[1,0] DENYS CATON (? ; Ier-IIe s. ap. J.-Chr.). DISTIQUES. LIVRE I. I. Si Dieu est un esprit, comme les chants nous le disent, vous devez, avant tout, l’adorer avec une âme pure. II. Veillez toujours le plus possible, et ne vous livrez point trop au sommeil; car trop de repos fournit des aliments aux vices. III. Sachez bien que la première des vertus est de retenir sa langue: nul n’approche plus de la Divinité que celui qui sait se taire à propos. IV. Ne soyez jamais en contradiction avec vous-même : qui n’est pas d’accord avec soi, ne peut l’être avec personne. V. Si vous examinez la vie et les mœurs des autres hommes, souvenez-vous, en les censurant, que personne n’est exempt de reproche. VI. Si cher qu’il vous soit, renoncez à tout ce qui peut vous nuire: il faut, dans l’occasion, préférer l’utilité aux richesses. VII. Montrez-vous sévère ou indulgent selon que le cas l’exige: le sage, sans crainte de blâme, adapte ses mœurs au temps. VIII. Ne croyez pas à la légère aux plaintes de votre épouse contre les serviteurs; car souvent une femme déteste celui que son mari aime. IX. Quand vous donnez des conseils à quelqu’un qui les repousse, s’il vous est cher, ne renoncez point à votre entreprise. X. N’entrez pas en lutte avec les grands parleurs : la parole est donnée à tous, la sagesse au petit nombre. XI. Aimez les autres, mais regardez-vous comme votre plus cher ami; et pour ne craindre aucun malheur, ne soyez bon qu’avec les bons. XII. Évitez les propos de crainte qu’on ne vous les impute : il n’y a point de danger à se taire, il peut y en avoir à parler. XIII. Ne faites espérer à personne ce qui, vous a été promis: la fidélité est d’autant plus rare que les promesses sont plus communes. XIV. Quand on vous loue, jugez vous-même à quel point vous le méritez : n’écoutez pas plus le témoignage d’autrui que celui de votre conscience. XV. N’oubliez pas de parler des services qu’on vous rend, mais gardez le silence sur ceux que vous avez rendus. XVI. S’il vous arrive, dans un âge avancé, de citer les actes et les paroles des uns et des autres, rappelez-vous bien ce que vous-même avez fait dans votre jeunesse XVII. Ne vous occupez point de ce qu’on dit à voix basse celui qui se sait en défaut croit toujours qu’on parle de lui. XVIII. Dans la prospérité, craignez les revers de fortune : la fin de la carrière ne répond pas toujours au début. XIX. La vie nous est accordée trop incertaine et trop frêle, pour que vous deviez mettre votre espoir en la mort d’autrui. XX. Quand un ami pauvre vous fait un petit présent, acceptez-le gracieusement, remerciez-le largement. XXI. La nature, en vous faisant naître nu, vous avertit de supporter patiemment le fardeau de la pauvreté. XXII. Ne redoutez point le moment où vous cesserez de vivre: craindre la mort, c’est déjà perdre la vie. XXIII. Si nulle amitié ne répond à vos bienfaits, n’en accusez pas la Divinité, et résignez-vous. XXIV. Pour vous mettre à l’abri du besoin, usez sagement de vos biens; pour conserver ce qu’on a, il faut toujours se figurer qu’on ne l’a pas. XXV. Ne promettez jamais deux fois ce que vous pouvez donner de suite, de peur d’être vaniteux en voulant paraître obligeant. XXVI. Quand quelqu’un vous déclare une amitié que son cœur dément, usez de la même feinte; ainsi l’artifice est déjoué par l’artifice. XXVII. Gardez-vous des discours trop flatteurs : c’est au doux son de l’appeau que l’oiseleur trompe l’oiseau. XXVIII. Si vous avez des enfants, et point de fortune, donnez-leur un état qui les mette à l’abri du besoin. XXIX. En regardant comme précieux ce qui est vil, et comme vil ce qui est précieux, vous deviendrez désintéressé, et personne ne vous taxera d’avarice. XXX. Gardez-vous des fautes que vous condamnez d’habitude: il est honteux pour un censeur d’être repris pour ce que lui-même a blâmé. XXXI. Ne demandez rien qui ne soit juste ou qui ne paraisse honnête; car c’est sottise que demander ce qui doit être refusé. XXXII. Gardez-vous de jamais sacrifier le connu à l’inconnu : on juge sûrement de ce que l’on connaît, on ne peut que juger au hasard de ce qu’on ne connaît pas. XXXIII. Puisque la vie est incertaine et semée de dangers inévitables, regardez comme une faveur chaque jour de travail. XXXIV. Sûr de vaincre, cédez parfois l’avantage à votre ami: la condescendance resserre les doux liens de l’amitié. XXXV. Faites, pour obtenir beaucoup, de légers sacrifices : c’est par les petits présents qu’on gagne les cœurs. XXXVI. Evitez toute dispute avec un ami : la colère engendre la haine, la concorde entretient l’amitié. XXXVII. Quand vos serviteurs vous auront irrité par leurs fautes, modérez-vous d’abord vous-même pour pouvoir ensuite leur pardonner. XXXVIII. Prêt à vaincre, triomphez quelquefois par la patience; car la patience fut toujours la première des vertus. XXXIX. Attachez-vous à conserver ce que vous avez acquis par le travail : quand le travail devient stérile, vient l’affreuse indigence. XL. Dans la prospérité, soyez libéral envers tous et dévoué à vos amis; mais soyez-vous toujours l’ami le plus fidèle