[4,0] DÉMONSTRATION ÉVANGÉLIQUE - LIVRE IV. [4,1] CHAPITRE PREMIER. De l'économie mystérieuse de notre Sauveur et Seigneur Jésus, le Christ de Dieu. Après avoir suffisamment développé ce qui concerne l'humanité de notre Sauveur dans le livre précèdent, qui est le troisième de cet ouvrage, il faut maintenant aborder des questions plus relevées, sur sa Divinité, dont les mystères sont impénétrables. Les hommes s'accordent tous dans les idées qu'ils ont sur l'Être éternel, seul, sans commencement et créateur du monde, sur le Dieu dont la Providence et la puissance gouvernent tout l'univers mais ce qui n'appartient qu'aux Juifs et à nous, c'est ce qui concerne le Christ et si les Juifs le confessent avec nous, se conformant en cela aux Écritures dont ils sont dépositaires, ils s'en éloignent beaucoup lorsqu'ils refusent de reconnaître sa divinité, les vrais motifs de sa venue, et de saisir les temps auxquels il devait apparaître parmi les hommes. Ils l'attendent encore ; nous montrons au contraire qu'il est déjà venu, et. pleins de confiance dans l'enseignement des prophètes qu'animait l'esprit de Dieu, nous souhaitons de voir son second avènement dans la gloire divine. Le Christ a eu déjà une double manifestation, l'une en ces jours qui ne font que de s'écouler, et l'autre, plus ancienne que le temps et que les siècles. En effet, comme Dieu, seul bon, principe et source de toute bonté, voulut faire participer à ses richesses un grand nombre d'êtres, il résolut de former des créatures raisonnables, les puissances célestes, incorporelles el intelligentes, les anges et les archanges, ces esprits qui n'ont rien de la matière el de ses grossièretés, les intelligences humaines douées naturellement de liberté et d'indépendance dans le choix du bien ou du mal, el dont les corps seraient les instruments ; il donna à ces derniers chefs-d'œuvre de ses mains plusieurs règles de vie, et les distribua en divers lieux; car ceux qui demeuraient bons eurent les plus belles contrées, et les autres furent abandonnées aux méchants pour leur faire expier leurs débordements coupables. Or, il prévit comme Dieu, il comprit que, pour sa création, ce corps immense aurait besoin d'une tête, et il songea à établir sur lui le distributeur de la création, le chef et le roi de tout ce qui existe, celui par qui les oracles sacrés furent communiqués aux justes qui, parmi les Juifs, connurent les mystères de Dieu, et aux prophètes. Nous en pouvons apprendre que le principe du monde est unique, ou plutôt qu'il est supérieur à tout principe, et plus ancien que le premier être, qu'il existait avant lui, qu'il est fécond par son unité, qu'il est au-dessus de tout nom, ineffable, inexplicable, incompréhensible, bon, créateur, bienfaiteur, providence, salut, enfin seul et unique Dieu, dont la puissance et la fécondité ont donné l'existence à toute créature. « Car nous vivons, nous agissons, nous sommes en lui. » Ce qu'il veut existe, et sa volonté est la raison de l'existence de tout ce qui est. Il veut, parce qu'il est bon, et que la suprême bonté ne peut vouloir que le bien. Il veut, et il peut ce qu'il veut; et parce qu'il veut et qu'il peut en même temps, il exécute sans obstacle tout ce qu'il a projeté de beau et d'utile parmi les choses visibles ou invisibles et, comme sa volonté et sa puissance sont comme la matière et la substance de ce qui est, il ne faut pas dire que les créatures ont été tirées du néant. Nul être ne peut provenir de ce qui n'est pas. Comment, en effet, l'enfant pourrait-il être le principe de l'Être? Mais tout ce qui existe doit son existence à celui qui seul est l'Etre, qui préexiste à tout et qui a dit « Je suis celui qui suis » (Exod, III). Etre unique, Etre éternel, il est le principe d'être de tout être créé. Sa Colonie el sa puissance ont distribué avec largesse la matière, les qualités et les formes. [4,2] CHAPITRE II. En quel sens nous disons le Fils de Dieu engendré avant toute créature. Dieu établit, avant toute existence, son Fils, la sagesse éternelle, souverainement intelligente, éclairée et parfaitement sage, ou plutôt l'intelligence, la raison, la sagesse elle-même; s'il est dans les créatures quelque chose de beau et de bon, il le tire de lui-même pour en faire l'essence de ce qui doit. Le Fils est parfait, comme œuvre de la perfection ; il est sage, produit par la sagesse, il est bon, comme Fils a un Père excellent. Comment, en effet, se serait-il manifesté à ce qui a reçu l'Etre de lui, sinon par sa perfection, sa sollicitude, sa protection salutaire et bénigne, et par la prudence qu'il montre, en tenant d'une main assurée le gouvernail du monde. Aussi les oracles sacrés l'appellent-ils l'engendré de Dieu ; celui qui est en lui-même l'image fidèle de l'ineffable et incompréhensible Divinité, et qui, pour cette ressemblance auguste est Dieu lui-même. Aussi assurent-ils qu'il a été établi comme un ministre fidèle de salut, afin que, règle éminemment sage, vivante, habile et intelligente, il pût redresser toute créature, corporelle ou spirituelle, animée ou inanimée, raisonnable ou dirigée par le seul instinct, mortelle ou immortelle, el tout ce qui s'y rapporte et lui est uni, pour que tout ce qui existe fût uni par un lien souverainement sage, le Verbe de Dieu lui-même, comme par la seule puissance suprême, la loi animée et vivante, l'intelligence qui est en tout et pénètre tout être. [4,3] CHAPITRE III. C'est avec raison que, loin d'attribuer plusieurs fils à Dieu, nous ne lui en reconnaissons qu'un seul. Dieu de Dieu. COMME le Père est un, il faut qu'il y ait un Fils, et non plusieurs, une progéniture parfaite, Dieu de Dieu, et non plusieurs. Entre plusieurs se trouveraient des distinctions, des différences et des qualités moins excellentes. Aussi, le Dieu unique n'est-il Père que d'un Fils unique et parfait, et non de plusieurs dieux el de plusieurs fils. Car, si l'essence de la lumière est d'être une, il faut absolument que l'éclat qu'elle répand soit un et parfait comme elle, or, que distribue-t-elle dans le monde, sinon la splendeur qui remplit l'univers et illumine toute créature? tout ce qui lui est étranger est ténèbres, et non pus lumière. Puis donc que le Père suprême est lumière incompréhensible, rien ne pourra lui ressembler ou lui être comparable, que la lumière; ce qui peut se dire du Fils, car il est la splendeur de la lumière éternelle, le miroir immaculé de ses perfections, et l'image de sa bonté. Aussi est-il dit : « Ce Fils qui est la splendeur de sa gloire et la forme de sa substance » (Heb.,I). La splendeur ne peut se séparer de la lumière sensible ; mais le Fils existe par lui-même. La splendeur de la lumière est son action; et le Fils, qui existe par le Père, possède d'autres qualités que l'action. La splendeur coexiste avec la lumière, dont elle est comme la perfection ; car la lumière n'existe pas sans splendeur, et se répand avec et par la splendeur. Mais le Père existe avant le Fils et l'engendre, n'étant pas engendré lui-même. Le Père, comme Père, est par lui-même parfait et antérieur ; et cause de l'existence du Fils, il n'en reçoit aucune perfection de sa divinité. Mais le Fils qu'il a engendré est après le Père, dont il tient el son être et ses perfections. L'éclat ne se répand pas au gré de la lumière ; il est attaché en quelque sorte à son essence même, c'est suivant les projets et la volonté de Dieu que le Fils est l'image du Père; car Dieu a voulu être le Père du Fils, et l'établir comme une seconde lumière semblable à lui, puisqu'il est la lumière incréée et éternelle. Que serait son image, sinon une lumière nouvelle et une splendeur semblable en tout à celle qu'elle représente? Que serait l'image de l'Être unique, si elle n'était pas unique elle-même? Ainsi, elle a de celui qu'elle représente et la substance et le nombre, le seul rejaillissement parfait de la parfaite lumière, premier et unique Fils, sans que nul autre partage cette qualité, celui enfin que nous nommons Dieu, le bien parfait, après Etre sans commencement ni principe. Le Fils d'un Père unique doit donc être unique; car, lorsqu'un parfum s'élève seul d'une substance, il faut convenir qu'il n'y a qu'une seule odeur qui s'exhale suavement pour tous; il est donc juste de reconnaître l'unité de ce parfum divin, vivant, qui charme les intelligences et s'élève du premier et souverain bien, le Dieu suprême. Qui viendrait, en effet, après ce qui retrace aussi exactement l'image du Père, sinon quelques traits imparfaits et grossiers? ce que nous ne pouvons admettre dans le Fils, qui est la délicate vapeur de la puissance divine et l'émanation brillante de son pouvoir glorieux; car si d'une substance odoriférante telle qu'un parfum ou une plante de la terre, il se répand une suave odeur, elle s'étend du corps qui la produit sur ce qui l'entoure, elle embaume l'air sans diminuer, altérer, diviser, ni partager en rien la substance qui l'exhale; tandis que cette substance demeure toujours au lieu qui lui est propre, qu'elle conserve sa nature, et répand cette odeur suave, le parfum, en rien inférieur au corps qui préexiste, a une substance qui lui est propre, et imite ainsi, autant qu'il est possible, l'essence du corps qui le produit. Toutefois cet objet est terrestre et passager, et une faible parcelle d'une nature de boue et de corruption. Or, l'objet de cette science auguste que nous cherchons à atteindre ne peut trouver de terme de comparaison parmi les choses corporelles : il faut porter sa pensée plus haut pour imaginer le Fils engendré de Dieu, qui ne fut pas sans exister dans un temps pour naître plus tard, mais dont l'origine est éternelle. mais qui préexista à tout, qui vécut toujours avec son Père, engendré d'un Père qui fut a lui-même son premier principe, Fils unique, Verbe et Dieu de Dieu, non par une division, une séparation ou un partage de la substance de son Père, mais produit par la volonté et la puissance ineffables et incompréhensibles du Père dès le commencement, ou plutôt avant tous les siècles, et d'une manière qui surpasse toute parole humaine. « Qui exposera, nous dit-il lui-même, sa génération (Isaïe. LIII)? » Et ailleurs« Personne ne connaît le Père, que le Fils, et personne aussi ne connait le Fils, que le Père, qui l'? engendré » (Matth.. Il). [4,4] CHAPITRE IV. La création de l'univers exigeait l'existence antérieure du Fils unique de Dieu. Cependant il parut au Père souverainement bon qu'il devait établir son Fils unique et bien-aimé sur toute la création car il voulait produire un monde semblable à un seul et vaste corps formé de membres divers el de plusieurs parties ; il jugea que ce pouvoir ne pouvait mieux sortir que de la divinité du Père, comme de la tête, car le Père est la tête du Christ qui devait exister avant tout ce qui existait avant lui ; et il fallait encore qu'il fût capable d'exécuter ses volontés et de concourir à la création future. Aussi avons-nous dit qu'il est sorti du sein du Père comme l'instrument unique, vivant et intelligent de toute substance et de toute nature, et surtout comme la cause divine, la source de la vie et la sagesse même, le créateur de tout bien, la source de la lumière, l'ordonnateur du ciel et de la terre, le père des anges, le chef des esprits, le conservateur des intelligences et celui des corps, la Providence qui dirige et guérit, le roi, le juge et le héraut de la religion du Père. [4,5] CHAPITRE V. Quoique nous admettions l'existence de plusieurs puissances célestes, nous n'en reconnaissons cependant de divine que le Fils, qui est l'image de Dieu. Bien loin de reconnaître plusieurs puissances célestes, il ne faut en admettre qu'une seule, qui domine l'ensemble de la création ; car la puissance qui a produit le monde est unique, ainsi que le Verbe qui l'a distribué el qui dès le principe était en Dieu : « au commencement, en effet, était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu » (Jean, I). Il faut se garder de méconnaître sa grandeur, mais l'honorer et le vénérer, parce que ce qui existait dans le principe et dont l'existence se prolonge et se persévérera encore, est par lui, et que rien n'existe sans lui. La vie qui se manifeste en la création, ce qui a été produit était vie dans le Verbe. En lui et par lui est la vie, l'âme de toute créature. L'union, la beauté, l'harmonie, l'ordre, la connexion, la substance, les qualités et la grandeur du monde sont contenus et distribués par le Verbe unique, créateur de l'univers, et régis par la puissance de Dieu, unique et créatrice. Notre corps se compose de membres nombreux et divers ; cependant la puissance de son créateur est unique ; ce n'est pas une puissance qui a créé la tête, une seconde qui a formé les yeux et les oreilles, une autre qui a façonné les pieds. Ainsi la puissance divine préside au monde entier ; c'est elle qui a formé le ciel et les astres, les animaux qui peuplent l'air, la terre et les eaux, les éléments du tout comme de chacune des parties, les qualités des genres et des espèces ; la puissance qui a produit le feu n'est ?as différente de celle qui a créé l'eau ; celle qui a formé la terre n'est pas différente de celle qui a formé l'air; c'est la sagesse unique de qui tout procède, le Verbe de Dieu, que nous reconnaissons pour le créateur du monde et l'ordonnateur de l'univers. L'harmonie des éléments et leur sage combinaison attestent une nature commune et l'action d'un même ouvrier. La terre, lourd élément qui flotte sur les eaux sans être entraîné par sa pesanteur naturelle, et s'élève toujours s?ns être jamais submergé, rend témoignage au Verbe de Dieu, à ses desseins et à sa puissance. L'union du sec, de l'humide élément, qui ne produit rien de solide et ne détrempe pas l'univers, enchaîné par un ordre secret de Dieu, établit que le fils est unique et Verbe de Dieu. Si le feu, aux ardeurs terribles et dévorantes, est caché dans le bois et dans les corps animés, s'il est combiné avec la terre, avec l'eau, avec l'air, s'il est distribué enfin dans le monde avec mesure, suivant la nécessité de chaque être, oubliant sa redoutable puissance; ne vous semble-t-il pas qu'il obéit au Verbe de Dieu et à sa puissance? Si vous venez à considérer l'alternative du jour et de la nuit, l'accroissement et la diminution successive des heures et des saisons, le cercle des années et la révolution des temps, les périodes des astres, la course que fournit le soleil et les inconstances de la lune, l'harmonie et l'opposition mutuelle qui gouverne le monde, croirez-vous que le désordre, le hasard ou l'imprévu aient formé un si bel ordre, et n'adresserez-vous pas vos louanges, pour tant de merveilles au Verbe de Dieu, sagesse de Dieu, puissance de Dieu, dont l'essence est une et non multiple. Si l'esprit de l'homme et sa faculté de connaître peuvent, en leur unité, composer plusieurs choses ; si, après de longues études, ils peuvent fertiliser celte terre, assembler les parties d'un navire, le gouverner et bâtir des maisons; si son intelligence peut embrasser plusieurs sciences, pratiquer la géométrie et l'astronomie, discuter la grammaire et la médecine, exceller dans les sciences et dans les arts manuels, on ne pensa jamais qu'un même homme eût plusieurs âmes, e! on ne s'étonna pas du nombre des facultés qui devaient recevoir tant de connaissances diverses. Si quelqu'un a trouvé un morceau d'argile informe, et qu'après l'avoir amolli entre ses doigts, il lui donne la forme d'un animal, en empruntant de créatures diverses une tête, des mains, des pieds, des yeux et des joues, la bouche, le nez, la poitrine et les épaules, parce qu'il a donné à un seul corps des traits, des membres et des parties diverses, faut-il supposer autant d'ouvriers ? Ne doit-on pas plutôt louer l'??tiste dont l'habileté et l'adresse ont su unir ces traits épars? Pourquoi donc supposer que ce monde, dont l'unité est formée d'un grand nombre de parties, doit son existence a plusieurs puissances créatrices? Pourquoi nommer plusieurs dieux, et ne pas reconnaître une sagesse et une puissance de Dieu unique, dont le pouvoir et l'efficace, qui sont uniques en leur essence, ont donné l'existence et la vie au monde, et onl créé ces richesses innombrables. Ainsi le soleil en disposanl ses rayons illumine le ciel, brille aux yeux de l'homme, échauffe ce qu'il atteint, fertilise la terre, fait grandir les plantes, mesure le temps, conduit les astres en leur carrière, parcourt le ciel, réjouit le monde, manifeste à l'univers la puissance de Dieu, et c'est par la seule force de sa nature qu'il produit ces effets divers. Le feu purifie l'or et liquéfie le plomb, il fait couler la cire, il dessèche l'argile, consume le bois et produit ces effets par l'ardeur qui lui est propre. Ainsi le Verbe de Dieu, créateur du soleil, du ciel, du monde entier, présent à tous les êtres qu'il pénètre par son efficace particulière, répand de son sein intarissable et en pluie abondante, la lumière sur le soleil, la lune et les astres du ciel. Comme dès l'origine il a développé le firmament, image la plus fidèle de sa grandeur, il le gouverne toujours. Il prodigue par la même fécondité créatrice aux puissances du ciel et du monde, aux anges, aux esprits, aux substances intelligentes et raisonnables, la vie, la lumière, la sagesse, la justice, la droiture et le bien qu'il puise en ses trésors, jamais il n'abandonne les principes des êtres. Il produit leurs mélanges, leurs combinaisons, leurs caractères, leurs beautés, leurs formes et leurs qualités innombrables; il varie avec art les animaux et les plantes, l'esprit et la matière, l'intelligence et l'instinct; il satisfait aux besoins de toute existence par sa seule puissance; il donne enfin à l'homme une intelligence capable de connaître sa grandeur et sa sagesse ; il est présent à toutes choses, et montre évidemment que l'unité du monde est l'ouvrage d'un créateur unique, du Verbe. Tel est le Fils unique, l'interprète habile des conseils du Père, et le Créateur que le Dieu et Père de tout être et du Créateur lui-même a engendré avant tous, le confident et le coopérateur des raisons créatrices du monde futur, et le dépositaire des principes de la constitution du monde et des lois qui doivent le régir. Vos yeux ne sont-ils pas frappés du monde qu'un seul firmament enverra, des innombrables circuits et des révolutions des astres autour de lui? N'est-il pas seul encore le soleil qui fait disparaître dans ses feux l'éclat des autres astres? Ainsi d'un Père unique doit naître un Fils unique ; et si quelqu'un est surpris que Dieu n'en ait pas engendré plusieurs, il devra s'étonner aussi qu il n'ait pas formé un grand nombre de soleils, de lunes, de mondes ; semblable à l'insensé qui s'applique à renverser tout ce qui, de sa nature, est sage et admirable. [4,6] CHAPITRE VI. Dès l'origine du monde, le Christ préside invisiblement aux esprits, fidèles adorateurs de Dieu. De même que, dans ce monde visible, le soleil seul illumine toutes les créatures sensibles, ainsi, dans le monde des intelligences, le Verbe de Dieu seul éclaire les puissances immortelles et incorporelles, les substances spirituelles et raisonnables, comme des astres et des étoiles. Il fallait en effet que le Verbe de Dieu, qui dirige tout et pénètre la créature, fût unique, afin de conserver la ressemblance parfaite avec son père pour l'efficace, la puissance, la substance, et pour l'unité et l'unicité. Or, comme la nature des créatures devait être multiple, variable, soumise pour son imperfection à mille vicissitudes diverses, et bien éloignée de la puissance du Père, pour la distance infinie de la grandeur des perfections divines ; comme elle ne pouvait d'ailleurs pour son origine, dans le temps, parvenir à cette divinité incréée et inaccessible, élever ses yeux, ni les tenir fixés sur l'éclat ineffable qui rejaillit de celte lumière éternelle; il entra dans les projets de bonté et de salut du père, pour ne pas permettre que l'essence des êtres futurs, privée de communication avec lui, fût frustrée des plus grands biens, d'établir comme médiatrice la puissance divine, infinie et parfaite de son fils unique qui jouit de l'union la plus parfaite et la plus intime avec le Père, et partage les secrets de sa sagesse. Ce Fils bien-aimé devait descendre des cieux, se proportionner à la faiblesse des créatures, dont l'infirmité avait besoin de l'appui et du secours du second être pour jouir des lumières de ce soleil, qui se répandent sur nous avec douceur et paix; autrement il leur eût été impossible, à cause de leur débilité, de jouir des influences de cette ineffable lumière. Si donc, par hypothèse, s'abaissant des hauteurs des cieux, ce soleil splendide eût vécu avec les hommes, aucun des habitants de la terre n'eût pu subsister, car tout ce qui existe, animé ou inanimé, eût disparu sous l'impression de cette lumière ; il eût promptement fait perdre la vue à ceux qui auraient jeté les yeux sur lui, et le Verbe eût été pour eux la cause de bien des maux, plutôt que d'un avantage quelconque ; car il n'était pas d'une telle nature que des êtres naturellement faibles pussent jouir impunément de l'immensité de sa gloire. Pourquoi s'étonner au récit de semblables merveilles? Nul être n'a pu partager la puissance cachée et l'essence ineffable de Dieu, si ce n'est celui que le père a établi dans sa providence universelle sur toutes les créatures, afin que leur faiblesse el leur fragilité originelle ne les détruisent pas éloignées qu'elles sont de la substance éternelle et incompréhensible du Père ; et pour que toute créature subsiste, s'accroisse et s'entretienne sous l'heureuse influence du fils unique de Dieu, du Verbe, qui distribue son action sans manquer jamais à l'une d'elles. Pénétrant et visitant toute existence, il répand également ses faveurs sur les êtres doués de raison et sur ceux qui en sont privés, sur ceux qui sont soumis à la mort et sur ceux qui en sont exempts, sur les créatures du ciel et sur celles de la terre, sur les puissances célestes et invisibles, en un mot sur tout ce qui a reçu l'être de lui, mais surtout sur la substance spirituelle et intelligente. C'est à cause d'elle qu'il ne méprise pas l'homme; mais il l'assiste el le protège d'une manière spéciale, parce que cette créature est douée de la parole, à son image, suivant les saintes Ecritures. Comme Verbe de Dieu, il a pu former dès le commencement de la création une image de ses perfections, la substance douée d'intelligence et de raison, et il a établi l'homme prince et roi de tout ce qui existe sur la terre, et lui a donné la liberté et le pouvoir d'embrasser le bien ou le mal. Mais l'homme abusa de ce bienfait; il abandonna le droit sentier pour suivre celui de ses concupiscences ; il ne tint point compte de Dieu ni du Seigneur, de la justice ni de la religion, et s'abandonna comme la brute à des actions de cruauté et d'impudence. Celui dont la puissance et la bonté sont infinies, le Très-Haut, le Dieu de l'univers, qui fait tout d'une manière digne de lui, ne voulut pas que les habitants de la terre demeurassent sans chef et sans guide comme les animaux; il établie sur eux alors les anges du ciel, comme bergers ; il mit à leur tête son Verbe unique et premier-né, et lui donna en partage les anges el les archanges, les puissances célestes, les substances spirituelles et plus relevées que les cieux, les fidèles du monde désignés sous le nom hébreu de Jacob et d'Israël. [4,7] CHAPITRE VII. La connaissance du Dieu de l'univers que révéla l'avènement du Christ, fut manifestée autrefois aux Hébreux seuls. Le plus élevé des ministres de Dieu dans ses secrets, Moïse, initie les anciens Hébreux à ce mystère si profond, en disant : « Interrogez votre père, et il vous dira vos ancêtres, et ils vous diront : Quand le Très-Haut divisait les peuples, il distribua les fils d'Adam. il fixa les limites des peuples suivant le nombre des anges de Dieu. Jacob, le peuple du Seigneur, devint son partage, et Jacob fut la portion de son héritage. » Ici donc le législateur nomme Dieu de l'univers le Très-Haut et le Tout-Puissant ; il appelle ensuite Seigneur le Verbe de Dieu, dont nous honorons la grandeur après celle du Créateur du inonde. Il ajoute que les peuples et les fils des hommes, qu'il nomme fils d'Adam, ont été confiés aux chefs invisibles des nations, aux anges mêmes, par la sagesse du Dieu Très-Haut et pour des raisons cachées ; mais que celui qui leur est supérieur, le prince et le roi de l'univers, le Christ, fils unique du père, eut à guider Jacob et Israël, c'est-a dire toute race qui peut être discernée et qui suit la vraie foi. Celui qui soutient les combats dans la carrière de la vertu, est encore appelé du nom hébreu de Jacob, el le vainqueur qui reçoit de Dieu la victoire et la récompense, se nomme Israël. Tels furent le père si célèbre la nation juive, ses fils et leurs descendants.les patriarches, les prophètes et les justes. Ne pensez pas en effet que l'on désigne ici la nation entière et ces antiques fidèles qui se sont avancés dans la pratique de la vertu et de la piété. Le prince et le protecteur de toute existence, le Verbe de Dieu les prit sous sa conduite, les appela au culte du Père unique et du Tout-Puissant; il attira avec mansuétude et douceur au-dessus des objets sensibles et de toute substance créée ceux qui lui furent dociles, et il leur apprit à honorer seul le Dieu sans principe, Créateur du monde et Très-Haut. [4,8] CHAPITRE VIII. Les autres nations, dont la direction fut confiée aux anges, n'adorèrent que les astres du ciel. Pasteurs et chefs des nations, les anges excitaient sans cesse les hommes dont la grossièreté ne pouvait atteindre celui qui est au-dessus des sens, ni s'élever jusqu'à lui à cause de leur faiblesse, à considérer les corps qui apparaissent dans le ciel, le soleil, la lune et les étoiles. Leur éclat au milieu des beautés du monde, leur élévation el la place qu'ils occupent, comme dans les vestibules du grand roi, attiraient les regards et révélaient par leur grandeur et leur beauté la connaissance du Créateur de l'univers ; car les perfections invisibles de Dieu, dit le divin apôtre, ainsi que son éternelle puissance et sa divinité, sont devenues visibles par la connaissance que ses ouvrages nous donnent. Le grand Moïse le laisse entendre, lorsqu'il exhorte le peuple que le Seigneur a pris pour son héritage, à s'élever vers les choses intelligibles et immatérielles, avec un esprit libre de prévention el un cœur pur, et qu'il lui défend d'admirer les astres qui se voient aux cieux, parce que, ajoute-t-il (Deut., IV), « le Seigneur votre Dieu les a distribués à toutes les nations. » Moïse dit qu'ils sont distribués, pénétrons ce langage. Comme dans l'air qui entoure la terre, circulent incessamment d'une manière invisible à nos yeux les puissances infernales, que l'homme ne peut connaître et discerner, qui se sont écartées par leur chute dans le mal des intelligences et des puissances saintes, des anges de Dieu, les hommes qui déchurent du culte de l'un suprême, ne purent faire rien de mieux que de se tourner vers les plus apparents des corps célestes ; car il était fort à craindre que dans la recherche de Dieu et la poursuite des choses invisibles, l'incertitude des êtres insaisissables aux sens et cachés ne les entrainât vers les puissances ennemies et infernales. Parmi les œuvres de Dieu les plus éclatantes furent donc offertes à ces hommes qui ne désiraient rien de plus, car les perfections divines s'y retraçaient comme en un miroir. [4,9] CHAPITRE IX. Les puissances ennemies de Dieu et opposées à ses desseins, et leur prince. Le genre humain séduit par leur influence. Tels furent les premiers éléments du monde. Cependant la puissance ennemie et rebelle à Dieu, les démons ou quelque esprit plongé dans une plus affreuse malice et le prince redoutable de cette malice audacieuse qui abandonna la première le culte de son Dieu, et perdit son nom de gloire fort jaloux du bonheur des hommes, cherchèrent par toutes sortes de machinations à entraîner les nations dans leur ruine et dressèrent dans leur envie, des embûches à l'héritage de Dieu lui-même. C'est à cette entreprise impie du prince des ténèbres que fait allusion la prophétie d'Isaïe : « J'agirai avec puissance et dans la sagesse de l'intelligence, j'enlèverai les bornes des nations, je ruinerai leur force et j'ébranlerai les cités populeuses. Je prendrai dans la main tout l'univers comme un nid ; je l'enlèverai comme des œufs abandonnée, et nul ne saura m'éviter ou me contredire » (Isaïe., X). Voilà la fière imprécation de l'ennemi de Dieu qui triomphe de sa malice et se propose de conquérir les nations confiées aux anges, de les piller, de les confondre et de partager les dépouilles du monde; de bouleverser la terre et de détruire l'ordre ancien. Apprenez de la même prophétie dans quels sentiments il conçut de tels projets. Elle ajoute à son sujet : « Comment est-il tombé du ciel, Lucifer, celui qui brillait dès l'aurore ? il s'est brisé contre la terre, celui qui envoyait vers les nations. Tu as dit en ton cœurJe monterai vers le ciel; j'établirai mon trône au-dessus des astres du ciel ; je m'élèverai au-dessus des mers; je serai semblable au Très-Haut. Maintenant tu descendras dans l'enfer, el au fond des abîmes de la terre » (Isaïe, XIV). Paroles qui dans leur brièveté nous font entendre l'orgueil de ses plans, sa chute déplorable d'un état si relevé, et le terme affreux de cette chute. Lorsque cet esprit jaloux eut proféré ses terribles menaces contre l'homme, il sentit que cette créature fragile serait de facile conquête, parce qu'elle trouvait en sa liberté la cause d'une ruine volontaire. Il bouleversa alors les cités, et, par les attraits de la volupté, il entraîna l'erreur de la plupart des hommes dans toutes sortes de perversités. Il ne négligea aucune fraude, et, avec l'imposture habile des démons, il répandit ses idées el ses artifices dans de honteuses fables et dans des récits imprudents sur les dieux ; enfin il accomplit son dessein de soumettre les peuples et de bouleverser les limites des nations, suivant sa menace : J'enlèverai les bornes des nations, je ruinerai leur force, et j'ébranlerai les cités populeuses, et je prendrai à la main tout l'univers comme un nid. Dès lors il soumit par l'erreur le monde à son empire. Sous leur prince les mauvais esprits prirent possession de tout lieu, de toute ville et de toute contrée. Soumis au joug des puissances infernales, et non plus aux anges de Dieu, les hommes s'abandonnèrent aux entraînements du plaisir, jusqu'à se corrompre à l'envi, jusqu'à mettre des actions de turpitude, et non seulement jusqu'à faire des choses qu'il n'est pas permis d'imaginer, mais jusqu'à les consacrer en leurs dieux, et à se livrer avec une force plus grande à ces actes de dissolution qu'ils tenaient pour agréables à la divinité. Aussi, suivant la parole du saint apôtre, non contents de ces créatures de Dieu qui resplendissaient au ciel. « ils se sont égarés dans de vains raisonnements, et leur cœur insensé a été obscurci. Ces hommes qui se disaient sages sont devenus fous, et ils ont transporté l'honneur du Dieu immortel à l'image d'un homme corruptible, à des figures d'oiseaux, de quadrupèdes et de reptiles. (Rom, I.) » Or, que les premiers habitants de la terre se soient tournés vers les astres, sans connaître les idoles et sans se livrer au culte impie des démons, c'est ce qu'établit suffisamment le témoignage des faits que nous avons exposés au commencement de la Préparation, ouvrage qui précède celui-ci, lorsqu'il fut démontré avec évidence que les hommes des premiers âges ne servirent ni les images de matière sensible façonnées par la main de l'homme, ni les démons qui échappent à la vue, mais ces êtres seuls que les saintes lettres affirment avoir été distribués aux nations. Il ne reste donc plus aux Grecs dont j'ai cité les paroles en l'ouvrage indiqué, que de reconnaître qu'ils ont introduit un culte nouveau et étranger à la religion des anciens, l'erreur des idoles et le respect pour les esprits invisibles. Voilà l'issue des trames de l'ennemi de Dieu contre le monde : toute la race des esprits impurs concourut à son entreprise. Emporté par l'effervescence de l'orgueil, le prince du mal exécuta ainsi ses menaces contre les hommes ; il voulut accomplir ce serment impie : « Je serai semblable au Très-Haut » (Isaïe, XIV) ; et alors il confia à ses esprits impurs les oracles et les superstitieuses pratiques pour fasciner le cœur des hommes. [4,10] CHAPITRE X. Le Fils unique de Dieu dut nécessairement tenir au milieu des hommes. Comme, dans ce débordement de perversité, les anges qui dirigeaient les nations soumises à leur conduite ne purent les protéger, ils se tournèrent vers les autres êtres de la création, prirent soin du reste du monde et furent toujours dociles à la volonté de Dieu, sans éloigner le genre humain de sa ruine, à cause de sa détermination volontaire au mal ; une contagion presque sans remède envahissait profondément le monde. Jouet des fureurs des esprits mauvais, les nations s'enfonçaient dans le gouffre du mal. Guidées par l'instinct de férocité des animaux qui se repaissent de la chair de l'homme, plusieurs regardaient comme beau de dévorer leurs amis les plus chers, d'entretenir un commerce effronté avec leurs mères, leurs sœurs ou leurs filles, d'étrangler les vieillards et de jeter les morts aux chiens et aux oiseaux. Pourquoi vous rappeler ces sacrifices humains offerts par la cruauté et la barbarie aux dieux, ces démons sanguinaires qui ont entraîné les hommes à cet hommage! Déjà ces horribles cruautés ont été exposées dans l'ouvrage qui précède celui -ci. Tel était le déluge de maux dont les esprits pervers et impies, et leur prince avaient inondé la terre. Nul des anges préposés au monde ne pouvant subvenir à sa détresse, le Verbe de Dieu, le Sauveur de l'univers, d'après l'ordre que lui intima la miséricorde du Père, et pour que l'homme, cet objet de ses prédilections, ne se perdit pas dans le gouffre de l'impiété, fit apparaître des traits de sa lumière faible et de peu d'éclat, dans les paroles de Moïse et des fidèles de tous les âges, afin de montrer aux mortels le remède à leurs maux dans les préceptes divins. Voici comment s'exprime le Verbe de Dieu dans la loi qu'il a donné aux Hébreux par l'entremise de Moïse. « Vous n'imiterez pas les coutumes du pays de l'Egypte où vous avez demeuré, ni celles de la terre de Chanaan où je vais vous, introduire ; vous ne suivrez pas leurs lois; vous accomplirez mes ordonnances et vous garderez mes préceptes. Je suis le Seigneur votre Dieu » (Lév., XVIII). Puis, quand il a défendu les mariages illicites, les actions déshonnêtes, les crimes contre nature de femme à femme el d'homme à homme, il ajoute : « Vous ne vous souillerez pas de toutes ces infamies ; car tels sont les crimes des nations que je chasse devant vous. La terre a été souillée, et j'ai châtié son iniquité, et elle a maudit ses habitants. » Il dit ailleurs (Deut, XII): Lorsque vous serez entrés dans la terre que le Seigneur votre Dieu vous donne, vous n'apprendrez pas à pratiquer les abominations de ces nations. Il ne se trouvera parmi vous personne qui purifiera son fils ou sa fille en les faisant passer par le feu ni des devins, des faiseurs d'horoscopes, des augures, des compositeurs de breuvages, des enchanteurs, des ventriloques, des observateurs de prodiges, ni des hommes pour interroger les morts. Quiconque commet un de ces crimes est en abomination au Seigneur: c'est pour des iniquités semblables que le Seigneur votre Dieu a dissipé ces peuples devant vous. Vous serez parfaits en présence du Seigneur votre Dieu. » Tels furent les enseignements el les préceptes que le Verbe de Dieu leur transmit par la bouche de Moïse : il leur donna comme pour introduction les premiers principes de la vie conforme à la religion, dans le symbole, dans la pratique mystérieuse et figurative de la circoncision du corps et dans quelques autres rites semblables. Lorsque dans le cours des années les prophètes qui succédèrent à Moïse se virent eux-mêmes impuissants à guérir les maux de la vie, à cause de la profondeur de la malice, et quand la perversité de l'esprit impur eut pris un développement journalier si grand, que la nation juive allait être enveloppée dans la ruine des impies; alors le Sauveur et le médecin du monde descendit sur la terre pour aider les anges à sauver les hommes, ainsi que son père le lui avait promis en ces termes : le Seigneur m'a dit : « Vous êtes mon fils, je vous ai engendré aujourd'hui, demandez-moi, et je vous donnerai les nations pour héritage et la terre entière pour empire » (Ps. II). Pour soumettre donc à sa puissance, non seulement cet Israël rempli de justice et qui est sensible à la vue, ni même le peuple seul qui lui fut attribué, mais toutes les nations de la terre, qui, gouvernées d'abord par des anges, se précipitèrent dans une multitude d'iniquités, il vint en annonçant à tous la connaissance et l'amitié de son père, et en promettant la rémission et la délivrance des ignorances et des péchés, ce qu'il nous fait connaître clairement, quand il dit : « Ceux qui se portent bien n'ont pas besoin de médecin, mais ceux qui sont malades. Je ne suis pas venu appeler les justes à la pénitence, mais les pécheurs » (Matth., IX). Il se rendit sensible à ses anges préposés depuis de longues années à la conduite du monde. Ceux-ci reconnaissant leur auxiliaire et leur Seigneur, accoururent remplis de joie et lui préfèrent leur ministère, ainsi que le marque l'Ecriture sainte, quand elle apprend que les anges s'approchèrent de lui et le servirent (Id., IV), et qu'une multitude d'esprits célestes louaient Dieu et disaient : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et sur la terre, paix aux hommes de bonne volonté » (Luc, II). Il rallia ainsi ses anges auxquels son secours était nécessaire pour ces esprits qui assiègent l'homme, ces démons exécrables qui, visiblement et invisiblement, s'étaient asservi les habitants de la terre, les races des esprits farouches et cruels, et le prince de malice, démon cruel et redoutable qui les gouverne ; il les subjugue et les met en fuite par sa puissance infinie et divine, comme quelques-uns le reconnurent quand ils crièrent : « Qu'y a-t-il entre vous et nous, ô Fils de Dieu? vous êtes venu avant le temps nous tourmenter ». Ce fut par ses actions et par sa doctrine qu'il détruisit leur empire. Le baume bienfaisant que contenaient ses paroles, la douceur et la force de ses exhortations guérirent le genre humain et le délivrèrent des maladies et des souffrances du corps aussi bien que de celles de l'âme. Il renvoya ceux qui recoururent à lui libres des superstitions et des terreurs vaines du polythéisme, de la corruption et de la licence des mœurs; il renouvela et fit passer ceux qui s'attachaient à sa suite de l'impudence à la modestie, de l'impiété à la religion, de l'injustice à l'équité, du joug des démons cruels à la compréhension divine de la véritable religion ; enfin il ouvrit à toutes les nations du monde les portes de la vie céleste et de l'enseignement de la foi. Il s'abaissa encore non seulement jusqu'à étendre sa main salutaire sur ceux dont les âmes souffraient et étaient malades, mais jusqu'à rappeler à la vie ceux qui étaient aux portes de la tombe, et à tirer des liens de la mort ceux qui en étaient la conquête et même que l'on avait ensevelis depuis longtemps ; car il dut étendre jusqu'au séjour de la mort l'action de sa puissance afin d'être le Seigneur des vivants et des morts. Tandis cependant qu'il est dans le sein du Père et qu'il dirige l'ordre du monde par sa puissance divine, il gouverne le ciel et la terre, les êtres qui y sont contenus et les substances du ciel divines et incorporelles ; il les conserve comme Verbe de Dieu, sagesse de Dieu et puissance de Dieu, comme prince, seigneur et roi et même les divins oracles le proclament Dieu et Seigneur. Illuminateur des esprits et des intelligences, il est nommé soleil de justice et lumière de vérité. Il secourt le père et concourt avec lui en ses dispositions, et est appelé ministre et coopérateur du père. Seul il sait honorer dignement la Divinité, médiateur placé entre le Dieu sans commencement et la créature qui l'a suivi, chargé du soin de gouverner le monde, consacré pour tout être qui lui est soumis, au père que seul il apaise et rend propice à tous; et il est nommé pontife éternel, et le Christ du père, et les Hébreux donnaient autrefois ce nom aux fidèles qui offraient la figure de ses mystères. Comme le chef des anges, il est dit l'ange du grand conseil, le chef des milices du ciel et le prince des armées du Seigneur. Descendu sur la terre, où il emprunte par la miséricorde da Père et en faveur de son image, notre nature raisonnable, il conduit des âmes faibles et comme des troupeaux, et est nommé pasteur de brebis; il annonce la guérison des maladies de l'âme et est appelé médecin et sauveur car tel est en hébreu le sens du nom de Jésus. Cependant, comme pour se rendre sensible aux hommes, et leur donner la véritable connaissance et le vrai culte de Dieu, il lui fallait un corps, il n'a pas décliné cette impérieuse nécessité. Revêtu de notre nature, il a paru au milieu des hommes et a montré un étonnant mystère, un Dieu sous la forme d'un homme. Aussi il ne parut pas d'une manière incertaine et obscure, sous une image fantastique et incorporelle ; mais il se rendit accessible aux yeux de la chair; il offrit aux yeux de l'homme des prodiges qui surpassaient la puissance humaine, et adressa aux oreilles du corps ses enseignements en paroles que sa langue articula, merveille insigne et toute divine, absolument inouïe. Ainsi se montra-t-il le Sauveur et le bienfaiteur des hommes ; c'est pour cela que le Verbe de Dieu fut appelé Fils de l'Homme; et parce qu'il est venu parmi nous pour guérir et sauver les âmes des hommes, il fut nommé Jésus car, en hébreu, le nom de Jésus signifie sauveur. Il a partagé notre condition, sans cesser d'être ce qu'il était, et en conservant sa divinité en son union avec l'humanité. Or, en sa naissance, il s'est uni à la divinité, ce que notre enfantement a d'admirable ; car il est né comme nous, et s'est voilé d'un homme également mortel ; mais comme Dieu et non plus comme homme il est sorti du sein d'une vierge pure et préservée des souillures du mariage, et ne dut pas la naissance de la nature humaine dont il empruntait le voile pour se manifester aux hommes, au commerce et à l'union charnelle. [4,11] CHAPITRE XI. La vie du Fils de Dieu parmi les hommes. Tel fut l'ensemble de sa vie. Il montra en soi tantôt les infirmités de notre nature, et tantôt les grandeurs du Verbe de Dieu, lorsqu'il multiplia les miracles et les prodiges comme Dieu, qu'il prédit les événements à venir et qu'il fit connaître par des œuvres admirables le Verbe de Dieu inaccessible à la multitude. [4,12] CHAPITRE Xll. Les lois de la charité l'appelaient auprès de ceux qui étaient morts autrefois. La consommation de sa vie à la fin de sa carrière fut semblable au commencement; car les lois de la charité l'abaissèrent jusqu'à la mort, et jusqu'aux morts eux-mêmes, afin de délivrer aussi les âmes de ceux qui étaient déjà descendus au tombeau, parce qu'il cherchait le salut de ceux qui avaient existé précédemment, et pour vaincre par sa mort celui qui avait l'empire de la mort, comme nous l'apprennent les divines Ecritures. Or, il manifesta encore ses deux natures en même temps. En effet homme, il livra son corps à la sépulture ordinaire; Dieu, il l'en délivra ; car, après avoir jeté un grand cri, il dit à son Père : « Je vous remets mon âme » (Luc, XXlII), et se dégagea de son corps, sans attendre que la mort l'atteignit. Il la poursuivit incertaine, presque dans l'hésitation, ou plutôt suppliante et se livrant à la fuite, et la chassa de son empire : il brisa les portes éternelles des lieux de ténèbres, et ouvrit le retour à la vie à ceux qu'enchaînait la loi de la mort. Ainsi ressuscita celui qui était mort, et avec lui les corps de plusieurs saints qui dormaient ressuscitèrent et le suivirent dans la cité sainte et céleste. De sorte que c'est avec raison que l'Ecriture dit: « La mort a été absorbée en triomphant » (Cor., XV) ; et encore : « Dieu a essuyé les larmes de tous les yeux » (Isaïe, XXV). Ainsi, d'après la prophétie, le Sauveur du monde, Notre-Seigneur, le Christ de Dieu, le Triomphateur, se joue de la mort et délivre les âmes soumises à sa tyrannie ; et, pour cette victoire, il chante cette hymne de triomphe : « Je les délivrerai demain de l'enfer et je rachèterai leurs âmes de la mort » (Osée, XIII). ? mort, où est ta victoire ? ô mort, où est ton aiguillon? Or, l'aiguillon de la mort est le péché, et la force du péché est la loi. Même à la mort, il se manifesta ainsi, et on en trouvera non pas un motif seul, mais mille, si on les recherche. Le Verbe nous en fait connaître un premier qui était de devenir le Seigneur des vivants et des morts ; un second, de nous purifier des souillures du péché en s'immolant de son gré et en devenant malédiction pour nous; un troisième, d'offrir au Dieu suprême une hostie divine et un sacrifice infini pour le monde entier ; un quatrième, d'arracher par sa force mystérieuse le monde aux charmes perfides du démon ; un cinquième enfin, de confirmer en ses amis et en ses disciples l'espérance de la vie en Dieu qui doit suivre le mort, non par des discours, des déclamations, ni des paroles, mais par des œuvres, et en montrant à leurs yeux l'accomplissement des promesses, de les rendre pour les Grecs et pour les Barbares, des hérauts fermes et intrépides de cette législation nouvelle de piété qu'il avait établie. Aussitôt il remplit de l'esprit divin qui l'animait ses fidèles et ses partisans, les apôtres et les disciples qu'il avait choisis parmi les plus gens de bien, pour qu'ils annonçassent à tout le genre humain la connaissance de Dieu qu'il avait révélée, pour établir parmi les Grecs et les Barbares une religion qui leur apprend à fuir et à éviter les démons, à rejeter l'erreur du polythéisme et à reconnaître le Dieu unique et suprême, et qui leur promet la délivrance des péchés dont ils s'étaient souillés dans leur ignorance, pourvu qu'ils n'y persévèrent point, et l'espoir du salut, comme à tous, par la piété toute sage et toute sainte qu'il a établie. [4,13] CHAPITRE XIII. Jésus conserva la nature impassible, incorruptible et spirituelle, au temps même où il se fut incarné. Les choses étant ainsi, il ne faut pas que le cœur de l'homme se laisse déconcerter lorsqu'il entend parler de la naissance, du corps, des douleurs et de la mort du Verbe de Dieu immatériel et spirituel. De même, en effet, que les rayons du soleil qui remplissent le monde ne contractent aucune souillure en frappant les cadavres et les immondices de la terre, de même, la puissance immatérielle de Dieu n'éprouvera rien en son essence, ne l'avilira pas et ne se ravalera pas en s'unissant incorporellement à un corps. Et pourquoi ? Est-ce que, sans ce corps auquel il est uni, celui qui pénètre toujours et en tout lieu la substance des éléments et des corps, comme intelligence créatrice de Dieu, ne scelle pas en ces substances les règles de cette sagesse qui procède de lui, quand il y puise la vie de ce qui est inanimé, les formes de ce qui n'est qu'ébauché et sans extérieur, quand il imprime aux qualités du corps les beautés qui sont en lui et les formes incorporelles, quand il communique aux êtres essentiellement inanimés et inertes, à la terre, à l'eau, au feu, un mouvement sage et plein d'harmonie ; quand il ordonne tout ce qui est désordonné, qu'il le fait croître et le perfectionne, quand il est présent à toute existence par sa puissance divine et sage, quand il la pénètre et l'atteint? Mais il ne s'altère pas, il ne contracte pas de souillure en son essence. Ainsi, en descendant parmi les hommes, il a apparu de diverses manières à un petit nombre de fidèles, étant hommes justes et prophètes, dont les livres saints ont recueilli les noms; et enfin, il est venu dans le monde, au milieu des méchants et des impies, des Juifs et des Grecs, par l'excessive compassion et par la charité du Père très-bon pour se manifester comme leur bienfaiteur et leur Sauveur, en disant de lui-même : « Ceux qui se portent bien n'ont pas besoin de médecin, mais ceux qui sont malades. Je ne suis pas venu appeler les justes à la pénitence, mais les pécheurs. » Le Sauveur de toute âme appelait ainsi les hommes : « Venez à moi, disait-il, vous tous qui êtes fatigués et qui êtes accablés sous le faix, et je vous soulagerai » (Matt.,XI). Semblable à un habile musicien dont la lyre décèle le talent, il appelait les hommes et guérissait leurs corps par l'intermédiaire de l'homme qu'il s'était uni ; et, médecin consommé, il soulageait les âmes souffrantes qui animaient les corps par des remèdes bien convenables, par les exemples qu'il donnait en sa personne d'une vie sage, vertueuse et animée par la piété, en leur enseignant des vérités, non pas transmises par d'autres hommes, mais puisées en lui-même et dans le sein du Père, et déjà manifestées comme une loi aux premiers fidèles qui ont précédé Moïse. Attentif à la guérison du corps non moins qu'à celle de l'âme, par la chair qu'il avait élevée jusqu'à lui, il rendait ses actes sensibles aux yeux de la chair; par sa langue, son enseignement il prenait une forme qui le portait aux oreilles de la chair; et, par son union avec l'humanité, il rendait la force divine qui l'animait sensible à des créatures qui n'eussent pu la saisir autrement. Par ces œuvres, dirigées à l'avantage et à l'utilité des hommes, le Verbe de Dieu, plein d'amour pour eux, exécuta les volontés du Père. Toujours, cependant, il demeura spirituel et immatériel, tel qu'il était d'abord dans le sein de son Père, sans changer son essence, sans rien perdre de sa nature, sans s'engager dans les liens de la chair ni déchoir de sa divinité, sans perdre sa puissance du Verbe, sans borner son action à la contrée où était la maison de son corps, au préjudice de son action universelle; mais il vivait au milieu des hommes et en même temps il remplissait le monde ; il était avec le Père et dans le sein du Père, et gouvernait tout ce qui est au ciel et sur la terre, sans se voir dépouiller de cette présence universelle à laquelle notre nature ne peut atteindre ni empêcher de consommer des œuvres divines à son ordinaire. S'il fit entrer son humanité en communication de ses vertus et de sa puissance, il ne reçut jamais de bornes de cette créature mortelle. Incorporel, il ne fut point souillé en naissant d'un corps ; et, impassibte, il n'éprouva aucune souffrance à occasion de la nature périssable. Lors, en effet, qu'une lyre rend des accords et que ses cordes vibrent sous la main légère, il n'est pas présumable que le musicien qui prélude soit agité de la sorte, l'on ne saurait dire que la sagesse d'un homme de bien et l'âme qui l'anime soient tranchées ou brûlées lorsque son corps est exposé au supplice : combien davantage ne faut-il pas reconnaître que l'essence et la puissance du Verbe incarné ne reçurent nulle atteinte des affections du corps ? Le soleil, que nous avons cité comme exemple, ne voit jamais se souiller les traits de lumière qu'il envoie vers la terre, lorsqu'ils frappent la boue et quelques immondices. Rien ne défend de dire que ces objets rebutants réfléchissent l'éclat qu'ils en reçoivent. Le soleil éprouve-t-il quelque altération de ce contact ? Devient-il boue ? Nullement. Toutefois ce changement ne serait point étranger à la nature des corps. Mais lorsque le Verbe de Dieu, spirituel et incorporel, vie et lumière de l'intelligence, sans dire encore ses autres perfections, atteint quelque être de sa puissance spirituelle et infinie, nécessairement cet être vit et participe à celle lumière intellectuelle. De même, tout corps qu'il atteint se purifie, s'illumine aussitôt; tout défaut, toute débilité, toute imperfection disparait; toute privation est inondée de sa plénitude. Ainsi, sous une influence légère de sa puissance, un mort ressuscite plein de vie, la mort fuit la vie. Les ténèbres sont dissipées par la lumière, ce qui est corruptible se revêt d'incorruptibilité, et ce qui est mortel, d'immortalité. [4,14] CHAPITRE XIV. Après avoir régénéré la nature humaine, il nous légua l'espérance des biens éternels. Que dire encore : l'homme fut absorbé tout entier dans la Divinité et le Verbe Dieu fut Dieu comme avant l'Incarnation. Lorsqu'il s'unit à notre nature, il jeta le fondement de notre espérance, il l'appela à partager avec lui la vie éternelle, la divinité et le bonheur, et nous donna aussi la plus forte preuve de notre immorlalilé et du royaume que nous devons partager avec lui. [4,15] CHAPITRE XV. Les raisons de l'avènement du Christ : il est appelé par les prophètes des Hébreux, Dieu, Seigneur et pontife du Dieu du monde. Le motif de sa venue parmi les hommes fut de ramener à la connaissance du Père l'homme qui l'avait abandonnée, de faire jouir de sa vie propre une créature à laquelle il appartenait par son origine, qu'il chérissait et avait créée a son image, de ramener à l'amitié de son père et en sa dépendance, celui pour lequel il s'abaissa jusqu'à s'incarner. Ainsi, pour abréger, ces considérations sur notre Sauveur et Seigneur Jésus-Christ seront confirmées par les prophètes des Hébreux, comme les témoignages qui en sont tirés le montreront, les nouvelles Ecritures appuyant les anciennes, et l'autorité des évangélistes confirmant les prédictions des prophètes. Puisqu'il en est ainsi, il faut commencer par ce nom de Jésus et de Christ qui lui fut donné, et par les prophéties qui l'ont désigné par son nom. Examinons d'abord ce que signifie le nom de Christ, avant de réunir les témoignages des prophètes sur ce nom proposé à nos méditations. Toutefois je pense qu'il est nécessaire de considérer le nom de Christ et d'en pénétrer le sens, afin que rien ne nous échappe de ce que l'on recherche en ce titre. Un autre, en commençant par ce qui s'offre de suite et ce qui se rapporte plus à notre sujet, eût dit que Moïse le premier a ordonné que les prêtres du Seigneur fussent oints d'un parfum soigneusement préparé, persuadé qu'ils devaient répandre autour d'eux une agréable odeur. En effet, les exhalaisons fétides plaisent aux puissances impures, comme la douceur des parfums à ceux qui chérissent la vertu. C'est pourquoi il était prescrit aux prêtres du temple d'offrir tous les jours des parfums, afin que l'air étant embaumé et purifié de tout miasme, une émanation divine saisit les adorateurs. Dans cette vue l'on composait un baume exquis pour l'action de ceux qui devaient présider publiquement le peuple, et Moïse le premier donna a ceux qui la recevaient le nom de christs. Or, cette onction n'était pas réservée au grand prêtre : elle sanctifiait encore les prophètes et les rois à qui seuls il était permis d'y participer. Cette raison serait bien facile à exposer sans doute, mais elle est fort éloignée du sens sublime et divin du prophète. Notre maître admirable et vraiment pontife suprême, qui savait que la substance corporelle et terrestre ne diffère que par les qualités, que nul autre caractère ne distingue les parties qui la composent, et que dérivées du même principe matériel, toute chose est instable, demeure en une perpétuelle incertitude et tend rapidement à sa destruction, ne prit rien de ce qui fait la beauté du corps ou peut flatter les sens : c'eût été la ruine de l'âme qui se serait alors inclinée vers la terre, car la multitude au corps efféminé, entraînée au gré de l'intempérance et du vice, prodigue les parfums et les ornements, tandis que l'âme exhale l'odeur des turpitudes et de la corruption ; de même que les amis de Dieu, au contraire, respirant la vertu, répandent par leur tempérance, leur justice et leur piété une bonne odeur bien supérieure à celle des aromates de la terre, méprisent les parfums qu'exhale la matière. Convaincu de cette vérité, le prophète ne fit aucune attention particulière aux parfums et à l'encens ; mais il revêtit d'images corporelles des vérités supérieures et divines, parce qu'on n'eût pu comprendre autrement les choses divines. Or il est évident que c'est en ce sens qu'a parlé l'oracle sacré en disant (Ex., XXV): Ayez soin d'exécuter tout d'après le modèle qui vous a été montré sur la montagne. » Ainsi en achevant les symboles qu'il appelle ordinairement types, il prescrit l'onction de parfum. Et voici, autant qu'il est possible de l'expliquer, le sens sublime et profondément caché de cet oracle. C'est que le bien seul de bonne odeur, seul désirable, est le principe de la vie et distribue à tout l'être et les qualités de l'être. Les Hébreux connaissaient ce principe unique de l'univers, le Très-Haut, le Dieu suprême et créateur du monde. Ils nomment esprit de Dieu la puissance du Dieu suprême et sans principe, puissance infinie, souverainement bonne et habile à distribuer la beauté sur les créatures. C'est pourquoi ils appellent christ et oint celui qui en reçoit l'influence. Par l'huile il ne faut entendre ici ni la compassion, ni la peine au sein des adversités, mais ce suc digne d'une plante, cette liqueur qui n'est mêlée d'aucune autre, qui ranime la lumière, qui soulage les travaux et les fatigues, qui réjouit ceux qui la font couler sur leurs membres; qui. semblable à la lumière laisse échapper des éclairs, qui fait resplendir le visage de ceux qui en usent, ainsi que le marque l'Ecriture, en disant : «Pour embellir son visage à l'aide de parfums» (Ps. CIII). L'Ecriture applique cette comparaison à la puissance du Dieu suprême, du prince et du roi du monde et celui qui le premier a reçu l'onction de sa main, qui participe à la bonne odeur incommunicable de la Divinité dont il sort, le Verbe Dieu, son Fils unique, nommé Dieu de Dieu par participation avec le Dieu qui l'a engendré. Être sans principe, sans commencement et au dessus de lui, elle l'appelle le Christ et l'oint du Seigneur. Aussi dans les psaumes une prédiction s'adresse-t-elle ainsi à celui que le Père a oint : « Votre trône, Dieu, est un trône éternel; le sceptre de l'équité est le sceptre de votre empire ; vous avez aimé la justice, et haï l'iniquité, aussi Dieu, votre Dieu vous a oint d'une huile de joie au-dessus de tous ceux qui y participent avec vous» (Ps. XLV). La nature de l'huile est simple, tandis que celle du parfum indiqué est un composé de plusieurs substances: ainsi la puissance suprême et éternelle du roi de toute existence, quoique simple et sans aucun mélange, est désignée sous le seul terme d'huile. Or, comme elle peut aussi comprendre plusieurs points divers, comme la force et la royauté, la providence, le discernement, l'amour des hommes et leur salut, et mille autres rapports que l'intelligence saisira, le pouvoir de faire le bien a été sagement comparé au baume dont le grand prêtre était oint, suivant les saintes lettres. Moïse, qui le premier eut l'honneur de voir les mystères des choses divines et ceux du premier et du seul oint, du grand pontife de Dieu, qui lui furent manifestées en ses révélations, reçut l'ordre d'établir sur la terre des images sensibles et des symboles de ce qu'il avait vu dans les ravissements, afin que ceux auxquels il s'adressait pussent méditer sur les symboles, jusqu'au temps de l'initiation à la vérité. Après avoir choisi parmi les hommes de la terre le juste propre à être le prêtre du Seigneur, le premier il l'appela christ, en s'élevant à l'intelligence des choses célestes, il le déclare élevé au-dessus des autres hommes par l'onction de suavité qu'il a reçue, et proclame ainsi avec clarté que toute nature créée et surtout la nature humaine si fort délaissée de la puissance incréée, a besoin de la bonne odeur d'un être supérieur, mais pour celle de l'être éternel et suprême. nul ne peut y prétendre, car c'est à son Fils unique et premier-né que ce don est réservé, et ceux qui le suivirent ne purent participer à ses biens que par la communication du second être. Le parfum mosaïque était donc le symbole de l'esprit divin, car il y a des divisions de grâces, mais l'esprit est le même» (I Cor., XII). Le législateur pensait que les prêtres, les prophètes et les rois devaient désirer d'y participer comme consacrés à Dieu non pour eux seuls, mais pour tout le peuple. Or, établissons ici une preuve convaincante du sens tout divin des symboles de Moïse et de la possibilité d'appeler christs ceux qui avaient reçu l'esprit divin sans cette onction des parfums sensibles. Lorsque David raconte l'histoire d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, ces patriarches pieux, qui ont vécu avant les jours de Moïse, il les appelle christs seulement pour l'effusion de l'esprit divin qu'ils ont reçu. En effet, quand il raconte comment ils ont reçu l'hospitalité des étrangers, et comment dans leurs dangers ils ont été secourus de Dieu selon le récit de Moïse, il les nomme prophètes et christs, bien que Moïse n'existât pas encore et que l'on ignorât le parfum qui fut composé par ses ordres. Voici comment s'exprime le saint roi : « Souvenez-vous des merveilles qu'il a opérées, des prodiges de sa puissance, et des jugements de sa bouche, race d'Abraham, ses serviteurs, fils de Jacob, ses élus. Il est notre Seigneur, notre Dieu ; ses jugements embrassent toute la terre. Il s'est toujours souvenu de son alliance, de la promesse qu'il a étendue aux générations innombrables et qu'il a jurée à Abraham » (Ps. ClV). Il se rappelle le serment qu'il a fait à Isaac. Il a confirmé cette alliance à Jacob par un décret irrévocable, et il l'a renouvelé à Israël pour découvrir une alliance éternelle en disant: «Je vous donnerai la terre de Chanaan pour la part de votre héritage ; » et ils errèrent de nations en nations et de peuples en peuples. Il ne permit pas que l'homme leur fît outrage ; et il dit aux rois à leur sujet: «Ne touchez pas à mes christs, et n'offensez pas mes prophètes.» Ainsi parle David. Moïse désigne de la manière suivante les rois que Dieu menaça : « Et le Seigneur frappa de très-grandes plaies Pharaon et sa maison, à cause de Sara la femme d'Abraham.» Il dit encore au roi de Gérase (Gen, XII) : « Dieu s'offrit à Abimélech la nuit durant son sommeil, et dit: vous allez mourir à cause de la femme que vous avez enlevée » (Ibid. XX). C'était celle d'Abraham. Il ajoute plus loin : « Maintenant rendez cette femme à son mari, parce qu'il est prophète, et il priera pour vous. » Ainsi David, ou plutôt l'Esprit saint, par sa bouche, appelle christs les anciens amis et prophètes du Seigneur, quoique l'onction sensible n'eût pas coulé sur leur tête. Comment, en effet, eût-elle coulé, puisque Moïse établit cet usage dans des temps postérieurs. C'est ainsi que s'exprime Isaïe, lorsqu'il annonce que le Christ sera envoyé de Dieu aux hommes comme libérateur et sauveur, qu'il viendra annoncer aux âmes captives leur délivrance et le recouvrement de la vue aux aveugles spirituels. Le prophète apprend qu'il est christ, oint, non de ce parfum matériel, mais du parfum intelligible et divin de l'essence du Père, el non pas de la main des hommes, mais par la grâce du Père. Il dit donc en la personne du Christ : « L'Esprit du Seigneur repose sur moi ; aussi il m'a oint; il m'a envoyé évangéliser les pauvres et annoncer la délivrance des pécheurs et la lumière aux aveugles » (Isaïe. LXI). Ainsi d'abord, conforme en cela a David, Isaïe dit que celui qui viendra parmi les hommes, qui annoncera la délivrance des pécheurs et la guérison des aveugles, est christ, non pas par l'action d'un parfum composé par les hommes, mais par l'effusion de la puissance éternelle et souverainement parfaite du Père. Suivant l'usage des prophètes, Isaïe parle encore des événements comme s'ils étaient écoulés et les manifeste en sa personne. Jusqu'ici nous avons reconnu que le nom de christ appartenait à ceux qui étaient oints de la main de Dieu et non par des hommes, de l'Esprit saint, et non d'un parfum matériel. Voici le moment de considérer comment le texte hébreu établit que le Christ de Dieu a une puissance divine bien supérieure à la nature humaine. Ecoutez David déclarer au CIXe psaume qu'il a vu le pontife éternel de Dieu l'appeler son Seigneur, et qu'il était assis sur le trône du Père suprême. Il parle ainsi : « Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Asseyez-vous à ma droite jusqu'à ce que je réduise vos ennemis à vous servir de marchepied. Le Seigneur va faire sortir de Sion le sceptre de votre autorité, et vous établirez votre empire au milieu de vos ennemis. Au jour de votre force la puissance vous appartiendra, au milieu de la splendeur de vos saints. Je vous ai engendré avant l'aurore. Le Seigneur l'a juré, et il ne révoquera pas son serment. Vous êtes le prêtre éternel selon l'ordre de Melchisédech » (Ps. CIX) Or, remarquez que c'est David, le roi de la nation juive, qui, outre la royauté, était relevé par l'inspiration divine, qui comprend tellement la grandeur el l'éclat merveilleux de celui qu'il annonce et qu'il a vu en esprit, qu'il rappelle son Seigneur. « Le Seigneur, dit-il, a dit à mon Seigneur. » II le reconnaît même pontife éternel, prêtre du Très-Haut, assis sur le trône du Dieu de l'univers, et son fils chez les Hébreux. On ne pouvait sans l'onction être prêtre de Dieu ; c'est pourquoi leur coutume était de nommer christs tous les prêtres. Ainsi donc le christ qui est désigné en ce psaume sera prêtre. Comment en effet serait-il reconnu prêtre, au témoignage du prophète, s'il n'était christ d'abord? En outre, il est prêtre pour l'éternité, nouveau caractère qui ne peut convenir à la nature humaine; car l'éternité ne saurait appartenir à l'homme, puisque notre race est caduque et mortelle. Il est donc bien relevé au-dessus de l'homme, le prêtre de Dieu indique en ce psaume, qui a reçu du Seigneur un sacerdoce éternel et infini, confirmé par serment. « Le Seigneur, dit le psalmiste, l'a juré, et il ne révoquera pas son serment : «vous êtes le prêtre; éternel selon l'ordre de Melchisédech. » Puisque Melchisédech, au récit de Moïse, fut prêtre du Très-Haut sans l'onction des parfums matériels, avant l'alliance que promulgua le législateur, et dont la vertu surpassa celle de cet Abraham si vanté. Moïse dit en effet (Genèse, XIV) : « Melchisédech, roi de Salem, prêtre du Très-Haut, bénit Abraham. » Or, dit l'apôtre (Hébreux, VII), il est sans difficulté que celui qui est supérieur bénira celui qui est au-dessous de lui, puisque ce Melchisédech, quel qu'il soit, est introduit, non pas oint d'un parfum matériel, mais consacré au Dieu Très-Haut. Il faut que le prêtre, selon l'ordre de Melchisédech, que David annonce, soit grand et au-dessus de toute nature, comme prêtre du Dieu suprême, assesseur de la puissance incréée. Seigneur du roi-prophète, prêtre du Père enfin, mais pour l'éternité. L'apôtre dit donc, en expliquant ce qui concerne ce passage : « Dieu voulant faire concevoir avec plus de certitude aux héritiers de ses promesses la fermeté immobile de sa résolution, employa le serment, afin que, appuyés sur deux choses inébranlables, par lesquelles il est impossible que Dieu trompe, nous eussions une très-grande consolation. » Et plus bas: «Les autres prêtres ont été établis sans serment, et celui-ci l'? été avec serment par celui qui lui a dit: « Le Seigneur l'a juré, et il ne révoquera pas son serment : Vous êtes le prêtre éternel, selon l'ordre de Melchisédech. Il y a eu, sous la loi, plusieurs prêtres, parce que la mort les empêchait de servir toujours ; mais celui ci, vivant éternellement, possède un sacerdoce éternel, de là vient qu'il peut toujours sauver ceux qui s'approchent de Dieu par son entremise ; car il vit toujours pour intercéder pour nous. » La puissance divine, qui entretient les existences et anime les substances spirituelles, selon les oracles des Hébreux, n'est pas consacrée au Dieu suprême par un parfum terrestre et destiné à l'homme, mais elle est établie par une onction plus digne, par la vertu et la puissance divine, pour être ministre du Dieu de l'univers. Celui donc qu'annonce ce psaume est évidemment prêtre éternel et Fils du Très-Haut, comme engendré par le Très-Haut lui-même et assesseur de sa royauté. Il a été montré que le Christ annoncé par Isaïe ne reçoit pas des hommes l'onction du sacerdoce, mais qu'il tient du Père l'effusion de l'Esprit saint, envoyé qu'il est pour délivrer les hommes de leurs iniquités. Moïse le vit dans une manifestation de l'Esprit divin, et il établit des images et des symboles de sa glorieuse prérogative. Pour suppléer à l'effusion de l'Esprit, il répandit le baume sur celui qu'il avait choisi pour être prêtre, et lui appliqua, par ressemblance avec le véritable, le nom de Christ et d'oint du Seigneur. Or, pour confirmer la vérité de ce que j'avance, quel témoin plus digne de foi que Moïse lui-même? Il nous apprend dans un de ses livres que le Dieu et le Seigneur qui lui révélait ses volontés, lui ordonna d'établir sur la terre un culte sensible, image des visions célestes dont il avait été favorisé, et symbole corporel des choses incorporelles et intelligibles. Le législateur figura donc en ce culte les offices des anges et des vertus des cieux, l'oracle sacré lui avant dit (Exode, XXV): « Vous ferez tout d'après le modèle qui vous a été offert sur la montagne. » Ainsi, entre autres institutions, il établit un grand prêtre qu'il sacra d'un parfum matériel, et forma ainsi un christ figuratif et emblématique, l'image du Christ du ciel et du pontife, et non pas le Christ et le pontife véritable. Du reste, que le Christ véritable ne fût pas homme, mais le Fils de Dieu, orné de mille dons par la droite du Père, et bien supérieur à la substance mortelle de l'homme et à toute intelligence créée, c'est ce que je crois avoir établi. Toutefois, il faut ajouter à ce qui a été exposé précédemment, que, dans le psaume XLIVe, dont l'inscription est pour le bien-aimé et ceux qui seront changés, le même David appelle en même temps celui qu'il désigne Dieu, Roi et Christ, en disant : « Mon cœur a laissé échapper la parole excellente, heureuse, j'adresse mes cantiques au roi: ma langue obéit comme la plume a l'écrivain rapide. Vous surpassez en beauté les enfants des hommes. » Puis il ajoute : «Votre trône, Dieu, est un trône éternel; le sceptre de l'équité est le sceptre de votre empire. Vous avez aimé l'équité et haï l'injustice; aussi le Dieu, votre Dieu, vous a sacré d'une huile de joie au-dessus de tous ceux qui y participent avec vous.» Remarquez avec attention comment, d'après l'inscription du psaume, le prophète indique dès l'abord qu'il parlera du bien aimé, afin d'exciter l'auditeur à comprendre ce qui sera dit; puis il expose toute l'ordonnance du cantique, en ajoutant : « pour ceux qui seront changés» ainsi fait-il comprendre ce qui précède pour le bien-aimé. Or, que représentent ces hommes qui seront changés et que ce psaume concerne, sinon ceux qui doivent abandonner leur première vie et leurs mœurs antiques pour embrasser la vie nouvelle que leur a annoncée celui qui est l'objet de cette prophétie ? C'est lui qui est le bien-aimé du Seigneur, et c'est pour atteindre sa hauteur que le prophète nous dit dès l'abord qu'il faut de l'intelligence ; que si vous doutez encore qu'il soit ce bien- aimé dont il est question ici, les premières paroles du psaume vous le feront comprendre :« Mon cœur a laissé échapper la parole excellente. » On peut dire que ce passage s'applique au Verbe qui, dès le commencement, est en Dieu, et dont le grand évangéliste dit ces belles paroles : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu. » Proféré en la personne du Père et du monde entier, ce passage : « Mon cœur a laissé échapper la parole excellente, » désigne le Verbe de Dieu, Fils unique du père qui a engendré, non par émission, par division, ni par retranchement ou par un appauvrissement de sa substance, ni par quelques-uns de ces moyens reconnus en la nature corporelle. De. telles pensées seraient impies et bien éloignées de la vérité de cette génération ineffable; mais il faut prendre ces paroles suivant ce que nous avons déjà compris, et comme lorsque le Verbe est dit engendré du sein de Dieu et avant l'aurore, nous l'entendons dans un sens figuré d'après la spéculation seule, il faut comprendre de même ce passage : Mon cœur a laissé échapper la parole excellente. L'esprit de Dieu ne le suggère, en effet que dans le sens spirituel, et il est nécessaire d'ajouter cette parole usitée en chacun des mystères que l'on développe, et qui est pleine de piété : « Qui exposera sa génération . » Car si les divines Écritures empruntent à notre langage mortel et limité comme nous, les termes de naissance du fils et de sein du père, il ne faut les prendre que dans le sens des mystères divins et suivant l'usage des allégories. De même on peut dire que ces paroles : Mon cœur a laissé échapper la parole excellente s'appliquent à la formation et à la substantialité du premier verbe, puisqu'il n'est pas possible d'entendre diversement le cœur qui est en nous et celui du Dieu suprême. On pourra dire encore que celui qui est désigné dans le psaume est le Verbe qui au commencement était en Dieu et qui est nommé parole excellente, comme engendré d'un père souverainement bon; mais en avançant un peu dans le psaume, nous trouverions que celui qui est annoncé le bien-aimé de Dieu a été oint, non par Moïse ou quelque autre des hommes, mais par le Dieu suprême, le Créateur de l'univers, son père. En effet, le prophète dit plus loin : « Aussi le Dieu, notre Dieu vous a sacré d'une huile de joie au dessus de tous ceux qui y participent avec vous. » Or, quel autre nom que celui de Christ donnera-t-on à celui qui a été oint par le Dieu souverain? Ainsi nous connaissons les deux noms de celui qui est annoncé Christ et bien–aimé, tandis que l'auteur de cette onction n'en a qu'un seul. Le prophète nous apprend aussi pourquoi il dit que celui dont il parle est oint de l'huile de l'allégresse, et chacun pourra reconnaitre soi-même ce motif en parcourant rapidement le psaume et surtout en examinant le sens des vérités qu'il contient. Ce psaume adresse au Christ dont il vient d'annoncer la venue, ces magnifiques paroles que nous avons déjà citées : « Votre Dieu, est un trône éternel, le sceptre de l'équité est le sceptre de votre empire, vous avez aimé la justice et haï l'iniquité, aussi le Dieu votre Dieu vous a sacré d'une huile de joie au-dessus de tous ceux qui y participent avec vous. » Or examinez si ce n'est pas évidement à Dieu qu'il s'adresse : « Vous, Dieu, dit-il, et non ô Dieu, votre trône est éternel, et le sceptre de l'équité est le sceptre de votre empire. Parce que vous, le Dieu, vous avez chéri la justice et haï l'iniquité, pour cela le Dieu, votre Dieu, vous a oint et vous a établi Christ au-dessus de tous ceux qui y participent avec vous. » Ce passage est encore plus frappant dans l'hébreu qu'Aquila traduit fort exactement de la manière suivante : « Votre trône, ô Dieu, est établi dans le temps et au delà le sceptre de justice est le sceptre de votre puissance, vous avez chéri la justice et détesté l'impiété; pour cela le Dieu, votre Dieu, vous a oint de l'huile de joie préférablement à ceux qui vous entourent. » Au lieu de ces mots: le Dieu, votre Dieu, le texte hébreux porte : « Ô Dieu, votre Dieu, de sorte que le passage est ainsi conçu : Ô Dieu, vous avez aimé la justice et haï l'iniquité, aussi, à Dieu, le Dieu souverain et suprême qui vous a sacré Dieu,» de sorte qu'il y a un consacré et un consécrateur qui le précède, Dieu de toute créature et du consacré lui-même ; ce qui deviendra plus sensible encore à celui qui examinera le génie de l'hébreu; car, au lieu du nom qu'Aquila traduit, votre trône, ô Dieu, en substituant ô Dieu, à ce mot le Dieu, l'hébreu dit: Eloïn; de même dans le passage : Aussi il vous a oint, ô Dieu, il y a Eloïn, ce qui est la désinence du vocatif ô Dieu. Mais pour la désinence simple du nom, quand il est dit aussi Dieu, le Dieu, vous a oint, l'hébreu met Eloach, et c'est avec justesse, car Eloïn étant le vocatif, se traduit par ô Dieu, tandis qu'Eloach, le nominatif, désigne le Dieu ; de sorte que cette traduction est fort exacte : Aussi le Dieu, votre Dieu, vous a oint. L'oracle saint s'adresse manifestement à Dieu, et dit qu'il a été oint de Dieu de l'huile d'allégresse, préférablement à tous ceux qui partagent avec lui le nom de christ. Voilà donc clairement ce Dieu qui est oint et qui devient Christ non par un baume matériel, non de la main des hommes ni comme les autres hommes. Or c'est lui même qui est appelé le bien-aimé du Père, son Fils, le pontife éternel et l'assesseur de la gloire du Père. Mais quel est-il enfin, sinon le Verbe premier-né de Dieu, celui qui au commencement était Dieu en Dieu, et dont la divinité est déclarée par toutes les divines Ecritures, comme cet ouvrage le montrera longuement dans la suite. Après ces considérations sur la substantialité et le nom du Christ, nous reprendrons le plan tracé, et nous examinerons quelles sont les prophéties qui ont prédit le Christ par son nom. [4,16] CHAPITRE XVI. DU PSAUME II. Le Christ est fréquemment désigné nommément comme l'objet des persécutions des rois et des princes, des nations et des peuples. Il est engendré de Dieu et appelé Fils de l'homme; il reçoit de son Père les nations et toute la terre en héritage. « Pourquoi les nations ont-elles frémi ? pourquoi les peuples ont-ils médité de vains complots? les rois de la terre se sont levés, et les princes se sont ligués contre le Seigneur et contre son Christ.» Il ajoute : « Mais moi, j'ai été établi roi par lui, sur Sion, sa montagne sainte, et je publie le décret du Seigneur. Le Seigneur m'a dit : Vous êtes mon fils; je vous ai engendré aujourd'hui. Demandez-moi, et je vous donnerai les nations pour héritage et la terre pour empire.» L'esprit de Dieu désigne ici fort clairement le Christ qu'il appelle le Fils de Dieu, comme le font les passages déjà cités; il annonce en même temps les complots que l'on tramera contre lui, et l'appel qu'il doit faire aux nations, prédiction que l'événement a confirmée dans notre Sauveur Jésus-Christ. Aujourd'hui encore les nations et les peuples, les rois et les princes ne cessent de tramer contre le Seigneur et contre sa doctrine. Et si les Juifs rapportent l'accomplissement de cet oracle à un autre temps, il faut donc qu'ils reconnaissent que le christ qu'ils attendent souffrira de nouveau, selon ces paroles: « Les rois de la terre se sont levés et les princes se sont ligués contre le Seigneur et contre son Christ. » Ce qu'ils n'admettront jamais, puisqu'ils espèrent que le christ à venir sera un grand prince, un roi éternel et le libérateur de leur nation. Car si celui-ci doit subir les mêmes épreuves, pourquoi croire ou rejeter l'un plutôt que l'autre. Exclus de cette allégation, s'ils rapportent l'oracle sacré à David ou a quelqu'un des rois juifs qui sont descendus de lui, il faudra démontrer que ni David, ni tout autre des Hébreux qui se sont jamais illustrés ne fut annoncé comme Fils de Dieu, ni comme engendré de Dieu, ainsi que celui que le psaume annonce, ni enfin comme exposé aux complots des nations et des rois, des princes des peuples. Si l'on ne cite aucun d'eux et s'il est établi par l'événement qu'autrefois le Christ de Dieu eut à essuyer les complots des rois et des princes, des nations et des peuples, et qu'il y est en butte aujourd'hui encore, pourquoi n'est-il pas celui que le prophète annonce quand il dit : « Les rois de la terre se sont levés el les princes se sont ligués contre le Seigneur et contre son Christ. » A lui seul encore se peuvent appliquer ces paroles du même psaume: « Le Seigneur m'a dit : Vous êtes mon fils, je vous ai engendré aujourd'hui ; demandez-moi et je vous donnerai les nations pour héritage et la terre pour empire, » Or la prophétie s'est accomplie en lui seul incontestablement, lorsque la voix de ses disciples s'est étendue dans toute la terre et que leurs paroles ont retenti jusqu'aux extrémités du monde. Le psaume nomme évidemment le Christ, quand il apprend qu'il est fils de Dieu, en parlant en son nom de la sorte : « Le Seigneur m'a dit : Vous êtes mon Fils ; je vous ai engendré aujourd'hui. » Comparez ce qui est dit en son nom encore dans les Proverbes : «Avant que les montagnes ne fussent affermies et que les collines ne s'élevassent, il m'a engendré (Prov. VII) ainsi que ce passage du psaume CIX où le Père lui dit: «Je vous ai engendré avant l'aurore.» Or, remarquez que les saintes lettres annoncent comme le seul el le même Christ et Fils de Dieu tout ensemble, celui qui sera circonvenu des hommes, qui recevra les nations en héritage et possédera les extrémités de la terre, montrant ses rapports avec les hommes par deux signes: par les complots formés contre lui et par la soumission des nations à sa puissance. DU PSAUME XIX. Le Christ désigné nommément obtient de son Père ce qu'il demande. « Que le Seigneur accomplisse vos vœux, maintenant j'ai su que le Seigneur a sauvé son Christ ; il l'exaucera du haut du ciel. » Puisque nous nous proposons d'exposer ici combien souvent le Christ est désigné par son nom dans les prophéties, juste titre que nous citons ces paroles qui l'annoncent clairement. Du reste, tout le psaume adresse en la personne des saints des prières au Christ. Car, puisqu'après s'être fait homme il a supporté mille outrages à cause de nous et pour nous, nous apprenons à prier avec celui qui a prié et conjuré pour nous le Père, comme avec celui qui repousse les guerres visibles ou invisibles qui nous sont intentées. Aussi empruntons-nous les paroles de ce psaume pour lui dire : Que le Seigneur vous exauce au jour de la tribulation, que le nom du Seigneur de Jacob vous protège, qu'il vous envoie son secours de son sanctuaire et que de Sion il veille sur vous. Ensuite, comme il lui appartient en qualité de pontife suprême d'offrir pour nous les sacrifices spirituels de glorification et de prédication de l'essence divine, et comme, ainsi qu'un sacrificateur, il s'est offert en holocauste à Dieu le Père, lui et l'homme qu'il s'est uni sur la terre, nous lui disons encore : « Qu'il se souvienne de vos sacrifices et que votre holocauste lui soit agréable, parce que tout ce qu'il prépare est salutaire et utile au monde, » nous ajoutons« Que le Seigneur vous donne selon votre cœur et qu'il remplisse tous vos désirs » Puis. nous confessons sa résurrection d'entre les morts et nous disons : « Nous nous réjouirons de votre salut. » Quel est le salut du Christ sinon sa résurrection qui a relevé les hommes de leur abaissement; aussi disons-nous encore : « Nous serons glorifiés par le nom de notre Dieu, et que le Seigneur accomplisse votre vœux. Enfin nous apprenons à dire maintenant :j'ai su que le Seigneur a sauvé son fils » ; car nous n'avons reconnu cette vérité que lorsque nous avons reconnu son salut et compris la vertu de sa résurrection. DU PSAUME XXVII. Le christ est désigné par son nom; il a le Seigneur pour père et pour protecteur. Le seigneur est le soutien de son peuple et le protecteur de ceux que son Christ a sauvés. Ce psaume se rapporte au Christ, il contient la prière que le Christ adressa à son Père au temps de sa passion. C'est pourquoi il est dit au commencement : « J'ai crié vers vous, Seigneur, mon Dieu, ne vous taisez pas, car je deviendrai semblable à ceux qui descendent dans le sépulcre.» A la fin le Psalmiste prédit la résurrection d'entre les morts : « Béni soit le Seigneur parce qu'il a écouté la voix de ma prière. Le Seigneur est ma défense et mon bouclier; mon cœur a espéré en lui et j'ai été secouru, et ma chair a reverdi et je le louerai en ma volonté. » l'Esprit divin et prophétique ajoute: « Le Seigneur est la force de son peuple et sa protection est le salut de son Christ. » Ainsi nous apprend-il que tout ce que racontent les divines Ecritures des merveilles du Christ opérées pour le salut des hommes, de son enseignement, de ses œuvres, ou des mystères de la résurrection dont il s'agit ici, s'est consommé par la volonté et la puissance du Père, protecteur fidèle de son Christ, dans les merveilles et les bienfaits de sa prédication et de ses œuvres. DU PSAUME LXXXIII. Le Christ, désigné par son nom, a Dieu pour protecteur; un jour, celui de la résurrection, et une maison de Dieu, qui est l'Eglise. « ? Dieu, notre protecteur, jetez les yeux sur nous et regardez la face de votre Christ, parce qu'un jour passé dans votre demeure vaut mieux que mille jours. J'ai préféré être abaissé dans la maison du Seigneur, plutôt que d'habiter dans les tentes des pécheurs. » Ceux qui savent que le Christ de Dieu est le Verbe, la sagesse, la lumière véritable et la vie, et qui connaissent son incarnation, frappés d'étonnement pour un dessein si extraordinaire, s'écrient : « Et nous l'avons vu ; il était sans forme ni beauté, et son extérieur était méprisable et au-dessous de celui des fils des hommes. Homme de douleur et familiarisé avec la misère, il a été méprisé, parce qu'il a détourné le visage.» (Isaïe, LIII) Aussi conjurent-ils le Seigneur de regarder la face de son Christ, qui pour nous a été couverte de mépris et abreuvée d'outrages, et de se montrer favorable, parce qu'il a pris nos péchés sur lui et souffre pour nous. Ils le supplient ainsi comme embrasés du désir et demandant par leurs prières, de voir la face de la gloire du Christ et le jour de sa lumière. Ce jour est celui de sa résurrection d'entre les morts, jour seul et unique, jour véritablement grand, jour du Seigneur. Ils le disent préférable à ces innombrables jours ordinaires, ou même à ceux que Moïse a consacrés par les fêtes, les cérémonies et le sabbat, qui, au dire du grand Apôtre, ne sont que l'ombre du jour el non le jour lui-même. Seul jour de Dieu, le jour de noire Sauveur ne resplendit pas en tout lieu, mais seulement dans les parvis du Seigneur, c'est-à-dire dans les églises du Christ établies dans l'univers entier, les parvis du Dieu vivant. Celui qui a pénétré ces merveilles, aime et préfère leur avilissement et proclame que ce séjour en est bien meilleur que celui des tentes des pécheurs. Sous ce dernier caractère, il désigne la synagogue qui a rejeté le Christ, les réunions des impies d'une autre croyance, des nations incrédules. Et quiconque entrera dans l'Eglise du Christ, la trouvera bien préférable à ces assemblées. DU PSAUME LXXXVIII. Le Christ désigné nommément doit souffrir le mépris et l'outrage; son changement; son peuple insulté par ses ennemis. « Cependant, Seigneur, vous avez repoussé, méprisé et rejeté votre Christ; vous avez détruit l'alliance de votre serviteur. Vous avez souillé son sanctuaire dans la poussière et le reste. » II ajoute« Souvenez-vous, Seigneur, des opprobres de vos serviteurs que je porte en mon sein ; des insultes des nations dont vos ennemis couvrent, dont ils chargent la face de votre Christ » Le Christ est ici désigné nommément, ainsi que son affliction au jour de la passion. En son temps nous développerons le sens du psaume entier, pour établir que les détails n'en conviennent qu'à notre Sauveur et Seigneur. Cependant le Christ deux fois nommé, quel est-il, sinon celui dont le changement, c'est-à-dire l'Eglise a été et est encore couverte des opprobres, des ennemis du Christ ? Car tout ennemi de la doctrine du Christ nous reproche les souffrances que notre Sauveur a endurées pour notre salut et surtout sa mort et sa croix. DU PSAUME CXXXl. Le Christ désigné nommément sort de la race de David; il est appelé la corne de David. Il confondra les Juifs ennemis et renouvellera la sanctification du Père. « Le Seigneur a fait à David un serment véritable ; ce serment est irrévocable : Je placerai sur votre trône un fils qui naîtra de vous. Sur la fin il ajoute : « Là je signalerai la corne de David, j'ai préparé le flambeau de mon Christ, je couvrirai ses ennemis de confusion, et ma sanctification resplendira sur lui. » Le Seigneur jure ici au sujet du rejeton de la race de David qu'il appelle la race et sa corne. Il indique le Christ et avertit qu'il lui a préparé un flambeau. les prophéties, ce semble, dont fut précédé le Christ qui seul s'est levé comme un soleil sur nous ici habitants de la terre. David lui-même, préparé comme flambeau du Christ, n'eut que l'éclat du flambeau par rapport à ce soleil et à celle lumière parfaite, « Là, dit-il, je signalerai sa corne, en désignant ainsi le lieu d'où il annonce que le Christ doit naître. Car David ayant demandé de contempler en esprit le lieu de la naissance du Christ, et ayant dit : « Je ne monterai pas sur le lit de mon repos ; je n'accorderai pas le sommeil à mes yeux, ni l'assoupissement à mes paupières, et le repos à ma tête, jusqu'à ce que j'aie trouvé la demeure du Seigneur el le tabernacle du Dieu de Jacob, » l'Esprit saint lui désigne Bethléem, et le psalmiste ajoute : « Voici que nous avons appris qu'il était en Ephrain, c'est-à-dire en Bethleem. Nous l'avons trouvé dans des campagnes couvertes de forêts. Nous entrerons en son tabernacle, nous adorerons le lieu où se sont arrêtés ses pieds. » Aussi après la manifestation de ces circonstances, il ajoute: « Là je signalerai la corne de David ; j'ai préparé un flambeau à mon Christ. » Peut-être encore dans un autre sens désigne-t-il l'humanité dont le Verbe est revêtu à Bethléem, puis qu'à travers ce corps, de même qu'à travers un vase de terre, la vertu divine qui y résidait a répandu comme par une lampe les splendeurs de la lumière divine et spirituelle sur tous les hommes. D'AMOS. Le Christ dénommé nommément par son père; il est reconnu de tous les peuples, et rejette les Juifs. « Préparez-vous à invoquer le Dieu d'Israël car voici celui qui fait gronder le tonnerre et qui crée le vent, qui annonce son christ aux hommes, qui forme l'aurore et les ténèbres, et qui marche sur les hauteurs de la terre. Le Seigneur le Dieu tout puissant est son nom. Ecoutez la parole de Dieu, la lamentation que je prononce contre vous. La maison d'Israël est tombée, elle ne se relèvera plus. » La vierge est étendue sur sa propre terre; nul ne pourra la rétablir. (Amos, IV). Dieu qui, pour la septième fois, annonce le Christ par son nom, ici fait gronder le tonnerre et crée le vent; et la prédication évangélique est appelée tonnerre, parce qu'elle se fait entendre à tous les hommes, comme sous le nom de vent est désigné le souffle que le Christ a répandu sur ses apôtres. Cette prophétie a été manifestement accomplie à l'avènement du Christ, auquel le Seigneur devait former l'aurore et les ténèbres; l'aurore pour ceux qui avaient connu la lumière de salut, et les ténèbres pour ceux des fils de la circoncision qui rejetaient le Christ. La prophétie les menace des dernier malheurs, lorsqu'il leur annonce la désolation à laquelle ils furent livrés aussitôt après leur attentat contre notre Sauveur Jésus-Christ. Depuis cette époque funeste, et jusqu'à nos jours, la maison d'Israël est renversée, l'avertissement et une sentence ont été rendus de Dieu contre la maison de Jérusalem qui doit tomber, et contre les institutions de ce peuple : ils ne se rétabliront pas, car ils n'ont personne pour leur porter secours, et nul, est-il écrit, ne pourra la rétablir. Comme ils n'ont pas reçu le Christ de Dieu qui leur avait été envoyé, il les a justement abandonné, et il s'est tourné vers les nations de la terre, après avoir manifesté aux Juifs la cause de leur délaissement dans cette expression de sa douleur où il semble la justifier : « Jérusalem, Jérusalem qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés, souvent j'ai voulu réunir tes enfants comme la poule réunit ses petits sous ses ailes ; vous ne l'avez pas voulu ; voici que votre demeure va demeurer déserte. ». D'HABACUC. C'est le Christ nommément que le Père délivrera et qui délivrera lui-même ses christs. « Vous êtes sorti pour le salut de votre peuple, pour celui de vos christs. Vous aves frappé de mort la tête des impies » (Habacub, III). Suivant Aquila, « vous êtes sorti pour le salut de voire peuple avec votre christ. » Comme Aquila met le nombre singulier au lieu du pluriel, en disant que le Dieu de l'univers a lancé son peuple, c'est avec justesse que nous avons cité ce passage qui confirme notre proposition avec évidence. Suivant les septante, plusieurs justes seront appelés christs de lui et par lui, et c'est d'eux qu'il est dit: « Ne touchez pas mes christs, et n'offensez pas nos prophètes. » Ils on cru en lui, ils ont été honorés de l'onction sainte de la régénération du Christ et peuvent dire comme le grand Apôtre. « Nous avons été rendus participants du Christ » (Hébr. III) DES LAMENTATIONS DE JEREMIE. Le Christ nommément est circonvenu des Juifs et reçu des nations. « L'Esprit de notre bouche, le Christ, le Seigneur a été enveloppé dans nos péchés, nous avions dit de lui : Nous vivrons sous votre ombre, au milieu des nations. » Les admirables prophètes de Dieu à qui l'Esprit divin recélait l'avenir, annonçaient qu'ils vivraient encore et que leur parole conserverait une énergie pour agir parmi les nations et non pas en Israël. Ils disaient que le Christ désigné nommément comme celui qui leur communiquait l'esprit prophétique, serait enveloppé dans les péchés de ce peuple. Du quel ? évidemment du peuple de la circoncision qui le circonvint. Remarquez que la prédiction dit que le Christ sera enveloppé, ce qui peut s'accorder avec son second avènement annoncé par les prophéties comme glorieux et fort de la puissance divine. Ainsi donc ceux de la circoncision s'égarent en rapportant à son premier avènement ce qui est dit du second, sans que les prophéties le fassent entendre. Comment, en effet, serait-il en même temps glorieux et abject, comblé d'honneur, roi et sans forme ni beauté, et méprisable aux yeux des fils des hommes, sauveur, libérateur d''Israël el circonvenu par lui, trainé au supplice comme une brebis et livré à la mort par les impies? D'après nous, au contraire, les promesses qui se rapportent au Christ se divisent en deux parts avec une justesse que confirme l'examen; ce qui indique les faiblesses et les souffrances de son humanité est reconnu, consommé en sa première manifestation, et les traits de gloire et de divinité sont attendus encore en son second avènement. Une preuve évidente que le premier avènement a eu lieu, c'est la connaissance de Dieu qui s'est répandue par son entremise chez toutes les nations, diffusion qu'annoncent les prophéties innombrables et diverses comme celles que nous avons citée : « Sous son ombre nous vivrons au milieu des nations. » DU PREMIER LIVRE DES ROIS. Le Christ désigné nommément est exalté par le Seigneur son père. « Le Seigneur s'est élevé sur les cieux et il a fait gronder son tonnerre. Il jugera les sommets de la terre, il donnera la force à nos rois, et il relèvera la corne de son Christ » (I Rois, II). Cette prophétie désigne le rétablissement au ciel du Christ nommément ou de Dieu ; l'Ecriture sainte annonce sa parole qui retentira dans le monde comme le tonnerre, et le jugement qu'il fera des hommes ensuite. Il est dit que le Seigneur donnera la force à nos rois : ces rois seront les apôtres du Christ dont il est dit au psaume LXVII : « Le Seigneur donnera sa parole aux évangélistes avec une grande puissance. » Ici encore est désigné par son nom le Christ, notre Sauveur, selon son humanité. L'oracle saint annonce que sa corne doit être relevée, en nous révélant son invisible puissance et sa royauté. L'Ecriture appelle en effet la royauté une corne. C'est en ce sens qu'il est dit au psaume LXXXVIII : « Et sa corne sera élevée par la vertu de mon nom. » DU PREMIER LIVRE DES ROIS. Le Christ nommément reçoit du Père une maison fidèle, son Eglise; pontife fidèle il la préside toujours en esprit de vérité. « Voici que les jours viennent où je détruirai votre postérité et celle de votre père, et il n'y aura pas de vieilles dans votre maison » (I Rois, II). Après avoir adressé à Héli ces paroles et d'autres encore, la prophétie ajoute : « et je me susciterai un prêtre fidèle qui agira selon mon cœur et selon mon âme ; et je lui établirai une maison fidèle, et il entrera toujours devant mon Christ. » Dieu menace de rejeter ceux qui ne suivent pas les rites sacrés, il annonce pour leur succéder un prêtre d'une autre famille qui « entrera, dit- il, en présence de mon Christ » ou il marchera en présence de celui que j'ai choisi suivant le sens d'Aquila ; ou encore comme traduit Symmaque, séjournera en présence de mon Christ. Mais enfin quel sera-t-il? celui sans doute qui s'acquittera avec piété du sacré ministère du Christ de Dieu à qui Dieu, ordonnateur et architecte sage, promet d'édifier la maison de l'Eglise, sans en désigner d'autre que l'Eglise érigée en toute la terre au Christ nommément, où quiconque est consacré par le Christ de Dieu présentera selon un ministère tout spécial les offrandes agréables et selon le cœur de Dieu ; car le sang des taureaux et des boucs répandu selon les anciens rites sera désormais en aversion à Dieu, selon la prophétie d'Isaïe. Telles sont les diverses prophéties où le Christ est désigné sous ces noms. Cependant comme à ce nom est sans cesse attachée la prédiction des souffrances du Seigneur, il faut reprendre ce qui est exposé sur sa divinité dans le psaume XLIV dont le titre est: Au bien aimé; où le prophète, après avoir annoncé dans le commencement le Christ comme roi, après quelques autres paroles ajouta sur la divinité du Christ «Votre trône, Dieu, est un trône éternel; le sceptre d'équité est le sceptre de voire empire, vous avez aimé l'équité et haï l'iniquité; aussi Dieu, votre Dieu, vous a sacré d'une huile de joie au- dessus de tous ceux qui y participent avec vous. » Ainsi que nous l'avons déjà montré, celui qui chérit l'équité et qui hait l'iniquité est le même que celui qui, pour ce motif, a reçu d'un autre Dieu supérieur et son père, l'onction d'allégresse plus magnifique et plus glorieuse que celle qui en fut l'image. Or, honoré de Dieu et non des hommes d'une glorieuse faveur, quel nom méritera-t-il, sinon celui de Christ? Donc il se nomme encore Dieu, comme il a été déjà établi en son lieu. Il faut encore rappeler ici ces paroles d'Isaïe : « L'esprit du Seigneur repose sur moi ; aussi le Seigneur m'a envoyé évangéliser les pauvres, relever les courages abattus, annoncer aux captifs la liberté, et aux aveugles la lumière » (Is., LXV) Déjà nous avons fait voir à leur occasion que les prêtres qui étaient élevés au milieu des hommes au sacerdoce divin étaient oints d'un parfum matériel, mais le Christ de la prophétie est oint par la vertu divine; tous ces traits se rapportaient à notre Sauveur, à Jésus, le seul vrai Christ de Dieu, qui, ayant pris un jour le livre de cette prophétie dans une synagogue, rencontra le passage déjà cité, et en annonça l'accomplissement. Il est écrit en effet, que lorsqu'il eut lu et roulé le livre, il le remit au ministre et s'assit. Les yeux de tous les assistante étaient fixés sur lui, et il commença à dire: « Aujourd'hui cette prophétie s'est accomplie à vos oreilles » (Luc, IV). A ces autorités il faut ajouter celle de Moïse, qui, en élevant Aaron, son frère, à la souveraine sacrificature, d'après le modèle qui lui fut montré et l'ordre qu'il reçut : « Vous ferez tout d'après le modèle qui vous a été montré sur la montagne, » manifesta qu'il avait vu des yeux de l'intelligence et par la lumière de l'esprit de Dieu, le grand pontife du monde, le vrai Christ de Dieu ; il le figura dans un culte corporel et emblématique, et l'honora du nom de vrai Christ. Le grand Apôtre lui-même confirme cette idée, lorsqu'il dit sur la loi de Moïse : « Leur ministère n'a pour objet que ce qui était la figure el l'ombre des choses célestes » (H?b., VIII) ; Ailleurs, « la loi n'ayant que l'ombre des biens à venir.» Ailleurs encore (Colos., II), « que personne ne vous condamne pour le boire et le manger, ou à cause des jours de fête, de néoménies ou de sabbat, toutes choses qui ne sont que l'ombre de l'avenir. » En effet, si les prescriptions de la loi sur l'usage des viandes, les jours de fête et de sabbat étaient l'ombre de la vérité, vous conviendrez aussi que le grand prêtre représentait un autre pontife, et qu'il s'appelait Christ pour figurer le seul et véritable christ. Ce christ figuratif est d'autant plus éloigné du véritable, que celui-ci a été honoré de ces paroles de la bouche de Dieu: « Asseyez-vous à la droite jusqu'à ce que j'aie réduit vos ennemis à vous servir de marchepied, et régnez sur vos ennemis,» et: «je vous ai engendré avant l'aurore,» et encore : «le Seigneur l'? juré et il ne révoquera pas son serment, vous êtes le prêtre éternel, suivant l'ordre de Melchisédech, vous êtes la progéniture et fils de Dieu, engendré avant l'aurore et avant toute créature, » Il est clairement désigné en ces passages comme pontife éternel. Cependant le christ de Moïse, chargé d'un rôle passager, ainsi que les héros de la scène, voit sa carrière s'achever comme celle des hommes, et rend ainsi témoignage au Christ unique et véritable. Le véritable Christ sans l'onction de Moïse, ni l'effusion d'un baume matériel et composé, a rempli néanmoins toute la terre de son nom et de sa vertu, lorsqu'il a formé au sein des nations la société de son nom appelée Christianisme ; or, jamais le christ de Moïse ne fut ainsi appelé des hommes, sinon dans les écrits de Moïse, ce qui est évident. Le nom de Jésus était déjà vénérable aux anciens amis de Dieu ; Moïse le premier, changea le nom de son successeur en celui de Jésus, car il est écrit: «Voici les noms de ceux que Moïse envoya pour examiner la terre promise. Moïse appela Jésus Mausès, fils de Navé, et il les envoya. » Remarquez, comment pénétré de la valeur des noms, après avoir approfondi ce qui concerne les hommes saints qu'il a nommés et les motifs qui lui ont suggéré leurs noms, le prophète introduit Abraham recevant de Dieu pour prix de sa vertu, le nom entier d'Abraham, ce n'est pas le temps d'en expliquer la signification ; ainsi appela-t-il Saraï Sara. Celui qui fut appelé Ris à sa naissance, fut nommé Isaac, et Jacob fut honoré du surnom d'Israël en récompense de sa lutte. Moïse comprit par une sagesse et une science toute divine plusieurs vérités surnaturelles de la force et de la nature des noms, et quoique nul de ceux qui avaient vécu avant lui n'eût porté le nom de Jésus, le premier, sous l'impression de l'esprit de Dieu, il changea le nom de celui qui devait être son successeur dans la conduite du peuple pour l'appeler Jésus, convaincu que le nom qu'il avait reçu de ses parents à sa naissance ne lui convenait plus: ses parents l'avaient appelé Nausès. Ce n'est que longtemps après la sortie d'Egypte, lorsqu'il fut purifié par des aspersions et l'effusion du sang des victimes que celui-ci reçut l'onction sainte de la main de Moïse. Mais le Christ figure véritable au commencement et dès les profondeurs les plus reculées de l'éternité, qui existait sans imperfection tout en tout, toujours semblable à lui-même et ne changeant jamais, fut toujours Christ, et avant de venir parmi les hommes, et après son avènement, non pas consacré de la main d'un homme ou par l'effusion d'une liqueur matérielle qui fut entre leurs mains, mais sanctifié par l'éternelle divinité du Dieu suprême. Le ministère de son nom est développé, .... à ce que nous avons dit, et est exprimé chez le très-sage Salomon, au Cantique des cantiques : « Votre nom est un parfum répandu » (Cant.. I.2), animé de l'esprit céleste et honoré de la vision des mystères du Christ et de son Eglise; après avoir parlé de l'âme comme de l'épouse, et de l'autre comme de l'époux, il cherche le nom de l'époux et s'écrie comme il lui adressait la parole: « Votre nom d'époux céleste est un parfum et non seulement un parfum, mais d'un parfum répandu; or. quel nom signifie parfum répandu, sinon celui de Christ? car il ne pourrait ni être Christ, ni en porter le nom sans que le parfum fût répandu. Nous avons expliqué quel est ce parfum dont le Christ a reçu l'effusion. Après cette longue explication du nom de Christ, examinons celui de Jésus ; [4,17] XVII. mais le prophète de Dieu changea son nom de naissance et sous l'influence de l'Esprit saint, il appelle ce grand homme Jésus; il était convaincu que le fils de Nausès ne devait pas diriger autrement le peuple après sa mort, et que puisque les lois qu'il avait données lui-même, devaient un jour être changées et détruites, et périr comme Moïse lui-même en quelque manière, nul autre que Jésus, le Christ de Dieu, ne pou?rait donner une législation supérieure à la première. Ainsi donc Moïse, le plus admirable des prophètes, ayant puisé dans l'esprit de Dieu la connaissance de ces deux noms de notre Sauveur Jésus-Christ en décora comme d'un royal diadème ceux qu'il discerna des chefs, les conducteurs du peuple, le grand prêtre de Dieu, et son propre successeur; il sut leur distribuer ces deux noms avec intelligence. A Aaron il donna celui de Christ et à Nausès qui devait lui succéder, celui de Jésus. Ainsi les écrits de Moïse furent parés de deux noms de notre Sauveur Jésus-Christ. DE L'EXODE Jésus, le successeur de Moïse, l'ange et le futur conducteur du peuple apporte le nom du Christ qui inspire les prophètes. « Voici que j'envoie mon ange devant vous, afin qu'il vous garde dans le chemin et qu'il vous fasse entrer en la terre que je vous ai préparée. Respectez-le, écoutez sa voie, ne vous élevez pas contre lui, car il ne vous pardonnera point; car c'est mon nom qu'il porte. « Mon nom, dit le Seigneur, le nom du celui qui vous prédit ces événements est celui qui doit vous introduire dans la terre promise. » Si ce fut Jésus seulement, il est évident que Dieu dit qu'il portera son nom. Il ne faut donc plus être surpris s'il l'appelle ange, puisqu'il donne le même, nom à Jean, tout homme qu'il était : « Voici que j'envoie mon ange devant vous, il vous préparera les voies » (Matth., Il, 10). DE ZACHARIE. Jésus. le grand prêtre, fils de Josédech, est le symbole et l'image de notre Sauveur qut ramène à Dieu les âmes des hommes dont la captivité s'était appesantie (Zach., III). « Et le Seigneur me montra Jésus, Ie grand prêtre, debout devant l'ange du Seigneur, et Satan était à sa droite pour s'opposer à lui, et le Seigneur dit à Satan : « Le Seigneur te réprimera, Satan ; il te réprimera, le Seigneur qui a choisi Jérusalem.» Celui-ci n'est-il pas un tison arraché au feu? Jésus était couvert de vêtements souillés.» et il se tenait devant la face de l'ange du Seigneur, et l'ange dit à ceux qui se tenaient devant lui : « Otez-lui ses vétements souillés, » et il lui dit : «Voilà que j'ai ôté de vous l'iniquité. Revêtez-le d'un noble vêlement ; posez sur sa tête une tiare pure, et ils le revêtirent de vêtements précieux.» Le prophète ajoute : «Ecoutez, ô Jésus, souverain pontife, vous et tous ceux qui sont auprès de vous, parce que tous, vous serez témoins de grands prodiges, voici que j'amène de l'Orient mon serviteur » ( Zach., VI, 10). Un peu plus bas il ajoute à ces paroles : « Le Seigneur me parla en disant : «Prenez ce qui est de la transmigration de ses princes et de ses prophètes et de ceux qui l'ont connue; vous viendrez en ce jour dans la maison de Sophonie qui arrive de Babylone; vous prendrez l'or et l'argent, et vous ferez des couronnes, et vous les poserez sur la tête de Jésus, fils de Josédech, le grand prêtre, et vous lui direz : Voici ce que dit le Seigneur tout-puissant : Voilà l'homme, l'Orient est son nom. Il gouvernera en cette terre ; il élèvera la maison du Seigneur, et il prendra la force ; il se reposera et il dominera sur son trône, et le prêtre sera à sa droite, et il y aura entre eux un conseil de paix. » Or, le prophète grand prêtre, qui porte le nom de Jésus, me semble une image claire et un symbole fidèle de notre Sauveur Jésus-Christ, honoré qu'il est de son titre et chargé de ramener le peuple de la captivité de Babylone. Ainsi, Jésus-Christ notre Sauveur fut envoyé, suivant Isaïe, pour annoncer aux captifs leur délivrance, rendre la vue aux aveugles, consoler les affligés, et rendre à ceux qui pleurent Sion l'onction d'allégresse. Ces deux illustres grands prêtres, le christ de Moïse et Jésus, le fils de Josédech, offrent l'image de notre Sauveur et Seigneur Jésus-Christ. Aaron le christ de Moïse, qui délivra le peuple de la servitude et fut son guide à la liberté et dans les préparatifs de la sortie de l'Egyple, est un symbole fidèle du véritable Seigneur qui nous a délivrés, nous Gentils, des superstitions d'Egypte. Jésus, le grand prêtre, dont parle le prophète, guide des Juifs qui reviennent de la captivité, est l'image de Jésus notre Sauveur (Heb., IV, 14), notre grand- prêtre, qui a pénétré les cieux et qui nous délivre de la confusion et de la captivité de cette vie pour nous faire tendre à la cité céleste, la vraie Jérusalem. Pour plus de vérité, ce Jésus, image du vrai Jésus, portait des vêtements doublés, et l'ange de ténèbres se tenait à sa droite et lui résistait ; car notre véritable Sauveur et Seigneur Jésus, qui est descendu du ciel pour notre délivrance s'est revêtu de nos iniquités ; il a purifié l'homme de ses souillures, et a souffert les tourments de la passion par amour pour nous. Aussi Isaïe dit-il (Isaïe, LIII, 4), « Il porte nos iniquités, et il s'est chargé de nos douleurs, et nous avons cru qu'il était dans le travail, la souffrance et l'affliction. Il a été blessé à cause de nos péchés, et il a été brisé à cause de nos crimes. » Jean-Baptiste encore, en vovant le Seigneur, dit (Jean, I, 29) : « Voici l'agneau de Dieu qui efface les péchés du monde. » Paul aussi s'exprime d'une manière semblable, et dit (II Cor., V, 21) « A cause de nous, Dieu a traité celui qui ne connaissait pas le péché comme s'il eût été le péché même, afin qu'en lui nous devinssions justes de la justice de Dieu. » Et (Gal., III, 13) : « Le Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, s'étant rendu lui-même malédiction pour nous. » Quand la prophétie annonce ces événemenls, elle les indique en disant : « Jésus était couvert de vêtements souillés. » Cependant il dépouilla ces tristes vêtements, et retourna au ciel lorsqu'il abandonna le lieu de notre captivité, et alors il reçut le diadème de la divinité du Père, il revêtit le glorieux vêtement de la lumière du Père, et prit la tiare divine et les autres ornements du pontife. Il n'est pas difficile d'expliquer ce qui concerne le démon. Opposé aujourd'hui encore à la doctrine de Jésus, et à l'Eglise que notre maître a établie dans l'univers, cet esprit résiste à notre Sauveur, comme il l'? déjà fait dès le moment où ce charitable maître descendit pour nous délivrer de sa tyrannie. Le démon l'a assailli une première fois en sa vie, et une seconde par les pièges qu'il lui tendit en la passion. Mais après avoir dissipé ces frivoles attaques du démon et de ces invisibles phalanges qu'animaient la haine et l'inimitié, Jésus nous a fait passer de leur servitude à son service, et il nous a réunis comme des pierres vivantes pour élever la maison de Dieu et la société de la religion, de sorte que l'oracle céleste trouve son accomplissement en lui : « Voilà l'homme, l'Orient est son nom; il germera en cette terre, il élèvera la maison du Seigneur, el il prendra la puissance ; il se reposera et il dominera sur son trône. » Remarquez bien comment en parlant dans ses révélations de l'ancien Jésus, l'image du véritable, le prophète dit : « Voilà l'homme, l'Orient est son nom.» Plus bas il dit comme d'un autre Orient à ce Jésus qui était présent : « Ecoutez, ? grand prêtre Jésus, vous et ceux qui sont auprès de vous, parce que tous sont prophétiques : Voici que j'amène de l'Orient, mon serviteur.» Si donc la parole sainte concernait un autre envoyé de Dieu qui doit venir, et qui serait l'Orient, avec plus de vérité le fils de Josédech en fut donc l'image, puisqu'il fut appelé dans un sens mystérieux et Jésus et Orient; car c'est à lui que s'adressent ces mots : « Voici un homme, l'Orient est son nom. » Comme symbole, le pontife mérita le nom de Sauveur, de même que celui d'Orient. En effet, le nom de Jésus traduit en grec signifie salut de Dieu, car l'Isua des Hébreux signifie salut, et le fils de Navé fut nommé par ce peuple Josué ; or, Josué signifie salut de Juo, c'est-à-dire salut de Dieu. Toutes les fois donc que nos exemplaires grecs portent salut de Dieu, il faut se tenir assuré que l'hébreu ne met point d'autre mot que celui de Jésus.