fut, pour les habitants, le présage de la restauration de leur ville. Au territoire de Mutine, deux montagnes se jetèrent l'une sur l'autre, et se heurtèrent avec un épouvantable fracas ; puis, comme elles se retiraient, des flammes et de la fumée sortirent d'entre elles, et s'élevèrent au ciel. Toutes les habitations qui se trouvèrent sur leur passage furent broyées et un grand nombre d'animaux furent tués. Cette année vit éclater la guerre sociale, qui ne fut guère moins funeste à l'Italie que la guerre civile. Pendant cette guerre, comme L. Cornelius Sylla, au territoire de Nole, offrait un sacrifice devant sa tente, il vit tout à coup un serpent se montrer à l'un des côtés de l'autel ; et, sur les exhortations de l'aruspice Posthumius, il s'empressa de conduire sur-le-champ ses troupes à l'ennemi, et s'empara du camp retranché des Samnites ; victoire qui fut pour lui le commencement de la puissance sans bornes à laquelle il parvint plus tard. [117] CXVII. Sous les consuls Cn. Octavius et L. Cornelius Cinna (An de R. 667) La tête de la statue d'Apollon tomba sans aucune cause évidente : on la trouva tellement fixée en terre, qu'on fit vainement les plus grands efforts pour l'en arracher. Octavius, témoin de ce prodige, comprit qu'il présageait sa perte, et ne put cependant l'éviter. Il fut, en effet, cruellement massacré, et la tête immobile du dieu put enfin être arrachée de terre. [118] CXVIII. Sous les consuls L. Scipion et C. Norbanus (An de R. 671) Du temps de Sylla, entre Capoue et Vulturne, on entendit un grand bruit de trompettes et d'armes, accompagné d'effroyables cris, en sorte qu'on eût cru que deux armées en venaient aux mains, ce qui dura plusieurs jours. Ceux qui examinèrent ce prodige à fond, aperçurent des traces d'hommes et de chevaux, de l'herbe récemment foulée et des débris d'arbustes, présage infaillible d'une très-grande guerre. En Étrurie, à Clusium, une mère de famille enfanta un serpent vivant, qui, ayant été jeté dans la rivière par ordre des aruspices, nagea contre le courant. Lucius Sylla, de retour en Italie après cinq années de victoires, devint la terreur et l'épouvante de ses ennemis. Pendant une nuit, le feu prit au Capitole par la faute d'un des officiers commis à la garde des temples. La cruauté de Sylla exerça contre les grands d'horribles proscriptions. Des rapports prouvèrent que cent mille hommes avaient péri dans la guerre italique et dans la guerre civile. [119] CXIX. Sous les consuls M. Émilius et D. Brutus M. (An de R. 677) Didius Lélius, lieutenant de Pompée, à qui déjà était arrivé un prodige à Rome, deux serpents ayant paru dans le lit de son épouse et ayant fui chacun d'un côté différent ; puis sur la tête duquel était venu s'abattre un épervier, comme il était assis dans le camp à côté de Pompée même, fut tué en Espagne, au milieu des fourrageurs, dans la guerre contre Sertorius. [120] CXX. Sous les consuls Cnéus Octavius et C. Scribonius (An de R. 678) A Réate, un tremblement de terre ébranla tous les édifices sacrés dans la ville et dans la campagne. Les pierres dont la place publique était pavée furent dispersées. Les ponts furent rompus, et les rives du fleuve entraînées dans le courant. On entendit un grand bruit souterrain ; et, peu de jours après, tout ce qui avait été ébranlé tomba en ruines. Un caillou, qui roulait d'une roche escarpée, s'arrêta tout à coup au milieu de sa chute. Les armées romaines furent défaites en Espagne par Sertorius. On combattit contre les Mèdes avec des chances diverses. [121] CXXI. Sous les consuls L. Aurelius et L. Octavius (An de R. 679) Tandis que Sertorius conduisait son armée en Espagne, on fut témoin du prodige suivant : la partie extérieure des boucliers et les javelines des cavaliers, ainsi que le poitrail de leurs chevaux, parurent ensanglantés ; ce que Sertorius interpréta en sa faveur, parce que l'extérieur a coutume d'être teint du sang de l'ennemi. En effet, tous les combats qu'il livra furent une suite continuelle de succès. Pendant que Mithridate assiégeait Cyzique, Proserpine apparut en songe à Aristagoras, qui était revêtu de la première magistrature, et lui dit qu'elle avait un joueur de flûte à opposer aux autres joueurs de flûte. Le lendemain, les tours des ennemis furent renversées par le vent. Un boeuf sacré quitta de son propre mouvement les montagnes, passa à la nage à travers la flotte ennemie, et vint se présenter devant l'autel pour être immolé. [122] CXXII. Sous les consuls M. Ceso et Gaius Antonius (An de R. 691) Beaucoup d'objets furent renversés par la foudre. Elle tua, pendant un temps serein, Vargunteius Pompeius. Un météore igné brilla au ciel du côté de l'occident. Toute la ville de Spolète fut ébranlée par un tremblement de terre, et plusieurs bâtiments s'écroulèrent. On rapporte, entre autres choses, que, deux ans auparavant, la foudre avait frappé au Capitole la louve de Remus et de Romulus, et renversé avec sa colonne la statue de Jupiter, qui, sur la réponse des aruspices, fut replacée dans le Forum. Les tables des lois, en airain, eurent leurs lettres fondues. Après ces prodiges eut lieu la criminelle conspiration de Catilina. [123] CXXIII. Sous les consuls Quiutus Metellus et L. Afranius (An de R. 694) Tout le jour ayant été serein jusqu'alors, vers la onzième heure, la nuit étendit ses ténèbres, puis la clarté reparut. Un violent tourbillon abattit des toits, renversa un pont, précipita des hommes dans le Tibre. Dans la campagne, beaucoup d'arbres furent déracinés et renversés. Les Lusitaniens et les Galliciens furent vaincus. Sous les consuls M. Cicéron et Caïus Antonius (An de R. 691) Après qu'Antoine eut vaincu Catilina dans le territoire de Pistore, il porta au travers de la province ses faisceaux ornés de lauriers, fut surpris par les Dardaniens, et réduit à prendre la fuite, après avoir perdu son armée. On jugea qu'il avait présagé la victoire aux ennemis, en portant de leur c6té des lauriers victorieux qu'il aurait dû venir déposer au Capitole. On vit des loups clans la ville, et l'on entendit pendant la nuit de lugubres hurlements de chiens. La statue de Mars se couvrit de sueur. La foudre, ayant erré par toute la ville, renversa plusieurs statues des dieux et tua des hommes. On purifia la ville. Une grande sédition s'éleva dans Rome, au sujet de la dictature de Pompée. [124] CXXIV. Sous les consuls Gn. Domitius et Appius Claudius (An de R. 700) M. Crassus, marchant contre les Parthes, ne fit pas attention à divers prodiges comme il traversait l'Euphrate. Bien qu'il se fût élevé une tempête qui arracha une enseigne des mains de celui qui la portait, et la précipita dans le fleuve, bien qu'il fût survenu un brouillard dont l'obscurité s'opposait au passage, il persévéra obstinément, et périt avec son fils et son armée. [125] CXXV. Sous les consuls L. Paulus et C. Marcellus (An de R. 704) Une mule ayant mis bas, fut un présage de discordes civiles, de mort de gens de bien, de changement de lois, et d'accouchements honteux de matrones. Un incendie, qui détruisit la plus grande partie de la ville, fut regardé comme un prodige. La guerre civile s'alluma entre César et Pompée. Tandis que celui-ci rassemblait en Macédoine une armée contre César, à l'instigation des nations alliées, la foudre se montra contraire à ceux qui venaient de Dyrrachium ; et un essaim d'abeilles, qui vint s'abattre sur les enseignes, fut pareillement d'un funeste présage. L'armée fut agitée de terreurs nocturnes. Pompée lui-même, la veille du combat, s'imagina en songe être reçu dans son théâtre avec de grands applaudissements ; bientôt il fut vaincu, et tué en Egypte. Et le jour de sa perte, les statues se tournèrent d'elles- mêmes en beaucoup d'endroits. A Antioche, on entendit des cris et des cliquetis d'armes, qui firent accourir le peuple deux fois sur les murailles ; on entendit aussi un son d'instruments de guerre à Pergame. A Tralles, dans le temple de la Victoire, un grand rameau vert poussa tout à coup entre des jointures de pierres, sous la statue de César. Le même jour, à Patavie, l'augure C. Cornelius, voyant le vol des oiseaux favorable, s'écria que la bataille se livrait, et que César serait vainqueur. [126] CXXVI. Sous les consuls C. César et M. Lepidus (An de R. 708) On crut voir les aigles de la dixième légion laisser tomber devant le fils de Gn. Pompée les foudres qu'elles tenaient, et s'élancer dans les airs. Ce jeune Pompée fut vaincu, et tué dans sa fuite. [127] CXXVII. Sous les consuls C. César et M. Antoine (An de R. 710) Le dictateur César, offrant un sacrifice, trouva les entrailles de la victime dépourvues de coeur. Son épouse Calpurnie crut en songe que le faîte ajouté à sa maison était renversé. Pendant la nuit, les portes de sa chambre à coucher, soigneusement fermées, s'ouvrirent d'elles-mêmes, en sorte que la clarté de la lune, en y pénétrant, interrompit son sommeil. Bientôt, César lui-même fut percé de vingt-trois coups de poignard par les conjurés, au milieu du sénat assemblé dans le palais de Pompée. [128] CXXVIII. Sous les consuls M. Antoine et P. Dolabella (An de R. 710) A Brindes, C. Octavius, conformément au testament de César son père, se proclama de la famille Julia ; et comme, à la troisième heure du jour, il faisait son entrée dans Rome au milieu d'une foule immense, le soleil, environné d'un petit cercle dans un ciel pur et serein, se trouva entouré d'un très-grand cercle semblable à un arc-en-ciel dans les nuages. Pendant les jeux en l'honneur de Vénus Genitrix, qu'Octavius fit célébrer par le collége institué à cet effet, une comète, qui apparut à la onzième heure dans la constellation du Chariot, fixa les regards de tous. Cet astre s'étant montré pendant les jeux en l'honneur de Vénus, on s'empressa de le consacrer comme ornement de la tête du divin Jules. César lui-même, s'étant trouvé violemment en butte à l'atroce méchanceté du consul Antoine, fit preuve d'une constance généreuse dans la résistance qu'il lui opposa. Il y eut de fréquents tremblements de terre, et beaucoup de vaisseaux furent frappés de la foudre. La statue que M. Cicéron, d'après un plébiscite, avait fait placer devant le sanctuaire de Minerve, la veille de son départ pour l'exil, fut renversée par un coup de vent, et trouvée couchée sur le ventre, les membres fracassés, les épaules, les bras et la tête brisés ; ce qui fut regardé comme un affreux présage pour Cicéron. Des tables d'airain furent aussi arrachées du temple de la Foi par un tourbillon qui rompit les portes du temple de la déesse Ops, déracina des arbres, les renversa, et enleva la plus grande partie des toits. On vit au ciel un météore se dirigeant vers l'occident. Une étoile d'une grandeur extraordinaire brilla pendant sept jours. Trois soleils resplendirent en même temps, et autour du plus bas des trois brilla une couronne qui paraissait formée d'épis : revenu ensuite â un seul disque, le soleil rendit pendant plusieurs mois une lumière pâle. Dans le temple de Castor, quelques lettres des noms des consuls Antoine et Dolabella se trouvèrent enlevées, ce qui signifiait que ces deux consuls seraient contre la patrie. Des chiens firent entendre des hurlements pendant la nuit, devant la maison du grand pontife Lepidus. Le plus grand de ces chiens ayant été déchiré par les autres, ce fut pour Lepidus le présage d'un grand déshonneur. A Ostie, la mer en se retirant laissa à sec une multitude de poissons. Le Pô se déborda, et, en rentrant dans son lit, laissa sur ses rives une grande quantité de vipères. La guerre civile commença entre César et Antoine. [129] CXXIX. Sous les consuls Caïus Pansa et Hirtius (An de R. 711) Les honneurs du pouvoir ayant été décernés à César, avec le commandement contre Antoine, comme il offrait un sacrifice, la victime présenta des entrailles doubles : il obtint ensuite de nombreux succès. La statue équestre du consul C. Pansa se renversa d'elle-même devant la maison d'Antoine. Un cheval caparaçonné, allant au galop, tomba en sa présence. Quelqu'un du peuple, tombé dans le sang des victimes, lui présenta à son départ une palme ensanglantée : ces présages lui devinrent funestes. Bientôt il fut blessé à mort en combattant contre Antoine. On vit des espèces d'armes et de traits s'élever avec grand bruit de la terre vers le ciel. Les enseignes de la légion que Pansa avait laissée pour la garde de la ville, se trouvèrent couvertes de toiles d'araignées, comme si elles fussent sorties d'un lieu où elles eussent été longtemps déposées. Plusieurs objets furent frappés de la fondre. Dans le camp de César, vers le point du jour, un aigle vint se placer sur la toile au haut du prétoire; ensuite, s'y trouvant entouré d'oiseaux plus petits qui l'agaçaient, il s'envola et disparut. L'oracle d'Apollon prononça ces mots : "La rage aux loups pendant l'hiver ; point de récolte de froment pendant l'été." Les vétérans réclamant le consulat pour César, il s'ensuivit un terrible tumulte dans Rome. Pendant que César conduisait l'armée au Champ-de-Mars, six vautours apparurent ; ensuite, au moment où il montait à la tribune après avoir été créé consul, six vautours apparurent de nouveau, comme pour annoncer que, sous les auspices de Romulus, il allait fonder une nouvelle Rome. César, Antoine et Lepidus s'étant réconciliés, il s'ensuivit une affreuse proscription des grands. [130] CXXX. Sous les consuls M. Lepidus et Munatius Plancus (An de R. 712) A Rome, une mule mit bas à l'endroit appelé les Douze-Portes. La chienne du gardien d'un temple, étant morte, fut entraînée par un chien. Une si vive clarté brilla pendant la nuit, que chacun se leva pour se mettre au travail, croyant le jour arrivé. Au territoire de Mutine, la statue de la Victoire Mariane, qui avait la face vers le midi, se tourna d'elle-même vers le septentrionà la quatrième heure. Tandis que l'on offrait des sacrifices en expiation de ces événements, parurent, vers la troisième heure du jour, trois soleils, qui bientôt ne présentèrent plus qu'un seul disque. Pendant les féries latines, comme on offrait un sacrifice sur le mont Albain, du sang coula de l'épaule et du pouce de Jupiter. Cassius et Brutus soutinrent la guerre dans les provinces par le pillage des alliés. Le préteur P. Titius ayant destitué son collègue par suite de quelques dissensions, et étant mort avant la fin de l'année, cela fut considéré comme un prodige. Il est constant qu'aucun magistrat, après avoir destitué son collègue, n'a jamais vécu ensuite un an. Or, ceux qui en usèrent ainsi furent : le consul Lucius Junius Brutus, envers Tarquin Collatin ; Tib. Gracchus, envers M. Octavius Cécinna ; P. Tarquinius, envers P. Marullus; Tullius, envers Brutus et Cassius, qui se préparaient à combattre contre César et Antoine. Un essaim d'abeilles étant venu s'abattre dans le camp de Cassius, ce lieu fut clos par ordre des aruspices, et séparé du camp par une tranchée. Une grande troupe de vautours et d'autres oiseaux vivant de carnage, accourut vers l'armée. Un jeune homme qui, dans une pompe religieuse, représentait la Victoire, tomba de la litière sur laquelle il était porté. Pendant une lustration, un licteur mit une couronne de lauriers sur ses faisceaux renversés. Comme les Brutiens sortaient pour combattre, un Ethiopien se présenta devant la porte de leur camp, et fut tué par les soldats. Cassius et Brutus périrent. [131] CXXXI. Sous les consuls Caïus Furnius et Caïus Syllanus (An de R. 737) Au pied de l'Apennin, à la maison de campagne de Livie, femme de César, il y eut un violent tremblement de terre. Un météore igné, dans la direction du midi au septentrion, répandit pendant la nuit une lumière semblable à celle du jour. La tour des jardins de César, vers la porte Colline, fut frappée de la foudre. Les Germains, ayant donné dans les embûches que leur avaient tendues les Romains, furent cruellement maltraités sous le lieutenant Lollius. [132] CXXXII. Sous les consuls Paulus Fabius et Quintus Élius (An de R. 743) En Germanie, dans le camp de Drusus, un essaim d'abeilles vint s'abattre sur la tente d'Hostilius Rutilius, préfet du camp, de façon qu'il couvrit la corde tendue, et la lance plantée devant la tente. Un grand nombre de Romains furent défaits par surprise.